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Date : 20130326

Dossier : T-1084-11

Référence : 2013 CF 306

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

 

DAVID FOSTER

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

            MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE MACTAVISH

 

[1]               David Foster demande le contrôle judiciaire d’une décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles (maintenant la Commission des libérations conditionnelles du Canada) rejetant sa demande de réhabilitation.

 

[2]               Monsieur Foster prétend que la Commission était tenue de lui octroyer la réhabilitation puisqu’il avait été déclaré coupable d’infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et que plus de trois années s’étaient écoulées depuis sa dernière déclaration de culpabilité. Le défendeur soutient que M. Foster a été déclaré coupable d’au moins une infraction punissable par voie de mise en accusation et que, par conséquent, la Commission devait déterminer s’il avait eu une « bonne conduite » au cours des cinq années précédant sa demande.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, je suis arrivée à la conclusion qu’au moins une des déclarations de culpabilité de M. Foster s’attachait effectivement à une infraction punissable par voie de mise en accusation. En conséquence, la Commission n’a pas commis une erreur en procédant à une analyse fondée sur la « bonne conduite ». De plus, M. Foster n’a pas prouvé que la conclusion de la Commission selon laquelle il n’avait pas satisfait à l’exigence de la bonne conduite dans les cinq années précédant sa demande de réhabilitation était déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

Contexte

[4]               Monsieur Foster a été déclaré coupable de deux actes criminels liés au vol en 1975 et d’une infraction relative à des armes en 1987. Monsieur Foster a été accusé de plusieurs infractions criminelles depuis ce temps, mais aucune de ces accusations ne s’est soldée par une déclaration de culpabilité. Ce dernier a été acquitté d’un chef d’agression sexuelle et d’un chef de contacts sexuels en 2006. Diverses autres accusations portées contre lui ont été suspendues ou retirées.  

 

[5]               En 2010, M. Foster a présenté une demande de réhabilitation. Dans un échange subséquent de lettres avec la Commission, M. Foster a affirmé que les accusations portées en 1975 et en 1987 étaient punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, bien qu’il n’ait fourni aucune preuve documentaire au motif que les dossiers afférents à ces déclarations de culpabilités avaient été perdus.

 

[6]               Comme plus de trois années s’étaient écoulées depuis sa dernière déclaration de culpabilité, M. Foster a fait valoir que conformément aux dispositions du paragraphe 4.1(2) de la Loi sur le casier judiciaire, L.R.C. 1985, ch. C-47, il avait le droit d’obtenir la réhabilitation. L’article 4.1 de la Loi en vigueur au moment où M. Foster a présenté sa demande prévoyait ce qui suit :

4.1 (1) Pour les infractions punissables par voie de mise en accusation et pour les infractions d’ordre militaire visées à l’alinéa 4a), la Commission peut octroyer la réhabilitation lorsqu’elle est convaincue, pendant le délai de cinq ans, de la bonne conduite du demandeur et qu’aucune condamnation, au titre d’une loi du Parlement ou de ses règlements, n’est intervenue.

 

 

 

 

 

(2) Pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et pour les infractions d’ordre militaire visées à l’alinéa 4b), la réhabilitation est délivrée si aucune condamnation, au titre d’une loi du Parlement ou de ses règlements, n’est intervenue pendant le délai de trois ans.

 

4.1 (1) The Board may grant a pardon for an offence prosecuted by indictment or a service offence referred to in subparagraph 4(a)(ii) if the Board is satisfied that the applicant, during the period of five years referred to in paragraph 4(a),

 

(a) has been of good conduct; and

 

(b) has not been convicted of an offence under an Act of Parliament or a regulation made under an Act of Parliament.

 

(2) A pardon for an offence punishable on summary conviction or a service offence referred to in subparagraph 4(b)(ii) shall be issued if the offender has not been convicted of an offence under an Act of Parliament or a regulation made under an Act of Parliament during the period of three years referred to in paragraph 4(b).

 

[7]               Le défendeur soutient que M. Foster n’a pas établi qu’il avait effectivement été déclaré coupable d’infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire en 1975 et en 1987. Par conséquent, la Commission était tenue de déterminer si M. Foster avait satisfait à l’exigence de « bonne conduite » prévue au paragraphe 4.1(1) de la Loi.

 

La décision de la Commission

[8]               Avant de conclure que M. Foster n’avait pas démontré qu’il avait fait preuve de « bonne conduite » dans les années précédant sa demande, la Commission a examiné les diverses accusations qui avaient été portées contre lui au fil du temps, surtout celles portées dans les cinq années précédant sa demande de réhabilitation. La Commission a fait remarquer que M. Foster avait fourni des renseignements au sujet de ces accusations, mais qu’il n’avait pas expliqué ce qui avait entraîné le dépôt de ces accusations et qu’il n’avait pas non plus exposé sa compréhension des conséquences des accusations.

 

[9]               En ce qui concerne les accusations d’agression sexuelle portées en 2006, la Commission a souligné que M. Foster avait refusé d’expliquer les circonstances ayant conduit aux allégations de la présumée victime. La Commission a reconnu que c’était le choix de M.  Foster de refuser de fournir ces renseignements, mais elle devait tenir compte de tous les renseignements pertinents au moment de décider si la réhabilitation devait lui être accordée.

 

[10]           La Commission a fait remarquer que M. Foster alléguait avoir été victime de [traduction] « fausses accusations ». Cependant, elle a conclu qu’il ne lui avait pas expliqué ce qui avait mené au sursis des accusations de harcèlement criminel et de profération de menaces. Elle a aussi indiqué que la description que M. Foster a faite des événements ayant mené aux accusations de harcèlement était préoccupante puisque son comportement avait nécessité une intervention de la police et avait conduit à un avertissement pour intrusion. Selon la Commission, [traduction] « une conduite comme celle-ci n’est pas conforme aux critères sur lesquels la Commission doit se fonder pour rendre une décision favorable à l’égard de la réhabilitation ».

 

[11]           La Commission a fait observer que le concept de la « bonne conduite » était très large et a conclu que M. Foster n’avait pas satisfait à l’exigence de « bonne conduite » et que sa demande de réhabilitation était, par conséquent, rejetée.

 

L’admissibilité d’une preuve supplémentaire

[12]           Monsieur Foster veut utiliser une lettre datée du 11 octobre 2011 du greffier de la Cour de justice de l’Ontario située sur Finch Avenue, à Toronto, à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire, une lettre qui est postérieure à la décision de la Commission. Dans la lettre, il est indiqué qu’aucun renseignement n’était disponible sur la question de savoir si l’infraction visée par la déclaration de culpabilité prononcée en 1987 contre M. Foster pour [traduction] « possession d’armes dangereuses pour le public » avait fait l’objet d’une poursuite par mise en accusation ou par procédure sommaire.

 

[13]           Le défendeur s’oppose à l’inclusion de cette lettre dans le dossier de la demande de M. Foster au motif qu’elle n’a pas été soumise à la Commission au moment où elle a rendu la décision faisant l’objet du présent contrôle. 

 

[14]           Une demande de contrôle judiciaire repose habituellement sur le dossier dont était saisi le décideur : Laboratoires Abbott Ltée c. Canada (Procureur général), [2008] A.C.F. nº 1580, au par. 37. La Cour devait déterminer si, en rejetant la demande de réhabilitation de M. Foster, la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle, en se fondant sur la preuve dont elle dispose.

 

[15]           Il existe une exception à cette règle. Cette règle prévoit qu’une preuve supplémentaire peut être déposée à l’appui d’une demande de contrôle judiciaire portant sur des questions d’équité procédurale et de compétence : Abbott, précité, au par. 38, voir aussi Ordre des architectes de l’Ontario c. Assn. of Architectural Technologists of Ontario, 2002 CAF 218, [2003] 1 C.F. 331, au paragraphe 30.

 

[16]           Des éléments de preuve supplémentaires peuvent aussi être admis quand ils sont considérés comme des renseignements non controversés susceptibles d’aider la Cour (voir, par exemple, Première nation d’Ochapowace (Bande indienne nº 71) c. Canada (Procureur général), 2007 CF 920, au par. 9, conf. [2009] A.C.F. nº 486, 2009 CAF 124.

 

[17]           Aucune de ces exceptions ne s’applique en l’espèce. Par conséquent, M. Foster ne m’a pas convaincue que la lettre datée du 11 octobre 2011 du greffier de la Cour de justice de l’Ontario devrait être admise dans le cadre de la présente demande. Toutefois, comme je l’expliquerai plus loin, ma conclusion à cet égard n’a aucune incidence sur l’issue de la présente demande, laquelle repose sur la nature de la déclaration de culpabilité prononcée en 1975 contre M. Foster.

 

Norme de contrôle

[18]           Monsieur Foster conteste la façon dont la Commission a interprété les faits qui sous-tendent sa demande de réhabilitation et dont elle a appliqué le droit à ces faits. Il n’a pas abordé la question de la norme de contrôle dans ses observations. Comme la demande de contrôle judiciaire repose en grande partie sur la façon dont la Commission a interprété les faits qui sous-tendent la demande de réhabilitation, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la décision de la Commission devrait faire l’objet d’un contrôle suivant la norme de la raisonnabilité : voir Conille c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. nº 828, au par. 14, et Yussuf c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. nº 1115, au par. 9.

 

[19]           Lorsqu’elle contrôle une décision suivant la norme de la raisonnabilité, la Cour doit examiner la justification de la décision, ainsi que la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, et déterminer si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au par. 47, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au par. 59.

 

Analyse

[20]           Monsieur Foster prétend que la Commission a commis une erreur en procédant à une analyse fondée sur la « bonne conduite » dans l’examen de sa demande de réhabilitation. Selon lui, comme les infractions visées par les déclarations de culpabilité prononcées en 1975 et en 1987 avaient fait l’objet d’une poursuite par procédure sommaire et que plus de trois années s’étaient écoulées depuis la dernière déclaration de culpabilité, la Commission devait lui octroyer une réhabilitation conformément au paragraphe 4.1(2) de la Loi.

 

[21]           Le défendeur convient que si les faits étaient tels que M. Foster les a présentés dans ses observations, sa demande de réhabilitation aurait dû être examinée aux termes du paragraphe 4.1(2) de la Loi. Il convient également que lorsqu’un demandeur prouve que ses déclarations de culpabilités s’attachaient à des infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et que plus de trois années se sont écoulées depuis la dernière déclaration de culpabilité, la Commission ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire et doit octroyer la réhabilitation.

 

[22]           Cependant, le défendeur soutient que M. Foster n’a pas fait une telle preuve à l’égard des déclarations de culpabilité prononcées en 1975 et en 1987.

 

[23]           Le casier judiciaire de M. Foster montre qu’en 1975, il a été déclaré coupable d’[traduction]« introduction par effraction et de vol » et de « possession de biens volés d’une valeur inférieure à 200 $ ». Monsieur Foster ne conteste pas ces faits. Cependant, il affirme que, comme les dossiers d’instruction ne sont plus disponibles, il est impossible d’établir que l’une ou l’autre de ces infractions a fait l’objet d’une poursuite par voie de mise en accusation plutôt que par procédure sommaire.

 

[24]           J’aimerais d’abord faire remarquer que je ne dispose d’aucune preuve à l’effet que les dossiers relatifs aux déclarations de culpabilité prononcées en 1975 contre M. Foster ne sont plus disponibles. Mais, plus important encore, un examen des dispositions pertinentes du Code criminel en vigueur en 1975 révèle que l’infraction « d’introduction par effraction et de vol » était un acte criminel et non une infraction mixte ou punissable par procédure sommaire : voir article 306, Code criminel, L.R.C. 1970, ch. C-34. La Couronne n’avait donc pas le choix d’intenter une poursuite par procédure sommaire.

 

[25]           Par conséquent, je suis convaincue qu’au moins une des déclarations de culpabilité de M. Foster s’attachait à une infraction punissable par voie de mise en accusation. Ainsi, la demande de réhabilitation de M. Foster devait être examinée aux termes du paragraphe 4.1(1) de la Loi, de sorte que la Commission n’a pas commis d’erreur en procédant à une analyse fondée sur la « bonne conduite ».

 

[26]           Lors de l’audition de sa demande de contrôle judiciaire, M. Foster a invoqué un argument quant à l’effet de l’adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C., 1985, ch. Y-1, abrogée et remplacée par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1, sur la compétence de la Commission d’examiner ses déclarations de culpabilité datant de 1975. Je ne suis pas disposée à tenir compte de cet argument vu qu’il n’a pas été soulevé dans son mémoire des faits et du droit. Comme M. Foster n’a que brièvement mentionné dans son mémoire des faits et du droit qu’il était âgé de 17 ans au moment où il a été déclaré coupable en 1975, le défendeur n’a pas été avisé de l’argument invoqué, lequel se rapportait à l’effet des dispositions transitoires qui accompagnaient l’adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il serait donc injuste pour le défendeur d’examiner l’argument dans les circonstances.

 

[27]           Bien qu’il soit vrai qu’aucune des accusations portées contre M. Foster dans les cinq années précédant sa demande de réhabilitation n’a donné lieu à une déclaration de culpabilité, la « présomption d’innocence » ne s’applique pas dans une procédure administrative comme une demande de réhabilitation : voir Conille, précité, au par. 30. En conséquence, la Commission n’a pas commis d’erreur en examinant les circonstances ayant mené aux accusations portées contre M. Foster lors de l’appréciation de la question de savoir s’il avait satisfait à l’exigence de la « bonne conduite » prévue dans la Loi.

 

[28]           Enfin, M. Foster n’a pas démontré que la conclusion de la Commission selon laquelle il n’avait pas prouvé sa « bonne conduite » pendant la période pertinente n’était pas l’une des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

Conclusion

[29]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Le défendeur disposera d’une semaine à compter de la date de ma décision pour déposer des observations écrites sur la question des dépens. Monsieur Foster aura ensuite une semaine pour répondre, à la suite de quoi le jugement sera rendu.

 

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

26 mars 2013

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1084-11

INTITULÉ :                                      DAVID FOSTER c.

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 19 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           La juge Mactavish

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 26 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Foster

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Sharon McGovern

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DAVID FOSTER

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

WILLIAM F. PENTNEY

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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