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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20130327

Dossier : T-1238-12

Référence : 2013 CF 313

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 mars 2013

En présence de madame la juge Strickland

 

 

ENTRE :

 

WEI ZHOU

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel que Wei Zhou (la demanderesse) a interjeté, en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29 (la Loi), à l’encontre de la décision d’un juge de la citoyenneté de rejeter sa demande de citoyenneté. Le rejet reposait sur le fait que la demanderesse n’avait pas obtenu la note de passage requise à l’examen pour la citoyenneté et, ainsi, n’avait pas démontré qu’elle avait une connaissance adéquate du Canada de même que des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté, comme l’exige l’alinéa 5(1)e) de la Loi. Le présent appel est interjeté conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 et à l’alinéa 300c) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles).

 

Le contexte

[2]               En 1999, la demanderesse est venue au Canada à titre d’étudiante. Elle est devenue résidente permanente le 17 octobre 2003 et, en 2010, elle a présenté une demande de citoyenneté qui a été reçue par le défendeur le 9 juillet 2010. Au moyen d’un avis daté du 14 septembre 2011, on avait enjoint à la demanderesse de passer un examen pour la citoyenneté le 29 septembre 2011. Elle a avisé le défendeur qu’elle ne pouvait se présenter à l’examen parce qu’elle serait à l’extérieur du Canada du 28 juin 2011 à mars 2012. Il lui a alors été demandé de comparaître, le 28 décembre 2011, à une audience devant un juge de la citoyenneté.

 

[3]               La demanderesse s’est présentée comme il lui avait été demandé et un examen pour la citoyenneté a été donné par le juge de la citoyenneté, George Khouri (le juge de la citoyenneté). Dans une lettre en date du 26 avril 2012, la demanderesse a été informée par le juge de la citoyenneté que sa demande n’avait pas été approuvée parce qu’elle n’avait pas démontré, dans ses réponses aux questions rédigées par le ministre, qu’elle possédait les connaissances requises suivant l’alinéa 5(1)e) de la Loi. Plus précisément, la demanderesse n’a répondu correctement qu’à 13 questions sur 20 et a obtenu une note de 65 %; ainsi, elle n’a pu obtenir la note de passage requise de 75 % (la décision).

 

[4]               La demanderesse a interjeté appel et, à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire de la décision, elle a déposé un affidavit dans lequel elle déclarait avoir répondu correctement à toutes les questions de l’examen et que le juge de la citoyenneté avait fait des déclarations pendant l’entrevue qui, a-t-elle soutenu dans sa demande, suscitaient une crainte raisonnable de partialité.

 

La décision contestée

[5]               Dans sa décision, le juge de la citoyenneté a informé la demanderesse qu’il lui avait fait connaître les motifs de sa décision conformément au paragraphe 14(3) de la Loi. Il a énoncé les exigences prévues par la loi qui concernaient sa demande ainsi que la décision et a expliqué que l’alinéa 5(1)e) exige qu’un demandeur ait une connaissance adéquate du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté. En outre, le juge de la citoyenneté a signalé que, conformément au paragraphe 15(1) du Règlement sur la citoyenneté, DORS/93-246, une personne possède une connaissance suffisante du Canada si les réponses qu’elle donne aux questions rédigées par le ministre montrent qu’elle connaît les symboles nationaux du Canada et comprend d’une manière générale des sujets définis. De plus, conformément au paragraphe 15(2) du Règlement sur la citoyenneté, la personne doit, de même, posséder une connaissance suffisante des responsabilités et privilèges attachés à la citoyenneté.

[6]               Le juge de la citoyenneté a conclu ce qui suit :

[traduction]

 

Les questions de l’examen pour la citoyenneté qui portent sur la connaissance du Canada et des droits et responsabilités liés à la citoyenneté reposent sur les renseignements fournis dans le guide d’étude, Découvrir le Canada : Les droits et responsabilités liés à la citoyenneté. L’examen pour la citoyenneté comprend 20 questions et la note de passage est de 75 % (15 bonnes réponses sur 20 questions).

 

À l’audience, je vous ai posé des questions fondées sur celles rédigées par le ministre en vue de déterminer si vous satisfaisiez aux exigences de l’alinéa 5(1)e) de la Loi et vous avez répondu correctement à 13 questions sur 20, ce qui vous a valu une note de 65 %. Vous n’avez pu répondre correctement aux questions portant sur les sujets suivants :

 

                     la procédure de vote et comment s’inscrire à une liste électorale;

                     l’histoire du Canada;

                     la géographie du Canada;

                     les droits et responsabilités liés à la citoyenneté.

 

Pour ces raisons, vous ne satisfaites pas aux exigences de l’alinéa 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté en vue d’obtenir la citoyenneté canadienne.

 

[…]

 

Les questions en litige et la norme de contrôle applicable

[7]               La demanderesse soutient qu’il y a trois questions en litige et le défendeur en ajoute une quatrième :

 

                 (i)                        Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur de droit et a-t-il perdu la compétence nécessaire pour rejeter la demande de citoyenneté du fait qu’il n’a pas rendu sa décision dans un délai de 60 jours, ainsi que l’exige le paragraphe 14(1) de la Loi?

 

               (ii)                        Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en ne motivant pas suffisamment sa décision?

 

             (iii)                        Le juge de la citoyenneté était-il partial?

 

             (iv)                        Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en concluant que la demanderesse n’avait pas obtenu la note de passage à l’examen pour la citoyenneté et, de ce fait, n’avait pas satisfait aux exigences de l’alinéa 5(1)e) de la Loi?

 

[8]               Compte tenu des indications de la Cour suprême du Canada dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 14, selon lesquelles les motifs invoqués pour justifier une décision doivent être appréciés en corrélation avec les résultats de cette décision, afin de statuer sur le caractère raisonnable de la décision dans son ensemble, l’« insuffisance » des motifs ne permet plus à elle seule de contester une décision. Ainsi, j’estime que les deuxième et quatrième questions en litige devraient être examinées ensemble et je reformulerais les questions ainsi :

                 (i)                        Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur de droit et a-t-il perdu la compétence nécessaire pour rejeter la demande de citoyenneté du fait qu’il n’a pas rendu sa décision dans un délai de 60 jours, ainsi que l’exige le paragraphe 14(1) de la Loi?

 

               (ii)                        La conclusion du juge de la citoyenneté, à savoir que la demanderesse n’avait pas obtenu la note de passage à l’examen pour la citoyenneté et que, de ce fait, elle n’avait pas satisfait aux exigences de l’alinéa 5(1)e) de la Loi, était-elle raisonnable?

 

             (iii)                        La demanderesse s’est-elle acquittée du fardeau d’établir qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité de la part du juge de la citoyenneté?

 

[9]               La Cour suprême du Canada a statué qu’il n’était pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse relative à la norme de contrôle. En effet, lorsque la norme de contrôle applicable à la question précise en jeu est bien établie en jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 57 (Dunsmuir)).

 

[10]           Il est bien établi que la conclusion d’un juge de la citoyenneté selon laquelle un demandeur a échoué à un examen pour la citoyenneté doit être contrôlée selon la norme de la raisonnabilité (Desai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 194, au paragraphe 7; Zhou c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 19, au paragraphe 13; El-Kashef c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1151, au paragraphe 10).

 

[11]           Lorsqu’une décision est contrôlée en fonction de la norme de la raisonnabilité, le caractère raisonnable tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, [ainsi qu’à] l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59 (Khosa)).

 

[12]           Par contre, il n’est pas nécessaire de faire preuve d’une telle retenue à l’endroit d’un décideur administratif en ce qui concerne des questions relevant de l’équité procédurale (Khosa, précité, au paragraphe 43; Raad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 256, au paragraphe 23). Ainsi, la question de savoir si le juge de la citoyenneté était partial sera contrôlée selon la norme de la décision correcte.

 

[13]           Pour les motifs énoncés ci-dessous, la norme de contrôle applicable à la question de la compétence n’a pas à être examinée.

 

Analyse

i)          La perte de compétence

[14]           Dans ses observations écrites, la demanderesse soutient que le juge de la citoyenneté a perdu la compétence nécessaire pour se prononcer sur sa demande de citoyenneté parce qu’il n’a pas rendu sa décision dans un délai de 60 jours ainsi que l’exige le paragraphe 14(1) de la Loi. Cependant, à l’audience devant la Cour, la demanderesse a admis que c’était uniquement une question de dépens, et non une question de compétence ou d’équité procédurale.

 

ii)         Le caractère raisonnable de la décision du juge de la citoyenneté

[15]           Avant d’apprécier le caractère raisonnable de la décision, je présenterai d’abord ce qui fait partie à juste titre du dossier dont je suis saisie. À cette fin, il nous faut mettre en contexte une question de confidentialité et une décision sur la pertinence du contenu d’un affidavit produit en preuve.

 

[16]           D’abord, au regard de la question de la confidentialité, les questions auxquelles, selon le juge de la citoyenneté, la demanderesse avait mal répondu n’avaient pas été mentionnées dans ses motifs et, par ailleurs, le dossier certifié du tribunal (le DCT) ne comprenait pas l’examen pour la citoyenneté qui avait été donné. Le DCT a été remis aux parties et déposé auprès du greffe de la Cour fédérale, accompagné d’une lettre, datée du 10 juillet 2012, envoyée par Mme Anna Del Medico, conseillère en matière de citoyenneté, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Dans cette lettre, Mme Del Medico a signalé, plus précisément, que les pages 06, 07 et 08 du dossier avaient été omises en entier, parce qu’elles contenaient des réponses de la demanderesse à l’examen pour la citoyenneté. Conformément au paragraphe 318(2) des Règles, CIC s’est opposé à la diffusion de cette information, au motif que sa divulgation pourrait compromettre l’intégrité de l’examen.

 

[17]           Selon l’article 317 des Règles, une partie peut demander la transmission des documents pertinents quant à la demande qui est en la possession de l’office fédéral dont la décision fait l’objet de la demande. Cela peut se faire dans le cadre de son avis de demande comme ce fut le cas en l’espèce. Selon le paragraphe 318(2) des Règles, si l’office fédéral s’oppose à la demande prévue à l’article 317, il informe par écrit toutes les parties des motifs de son opposition.

 

[18]           Bien que CIC se soit opposé à la divulgation de l’examen pour la citoyenneté au moment où le DCT a été produit, le 7 septembre 2012, le défendeur a présenté une requête visant à obtenir une ordonnance de confidentialité au regard de l’examen pour la citoyenneté. Les avocats et les parties pourraient ainsi déposer une copie mise sous scellés et confidentielle de l’examen et revoir l’examen, conformément aux conditions de l’ordonnance de confidentialité. La demanderesse s’est opposée à cette requête.

 

[19]           Au moyen d’une ordonnance en date du 2 octobre 2012, la protonotaire Milczynski a indiqué qu’elle était convaincue qu’il était dans l’intérêt public de maintenir la confidentialité de l’information visée par la demande de mise sous scellés de manière à assurer l’intégrité du processus d’examen pour la citoyenneté. Elle a ordonné à CIC de déposer les pages non incluses dans le DCT initial (l’examen pour la citoyenneté) auprès de la Cour pour qu’elles soient mises sous scellés et considérées comme confidentielles en vertu de l’article 152 des Règles. Après le dépôt des engagements écrits des avocats conformément à l’alinéa 152(2)b) des Règles, les avocats inscrits au dossier et les parties seraient autorisés à avoir accès aux pages mises sous scellés, appelées l’élément matériel confidentiel du DCT.

 

[20]           L’examen pour la citoyenneté confidentiel a été dûment déposé auprès de la Cour le 5 octobre 2012, et l’avocat du défendeur a ensuite déposé l’engagement écrit demandé. L’avocat de la demanderesse n’a pas déposé d’engagement. Au moment de l’audience devant la Cour, ni l’avocat de la demanderesse ni cette dernière n’avaient analysé l’examen sur la citoyenneté en question.

 

[21]           La demanderesse soutient qu’elle n’est pas d’accord avec l’ordonnance de la protonotaire, à savoir qu’il est dans l’intérêt public de maintenir la confidentialité des questions de l’examen pour la citoyenneté et affirme qu’aucune autorisation ou directive n’a été donnée en ce sens par le ministre. Cependant, je suis saisie de l’appel de la décision du juge de la citoyenneté, non d’un appel de l’ordonnance de la protonotaire, à laquelle je souscris de toute façon.

 

[22]           Le 13 septembre 2012, la demanderesse a présenté une requête pour contester un affidavit de Mme Del Medico, daté du 15 août 2012. Cet affidavit a été versé au dossier du défendeur. La lettre de Mme Del Medico, datée du 10 juillet 2012, accompagnant le DCT donné aux parties, a été annexée comme pièce A. La demanderesse a demandé que les paragraphes 3, 4, 5, 6 et 7 de l’affidavit soient radiés conformément à l’article 81 des Règles, parce qu’elle alléguait que la déposante ne connaissait pas personnellement les faits présentés dans ces paragraphes. Dans une ordonnance datée du 2 octobre 2012, la protonotaire Milczynski a rejeté la requête, au motif que la question devrait être examinée par le juge entendant l’appel sur le fond.

 

[23]           Devant la Cour, la demanderesse a affirmé que l’affidavit n’était pas admissible, parce qu’il visait à étayer le dossier et les motifs du juge de la citoyenneté. En outre, elle fait valoir que, parce que le DCT, y compris l’examen pour la citoyenneté, sont des pièces annexées à l’affidavit, ils ne sont pas non plus admissibles et ne doivent pas faire partie du dossier qui peut être examiné par la Cour dans le présent appel. En bref, la demanderesse soutient qu’il n’existe pas d’éléments de preuve admissibles quant au résultat de l’examen pour la citoyenneté autre que l’affidavit non contesté de la demanderesse indiquant qu’elle a répondu correctement à toutes les questions de l’examen.

 

[24]           L’affidavit est ainsi libellé :

[traduction]

 

Je, Anna Del Medico, agente de citoyenneté, Citoyenneté et Immigration Canada, bureau de Scarborough, DÉCLARE SOUS SERMENT QUE :

 

1.   Je travaille pour le gouvernement du Canada au bureau local de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), à Scarborough. Je suis agente de citoyenneté et chargée de répondre aux demandes de documents en la possession de notre bureau. À ce titre, j’ai connaissance des faits énoncés ci-après.

 

2.   La demanderesse interjette appel de la décision du juge de la citoyenneté, George Khouri. Sur son avis de demande, le bureau de citoyenneté de Scarborough, situé au 200, Town Centre Court, bureau 370, Scarborough (Ontario) M1P 4X8, est prié d’envoyer aux parties et au greffe de la Cour fédérale une copie certifiée du dossier complet du juge de l’immigration relatif à la demande de citoyenneté de la demanderesse.

 

3.   En tant qu’agente de citoyenneté, il est de ma responsabilité de préparer les copies conformes des documents demandés par la demanderesse. J’ai examiné le dossier de la citoyenneté et préparé une copie conforme de ce dossier. J’ai envoyé la lettre, datée du 10 juillet 2012 et adressée au greffe de la Cour fédérale du Canada, qui certifie le dossier. J’ai également envoyé la copie certifiée conforme du dossier, ainsi que la lettre, aux parties et à la Cour.

 

4.   Une copie conforme du dossier certifié du tribunal précédemment envoyée aux parties et à la Cour est annexée comme pièce A.

 

5.   Quand j’ai rassemblé les documents du dossier certifié du tribunal et les ai déposés au greffe de la Cour fédérale le 7 juillet 2012, j’ai dressé la liste des questions utilisées et annotées par le juge de la citoyenneté, George Khouri, dans l’évaluation de la connaissance qu’a la demanderesse du Canada conformément au paragraphe 318(2) des Règles de[s] Cour[s] fédérale[s].

 

6.   Afin d’assurer un traitement équitable à tous les demandeurs et de veiller à ce que l’intégrité du processus d’examen pour la citoyenneté ne soit pas compromise, Citoyenneté et Immigration Canada ne transmet jamais les copies des examens, y compris les questions et les réponses.

 

7.   J’ai examiné les notes de l’examen oral portant sur la connaissance qu’a la demanderesse du Canada ainsi que des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté canadienne figurant à son dossier et je peux attester que Mme Zhou a répondu correctement à 13 questions sur 20. En conséquence, elle a obtenu une note de 13 sur 20 (65 %) et n’a pas réussi l’examen. Plus précisément, Mme Zhou n’a pas répondu correctement aux questions 1, 2, 7, 11, 14, 16 et 18. J’ai revu attentivement les réponses de Mme Zhou et je confirme que ses réponses aux questions 1, 2, 7, 11, 14, 16 et 18 sont inexactes.

 

[…]

 

[25]           Les paragraphes 1 à 5 de l’affidavit énoncent des faits dont Mme Del Medico aurait une connaissance personnelle en raison de ses fonctions officielles et des responsabilités qui vont de pair avec celles-ci. Ces paragraphes attestent la compilation des documents et la certification d’une copie conforme du DCT et sont admis comme pièce A. Cela comprend l’examen pour la citoyenneté qui a été au départ établi comme faisant partie du DCT, mais retranché de ce dernier, et qui a ensuite été présenté comme le DCT confidentiel, conformément à l’ordonnance de confidentialité. Quant aux paragraphes 6 et 7 de l’affidavit et aux pièces B et C, ces attestations constituent des éléments de preuve et pourraient être interprétées comme visant à soutenir la position du défendeur. En outre, les pièces ne font pas partie du dossier du tribunal. Ainsi, je n’accorde aucun poids aux paragraphes 6 et 7 ainsi qu’aux pièces B et C (Sellathurai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255, aux paragraphes 45 à 47; Qin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 147, aux paragraphes 17 et 18.

 

[26]           J’aborde maintenant le fond de la décision. En résumé, aucun élément de preuve versé au dossier dont je suis saisie ne permet de croire que le juge de la citoyenneté a commis une erreur dans sa décision ou, plus précisément, dans son évaluation des connaissances de la demanderesse au titre de l’alinéa 5(1)e) de la Loi. En effet, le dossier confirme clairement sa conclusion.

 

[27]           À cet égard, le DCT confidentiel est composé de trois pages qui ont été retranchées du DCT, soit un document normalisé intitulé [traduction] « Examen de la citoyenneté canadienne – Oral ». Dans la section [traduction] « Nom du client » figure le nom « Zhou Wei » qui a été inscrit à la main, dans la section [traduction] « Numéro de dossier », figure le chiffre « 3981286 » qui a été inscrit à la main et, dans la section [traduction] « Date », est estampillée la date du 28 décembre 2011. Les questions formulées sont numérotées de un à vingt. Sous chaque question est indiquée la bonne réponse (ou des réponses si plus d’une réponse est acceptable). L’examen est annoté à la main pour indiquer quelles questions ont obtenu une bonne réponse et celles dont la réponse est erronée. Lorsque la demanderesse a donné une bonne réponse, cela est souligné à la main et la question est cochée. Lorsqu’elle a donné une mauvaise réponse, un « X » figure près de la question et la réponse erronée donnée par la demanderesse est inscrite à la main. Dans le cas de sept questions, il est mentionné que la réponse est erronée et, pour ce qui est de treize questions, il est mentionné que la réponse est exacte. Dans un cas, la réponse inscrite est [traduction] « Je ne me souviens pas, je suis désolée » et dans l’autre, [traduction] « pas de réponse ». L’examen est signé par le juge de la citoyenneté.

 

[28]           Le DCT contient aussi une copie de l’Avis au ministre de la décision du juge de la citoyenneté, datée du 28 décembre 2011. Cet avis a été préparé et signé par le juge de la citoyenneté et confirme que la demanderesse a satisfait à toutes les exigences en matière de citoyenneté, y compris la résidence, à l’exception de celles de l’alinéa 5(1)e). Dans les motifs énoncés dans ce document, le juge de la citoyenneté a écrit que [traduction] « [l]a demanderesse ne s’est pas conformée à l’alinéa 5(1)e) (la connaissance); selon l’évaluation jointe, elle a répondu correctement à 13 questions sur 20 (65 %) portant sur [traduction] « La connaissance du Canada », l’exigence minimale étant de 15 questions sur 20 ( 75 %) ».

 

[29]           N’ayant pas eu la possibilité d’analyser les réponses inscrites, la demanderesse n’a soulevé aucune contestation particulière à l’égard de la décision, autre que le fait d’alléguer de manière générale qu’elle avait répondu à toutes les questions correctement. Le dossier du tribunal contredit cette allégation. D’après ce dossier, la décision du juge de la citoyenneté était justifiée, transparente et intelligible, et la seule issue possible.

 

[30]           À l’audience, la demanderesse a également fait valoir qu’il était injuste qu’elle ait dû avoir une entrevue devant un juge de la citoyenneté et passer un examen oral pour la citoyenneté. Elle soutient que, parce qu’elle n’était pas disponible pour passer l’examen écrit au moment où il était prévu initialement, celui-ci aurait dû simplement être reporté. Elle affirme qu’en raison d’une erreur d’écriture de la part du défendeur, elle a dû comparaître devant le juge de la citoyenneté et que, s’il en avait été autrement, elle aurait réussi l’examen. La demanderesse n’a cité aucune réglementation, politique ou directive indiquant que, si un demandeur ne peut se présenter à un examen écrit prévu pour la citoyenneté, alors, ce dernier a le droit de passer un deuxième examen écrit au lieu d’être obligé de comparaître devant un juge de la citoyenneté. À mon avis, l’argument de la demanderesse ne peut être retenu s’il n’est étayé par aucune disposition législative ou un autre fondement juridique.

 

iii)        La partialité

 

[31]           Dans son affidavit, la demanderesse affirme ce qui suit :

                        [traduction]

9.         Le juge, par le ton de sa voix, m’a d’emblée rendue nerveuse.

 

10.       Il m’a dit : [traduction] « Savez-vous, ne pas vivre au Canada pendant longtemps, mais profiter tout de même des prestations et du bien-être social, ce n’est pas juste pour les Canadiens. »

 

[…]

 

16.       Comme je m’apprêtais à partir après l’entrevue, le juge m’a dit :

 

[traduction]

 

« Je pense que vous feriez mieux de dire à vos autres amis que, s’ils ne demeurent pas au Canada à long terme, ils ne doivent pas demander la citoyenneté. Ce n’est pas juste pour les Canadiens. »

 

[…]

 

[32]           La demanderesse soutient que ces commentaires répondent au critère d’une crainte raisonnable de partialité ainsi qu’il ressort de l’opinion dissidente du juge de Grandpré dans Committee for Justice and Liberty et al c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369, à la page 394 : « Il faut plutôt se demander à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? » La demanderesse soutient en outre que, parce que cet élément de preuve n’a pas été contesté ou contredit, l’appel doit être accueilli.

 

[33]           Le défendeur soutient qu’il est présumé que les tribunaux administratifs agissent de manière équitable et sans parti pris et que les allégations de partialité et d’inconduite sont graves et ne doivent pas être prises à la légère. Il soutient en outre que le seuil est très élevé pour pouvoir conclure à la partialité et que ce seuil n’a pas été atteint en l’espèce (Committee for Justice and Liberty et al c L’Office national de l’énergie; R c S (RD), [1997] 3 RCS 484; Tchiegang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 249). Le défendeur attire l’attention sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Es-Sayyid c Canada (Ministre de la Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2012 CAF 59, dans laquelle la Cour d’appel a mis en garde contre des allégations non fondées de partialité contre la présente cour et les fonctionnaires, compte tenu du préjudice causé à l’administration de la justice. Il fait remarquer que la crédibilité de la demanderesse pose problème, parce qu’elle a affirmé dans son affidavit avoir répondu correctement à toutes les questions de l’examen pour la citoyenneté, alors que le dossier indique le contraire, et il affirme que ses allégations de partialité manquent de crédibilité.

 

[34]           Dans Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 108, au paragraphe 23, le juge Zinn a traité de la question relative à la présomption voulant que les allégations soient véridiques, sauf s’il y a des raisons de douter de leur véracité :

[23]      « Quand un requérant jure que certaines allégations sont vraies, cela crée une présomption qu’elles le sont, à moins qu’il n’existe des raisons d’en douter » : Maldonado c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 C.F. 302, à 305 (C.A.). « La “présomption” selon laquelle le témoignage sous serment d’un requérant est véridique peut toujours être réfutée et, dans les circonstances appropriées, peut l’être par l’absence de preuves documentaires mentionnant un fait qu’on pourrait normalement s’attendre à y retrouver » [non souligné dans l’original] : Adu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 114 (C.A.F.) (QL), paragraphe 1 ». […]

 

[35]           En l’espèce, la preuve par affidavit de la demanderesse n’a pas été contestée par le défendeur dans le cadre d’un contre-interrogatoire ou par le dépôt d’un affidavit par le juge de la citoyenneté qui nie l’allégation de partialité. Cependant, il y a lieu de douter de la véracité des allégations contenues dans l’affidavit de la demanderesse. Ainsi qu’il est soutenu par le défendeur, l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle aurait répondu correctement à toutes les questions de l’examen pour la citoyenneté n’est pas confirmée par le dossier. En outre, étant donné que le dossier indique qu’elle n’a pas réussi à répondre à deux questions, elle ne peut raisonnablement prétendre avoir déclaré par inadvertance qu’elle avait répondu correctement à toutes les questions et ne fait pas une telle allégation. Elle soutient plutôt que l’examen pour la citoyenneté est inadmissible, a refusé de réexaminer l’examen au moment où l’ordonnance de confidentialité le lui permettait et s’appuie sur son affidavit non contesté pour démontrer qu’elle a répondu correctement à toutes les questions. Cela mine la crédibilité de la demanderesse.

 

[36]           Le défendeur fait également valoir que la demanderesse n’a soulevé la question de la partialité qu’une fois la décision rendue. Cependant, j’accorde moins d’importance à ce fait parce qu’il pourrait raisonnablement être attribué à la réticence à s’aliéner le décideur quand la décision était toujours en suspens et qu’un résultat positif était prévu.

 

[37]           Vu l’incertitude liée à la crédibilité de la demanderesse et du fait que ses déclarations sont le seul élément de preuve au dossier en ce qui concerne la partialité, je conclus que la demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau élevé qui lui incombait pour établir une crainte raisonnable de partialité.

 

Les dépens

[38]           En ce qui concerne les dépens, la demanderesse se réfère à Yan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1153, au paragraphe 38. Dans cette affaire, une décision d’un juge de la citoyenneté a été retardée, sans raison, pendant quinze mois, plutôt que d’être rendue dans un délai de soixante jours comme l’exige le paragraphe 14(1) de la Loi sur la citoyenneté. Des dépens ont été attribués, parce qu’il n’y avait pas lieu de sanctionner le défaut de se conformer à une disposition à caractère directif. En l’espèce, le délai est d’environ 60 jours. Bien que ce ne soit ni toléré ni sanctionné, dans les circonstances de l’espèce dans son ensemble, je ne suis pas disposée à accorder des dépens à la demanderesse.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que l’appel est rejeté et qu’aucune ordonnance ne sera rendue quant aux dépens.

 

 

« Cecily Y. Strickland »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1238-12

 

INTITULÉ :                                      ZHOU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 26 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 27 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sheldon Robins

 

POUR LA DEMANDERESSE

Tamrat Gebeyehu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sheldon Robins

Avocat

Thornhill (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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