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Date : 20130404

Dossier : T-1937-12

Référence : 2013 CF 337

Ottawa (Ontario), le 4 avril 2013

En présence de madame la juge Bédard 

 

ENTRE :

 

MARC-ANTOINE GAGNÉ

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

SA MAJESTÉ DU CHEF DU CANADA

 

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Je suis saisie d’une requête en appel, en vertu de la règle 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), d’une ordonnance rendue le 21 décembre 2012 par Me Richard Morneau, Protonotaire, au terme de laquelle il a ordonné la radiation, sans possibilité d’amendement, de la déclaration déposée par le demandeur ainsi que le rejet de l’action intentée par ce dernier.

 

[2]               L’appel a été entendu en même temps que l’appel logé à l’encontre de l’ordonnance rendue par Me Morneau dans le dossier T-1935-12 (Gagné c Sa Majesté du Chef du Canada), 2013 CF 331) et il doit subir le même sort.

 

I.          Contexte

[3]               Le demandeur est un ex-détenu qui a purgé une peine d’incarcération de deux ans. Le 17 octobre 2012, il a intenté contre la défenderesse une action en dommages pour un montant de 100 000 $. La déclaration se limite à 4 paragraphes qui se lisent comme suit :

                                                              i.      La réparation demandé [sic] est de l’ordre de : cent mille dollars, ce montant pouvant être revu à la baisse.

                                                            ii.      Le demandeur a été détenu au S.C.C. Durant son incarcération, il avait un accès très restreint à l’informatique, et aucun accès à Internet.

                                                          iii.      Nous soutenons qu’il s’agit là d’une violation d’un droit constitutionnel majeure [sic] (article 2 de la Charte)

                                                          iv.      Nous demandons donc cent mille dollars (100 000$).

 

 

[4]               La défenderesse a déposé une requête en radiation de la déclaration et en rejet de l’action intentée par le demandeur en vertu de la règle 221 des Règles, invoquant que la déclaration ne contenait aucun exposé de faits et ne révélait aucune cause d’action.

 

[5]               La défenderesse a déposé sa requête en vertu de la règle 369 des Règles, demandant à la Cour de traiter la requête sur la base de prétentions écrites.

 

[6]               Le demandeur a, pour sa part, demandé que la requête soit entendue dans le cadre d’une audition. Me Morneau a toutefois jugé qu’il pouvait trancher la requête sur la base des représentations écrites des parties et qu’il n’était pas nécessaire de fixer une audition. 

 

II.        L’ordonnance de Me Morneau

[7]               L’essentiel des motifs de l’ordonnance rendue par Me Morneau se retrouve dans l’extrait suivant :

            VU qu’une lecture des dossiers mentionnés précédemment ainsi qu’une lecture de la très courte déclaration d’action du demandeur amène cette Cour clairement aux mêmes conclusions d’analyse que la défenderesse à l’effet qu’il est évident que cette déclaration d’action ne révèle aucune cause valable d’action au sens de l’alinéa 221(1)a) des règles, et ce, pour les motifs que fait valoir la défenderesse dans ses représentations écrites jointes à son dossier de requête déposé le 6 décembre 2012, et plus particulièrement pour le résumé de la situation que fait valoir cette défenderesse au paragraphe 14 à 19 de ses représentations;

 

[…]

 

VU, en conséquence, qu’il est clair et évident que la déclaration d’action du demandeur ne relève aucune cause d’action valable au sens de l’alinéa 221(1)a) des règles de cette Cour et qu’elle mérite donc d’être radiée, et ce, sans possibilité d’amendement vu, tel que l’illustre une ordonnance émise ce même jour dans un autre dossier contemporain au présent dossier et impliquant le demandeur, que ce dernier même lorsqu’il élabore plus longuement n’arrive pas à énoncer et à se limiter à des faits matériels précis et pertinents;

 

 

III.       Question en litige

[8]               La présente requête soulève une seule véritable question : l’ordonnance rendue par Me Morneau est-elle entachée d’une erreur qui justifie l’intervention de la Cour?

 

IV.       La norme de contrôle

[9]               J’estime, pour les mêmes motifs que ceux émis aux paragraphes 9 à 11 du jugement rendu dans l’affaire T-1935-12 (le jugement est joint en annexe au présent jugement pour simplifier la référence), que je dois exercer mon propre pouvoir discrétionnaire et trancher la requête en radiation de novo.

 

V.        Les prétentions des parties

[10]           Le demandeur reproche à Me Morneau de ne pas lui avoir donné l’occasion de présenter sa défense dans le cadre d’une audition. Il soutient également que sa déclaration est suffisante et que la défenderesse y a d’ailleurs répondu en reconnaissant qu’il n’avait pas accès à internet durant sa sentence, tout en justifiant cette interdiction par l’ordonnance de probation émise par le juge au terme de laquelle il lui est interdit d’avoir accès à internet pour une durée de 3 ans suivant son incarcération. Le demandeur soutient également que sa déclaration est suffisante parce qu’il ne s’agit pas d’un recours traditionnel en responsabilité, mais plutôt un recours fondé sur la Charte canadienne des droits et libertés

 

[11]           La défenderesse soutient, pour sa part, essentiellement que l’appel du demandeur est sans fondement puisque la déclaration est dénuée de tout fondement factuel.  

 

VI.       Analyse

[12]           Le demandeur formule plusieurs reproches à l’endroit de Me Morneau, notamment de ne pas avoir convoqué une audience pour lui permettre de faire valoir ses arguments oralement.

 

[13]           Tout comme je l’ai exprimé dans le dossier T-1935-12, j’estime que ce reproche est sans fondement. La règle 369(4) des Règles prévoit que, lorsque la partie intimée à une requête demande une audition, il appartient à la Cour de déterminer si la requête peut être tranchée sur la base des représentations écrites ou s’il est opportun de fixer une audition. Dans Jones v Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 279, 272 DLR (4th) 274, la Cour d’appel a traité de la discrétion dont dispose la Cour pour déterminer s’il est justifié de fixer une audition lorsque la partie intimée à une requête déposée en vertu de la règle 369 demande une audience :

12        Je ne suis pas de cet avis. L'article 369 des Règles n'impose aucune restriction explicite au pouvoir discrétionnaire de la Cour de statuer sur une requête après une audience ou sur la base de prétentions écrites. Ni le libellé de cette disposition ni la jurisprudence n'empêchent que les requêtes visant à faire rejeter un appel soient tranchées sur la base de prétentions écrites. En fait, la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire en se demandant si, dans les circonstances d'une affaire donnée, elle peut disposer de la requête de manière équitable sans le coût additionnel d'une audience et le retard qu'elle entraîne.

 

13        Les questions en litige en l'espèce sont purement juridiques et, à mon avis, ne sont pas excessivement complexes. Aucun des facteurs qui, selon le protonotaire Hargrave dans la décision Karlsson c. Canada (Ministre du Revenu national) (1995), 97 F.T.R. 75, au paragraphe 10, justifient la tenue d'une audience n'existe en l'espèce.

 

 

[14]           En l’espèce, il était tout à fait approprié de la part de Me Morneau de trancher la requête en radiation sur la base de représentations écrites des parties. Au surplus et comme je l’ai indiqué dans le dossier T‑1935-12, le demandeur a eu l’occasion de présenter ses arguments oralement lors de l’audition de sa requête en appel de l’ordonnance de Me Morneau.

 

[15]           Quant à la question de fond, j’ai eu récemment à me pencher sur les critères applicables aux fins de trancher une requête en radiation d’acte de procédure et d’action dans Lewis c Canada, 2012 CF 1514 (disponible sur CanLII), et je renvoie aux paragraphes 17 et 18 du jugement rendu dans le dossier T-1935-12 pour l’énoncé des principes applicables.

 

[16]           J’estime en l’espèce que l’action intentée par le demandeur n’a aucune chance de succès et j’endosse les propos de Me Morneau. La déclaration est tout simplement dénuée de tout fondement factuel. Il n’est pas suffisant pour le demandeur d’alléguer qu’il a eu un accès limité à l’informatique et qu’il a été privé d’accès internet durant son incarcération et d’affirmer qu’il « s’agit là d’une violation d’un droit constitutionnel majeure [sic] (article 2 de la Charte) ». Le demandeur n’indique aucunement en quoi le fait d’avoir eu un accès informatique limité et d’avoir été privé d’un accès internet a constitué une violation de ses droits fondamentaux.

 

[17]           Même si le demandeur prétend que son recours est fondé sur la Charte canadienne des droits et libertés, il doit, dans sa déclaration, plaider les faits pertinents au soutien de ses allégations. Cette exigence est d’ailleurs clairement établie à la règle 174 des Règles, qui exige qu’un acte de procédure contienne un exposé concis des faits substantiels. La déclaration est loin de respecter cette exigence.

 

[18]           De plus, la très courte déclaration déposée par le demandeur contient trop peu de faits pour permettre à la Cour de gérer l’affaire et permettre à la défenderesse d’assurer sa défense (Baird c Canada, 2006 CF 205 aux para 8-12, 146 ACWS (3d) 445; Jones c Kemball, 2012 FC 27 aux para 5 et 14 (disponible sur CanLII)).

 

[19]           Compte tenu des circonstances, je ne vois pas comment le demandeur pourrait corriger les lacunes de sa déclaration par un amendement. Je partage l’opinion de Me Morneau qu’il n’y avait pas lieu de permettre au demandeur d’amender sa déclaration.

 

[20]           Pour tous ces motifs, l’appel est rejeté.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la requête en appel de l’ordonnance rendue par le protonotaire Morneau le 21 décembre 2012 est rejetée avec dépens en faveur de la défenderesse.

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1937-12

 

INTITULÉ :                                      MARC-ANTOINE GAGNÉ c SA MAJESTÉ DU CHEF DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             28 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                     3 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Marc-Antoine Gagné

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Me Nicholas R. Banks

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

                       


ANNEXE

 

 

 

Date : 20130403

Dossier : T-1935-12

Référence : 2013 CF 331

Ottawa (Ontario), le 3 avril 2013

En présence de madame la juge Bédard 

 

ENTRE :

 

MARC-ANTOINE GAGNÉ

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

SA MAJESTÉ DU CHEF DU CANADA

 

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[21]           Je suis saisie d’une requête en appel, en vertu de la règle 51 des Règles des cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), d’une ordonnance rendue le 21 décembre 2012 par Me Richard Morneau, Protonotaire, au terme de laquelle il a ordonné la radiation, sans possibilité d’amendement, de la déclaration déposée par le demandeur ainsi que le rejet de l’action intentée par ce dernier.

 

I.          Contexte

[22]           Le demandeur est un ex-détenu qui a purgé une peine d’incarcération de deux ans. Le 17 octobre 2012, il a intenté contre la défenderesse une action en dommages-intérêts pour un montant de 5 000 000 $. La déclaration fait état de diverses décisions prises à l’endroit du demandeur, alors qu’il était incarcéré, et pour lesquelles il réclame divers dommages. Les allégués de la déclaration peuvent se résumer comme suit : 

a.       Le demandeur soutient qu’on lui a attribué une cote de sécurité moyenne alors qu’on aurait dû lui attribuer une cote de sécurité minimale; il demande une réparation de 48 600 $;

b.      Le demandeur allègue qu’une libération conditionnelle lui a été refusée alors qu’elle aurait dû lui être accordée; il demande une réparation de 24 300 $;

c.       Le demandeur allègue que la CNLC (nous présumons que le demandeur renvoie à la Commission des libérations conditionnelles du Canada) « n’est pas un véritable tribunal administratif comme il se devrait »; il demande une réparation de 100 000 $;

d.      Le demandeur allègue que la CNLC lui a imposé une condition d’assignation à résidence; il demande une réparation de 124 300 $;

e.       Le demandeur déclare qu’un événement fâcheux est survenu au cours duquel sa liberté a été compromise sur la base de ouï-dire non corroboré et que durant la procédure d’habeas corpus, des documents lui ont été cachés malgré une ordonnance de divulgation. Le demandeur ajoute qu’une entente hors cour est survenue, mais que la défenderesse ne l’a pas respectée; il demande une réparation de 2 060 000 $ pour entrave à la justice et pour avoir passé les fêtes détenu sans motifs valables;

f.       Le demandeur soutient que la Cour fédérale lui a donné gain de cause mais que la défenderesse a désobéi au jugement; il demande une réparation de 1 000 000 $;

g.      Le demandeur allègue qu’en représailles pour avoir eu gain de cause, Yves Michaud, agent de la défenderesse, l’a intimidé et l’a fait emprisonner arbitrairement; il demande une réparation de 1 015 000 $ ainsi qu’une ordonnance enjoignant à la défenderesse d’« assister le demandeur à obtenir une condamnation criminelle contre M. Michaud »;

h.      Le demandeur allègue que, durant son incarcération, le « BEC, malgré son rôle de "policier" auprès du SCC, resta non-chalent [sic], et alla même jusqu’à jeter de l’huile sur le feu »; il demande une réparation de 100 000$ et l’abolition de l’organisme;

i.        Le demandeur allègue que durant son incarcération, il n’a jamais eu accès à un « véritable système de plaintes et griefs efficace et expéditif sans craintes de représailles, comme l’exige la Loi »; il demande une réparation de 500 000 $ et l’abolition du système de grief actuel;

j.        Le demandeur allègue que durant toute son incarcération, il a été victime de discrimination sur la base de son âge, de son sexe et de sa race; il demande une réparation de 300 000 $. 

 

[23]           La défenderesse a déposé une requête en radiation de la déclaration et en rejet de l’action intentée par le demandeur en vertu de la règle 221 des Règles, invoquant que la déclaration ne révélait aucune cause d’action, qu’elle n’était pas pertinente, qu’elle était scandaleuse, frivole et vexatoire et qu’elle constituait un abus de procédure.

 

[24]           La défenderesse a déposé sa requête en vertu de la règle 369 des Règles, demandant à la Cour de traiter la requête sur la base de prétentions écrites.

 

[25]           Dans son dossier de réponse à la requête en radiation, le demandeur a demandé que la requête soit entendue dans le cadre d’une audition « compte tenu de la gravité du remède recherché ». Me Morneau a toutefois jugé qu’il pouvait trancher la requête sur la base des représentations écrites des parties et qu’il n’était pas nécessaire de fixer une audition. 

 

II.        L’ordonnance de Me Morneau

[26]           L’essentiel des motifs de l’ordonnance rendue par Me Morneau se retrouve dans l’extrait suivant :

VU qu’une lecture des dossiers mentionnés précédemment ainsi qu’une lecture de la déclaration d’action du demandeur amène cette Cour clairement aux mêmes conclusions d’analyse que la défenderesse et plus spécialement aux conclusions suivantes que fait valoir la défenderesse aux paragraphes 1 à 3 de ses représentations écrites, et ce, même si le demandeur se représente seul puisque ce dernier n’en n’est pas à ses premières démarches devant cette Cour :

 

                                                              i.      La déclaration du demandeur n’est qu’un montage d’assertions et d’allégations complètement vide de sens et de faits matériels pour supporter un recours en responsabilité civile contre la défenderesse.

 

                                                            ii.      Le caractère décousu des allégations en cause, et de leur pauvreté en détails, imposent à la défenderesse un fardeau insurmontable, et requiert de la Cour le plus grand exercice de devinette quant à la nature des fautes reprochées à la défenderesse, quant à la nature des dommages allégués, et quant au lien de causalité entre les deux.

 

                                                          iii.      Bref, la déclaration est totalement viciée et même avec une lecture la plus magnanime possible, l’action du demandeur ne relève aucune cause raisonnable d’action en réparation d’un dommage. Cette action devrait être rejetée pour les motifs énoncés à la Règle 221 (1)a)b)c)f) des Règles des cours fédérales sans possibilité d’amendements.    

 

            VU que les propos de la Cour d’appel du Québec que cite la défenderesse au paragraphe 16 de sa réplique déposée le 18 décembre 2012 s’applique malheureusement au demandeur (voir également les propos tenus récemment par notre Cour dans l’arrêt Tew v Canada, 2012 FC 1478, aux paragraphes 8 et ss);

 

VU, en conséquence, qu’il est clair et évident que la déclaration d’action du demandeur ne révèle aucune cause d’action valable, est scandaleuse, frivole, vexatoire et constitue un abus de procédure au sens des alinéas 221(1)a), b) c) et f) des règles et qu’elle mérite d’être radiée sans possibilité d’amendement;

 

 

[27]           Il est à noter que dans son dossier de réponse à la requête en radiation, le demandeur a soutenu que sa déclaration ne devrait pas être radiée. Au paragraphe 29 de ses prétentions écrites, il a par ailleurs soulevé, à titre subsidiaire, la question suivante : « Si la déclaration s’avérait viciée, y aurait-il un remède moins draconien que le rejet de l’action ? ». Le demandeur n’a toutefois pas indiqué de quelle façon il pourrait corriger les lacunes de sa déclaration ni produit de projet de déclaration amendée.

 

III.       Question en litige

[28]           La présente requête soulève une seule véritable question : l’ordonnance rendue par Me Morneau est-elle entachée d’une erreur qui justifie l’intervention de la Cour?

 

IV.       La norme de contrôle

[29]          Dans Merck & Co Inc c Apotex Inc, 2003 CAF 488 aux para 17-19, [2004] 2 RCF 459, la Cour d’appel fédérale a précisé que la norme de contrôle applicable à l’égard des ordonnances discrétionnaires des protonotaires était la suivante :

17        Dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investment Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), la Cour énonce dans les termes suivants la norme de contrôle applicable aux ordonnances discrétionnaires des protonotaires :

 

[...]

 

Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.

 

[juge MacGuigan, aux pages 462 et 463]

 

[Je souligne.]

 

 

[…]

 

19        […] J'énoncerais le critère comme suit :

 

Le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

 

a) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du

principal,

 

b) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits.

 

[30]           Avant d’appliquer ces critères, il convient de déterminer si l’ordonnance rendue par Me Morneau en était une qui relevait de son pouvoir discrétionnaire. Dans Apotex Inc c Canada (Gouverneur en conseil), 2007 CAF 374 au para 15, 370 NR 336, la Cour d’appel fédérale a énoncé qu’une décision qui accueille ou rejette une requête en radiation est une décision de nature discrétionnaire. Bien que dans cette affaire la requête en radiation avait été tranchée par un juge, le même principe s’applique lorsque la requête a été tranchée par un protonotaire (Aviation Portneuf Ltée c Canada (Procureur général), 2001 CFPI 1299 aux para 17-18, 115 ACWS (3d) 64).

 

[31]           Comme l’ordonnance discrétionnaire de Me Morneau a mis un terme final à l’action intentée par le demandeur, il est clair que son ordonnance portait sur une question « ayant une influence déterminante sur l’issue du principal » et que dès lors, je dois exercer mon propre pouvoir discrétionnaire et trancher la requête de novo.

 

V.        Prétentions des parties

A.        Prétentions du demandeur

[32]           Au soutien de son appel, le demandeur invoque les arguments suivants :

a.       Il reproche à Me Morneau de ne pas avoir tenu une audience et de ne pas lui avoir accordé une occasion juste et équitable de se faire entendre;

b.      Il soutient que si la déclaration manquait de précision, le protonotaire aurait dû rendre une ordonnance en vertu de la règle 181(2) et non rejeter l’action;

c.       Il soutient qu’il devrait avoir « minimalement une opportunité de corriger sa déclaration, si la cour devait la juger défficiente [sic] au plus haut point ». Le demandeur a d’ailleurs joint un projet de déclaration amendée en annexe de sa requête en appel;

d.      Le protonotaire aurait dû prendre en considération que l’action intentée est une action fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés selon l’arrêt Vancouver (Ville) c Ward, 2010 CSC 27, [2010] 2 RCS 28, et non une action classique, et que, dès lors, les critères de la responsabilité civile tels que la faute et la causalité ne s’appliquent pas. Le demandeur ajoute que le préjudice est l’atteinte aux droits protégés par la Charte et que sa seule obligation est de prouver « qu’il y a eu violation de droits garantis par la Charte. »

 

B.        Prétentions du défendeur

[33]           Le défendeur soutient essentiellement que l’appel du demandeur est sans fondement puisque, bien que le défendeur soutienne avoir intenté une action fondée sur la Charte, il doit justifier son action par des faits. Or, le demandeur n’a présenté aucun fait pour justifier son action.

 

VI.       Analyse

[34]           Le demandeur formule plusieurs reproches à l’endroit de Me Morneau, notamment de ne pas avoir convoqué une audition pour lui permettre de faire valoir ses arguments oralement.

 

[35]           Ce reproche est sans fondement. L’alinéa (4) de la règle 369 des Règles prévoit que, lorsque la partie intimée à une requête demande une audition, la Cour peut statuer sur la requête par écrit ou fixer une date pour l’audition de la requête. Dans Jones c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 FCA 279, 272 DLR (4th) 274, la Cour d’appel a traité de la discrétion dont dispose la Cour pour déterminer s’il est justifié de fixer une audience lorsque la partie intimée à une requête déposée en vertu de la règle 369 demande une audition :

12        Je ne suis pas de cet avis. L'article 369 des Règles n'impose aucune restriction explicite au pouvoir discrétionnaire de la Cour de statuer sur une requête après une audience ou sur la base de prétentions écrites. Ni le libellé de cette disposition ni la jurisprudence n'empêchent que les requêtes visant à faire rejeter un appel soient tranchées sur la base de prétentions écrites. En fait, la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire en se demandant si, dans les circonstances d'une affaire donnée, elle peut disposer de la requête de manière équitable sans le coût additionnel d'une audience et le retard qu'elle entraîne.

 

13        Les questions en litige en l'espèce sont purement juridiques et, à mon avis, ne sont pas excessivement complexes. Aucun des facteurs qui, selon le protonotaire Hargrave dans la décision Karlsson c. Canada (Ministre du Revenu national) (1995), 97 F.T.R. 75, au paragraphe 10, justifient la tenue d'une audience n'existe en l'espèce.

 

[36]           En l’espèce, j’estime qu’il était tout à fait approprié de la part de Me Morneau de trancher la requête en radiation sur la base de représentations écrites des parties. À tout événement, le demandeur a eu l’occasion de présenter ses arguments oralement lors de l’audition de sa requête en appel de l’ordonnance de Me Morneau.

 

[37]           Quant à la question de fond, j’ai eu récemment à me pencher sur les critères applicables aux fins de trancher une requête en radiation de procédure et d’action dans Lewis c Canada, 2012 CF 1514 (disponible sur CanLII), et je me permets de citer le passage suivant où j’ai repris les principaux principes applicables :

8          Le paragraphe 221(1) des Règles prévoit que la Cour peut radier un acte de procédure s'il "ne révèle aucune cause d'action [...] valable". Le critère rigoureux à remplir en l'occurrence consiste à déterminer si, compte tenu des faits plaidés, il est "évident et manifeste" que l'action ne révèle aucune cause d'action valable. Ce critère a été entériné par la Cour suprême dans l'arrêt R c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, par 17, [2011] 3 RCS 45, où la juge McLachlin insiste sur le fait que "la demande doit n'avoir aucune possibilité raisonnable d'être accueillie. Sinon, il faut lui laisser suivre son cours".

 

9          Au paragraphe 22, la Cour souligne également que le demandeur doit clairement plaider les faits sur lesquels il appuie sa demande :

 

[...] Il incombe au demandeur de plaider clairement les faits sur lesquels il fonde sa demande. Un demandeur ne peut compter sur la possibilité que de nouveaux faits apparaissent au fur et à mesure que l'instruction progresse. Il peut arriver que le demandeur ne soit pas en mesure de prouver les faits plaidés au moment de la requête. Il peut seulement espérer qu'il sera en mesure de les prouver. Il doit cependant les plaider. Les faits allégués sont le fondement solide en fonction duquel doit être évaluée la possibilité que la demande soit accueillie. S'ils ne sont pas allégués, l'exercice ne peut pas être exécuté adéquatement.

 

10        Il est également bien établi que la Cour doit interpréter l'acte de procédure de manière généreuse, en restant conciliante à l'égard des lacunes de rédaction (Brazeau c Canada (Procureur général), 2012 CF 648, au paragraphe 15 (disponible sur QL) [Brazeau], Jones c Kemball, 2012 CF 27, au paragraphe 4 (disponible sur CanLII)). Cependant, cela ne dispense pas le demandeur de plaider les faits importants sur lesquels la demande est fondée. Il ne suffit pas d'avancer de simples affirmations ou conclusions.

 

11        Dans la décision Brazeau, au paragraphe 15, la juge Snider résumait ainsi cette exigence :

 

[TRADUCTION] La jurisprudence établit aussi qu'une déclaration contenant de simples affirmations, mais ne faisant état d'aucun fait susceptible de les étayer, ne révèle aucune cause d'action (Vojic c Canada (MRN), [1987] 2 CTC 203, [1987] A.C.F. no 811 (CA)). De plus, la conclusion de droit qui n'est pas appuyée par les faits requis est viciée et peut être radiée au motif qu'elle constitue un abus de procédure (Sauve c Canada, 2011 CF 1074 au paragraphe 21, [2011] A.C.F. no 1321).

 

[38]           À mon avis, même en faisant une lecture généreuse de la déclaration, l’action intentée par le demandeur n’a aucune chance de succès et j’endosse les propos émis par Me Morneau dans son ordonnance. J’ajouterais que la déclaration est composée d’une série d’allégations et de conclusions qui ne sont aucunement supportées par des faits. De plus, elle contient des allégations qui sont vagues, laconiques et imprécises. Au surplus, certaines réclamations visent le Service correctionnel du Canada, d’autre la Commission des libérations conditionnelles du Canada, et d’autres, des personnes non déterminées. Que le recours intenté soit fondé sur la Charte canadienne des droits et libertés ou sur des délits commis par des représentants de la défenderesse, le demandeur a l’obligation, dans sa déclaration, de plaider les faits pertinents au soutien de ses allégations, ce qu’il n’a pas fait. Cette exigence est clairement établie à la règle 174 des Règles qui exige qu’un acte de procédure contienne un exposé concis des faits substantiels.

 

[39]           Outre que la déclaration ne respecte pas les exigences de la règle 174, je suis également d’avis qu’elle contient trop peu de faits pour permettre à la Cour de gérer l’affaire et pour permettre à la défenderesse d’assurer sa défense (Baird c Canada, 2006 CF 205 aux para 8-12, 146 ACWS (3d) 445; Jones c Kemball, 2012 CF 27 aux para 5 et 14 (disponible sur CanLII)).  

 

[40]           En somme, je considère que la déclaration ne contient pas de faits qui, s’ils étaient prouvés, permettraient de conclure que les droits fondamentaux du demandeur ont été violés ou que des délits ont été commis et qui justifieraient les mesures de réparations recherchées.

 

[41]           Le demandeur devrait-il par ailleurs être autorisé à amender sa déclaration pour y corriger les déficiences? Dans Simon c Canada, 2011 CAF 6, aux para 8, 14-15, 410 NR 374, la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur les circonstances justifiant qu’une partie soit autorisée à amender une procédure jugée défaillante pour éviter son rejet pur et simple :

8          Les requêtes en radiation sont régies par l'article 221 des Règles des Cours fédérales, lequel prévoit qu'un acte de procédure peut être radié avec ou sans autorisation de le modifier. Pour qu'une telle requête soit accueillie, il doit être évident et manifeste ou hors de tout doute raisonnable que l'action n'a aucune chance d'être accueillie. Voir : Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, aux paragraphes 30 à 33. J'ajouterais que pour être radiée sans autorisation d'être modifiée, la déclaration doit comporter un vice qui ne peut être corrigé par une modification. Voir l'arrêt Minnes c. Minnes (1962), 39 W.W.R. 112 (C.A. C.-B.), cité par la Cour suprême dans Hunt c. Carey Canada Inc., au paragraphe 28; et l'arrêt Ross c. Scottish Union and National Insurance Co. (1920), 47 O.L.R. 308 (C.A.), cité par la Cour suprême dans Hunt Carey Canada Inc., aux paragraphes 23 et 24.

 

[…]

 

14        Après avoir ordonné la radiation d'un acte de procédure, le tribunal doit déterminer si ledit acte sera radié avec ou sans autorisation de le modifier conformément à l'article 221.

 

15        Il n'est pas évident et manifeste que si elle est modifiée, la déclaration de M. Simon selon laquelle l'Agence du revenu du Canada a commis une erreur dans sa façon de traiter l'argent auquel il avait autrement droit ne révélerait pas une cause d'action valable. Par conséquent, la Cour fédérale a commis une erreur en ordonnant la radiation de la déclaration sans autorisation de la modifier.

 

[Je souligne]

 

[Voir également Collins c Canada, 2011 CAF 140, 418 NR 23.]

 

[42]           En l’espèce, j’estime que le protonotaire Morneau a eu raison de radier la déclaration et l’action du demandeur sans lui donner la possibilité d’amender sa déclaration puisque celle-ci, qui comprend un nombre important d’allégations et de conclusions, comporte des lacunes trop nombreuses et importantes pour être corrigées par un amendement. De plus, et tel que mentionné précédemment, le demandeur n’a pas produit un projet de déclaration amendée au soutien de sa réponse à la requête en rejet d’action ni indiqué en quoi il pouvait modifier sa déclaration pour y corriger les lacunes.

 

[43]           Le demandeur a toutefois déposé, en annexe à sa requête en appel, une déclaration amendée. Je dois donc déterminer si je dois tenir compte de ce projet de déclaration amendée déposé dans le cadre du présent appel.

 

[44]           Il est de jurisprudence constante que seule la preuve qui a été présentée au protonotaire est admissible dans le cadre d’un appel de novo d’une décision d’un protonotaire. Le jugement de principe en la matière est James River Corp of Virginia c Hallmark Cards, Inc (1997), 126 FTR 1, 69 ACWS (3d) 424 [James River Corp], où le juge Reed écrit aux paragraphes 31 à 33 :

Si je comprends bien l'explication de l'avocat, le protonotaire adjoint a refusé de prononcer l'ordonnance demandée parce qu'aucun élément de preuve approprié ne lui a été présenté afin d'établir que la poursuite américaine existe réellement et que celle-ci est parallèle à la présente affaire. De même, aucune preuve montrant que la documentation souhaitée était pertinente quant à la présente instance n'a été soumise. Cette décision du protonotaire adjoint n'est pas contestée. L'avocat de la demanderesse a tenté de déposer auprès de la Cour un affidavit visant à fournir la preuve manquante. Il affirme que l'appel de la décision d'un protonotaire devant un juge constitue une nouvelle instance et que, par conséquent, j'étais en droit d'accepter cette preuve par affidavit et de rendre la décision que le protonotaire adjoint aurait rendue si la preuve en question lui avait été soumise.

 

À mon avis, ce n'est pas là le rôle du juge siégeant en appel de l'ordonnance d'un protonotaire. En effet, quelle que soit la différence, s'il en est, entre l'interprétation du juge en chef à la page 454 de l'arrêt Canada c. Aqua-Gem, précité, et celle de l'opinion majoritaire à la page 463, c'est à cette dernière qu'il faut s'en remettre. Il en ressort clairement que le juge doit exercer son pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début en fonction des éléments de preuve présentés au protonotaire, et non tenir une nouvelle audience fondée sur de nouveaux éléments de preuve.

 

L'avocat de la défenderesse signale que l'appel d'une ordonnance rendue par le protonotaire doit, suivant les Règles de la Cour fédérale, être introduit par une "demande" (règle 336(5)), et que toute demande à la Cour est faite par voie de requête (règle 319(1)). La requête débute par un avis de requête, non un avis d'appel, et doit être appuyée par un affidavit certifiant "tous les faits sur lesquels se fonde la requête sauf ceux qui ressortent du dossier" (règle 319(2)). Malgré cette apparente ambiguïté dans les Règles de la Cour fédérale, le processus qui y est établi consiste selon moi, comme je l'ai mentionné plus haut, en un appel fondé sur la preuve déposée devant le protonotaire, ce qui est compatible avec les décisions Woods Canada Ltd. c. Harvey Woods Inc. (30 novembre 1994), A.C.F. no 1795, et Symbol Yachts Ltd. c. Pearson, [1996] 2 C.F. 391, 107 F.T.R. 295. Dans certaines situations, de nouvelles preuves peuvent évidemment être prises en considération - voir la règle 1102 des Règles de la Cour fédérale et la jurisprudence portant sur celle-ci - mais ce n'est pas le cas en l'espèce.

 

[Je souligne.]

 

[45]           Dans Carten v Canada, 2010 FC 857 aux para 19, 23-24 (disponible sur CanLII) (disponible en anglais seulement), le juge Gauthier a cité l’affaire James River Corp, précitée, et précisé dans quelles circonstances une nouvelle preuve peut être prise en considération :

I must next deal with the defendant's objection to the filing of new evidence. As mentioned earlier, the plaintiffs filed new evidence15 which according to them proves that the misconduct of the defendants is ongoing, torturous, conspirational and criminal and speaks to matters that are pertinent to the jurisdiction of the Court. According to Mr. Carten's representations at the hearing, most of this information came into his possession or deals with events that took place after the date set up by Prothonotary Lafrenière for the filing of his evidence.

 

[…]

 

Generally, an appeal of a Prothonotary's Order is to be decided based on what was before that decision maker; no new evidence is admitted; James River Corporation v. Hallmark Cards Inc. (1997) 72 C.P.R. (3d) 157 (F.C.T.D.). Exceptionally, new evidence may be admissible in circumstances where: it could not have been made available earlier; it will serve the interests of justice; it will assist the Court; and it will not seriously prejudice the other side (Mazhero v. Canada (Insutrial Relations Board) (2002) 292 N.R. 187 (F.C.A.); Graham v. Canada, 2007 FC 210 at para. 12; Sanbiford v. Canada, 2007 FC 225).

 

As mentioned, I reviewed the new evidence to assess whether it could have any impact whatsoever on the merits of this appeal. I have concluded that it does not. I am thus persuaded that it is not in the interests of justice and would not assist the Court to admit any of this evidence at this stage. This is not one of the exceptional cases referred to above.

 

[Je souligne]

 

[Voir aussi Hung c Canada (Procureur général), 167 ACWS (3d) 435 au para 10 (disponible sur QL); Shaw v Canada, 2010 FC 577 aux para 8-9 (disponible sur CanLII); Apotex Inc c Wellcome Foundation Ltd, 2003 CF 1229 au para 10, 241 FTR 174; Galarneau c Canada (Procureur général), 2005 CF 39 au para 18, 306 FTR 1]

 

[46]           Bien qu’en l’espèce le demandeur ne cherche pas à introduire de nouvelle preuve mais propose plutôt d’amender sa déclaration initiale, j’estime que les principes dégagés à l’égard de l’introduction d’une preuve additionnelle peuvent trouver application. Le juge saisi d’un appel d’une décision d’un protonotaire doit exercer sa discrétion à la lumière du dossier tel qu’il était constitué devant le protonotaire. L’appel ne doit pas servir d’occasion pour une partie de bonifier son dossier et je ne retrouve pas, en l’espèce, les éléments qui justifieraient de faire exception à la règle.

 

[47]           Premièrement, le demandeur n’a pas allégué avoir été dans l’impossibilité de présenter sa déclaration amendée dans le cadre de la réponse qu’il a déposée à l’encontre de la requête en radiation. Deuxièmement, je ne crois pas qu’il soit dans l’intérêt de la justice de considérer cette déclaration amendée puisque, de toute façon, elle ne corrige pas de façon adéquate les nombreuses lacunes de la déclaration initiale déposée par le demandeur. La déclaration amendée est essentiellement entachée des mêmes vices que la déclaration initiale. Le demandeur y fournit quelques informations supplémentaires concernant notamment son placement dans un établissement à sécurité moyenne, le refus initial de sa demande de sortie durant les fêtes, le refus de sa demande de libération conditionnelle, son assignation à résidence et la non-divulgation de documents relatifs à sa suspension. Cependant, la déclaration amendée est tout aussi décousue que la première, il est toujours impossible de déterminer à qui s’adressent certaines des réclamations, et la déclaration dans son ensemble manque de détails factuels pour soutenir les allégations et les conclusions qu’elle contient.

 

[48]           Pour tous ces motifs, l’appel est rejeté.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la requête en appel de l’ordonnance rendue par le protonotaire Morneau le 21 décembre 2012 est rejetée avec dépens en faveur de la défenderesse.

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1935-12

 

INTITULÉ :                                      MARC-ANTOINE GAGNÉ c SA MAJESTÉ DU CHEF DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             28 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                     3 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Marc-Antoine Gagné

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Me Nicholas R. Banks

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

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