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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20130415

Dossier : T-1007-12

Référence : 2013 CF 379

[traduction FRANÇAISE certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 15 avril 2013

En présence de madame la juge Hansen

 

 

ENTRE :

 

CLAUDE A. ROCHON

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le TACRA) a rejeté la demande de réexamen du demandeur à l’égard d’une décision du Tribunal d’appel des anciens combattants (le TAAC), demande présentée au titre de l’article 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, c 18. Le demandeur demande le contrôle judiciaire de la décision du TACRA.

 

[2]               Le demandeur est un ancien membre des Forces canadiennes. Il a pris sa retraite en juin 1990 après environ neuf ans de service. En septembre 1985, il a été heurté par un véhicule, ce qui a causé une blessure à son genou gauche. Le demandeur soutient qu’au moment de l’accident, il faisait du jogging dans le cadre de son entraînement pour l’équipe de ski de fond de son unité. La blessure a été traitée au moyen de traitements de physiothérapie et de deux interventions chirurgicales. En 1989, le demandeur a reçu un diagnostic d’ostéo-arthrite au genou et subi une troisième intervention chirurgicale pour fusionner le genou.

 

[3]               La demande subséquente du demandeur à la Commission canadienne des pensions pour obtenir une pension militaire d’invalidité a été rejetée en mars 1993. Le demandeur a soutenu qu’au moment de l’accident, il exécutait un entraînement sportif obligatoire. La Commission a reconnu que la condition d’ostéo-arthrite du demandeur était attribuable à l’accident de voiture, mais elle a conclu que la blessure ne découlait pas de son service militaire et ne lui était pas directement liée. En juin et en novembre 1993, le comité d’examen et le TAAC, respectivement, en sont arrivés à la même conclusion.

 

[4]               En 2012, le demandeur a déposé auprès du TACRA, anciennement le TAAC, une demande de réexamen de la décision du TAAC fondée sur de nouveaux éléments de preuve. Le TACRA a appliqué le critère de l’arrêt Palmer, tel qu’il est énoncé dans la décision Mackay c Canada (Procureur général), 129 FTR 286, et a finalement refusé de réexaminer la décision du TAAC. Les éléments de preuve consistaient en deux lettres émanant d’anciens membres des Forces canadiennes, dans lesquelles étaient décrites les exigences d’entraînement physique, à l’époque de l’accident, en général et plus particulièrement concernant l’équipe de ski de fond. Parallèlement, le demandeur a déposé des lettres de deux médecins concernant le caractère approprié de l’intervention chirurgicale pour fusionner le genou. Ces deux dernières lettres des médecins seront examinées séparément.

 

[5]               En ce qui touche aux exigences d’entraînement, la première lettre émane du révérend Larry Greig, un officier de l’armée à la retraite qui était [traduction] « chargé de veiller à ce que [ses] troupes suivent les programmes d’entraînement physique, que ce soit un cours particulier ou de l’entraînement effectué dans leur temps libres ou après les heures de travail ». Dans sa lettre, il fait observer que les Forces canadiennes ont toujours eu un programme d’entraînement physique obligatoire organisé de telle sorte que le personnel puisse le suivre en dehors des heures de service ou après les heures normales de travail. Il fait aussi référence à deux programmes spécialement conçus pour qu’un membre puisse les suivre dans ses temps libres s’il ne peut pas s’adonner régulièrement à un programme de conditionnement physique à cause de ses fonctions.

 

[6]               Dans une deuxième lettre, M. Joe Soos, un ancien membre des Forces canadiennes, confirme que l’entraînement physique se fait le soir et le jour, selon les exigences de l’unité. Ainsi, tous les militaires sont tenus de faire de [traduction] « l’EP » au niveau de leur unité et de participer à un sport de leur choix. M. Soos fait observer qu’il était lui aussi membre de l’équipe de ski de fond à peu près au même moment que le demandeur et décrit, avec quelques détails, l’entraînement qu’il pouvait et devait faire en soirée en plus de [traduction] « l’entraînement de troupe ». L’entraînement comportait de la course et du ski sur piste à la Base et du conditionnement physique au gymnase de la Base.

 

[7]               À ce stade, il convient de noter qu’il n’est pas contesté que la norme de contrôle applicable à une décision du TACRA relative au réexamen est la décision raisonnable : Bullock c Canada (Procureur général), 2008 CF 1117.

 

[8]               Pour ce qui est du critère que le TACRA devrait appliquer à une demande de réexamen, le demandeur fait observer que le critère approprié est établi dans la décision Dubois c Canada (Commission de l’assurance-emploi), [1998] ACF no 768, un litige en matière d’assurance-emploi. Bien que la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Frye, 2005 CAF 264, ait qualifié la législation sur le régime de pension et celle de l’assurance‑emploi de « loi[s] conférant des avantages », cette affirmation a été faite dans le contexte d’une analyse concernant l’interprétation généreuse et libérale de la législation relative au bien-être social. On observe également que le principe général dans la décision Dubois ne va pas à l’encontre du critère de l’arrêt Palmer. Ainsi, on ne peut interpréter ce principe comme s’il supplantait le critère bien établi dans l’arrêt Palmer, avec ses modifications contextuelles appropriées qui reconnaissent l’interprétation libérale de la législation et les inférences qu’il y a lieu de tirer en faveur du demandeur à l’égard d’une demande de réexamen par le TACRA.

 

[9]               Pour ce qui est des lettres relatives aux exigences d’entraînement, le TACRA a appliqué le critère de l’arrêt Palmer et refusé d’admettre la preuve, aux motifs qu’elles ne constituaient pas une [traduction] « nouvelle » preuve au sens où elles auraient pu être présentées en 1993, qu’elles n’étaient [traduction] « pas crédibles pour les besoins de la pension » et qu’elles ne fournissaient pas de nouveaux éléments de preuve dont on pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’ils modifient le résultat de la décision antérieure.

[10]           Comme le demandeur n’avait donné aucune raison expliquant pourquoi il n’aurait pu présenter la preuve sur son entraînement à l’audience antérieure du TAAC, et compte tenu de la nature de l’information fournie dans les lettres, il n’était pas déraisonnable pour le TACRA de conclure que la preuve aurait pu être présentée plus tôt.

 

[11]           Le TACRA a aussi conclu que, bien que le contenu des lettres était pertinent quant à la question décisive en l’espèce, elles n’étaient pas crédibles, parce qu’elles ne corroboraient pas l’argument du demandeur selon lequel sa condition d’ostéo-arthrite était liée à son service. Plus particulièrement, les auteurs des lettres n’ont pas indiqué avoir été témoins de l’accident, ils n’ont aucunement confirmé que le demandeur participait à un entraînement physique autorisé au moment où il s’était blessé et ils n’ont fourni aucune information sur le programme d’entraînement de ski de fond du demandeur. Bien que l’utilisation du mot « crédibles » en relation avec les observations qui suivent soit mal inspirée, celles-ci portent à juste titre sur la question clé en l’espèce : peut-on raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve déjà produits, la preuve aurait modifié le résultat de la décision? À mon sens, le TACRA a raisonnablement conclu qu’elle ne l’aurait pas modifié. La nouvelle preuve donne des détails additionnels sur les exigences d’entraînement physique, mais elle ne présente rien de nouveau eu égard à la question décisive.

 

[12]           Dans ses observations, le demandeur soutient que, puisqu’il lui incombe simplement, aux termes de l’alinéa 21(3)a) de la Loi sur les pensions, LRC, 1985, c P-6, de démontrer que l’activité qui a donné lieu à son état était [traduction] « dans l’intérêt de son service militaire », il n’a pas à démontrer qu’il avait l’obligation ou l’autorisation d’exécuter l’activité. À mon sens, il s’agit là d’une tentative d’ajouter un motif de réexamen additionnel dont le TACRA n’avait pas été saisi. La demande de réexamen était fondée uniquement sur une nouvelle preuve, et non sur une erreur de fait ou de droit dans la décision précédente.

 

[13]           Eu égard aux lettres des deux médecins, dans sa demande de réexamen auprès du TACRA, le demandeur [traduction] « soutient que la nouvelle preuve présentée par [les médecins] devrait changer le résultat, parce qu’elle confirme que le demandeur souffre d’un problème de santé qui a entraîné une mauvaise gestion médicale de la part des médecins militaires au cours de son service dans l’armée ».

 

[14]           L’allégation de mauvaise gestion médicale n’a été avancée dans aucune des instances précédentes; il s’agit d’une toute nouvelle allégation pour laquelle une nouvelle demande aurait dû être déposée auprès du ministre, conformément au paragraphe 81(1) de la Loi sur les pensions. Il s’ensuit qu’en examinant la question, en faisant des constatations et en tirant des conclusions à partir de la preuve des deux médecins, le TACRA a clairement outrepassé sa compétence. Dans ces circonstances, la Cour conclut qu’aucune décision n’a été rendue par le TACRA pour l’application du paragraphe 85(1) de la Loi sur les pensions.

 

[15]           Pour les motifs précités, je conclus que la décision du TACRA était raisonnable et que la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Le défendeur n’a pas demandé de dépens.

 


JUGEMENT

            LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée sans frais.

 

 

 

« Dolores M. Hansen »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1007-12

 

INTITULÉ :                                      CLAUDE A. ROCHON       

 

                                                            - et -

 

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 2 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE HANSEN

 

DATE DES MOTIFS :                    

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael McCubbin

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Lisa Riddle

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

The Law Offices of Michael McCubbin

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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