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Dossier : 20130405

Dossier : IMM-8086-12

Référence : 2013 CF 345

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 avril 2013

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

 

ENSHAALLAH ZENDEH PIL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Enshaallah Zendeh Pil demande le contrôle judiciaire d’un examen des risques avant renvoi [ERAR] selon lequel il ne serait pas en danger en Iran. M. Pil affirme que les conclusions de l’agent quant à l’insuffisance des éléments de preuve établissant le risque étaient, en réalité, des conclusions sur la crédibilité déguisées. Il estime donc avoir été traité inéquitablement parce que l’agent a tiré ces conclusions sans lui avoir d’abord accordé une entrevue. M. Pil soutient également que l’agent d’ERAR a commis une erreur en faisant abstraction de la preuve.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, M. Pil ne m’a pas convaincue que l’agent d’ERAR a commis l’erreur reprochée. En conséquence, sa demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Contexte

[3]               Pour mettre en contexte les questions soulevées par M. Pil, il faut comprendre un tant soit peu son dossier d’immigration au Canada.

 

[4]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a reconnu que M. Pil avait été déclaré coupable de complot en vue de commettre un coup d’État au début des années 1980 et avait purgé une peine de cinq ans dans une prison iranienne avant d’être remis en liberté en 1986.

 

[5]               La Commission a aussi déterminé que M. Pil avait été en mesure de quitter le pays trois fois dans les années qui ont suivi, qu’il était retourné chaque fois en Iran et qu’il avait obtenu un visa qui lui aurait permis d’aller au Royaume-Uni, visa qu’il avait choisi de ne pas utiliser. En 2004, M. Pil a pu obtenir un visa de sortie lui permettant de venir au Canada et d’y rester au plus six mois. Il a donc quitté l’Iran.

 

[6]               M. Pil affirme qu’il a dû déposer une garantie auprès des autorités iraniennes pour obtenir le visa de sortie. Comme il n’était pas rentré en Iran dans les six mois et n’avait pas demandé la prolongation de son visa de sortie, l’État a réalisé la garantie déposée par M. Pil en confisquant sa maison.

 

[7]               M. Pil soutient qu’il craint avec raison d’être persécuté en Iran. Il affirme qu’il serait soupçonné de subversion parce qu’il a prolongé son séjour après l’expiration de son visa de sortie et en raison de sa condamnation antérieure. Il soutient donc qu’il serait détenu et torturé s’il rentrait en Iran.

 

[8]               La Commission a déterminé que la crainte n’était pas fondée. En ce qui concerne le risque auquel M. Pil serait exposé pour avoir prolongé son séjour après l’expiration de son visa de sortie, la Commission a conclu que M. Pil n’avait pas produit suffisamment d’éléments de preuve crédibles ou dignes de foi pour établir l’existence d’une crainte fondée de persécution à cet égard.

 

[9]               Lui accordant le bénéfice du doute, la Commission a reconnu que M. Pil avait été déclaré coupable d’activité anti-régime en 1980. Toutefois, elle n’était pas convaincue que M. Pil présenterait encore un quelconque intérêt pour les autorités iraniennes. La Commission a plus particulièrement jugé non crédible l’allégation de M. Pil selon laquelle il avait été placé sous surveillance par les autorités iraniennes et était considéré comme un opposant du régime.

 

[10]           La Commission a constaté que M. Pil avait purgé sa peine et n’avait eu aucun autre problème avec les autorités iraniennes entre le moment de sa mise en liberté en 1986 et son départ pour le Canada en 2004.

 

[11]           Enfin, parce que M. Pil a attendu avant de quitter l’Iran, qu’il s’est réclamé de la protection de l’État à plusieurs reprises et qu’il a attendu avant de demander l’asile une fois venu au Canada, la Commission a conclu que M. Pil ne craignait pas avec raison d’être persécuté.

 

[12]           La décision de la Commission a été confirmée par la Cour dans Pil c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1067. Comme principal argument dans sa demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Commission, M. Pil a avancé que la Commission avait commis une erreur en ne tenant pas pleinement compte des risques entraînés par la confiscation de la maison familiale. La Cour a rejeté cet argument, estimant que la Commission n’avait pas ignoré ce point. La Cour a de plus estimé que l’absence de preuve concernant le lien entre le visa de sortie et la nécessité de déposer une garantie signifiait que la Commission avait tiré une conclusion raisonnable en jugeant que la confiscation de la maison de M. Pil ne comportait qu’une valeur probante minimale aux fins de la détermination du risque que le demandeur courrait à l’avenir en Iran.

 

[13]           La Cour a également rejeté l’argument de M. Pil selon lequel le régime iranien était imprévisible et que, par conséquent, la Commission devait supposer le pire s’il retournait en Iran. La Cour a souligné qu’il incombait à M. Pil de démontrer qu’il était exposé à un véritable risque de préjudice en Iran et fait observer qu’il ne pouvait s’acquitter de ce fardeau en se livrant à des spéculations sur ce que les autorités pourraient faire.

 

[14]           M. Pil a fondé sa demande d’ERAR sur les mêmes allégations de risque que celles qui avaient été rejetées auparavant par la Commission, et bon nombre de ses arguments, comme ceux qui sont fondés sur l’imprévisibilité alléguée du régime iranien, ont déjà été examinés et rejetés par la Cour.

 

[15]           M. Pil a fourni à l’agent d’ERAR de nouveaux éléments de preuve sous forme de photocopies de deux assignations à témoigner, qui auraient été délivrées à son épouse en Iran en 2011. Ces documents visaient à contraindre M. Pil à se présenter au « Boroojerd Intelligence Bureau » de Sepah afin de [traduction] « fournir certaines explications ». Selon M. Pil, ces documents démontrent que les autorités iraniennes s’intéressent toujours à lui.

 

[16]           Les assignations à témoigner ont été examinées en particulier par l’agent d’ERAR, qui doutait manifestement des dates de ces documents. À cet égard, a constaté l’agent, bien que M. Pil ait déclaré qu’un certain nombre de mandats d’arrestation émis contre lui parce qu’il n’était pas rentré au pays avaient été laissés à son épouse dans les années ayant suivi son départ de l’Iran, les deux assignations à témoigner délivrées en 2011 sont les deux seuls documents que M. Pil a présentés. M. Pil n’a produit aucun autre élément de preuve pour établir que les autorités iraniennes s’intéressaient à lui pendant les années qui se sont écoulées entre le rejet de sa demande d’asile et le dépôt de sa demande d’ERAR. Étant donné que les dates des assignations à témoigner et de la demande d’ERAR sont très rapprochées, les préoccupations de l’agent étaient manifestement raisonnables.

 

[17]           L’agent a de plus souligné le fait que les documents étaient des photocopies, de sorte que leur authenticité ne pouvait être vérifiée. L’agent a toutefois constaté qu’un des deux documents contenait à première vue une erreur, et qu’aucun des deux ne donnait de détail sur le genre d’explications demandées à M. Pil, ni sur l’objet des entrevues. Dans ces circonstances, l’agent a conclu que les assignations à témoigner ne suffisaient pas à prouver que M. Pil était exposé à un risque.

 

[18]           M. Pil ne m’a pas convaincue que cette conclusion était en réalité une conclusion sur la crédibilité déguisée ou qu’elle était déraisonnable. L’agent a fourni des motifs intelligibles pour expliquer pourquoi il avait conclu que les assignations à témoigner n’étaient pas suffisantes pour lui permettre d’écarter la conclusion de la Commission selon laquelle les autorités iraniennes ne s’intéressaient plus à M. Pil, et la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : voir Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 59.

 

[19]           Une entrevue n’est pas non plus nécessaire lorsque la question en litige a trait au caractère suffisant de la preuve : voir Ferguson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, [2008] A.C.F. no 1308.

 

[20]           Enfin, je ne suis pas convaincue que l’agent d’ERAR a commis une erreur en faisant abstraction de la preuve. Bien que l’avocate de M. Pil ait déployé de vaillants efforts pour montrer comment la preuve documentaire sur les conditions en Iran établissait que son client était exposé à un risque dans ce pays, aucune de ces observations n’a été présentée à l’agent d’ERAR par l’ancien conseil de M. Pil, et l’agent ne peut être blâmé pour ne pas avoir tenu compte d’un argument qui n’avait pas été présenté. Plus fondamentalement, toutefois, M. Pil n’a pas démontré qu’il avait le même profil que ceux qui, selon ces documents, sont exposés à un risque face aux autorités iraniennes, ni qu’il serait maintenant considéré comme un ennemi du régime.

 

Conclusion

[21]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je conviens avec les parties que l’affaire ne soulève aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Anne L. Mactavish »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8086-12

 

INTITULÉ :                                      ENSHAALLAH ZENDEH PIL c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 3 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 5 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lina Anani

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Michael Butterfield

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LINA ANANI

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

WILLIAM F. PENTNEY

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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