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Date : 20130325

Dossier : T-315-12
T-316-12

Référence : 2013 CF 301

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 mars 2013

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ZINN

 

 

ENTRE :

 

MICHÊLE BERGERON

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Mme Bergeron demande à la Cour d’annuler deux décisions par lesquelles la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a rejeté ses deux plaintes relatives aux droits de la personne au titre de l’alinéa 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985 c H-6 (la LCDP), ayant conclu que les plaintes étaient « frivole[s], vexatoire[s] ou entachée[s] de mauvaise foi », parce qu’elles avaient déjà été examinées et réglées dans le cadre de deux procédures de règlement des griefs.

 

[2]               Les deux demandes de contrôle judiciaire ont été instruites ensemble. Elles reposent dans une large mesure sur les mêmes faits; les dossiers de ces deux demandes, y compris les décisions, sont presque identiques; et les mémoires soumis par les parties sont eux aussi presque identiques. Par conséquent, un seul ensemble de motifs sera rédigé pour les deux demandes, dont une copie sera versée dans chaque dossier (soit les dossiers T-315-12 et T-316-12).

 

Le contexte

[3]               Le ministère de la Justice Canada (JC) a embauché Mme Bergeron à titre d’avocate en mars 1999. Elle y a travaillé jusqu’en mai 2001, une maladie chronique l’obligeant à prendre congé.

 

[4]               Mme Bergeron a commencé à toucher des prestations d’invalidité à long terme en juillet 2001; toutefois, en 2005, elle a amorcé des discussions concernant son retour au travail à JC. En août, le médecin de Mme Bergeron a fourni au gestionnaire de cette dernière un certificat médical favorable à son retour au travail et JC a dirigé Mme Bergeron vers un médecin de Santé Canada (SC) en vue d’une évaluation. Le médecin de SC a demandé et obtenu les avis du médecin et du psychiatre de Mme Bergeron, qui ont formulé leurs recommandations relativement à un plan de retour au travail. D’après la recommandation préliminaire du médecin de SC, Mme Bergeron pourrait revenir progressivement à un horaire à temps plein sur une période de sept mois. Cette recommandation a été soumise aux deux fournisseurs de soins de Mme Bergeron afin d’obtenir leurs avis. Son médecin a approuvé le plan dans une large mesure, mais souhaitait quelques modifications, notamment l’intégration d’examens médicaux mensuels dans le calendrier. Quant au psychiatre de Mme Bergeron, il estimait initialement que la recommandation était [traduction] « tout à fait raisonnable et équitable ».

 

[5]               Le médecin de SC a soumis sa recommandation finale à JC et à Mme Bergeron le 3 décembre 2005. Elle était identique à sa recommandation initiale, mais contenait l’énoncé suivant : [traduction] « Si [Mme Bergeron] s’avère incapable d’effectuer les heures de travail requises ou si de nouveaux problèmes se manifestent, un arrêt de travail sera nécessaire et prudent » (la clause d’arrêt de travail).

 

[6]               Mme Bergeron a répondu en faisant valoir ses préoccupations concernant deux éléments du plan : la clause d’arrêt de travail et la date prédéterminée de son retour au travail à temps plein. Le médecin de Mme Bergeron a exprimé des préoccupations similaires et, par la suite, le psychiatre de Mme Bergeron a signalé sa préférence pour un plan plus souple. Aucun consensus n’a pu être établi entre ces professionnels de la santé et la recommandation du médecin de SC n’a pas été modifiée.

 

[7]               Le gestionnaire de Mme Bergeron à JC l’a invitée à une rencontre pour discuter de son retour au travail à trois reprises : en mars, avril et août 2007. Mme Bergeron a refusé ces invitations en faisant valoir qu’elle souhaitait qu’une entente explicite soit conclue avant toute rencontre; de plus, elle estimait qu’une des dates proposées lui avait laissé un préavis trop court.

 

[8]               Après les deux premières invitations à une rencontre, dans des lettres datées du 16 juillet et du 13 août 2007, le gestionnaire de Mme Bergeron a officiellement proposé des dates pour le retour au travail de Mme Bergeron, qui se déroulerait conformément à la recommandation du médecin de SC. Mme Bergeron a refusé ces offres en faisant valoir qu’un tel retour au travail pourrait mettre sa santé en péril.

 

[9]               En mai 2008, un sous-procureur général adjoint a présenté à Mme Bergeron une offre finale de retour au travail basée sur la recommandation du médecin de SC; il l’a avisée que, autrement, JC avait l’intention de doter son poste. L’offre ne comportait plus de renvoi à un horaire de travail à temps plein et précisait que toute décision concernant un arrêt de travail ne serait prise qu’en consultation avec le service des ressources humaines, la compagnie d’assurances et les médecins de Mme Bergeron. Cette dernière a rejeté l’offre. Le 30 juin 2008, après sept années d’absence du travail, JC a doté le poste de Mme Bergeron.

 

Les griefs et les plaintes

[10]           Le 15 juillet 2008, Mme Bergeron a déposé un grief auprès de JC (le premier grief). Elle contestait :

[traduction]

 

[...] la conduite discriminatoire continue à [son] égard de la part de [son] gestionnaire [...] depuis presque trois ans maintenant et l’omission constante et persistante de [lui] offrir des mesures d’adaptation en fonction de [ses] capacités. La plus récente de ces [...] violations [...] [était] l’initiative [...] en cours visant à doter [son] poste permanent. Ce grief individuel [était] fondé sur l’application des dispositions 2, 3, 7, 14(1)c) et 15(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

Mme Bergeron demandait : l’annulation de l’initiative visant à doter son poste; la réintégration à son poste [traduction] « dans la perspective d’une discussion avec [son] employeur visant à déterminer et à élaborer une approche de ce problème qui soit équitable, mutuellement acceptable et dépourvue de discrimination »; d’autres mesures de redressement [traduction] « jugées appropriées dans les circonstances, y compris, mais sans s’y limiter, une indemnisation pour les souffrances morales/psychologiques et le préjudice émotionnel ».

 

[11]           Le 26 septembre 2008, Mme Bergeron a déposé une plainte relative aux droits de la personne auprès de la Commission (la première plainte). Elle alléguait que, en lui refusant la possibilité d’essayer le plan de retour au travail que ses médecins et elle préféraient, l’employeur faisait preuve de discrimination contre elle sur la base de son incapacité. Mme Bergeron a également soutenu que la politique du Conseil du Trésor consistant à [traduction] « maintenir les personnes handicapées sur la liste de priorité pour seulement un an » était discriminatoire et que, à cause de toute cette discrimination, elle avait subi une souffrance psychologique et une aggravation de ses symptômes physiques. D’après le [traduction] « Résumé de la plainte » modifié de la Commission, les pratiques visées par la plainte étaient les suivantes : [traduction] « le traitement différent et préjudiciable », [traduction] « le refus de prendre des mesures d’adaptation » et [traduction] « une politique ou pratique discriminatoire ». Le dossier de la Cour nT‑315-12 porte sur la décision rendue par la Commission concernant cette première plainte.

 

[12]           En février 2009, JC a proposé un autre retour au travail et la prolongation du congé sans solde de Mme Bergeron jusqu’au 3 avril 2009; encore une fois, l’offre a été rejetée.

 

[13]           Le 3 mars 2009, Mme Bergeron a déposé un second grief (le second grief), contestant trois mesures prises par JC :

(i)     le refus de JC de prolonger son congé sans solde, ce qui constituait [traduction] « une mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire en contravention de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, un acte discriminatoire en contravention de l’article 7 et du paragraphe 15(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, et des représailles en contravention de l’article 14.1 de la LCDP »;

(ii)   le refus de JC de lui permettre de racheter ses cotisations au régime de retraite et les primes de son Régime de prestations supplémentaires de décès pendant son congé sans solde, ainsi que le refus de JC de continuer de verser les cotisations de pension de retraite et les primes de son Régime de prestations supplémentaires de décès selon la comptabilisation de décaissement, [traduction] « aux motifs que ces refus constituent : une mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire aux termes de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique; un acte discriminatoire en contravention de l’article 7 et du paragraphe 15(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de l’article 15 de la Charte; des représailles en contravention de l’article 14.1 de la LCDP »;

(iii)  [traduction] « les mesures discriminatoires, disciplinaires et de représailles [de JC] contre [elle], au motif que ces mesures ont créé une situation de retour au travail insupportable pour [elle], ce qui constituait une répudiation de [son] contrat d’emploi et équivalait à un congédiement déguisé. [...] »

Mme Bergeron demandait : des assurances qu’elle ne ferait pas l’objet de nouvelles mesures de discrimination et de représailles à son retour au travail; une lettre d’excuses de la part de son gestionnaire; une formation exhaustive en matière de lutte contre la discrimination et le harcèlement à l’intention des gestionnaires de CIC [sic]; [traduction] « une indemnisation pour la rémunération perdue et les dépenses encourues à cause [des] pratiques discriminatoires, conformément à l’article 53 de la LCDP »; des dommages-intérêts pour souffrances et douleurs, [traduction] « conformément à l’article 53 de la LCDP »; une indemnisation pour [traduction] « les mesures discriminatoires délibérées et inconsidérées [de JC] [...], conformément à l’article 53 de la LCDP »; toute autre mesure corrective requise pour la remettre dans sa situation antérieure.

 

[14]           Le 27 avril 2009, Mme Bergeron a déposé une seconde plainte auprès de la Commission (la seconde plainte), et a allégué que [traduction] « depuis le dépôt de sa première plainte relative aux droits de la personne et son premier grief, elle fait l’objet de nombreuses mesures de représailles de la part de JC » [non souligné dans l’original]. Elle a affirmé que, en déposant cette plainte, elle se fondait sur l’article 14.1 de la LCDP qui prévoit que les représailles ou la menace de représailles contre une personne qui a déposé une plainte constituent une pratique discriminatoire.

 

[15]           La seconde plainte énumère de nombreuses mesures prétendument prises en représailles de la première plainte. Trois sont survenues avant la date du dépôt de la première plainte, soit : (i) les lettres de JC avisant Mme Bergeron que l’employeur prévoyait doter son poste (mai 2008); (ii) la conseillère en rémunération avisant Mme Bergeron qu’elle n’était plus autorisée à lui parler et qu’elle ne pouvait plus accéder à son dossier des ressources humaines (juin 2008); (iii) les lettres de JC l’avisant que l’employeur avait officiellement libéré son poste (juillet 2008). Les autres mesures visées par la plainte incluaient : le refus allégué de JC d’accepter certains paiements de Mme Bergeron liés à ses avantages sociaux et à sa pension de retraite; [traduction] « l’ultimatum de retour au travail (déguisé sous la forme d’une “offre” de règlement) », en date du 6 février 2009; un refus allégué de fournir au syndicat de Mme Bergeron de l’information sur les raisons pour lesquelles JC avait libéré son poste et cessé de payer ses cotisations au Barreau du Haut-Canada; la décision de JC d’assigner à Mme Bergeron le statut de bénéficiaire de priorité en date du 6 avril 2009. Le dossier de la Cour nT-316-12 porte sur la décision rendue par la Commission concernant la seconde plainte.

 

[16]           JC a initialement soulevé une objection auprès de la Commission concernant les plaintes relatives aux droits de la personne, en signalant le chevauchement important entre les deux griefs de Mme Bergeron et ses deux plaintes relatives aux droits de la personne. Invoquant l’alinéa 41(1)a) de la LCDP, JC a soutenu que Mme Bergeron [traduction] « devrait épuiser d’abord les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs auxquels elle a normalement accès » – en particulier, les procédures ministérielles de règlement des griefs qu’elle avait déjà amorcées.

 

[17]           Avant que la Commission n’examine les plaintes, Mme Bergeron a reçu une décision concernant son premier grief. Après avoir examiné les observations écrites de Mme Bergeron (Mme Bergeron a choisi de ne pas présenter d’observations orales), Donna Miller, sous-ministre adjointe de la Justice, a conclu que JC avait correspondu infructueusement avec Mme Bergeron sur une période de deux ans afin de coordonner un retour au travail, qu’il incombait au ministère de respecter ses obligations actuelles et futures au chapitre de la prestation de services, et que, pour ces raisons, elle rejetait l’argument de Mme Bergeron selon lequel la décision de procéder à la dotation de son poste était une mesure disciplinaire déguisée ou une violation de la LCDP. Mme Miller a de nouveau invité Mme Bergeron à conclure une entente sur un plan de retour au travail et a prolongé son congé sans solde d’une période additionnelle de cinq mois, soit jusqu’au 4 septembre 2009, en vue de faciliter une telle entente.

 

[18]           Le 13 juillet 2009, le représentant de JC chargé de coordonner avec Mme Bergeron le retour au travail de cette dernière a réitéré la plus récente offre de l’employeur. Dans sa réponse en date du 2 septembre 2009, seulement deux jours avant l’expiration du congé de Mme Bergeron qui venait d’être prolongé, le représentant de Mme Bergeron a indiqué que JC devait [traduction] « nécessairement » convenir des éléments suivants : un plan de retour au travail conçu par les médecins de Mme Bergeron, et non par les médecins de SC; des dommages-intérêts compensatoires; le remboursement des dépens; des dommages-intérêts liés à l’atteinte aux droits de la personne pour souffrances et douleurs depuis novembre 2005; des dommages-intérêts liés à l’atteinte [traduction] « délibérée et inconsidérée » aux droits de la personne pour la conduite de JC depuis novembre 2005; des mesures de redressement non financières incluant, [traduction] « mais sans s’y limiter », une lettre d’excuses et une formation en matière de sensibilisation à l’intention des représentants du ministère.

 

[19]           Le 4 septembre 2009, bien avant que la Commission ne se prononce sur la seconde plainte, Mme Miller a répondu au second grief. Elle s’est dite désolée de la réponse de Mme Bergeron en date du 2 septembre 2009; elle [traduction] « [l’a] exhort[ée] à envisager de soumettre une réponse qui contribuerait de manière plus significative à faciliter [son] retour au travail »; et elle lui a accordé une autre prolongation de son congé sans solde – jusqu’au 2 octobre 2009 – afin de tenir compte des disponibilités de l’avocat de Mme Bergeron. Pour ce qui est du contenu du second grief, elle a répondu ce qui suit :

(i)     en ce qui a trait à l’allégation selon laquelle JC avait refusé de prolonger le congé sans solde de Mme Bergeron, Mme Miller a noté qu’elle avait prolongé son congé jusqu’au 4 septembre 2009 et que, dans le cadre de cette décision-ci, elle le prolongeait à nouveau jusqu’au 2 octobre 2009;

(ii)   en ce qui a trait à l’allégation concernant les paiements qui avaient été refusés, Mme Miller a signalé ceci : qu’il s’agissait d’une question de nature administrative, étant donné que Mme Bergeron avait envoyé des paiements accompagnés de peu d’explications et sans les formulaires requis, et avait envoyé un chèque tandis qu’il en fallait deux; que ces exigences administratives avaient été communiquées à Mme Bergeron et à son représentant; que, de toute manière, JC accepterait ses paiements;

(iii) en ce qui a trait aux allégations liées aux mesures discriminatoires, disciplinaires et de représailles, Mme Miller a conclu que [traduction] « ces allégations sont dépourvues de fondement ».

 

Enfin, la réponse, datée du 4 septembre 2009, au second grief réitérait l’offre du 6 mai 2009 et invitait Mme Bergeron ou son représentant à proposer une solution détaillée concernant son retour au travail [traduction] « bien avant le 2 octobre 2009 » [non souligné dans l’original].

 

[20]           Le 2 octobre 2009, l’avocat de Mme Bergeron a répondu en réitérant la position antérieure, en ergotant sur certains termes, en demandant que le congé sans solde de Mme Bergeron soit prolongé à nouveau de presque neuf mois, [traduction] « car, dans ce dossier, l’expérience [de l’auteur] a montré que la tenue de discussions holistiques et éclairées sur le plan médical nécessite un échéancier ample et souple », et en concluant avec l’exigence d’une réponse au plus tard le 16 octobre 2009.

 

[21]           Le 16 octobre 2009, JC a envoyé une réponse qui reflète l’impasse dans laquelle se trouvaient les parties :

[traduction]

 

Le ministère souhaite vous aviser qu’il n’a plus d’observations additionnelles à formuler, car il considère que ce volet du processus est terminé pour ce qui est des lettres de Donna Miller datées du 6 mai et du 4 septembre 2009.

 

[22]           Aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, LC 2003, c 22, le syndicat de Mme Bergeron avait le droit de soumettre les griefs à l’arbitrage. Il a choisi de ne pas procéder ainsi. On a laissé entendre que cette décision découlait de la [traduction] « menace » de JC de présenter une objection préliminaire qui se serait avérée coûteuse pour le syndicat, qui venait récemment d’obtenir l’accréditation pour représenter les avocats de JC. Quoi qu’il en soit, du fait que les griefs n’ont pas été soumis à l’arbitrage, les réponses de Mme Miller aux deux griefs constituaient des décisions définitives.

 

La démarche de l’enquêteuse

[23]           Le 9 février 2010, Mme Falconi, une enquêteuse de la Commission, a écrit aux parties pour les aviser qu’elle avait été affectée à la première et à la seconde plainte, et qu’elle avait été chargée de rédiger de nouveaux [traduction] « rapports relatifs aux articles 40 et 41 » concernant les questions préliminaires touchant les deux plaintes. Étant donné que le contexte avait évolué depuis l’objection initiale de JC, l’enquêteuse a noté que les plaintes soulevaient des questions aux termes de l’alinéa 41(1)d) de la LCDP, plus précisément celle de savoir si [traduction] « la procédure de règlement des griefs traitait adéquatement les questions soulevées dans [les] présente[s] plainte[s] ». Elle a invité les parties à soumettre des observations sur les facteurs se rapportant à la question de savoir si, compte tenu des réponses données aux griefs par Mme Miller, les plaintes étaient devenues « frivole[s], vexatoire[s] ou entachée[s] de mauvaise foi » selon la formulation utilisée à l’alinéa 41(1)d) de la LCDP. Plus précisément, l’enquêteuse a invité les parties à se pencher sur les facteurs suivants :

a)      Quelle était la nature de l’autre mécanisme de recours qui a été utilisé?

b)      Y a-t-il eu une audience consacrée aux questions soulevées par la plainte?

c)      La plaignante a-t-elle eu la possibilité de présenter sa position?

d)     Est-ce que la décideuse était indépendante?

e)      Quelle décision a-t-elle rendue?

f)        La décision aborde-t-elle toutes les questions relatives aux droits de la personne soulevées dans la plainte?

g)      Quelles mesures de redressement étaient demandées dans le grief ou l’autre mécanisme de recours?

h)      Si la plaignante a eu gain de cause (en tout ou en partie) dans le cadre de cet autre mécanisme de recours, quelles mesures de redressement lui ont été accordées?

Les parties ont soumis leurs observations, après quoi l’enquêteuse a préparé un rapport relatif aux articles 40 et 41 pour chaque plainte, comportant un résumé des observations et des faits se rapportant à chacun des facteurs exposés ci-dessus, ainsi qu’une brève analyse et une conclusion. Ces rapports, qui recommandaient le rejet des deux plaintes, ont été soumis aux parties en vue de recueillir des observations additionnelles. Les rapports, les observations des parties et d’autres documents pertinents ont été acheminés à la Commission pour que cette dernière rende sa décision.

 

Les décisions de la Commission

[24]           La Commission a rejeté les deux plaintes de Mme Bergeron.

 

[25]           Les décisions de la Commission visant la première plainte et la seconde plainte (la première décision et la seconde décision, respectivement) sont organisées en trois sections. La première section présente un résumé succinct de l’historique des procédures liées au dossier. La deuxième section s’amorce ainsi :

[traduction]

 

Ayant examiné et pris en considération les observations des parties [...], la Commission adopte l’analyse suivante exposée dans le rapport relatif aux articles 40 et 41.

 

Cet énoncé est suivi, dans les deux décisions, par la même citation de quatre paragraphes – soit la section [traduction] « Analyse » – tirés du rapport relatif aux articles 40 et 41 préparé relativement à la première plainte. Voici la citation en question :

[traduction]

 

L’Association des juristes du ministère de la Justice n’a pas soumis le grief à l’arbitrage, parce qu’elle s’attendait à ce que le défendeur présente des objections préliminaires quant à la compétence devant la [Commission des relations de travail dans la fonction publique]. Elle a également soutenu que, dans la décision sur le grief, le défendeur avait continué de faire abstraction des questions relatives aux droits de la personne soulevées par la plaignante. Toutefois, malgré les objections possibles du défendeur, ayant conclu que l’on n’avait pas tenu compte de questions relatives aux droits de la personne, [l’Association des juristes du ministère de la Justice] avait encore la possibilité de soumettre le grief de la plaignante à un arbitre, si elle le souhaitait. De plus, même si [la sous-ministre adjointe] n’a pas tranché en faveur de la plaignante en ce qui a trait aux allégations d’atteinte aux droits de la personne, elle semble s’être penchée sur cette question. La plaignante a signalé que [la sous-ministre adjointe] est la spécialiste en matière de droits de la personne chez le défendeur. Elle conteste l’objectivité de [la sous‑ministre adjointe], malgré le fait que [la sous-ministre adjointe] a partiellement accueilli le grief et déclaré qu’elle croyait que les parties disposaient d’autres solutions possibles pour poursuivre les discussions sur le retour au travail. La plaignante a déposé son grief en juillet 2008, près de trois ans après que les parties avaient entrepris les négociations initiales concernant le retour au travail de la plaignante. Aux fins du règlement du grief, il semble que [la sous-ministre adjointe] a examiné toute la documentation qui aurait été examinée dans le cadre d’une audience d’arbitrage.

 

Bien que la plaignante conteste le peu de précisions dans la lettre de [la sous‑ministre adjointe] en ce qui concerne l’offre de retour au travail, cela ne met pas en doute que l’offre a été présentée. De plus, [la sous-ministre adjointe] a autorisé la prolongation de la période de congé sans solde. Elle a autorisé cette prolongation pour accorder aux parties plus de temps pour s’entendre sur un plan de retour au travail qui aurait l’appui des médecins de la plaignante. Voilà pourquoi [la sous-ministre adjointe] a partiellement accueilli le grief de la plaignante. Elle n’a pas accordé de mesure de redressement de nature financière aux termes de la LCDP ou de toute autre voie de recours.

 

Compte tenu de l’ensemble des circonstances signalées dans la plainte, il semblerait que toutes les questions soulevées dans la plainte ont été examinées et abordées dans la décision relative au grief.

 

De plus, bien que le résumé de la plainte fasse renvoi à une politique ou pratique discriminatoire, l’avocat précédent de la plaignante avait précisé que la plainte ne visait pas une politique ou pratique discriminatoire, mais plutôt l’omission de prendre des mesures d’adaptation.

 

[26]           Dans la troisième section de chaque décision, l’enquêteuse [traduction] « prend note et admet les arguments suivants [...] du défendeur », puis cite un autre extrait de quatre paragraphes. Ces extraits de quatre paragraphes diffèrent dans chaque décision et il n’est pas nécessaire de les reproduire ici. Enfin, l’enquête conclut les décisions en affirmant que [traduction] « à la lumière de ce qui précède, la Commission décide [...] de rejeter la plainte pour les motifs exposés à l’alinéa 41(1)d) de la [LCDP] ».

 

La question en litige

[27]           La seule question soulevée est de savoir si les décisions de la Commission étaient raisonnables. Je conviens avec les parties que la norme de contrôle applicable à ces décisions est la décision raisonnable.

 

Analyse

Les décisions de la Commission sont-elles raisonnables?

[28]           La question préliminaire est la suivante : « Pour quels motifs la Commission a-t-elle rejeté les plaintes de Mme Bergeron? » Le défendeur soutient que les motifs pour lesquels la Commission a rejeté les deux plaintes sont les motifs mêmes que la Commission a fournis aux parties, qui sont résumés ci-dessus, ainsi que les motifs exposés dans les rapports aux termes des articles 40 et 41 produits pour chaque plainte par l’enquêteuse, Mme Falconi. Ainsi, le défendeur se fonde sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Sketchley c Canada, 2005 CAF 404, au paragraphe 37 (Sketchley) :

[37]      Selon moi, l’argument de l’appelant à cet égard doit être rejeté. Il est vrai que l’enquêteur et la Commission sont deux entités « à bien des égards distinctes » (Canada (Commission des droits de la personne) c. Pathak, 1995 CanLII 3591 (CAF), [1995] 2 C.F. 455 (C.A.), au paragraphe 21, le juge MacGuigan (avec l’appui du juge Décary)), mais il est également bien établi qu’aux fins d’une décision de la Commission en conformité avec le paragraphe 44(3) [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 64; 1998, ch. 9, art. 24] de la Loi, l’enquêteur n’est pas qu’un simple témoin indépendant devant la Commission (Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), 1989 CanLII 44 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 879, à la page 898 (SEPQA)). L’enquêteur établit son rapport à l’intention de la Commission et, par conséquent, il mène l’enquête en tant que prolongement de la Commission (SEPQA, à la page 898). Lorsque la Commission adopte les recommandations de l’enquêteur et qu’elle ne présente aucun motif ou qu’elle fournit des motifs très succincts, les cours ont, à juste titre, décidé que le rapport d’enquête constituait les motifs de la Commission aux fins de la prise de décision en vertu du paragraphe 44(3) de la Loi (SEPQA, aux pages 902 et 903; Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, 1998 CanLII 8700 (CAF), [1999] 1 C.F. 113 (C.A.), au paragraphe 30 (Bell Canada); Société Radio‑Canada c. Paul, 2001 CAF 93 (CanLII), 2001 CAF 93, au paragraphe 43).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[29]           Dans l’affaire Sketchley, la Commission avait adopté dans ses propres décisions les brèves sections [traduction] « Conclusion » des rapports de l’enquêteur. La Cour d’appel fédérale a convenu avec la Cour fédérale qu’il était approprié, dans ces circonstances-là, de traiter l’ensemble des rapports de l’enquêteur comme étant le raisonnement sous-tendant les décisions de la Commission. Toutefois, dans les décisions visées par les présentes demandes de contrôle judiciaire, la Commission a adopté la brève section [traduction] « Analyse » des rapports de l’enquêteuse, et non la section [traduction] « Conclusion ». Est-ce que cela change quelque chose? Peut-on se reporter aux autres sections des rapports de l’enquêteuse, même si la conclusion n’était pas la section du rapport que la Commission a expressément adoptée?

 

La seconde décision : T-316-12

[30]           La réponse à cette question en ce qui a trait à la seconde décision doit être la suivante : on ne peut se reporter aux autres sections du rapport de l’enquêteuse. Ainsi qu’il est signalé précédemment, et pour des raisons n’ayant aucune explication, à part peut-être une inadvertance ou l’omission d’examiner la question de manière appropriée, la Commission a cité la section [traduction] « Analyse » du rapport produit pour la première plainte à titre de motifs du rejet de la seconde plainte. Étant donné que les questions soulevées n’étaient pas les mêmes dans les deux plaintes, les motifs fournis par la Commission dans la deuxième section de la seconde décision sont, de prime abord, dépourvus de pertinence et d’intelligibilité. De plus, la troisième section de la seconde décision ne renferme aucune analyse pertinente : il n’y a aucune mention, encore moins une analyse, de la question de savoir si la décision de Mme Miller sur le second grief avait réglé la plainte de Mme Bergeron (selon laquelle elle avait subi des représailles pour avoir déposé la première plainte), si bien que la seconde plainte était devenue « frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi » .

 

[31]           Je ne peux souscrire à l’argument du défendeur selon lequel, si les motifs exposés ne suffisent pas à eux seuls pour étayer la conclusion rendue, la Cour peut se reporter aux autres sections du rapport visant la seconde plainte à titre de motifs de la seconde décision.

 

[32]           C’est une chose que de vérifier un extrait reproduit dans une décision qui est tiré du rapport d’un enquêteur, puis d’examiner le reste de ce rapport, comme on l’a fait dans l’affaire Sketchley. C’est tout à fait autre chose que de ne pas tenir compte du fait que la Commission a (apparemment) adopté un extrait du mauvais rapport, puis d’examiner un tout autre rapport comme étant les « vrais » motifs de la décision de la Commission. Un tribunal qui agirait ainsi ne se contenterait pas de « compléter » la décision de la Commission. Il réécrirait la décision.

 

[33]           Pour ce motif, et étant donné que la troisième section de la décision de la Commission ne comporte aucune analyse pertinente, la seconde décision – visée par une demande de contrôle judiciaire dans le dossier de la Cour no T-316-12 – sera annulée et renvoyée à la Commission pour nouvel examen. J’arrive à cette conclusion malgré qu’environ le tiers des incidents de représailles signalés dans la seconde plainte de Mme Bergeron soient survenus avant le dépôt de la première plainte, car la Commission doit se prononcer sur la question de savoir si la réponse de Mme Miller au second grief a réglé adéquatement le reste des allégations, si bien que la seconde plainte devrait être rejetée aux termes de l’alinéa 41(1)d) de la LCDP ou résolue d’une autre manière.

 

[34]           Par conséquent, je dois accueillir la demande no T-316-12.

 

La première décision : no T-315-12

[35]           Contrairement à la seconde décision, la section [traduction] « Analyse » citée par la Commission dans la première décision provenait du rapport produit effectivement pour la première plainte. Par conséquent, le principe de l’arrêt Sketchley selon lequel le reste du rapport de l’enquêteuse constitue le raisonnement de la Commission doit s’appliquer, à moins qu’il n’y ait un motif raisonnable d’écarter ce précédent.

 

[36]           Si la Commission n’avait adopté qu’une faible partie de la section [traduction] « Analyse », à tel point qu’il serait raisonnablement clair qu’elle avait préféré certains des motifs du rapport au détriment de certains autres, la Cour aurait peut-être tiré une conclusion différente. Toutefois, la Commission a adopté la totalité de la section [traduction] « Analyse », et rien ne permet de douter qu’elle voulait, en fait, adopter la totalité du rapport. Par conséquent, il est approprié de tenir compte de la totalité du rapport, et pas seulement de l’extrait expressément adopté par la Commission lors de l’examen de la première décision.

 

[37]           Ainsi qu’il est signalé précédemment, l’enquêteuse a invité les parties à soumettre des observations sur les facteurs qui aideraient à trancher la question de savoir si la première plainte était « frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi » du fait que [traduction] « la procédure de règlement des griefs [avait déjà] traité adéquatement les questions soulevées ». Voici à nouveau la liste des facteurs :

a)      Quelle était la nature de l’autre mécanisme de recours qui a été utilisé?

b)      Y a-t-il eu une audience consacrée aux questions soulevées par la plainte?

c)      La plaignante a-t-elle eu la possibilité de présenter sa position?

d)     Est-ce que la décideuse était indépendante?

e)      Quelle décision a-t-elle rendue?

f)       La décision aborde-t-elle toutes les questions relatives aux droits de la personne soulevées dans la plainte?

g)      Quelles mesures de redressement étaient demandées dans le grief ou l’autre mécanisme de recours?

h)      Si la plaignante a eu gain de cause (en tout ou en partie) dans le cadre cet autre mécanisme de recours, quelles mesures de redressement lui ont été accordées?

 

[38]           Ces facteurs visent à vérifier si une plainte a, au fond, déjà été tranchée dans le cadre d’un autre mécanisme, si bien que la Commission devrait refuser de la trancher une autre fois. La disposition prévoit qu’il peut y avoir certaines différences entre les questions soulevées, les voies de recours disponibles, la procédure utilisée et ainsi de suite dans les deux mécanismes – autrement, le recours à un autre mécanisme similaire, mais pas identique à celui prévu aux termes de la LCDP ne pourrait empêcher un plaideur de s’adresser à la Commission.

 

[39]           Il ressort clairement de la jurisprudence qu’il faut accorder à la Commission une grande marge de manœuvre dans l’exercice de son jugement et dans l’appréciation des facteurs pertinents lorsqu’elle doit se prononcer sur l’application de l’alinéa 41(1)d) de la LCDP et qu’elle exécute cette « fonction d’examen préalable » : voir, par exemple, l’arrêt Sketchley, au paragraphe 38.

 

[40]           Le rapport sur la première plainte comportait un résumé des faits et des arguments des parties. On peut ainsi résumer ce rapport :

a)      l’autre mécanisme de recours était la procédure de règlement des griefs de JC;

b)      [traduction« [i]l n’y a pas eu d’audience sur les questions parce que le grief n’a pas été soumis à l’arbitrage »;

c)      la plaignante a eu la possibilité de présenter sa position pleinement dans le cadre de la procédure de règlement des griefs;

d)     la plaignante soutient que la décideuse n’était pas indépendante (il n’y a aucune analyse de cette question);

e)      Mme Miller a conclu : qu’il n’y avait pas eu de mesure disciplinaire, ni de violation de la LCDP; que les mesures prises par JC étaient nécessaires pour répondre aux besoins opérationnels; qu’il n’était pas possible de poursuivre les discussions indéfiniment (Mme Miller a noté que le ministère avait fait plusieurs tentatives sur une période de plusieurs années, affirmant implicitement que Mme Bergeron n’avait pas été très coopérative dans le cadre du processus relatif aux mesures d’adaptation);

f)       [traduction« [Mme Miller] semble s’être penchée sur les questions [relatives aux droits de la personne] »;

g)      les mesures de redressement demandées dans le grief étaient similaires à celles demandées dans la plainte relative aux droits de la personne.

 

La section [traduction] « Analyse » du rapport est reproduite au paragraphe 25 des présents motifs. L’enquêteuse a conclu que les allégations de Mme Bergeron avaient été [traduction] « traitées » au moyen de la procédure de règlement des griefs.

 

[41]           Bien que les motifs de la Commission dans la première décision, formulés uniquement dans la lettre envoyée aux parties, sont loin d’être parfaits, le dossier à sa disposition (en particulier le rapport relatif aux articles 40 et 41 produit pour la première plainte) appuie amplement sa conclusion. Dans son premier grief, Mme Bergeron avait soulevé à peu près les mêmes questions qu’elle a soulevées dans la première plainte; elle avait demandé à peu près les mêmes mesures de redressement; elle avait eu la possibilité de présenter sa position (mais ne s’était pas pleinement prévalue de ce droit); elle avait obtenu une décision comportant une conclusion sur ses allégations concernant le refus de prendre des mesures d’adaptation (mais, dans une large mesure à cause des retards de Mme Bergeron elle-même, ces allégations ont été rejetées); elle avait reçu une autre offre de négociation de son retour au travail, ce qui indiquait que le processus relatif aux mesures d’adaptation était toujours en cours et que, par conséquent, le dépôt de sa plainte était prématuré.

 

[42]           La seule question dans la première plainte de Mme Bergeron qui était vraiment différente et qui n’avait pas été soulevée (ni, par conséquent, réglée) dans la procédure de règlement des griefs était de savoir si la politique (non identifiée) du Conseil du Trésor consistant à [traduction] « maintenir les personnes handicapées sur la liste de priorité pour seulement un an » était discriminatoire. Toutefois, dans ses observations en réponse au rapport relatif aux articles 40 et 41 produit pour la première plainte, Mme Bergeron n’a pas donné suite sérieusement à l’argument selon lequel le rejet de sa plainte entraînerait l’examen de la politique du Conseil du Trésor; de plus, Mme Bergeron n’a pas donné suite à cette question dans le cadre du présent contrôle judiciaire. Ainsi, en plus du fait que la question de savoir si les mêmes questions étaient soulevées dans les deux processus n’est qu’un des facteurs d’une analyse liée à l’alinéa 41(1)d), la question se rapportant à la politique du Conseil du Trésor est d’une importance négligeable dans le cadre du présent contrôle judiciaire visant la décision rendue par la Commission.

 

[43]           De plus, bien que Mme Bergeron ait toujours soutenu que la procédure de règlement des griefs n’était pas indépendante et, par conséquent, ne pouvait pas mener à une résolution adéquate de ses plaintes, rien n’indique que Mme Miller avait un parti pris ou a manqué d’impartialité dans ses décisions sur les griefs; de plus, dans les circonstances, le manque d’indépendance prétendu de la procédure de règlement des griefs ne suffit pas pour conclure que la décision de la Commission était déraisonnable : les lacunes alléguées sont hypothétiques et, encore une fois, n’ont trait qu’à un des facteurs dans la liste signalée ci-dessus. La plupart, sinon la totalité, des autres facteurs militaient en faveur du rejet de la plainte.

 

[44]           Par conséquent, la décision de la Commission – à savoir que les questions soulevées par Mme Bergeron avaient fait l’objet d’un traitement raisonnable lors de la procédure de règlement des griefs et qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre les procédures – appartenait aux issues possibles acceptables, et il n’y a pas lieu d’infirmer cette décision.

 

[45]           Par conséquent, je dois rejeter la demande no T-315-12.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.         la demande de contrôle judiciaire dans le dossier de la Cour no T-315-12 est rejetée;

2.         la demande de contrôle judiciaire dans le dossier de la Cour no T-316-12 est accueillie, la décision de la Commission est annulée, et l’affaire est renvoyée à la Commission;

3.         les parties ayant chacune obtenu partiellement gain de cause, il n’y aura pas d’adjudication de dépens.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-315-12

INTITULÉ :                                      MICHÊLE BERGERON c PROCUREUR GÉNÉRAL

 

DOSSIER :                                        T-316-12

INTITULÉ :                                      MICHÊLE BERGERON c PROCUREUR GÉNÉRAL

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 28 novembre 28 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 25 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Yazbeck

 

                        POUR LA DEMANDERESSE

Alexandre Kaufman

 

 

                        POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

RAVEN, CAMERON, BALLANTYNE

& YAZBECK LLP/s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

   POUR LA DEMANDERESSE

WILLIAM F. PENTNEY

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

   POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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