Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 


Date : 20130322

Dossier : IMM-2613-12

Référence : 2013 CF 295

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 mars 2013

En présence de madame la juge Gagné

 

 

ENTRE :

 

TEJINDER SINGH

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               L'appelant, M. Singh, est un citoyen de l'Inde âgé de 40 ans qui est devenu résident permanent du Canada le 21 novembre 1997. Le 8 mai 2010, une mesure de renvoi a été prise contre lui, en application de l’article 41 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), pour manquement à l’obligation de résidence prévue à l’article 28 de la LIPR. Aux termes de l'article 28, le résident permanent doit, sous réserve d'exceptions bien définies, être effectivement présent au Canada pendant au moins 730 jours pour chaque période quinquennale afin de conserver son statut de résident permanent. Le demandeur a interjeté appel de cette décision devant la Section d'appel de l'immigration (la SAI), qui a rejeté l'appel le 6 mars 2012. Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SAI.


Le contexte

[2]               Le demandeur est arrivé au Canada en 1991, à l'âge de 19 ans, et il a obtenu la résidence permanente en 1997. Il est le père de quatre enfants, dont trois sont nés d'une relation précédente avec Mme Daljit Kaur. Le demandeur et Mme Kaur se sont mariés le 11 décembre 1994 et ont eu deux filles et un fils, qui sont tous les trois nés au Canada et qui ont respectivement 18, 16 et 11 ans.

 

[3]               Le demandeur et sa famille ont déménagé en Inde en 2004. La même année, le demandeur et Mme Kaur se sont séparés et Mme Kaur est retournée au Canada avec leur fils. Leurs filles sont restées avec leur père en Inde parce qu'elles y fréquentaient l'école.

 

[4]               Depuis 2003, le demandeur fait l'aller-retour entre le Canada et l'Inde, prétendument pour s'occuper des propriétés qui appartenaient à son défunt père. En 2007, le demandeur et ses filles sont revenus au Canada et ont emménagé avec la sœur du demandeur et sa famille, sa mère et une autre sœur. Le demandeur soutient que ses trois enfants habitent principalement avec lui et habitent parfois avec leur mère.

 

[5]               Toujours en 2007, alors qu’il était en Inde, le demandeur a épousé Mme Harpreet Kaur. Son épouse et lui ont eu un fils qui est né en Inde le 28 octobre 2008.

 

[6]               En mai 2010, le demandeur a été arrêté à la frontière de Niagara Falls alors qu’il tentait d’entrer au Canada. Il a été interrogé par deux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada et une mesure de renvoi a été prise contre lui en raison de ses absences prolongées du Canada.

 

[7]               Le défendeur a d'abord interjeté appel de la mesure de renvoi, en application de l'article 63 de la LIPR, le 12 mai 2010. Le 19 janvier 2011, le demandeur a retiré son appel et, le 18 avril 2011, il a demandé un réexamen pour des considérations d’ordre humanitaire (CH). Il soutenait que les considérations d’ordre humanitaire étaient suffisantes, compte tenu de l’intérêt supérieur des enfants directement touchés par la mesure contestée, pour justifier la prise d’une mesure spéciale.

 

[8]               Depuis la prise de la mesure de renvoi contre lui, le demandeur a habité au Canada, à l’exception d’un voyage de deux mois en Inde de février à avril 2011.

 

La décision faisant l’objet du présent contrôle

La crédibilité

[9]               La SAI a conclu que le demandeur n'était pas un témoin crédible et, par conséquent, elle n'a pas accordé une grande force probante à son témoignage. La SAI a conclu que la majeure partie du témoignage du demandeur était vague et manquait de détails; ses réponses à plusieurs questions étaient évasives et manquaient de franchise, par exemple en ce qui a trait à son établissement au Canada et aux circonstances menant à son obtention de la résidence permanente, aux circonstances de son premier mariage, ainsi qu'aux dates de naissance complètes de ses filles et de son fils cadet. La SAI a conclu que cette dernière information était particulièrement importante, parce que le demandeur sollicitait la prise d’une mesure spéciale dans l’intérêt supérieur de ses enfants.

 

[10]           De plus, la SAI a noté que, pendant son interrogatoire mené par l’agent au point d’entrée, le demandeur n’avait pas mentionné qu’il s’était remarié en 2007 et qu’il avait un autre fils en Inde, bien que l’agent lui ait posé plusieurs fois des questions sur son état matrimonial et sur le nombre d’enfants qu’il avait. Le demandeur a simplement déclaré qu’il était divorcé depuis 2003 et qu’il avait trois enfants au Canada.

 

[11]           La SAI a déclaré que le demandeur n’avait pas fourni de preuve documentaire à l’appui de son allégation selon laquelle il assurait le soutien financier de ses enfants au Canada et elle a expliqué que le témoignage du demandeur à ce sujet n’était pas clair. Le témoignage était aussi incohérent et nébuleux quant aux interactions des filles du demandeur avec sa nouvelle femme, à la durée de leur séjour en Inde et à la question de savoir avec qui les filles du demandeur habitaient au Canada. Pendant son interrogatoire, le demandeur a déclaré que son premier fils habitait avec son ex‑femme, mais lors de l’audience devant la SAI, il a soutenu que son fils habitait principalement avec lui et qu’il n’habitait qu’occasionnellement avec sa mère.

 

[12]           Quant aux raisons pour lesquelles le demandeur s’est absenté du Canada, la SAI a noté qu’il n’avait fourni aucune preuve documentaire au sujet des problèmes qu’il avait dû régler en ce qui a trait aux terres et aux propriétés de son père en Inde. Le demandeur a seulement abordé la question dans son témoignage général et a vaguement fait référence à de la fraude et à de la fraude documentaire. Il a aussi omis de présenter des preuves au sujet de ses activités commerciales au Canada, notamment des documents fiscaux de Revenu Canada.

 

Les facteurs d’ordre humanitaire pertinents

[13]           Considérant l’ensemble des facteurs pertinents établis dans les affaires Bufete Arce, Dorothy Chicay c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (SAI VA2-02515) [2003] DSAI no 370, et Yun Kuen Kok & Kwai Leung Kok c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (SAI VA2-02277), [2003] DSAI no 514 (aussi citée dans Ambat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 292, [2011] ACF no 377, au paragraphe 27), la SAI a statué que les considérations d’ordre humanitaire n'étaient pas suffisantes pour l'emporter sur le manquement du demandeur à l'exigence en matière de résidence. Outre l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché, la liste non exhaustive suivante de facteurs est particulièrement pertinente dans les appels fondés sur des motifs d'ordre humanitaire au sens de l'article 63 de la LIPR :

(i)                 l’étendue du manquement à l’obligation de résidence;

(ii)               les raisons du départ et du séjour à l’étranger;

(iii)             le degré d’établissement au Canada, initialement et au moment de l’audience;

(iv)             les liens familiaux avec le Canada;

(v)               la question de savoir si l’appelant a tenté de revenir au Canada à la première occasion;

(vi)             les bouleversements que vivraient les membres de la famille au Canada si l’appelant était renvoyé du Canada ou si on lui en refusait l’entrée;

(vii)           les difficultés que vivrait l’appelant s’il était renvoyé du Canada ou s’il se voyait refuser l’admission au pays;

(viii)         l’existence de circonstances particulières justifiant la prise de mesures spéciales.

 

[14]           Le demandeur soutient qu’il s'est rendu en Inde et y est resté pour une période indûment prolongée pour trois raisons : les terres et les propriétés de son père, les études de ses filles en Inde de 2004 à 2007 et son entreprise d’enseignement de l’anglais en Inde depuis 2008. La SAI a conclu que l’entreprise et la nouvelle famille du demandeur en Inde ne justifiaient pas son manquement à son obligation de résidence, en particulier parce que, depuis 2007, il n’avait pas tenté de parrainer sa femme et son fils pour que ceux-ci viennent au Canada.

 

[15]           Le demandeur n’a pas fourni suffisamment de preuves documentaires à l’appui de ses autres raisons. La SAI a ajouté que les filles du demandeur étaient présentes à l’audience et auraient pu être appelées à témoigner au sujet de leurs études en Inde, mais cela n'a pas été fait. La SAI a accordé peu de poids aux lettres de deux écoles publiques en Inde, parce qu’elles étaient postérieures à la mesure de renvoi prise contre le demandeur et parce qu’aucun bulletin scolaire n'avait été déposé comme preuve corroborante.

 

[16]           La SAI a conclu que les éléments de preuve concernant l'établissement du demandeur au Canada n'étaient pas suffisants. Elle a déclaré que, bien que le demandeur ait des liens au Canada, puisqu’une partie de sa famille y habite et qu’il y a des liens d’affaires (du moins sur papier et selon son vague témoignage), la preuve n’est pas suffisante pour prouver un établissement au Canada digne d'un résident permanent. La SAI a notamment souligné que le demandeur s’était rendu en Inde pour une période de deux mois depuis que la mesure de renvoi avait été prise contre lui, ce qui montre qu’il a des liens importants en Inde.

 

[17]           En ce qui a trait aux activités d'entreprise du demandeur au Canada, la SAI a conclu que la majeure partie de la preuve était postérieure à la mesure de renvoi (y compris le certificat de qualification du demandeur pour sa formation sur l’utilisation d’équipement lourd au diesel ainsi que certains permis d’entreprise); qu’il y avait peu d’éléments prouvant que les entreprises alléguées étaient fonctionnelles (à une exception près); que le demandeur n’avait pas fourni de documents fiscaux ni d’états financiers pour ces entreprises (y compris TJ Auto Glass); que les relevés bancaires du demandeur qui faisaient état de dépôts, de retraits et de soldes n’étaient pas corroborés par d’autres éléments de preuve.

 

[18]           Quant aux liens familiaux du demandeur, la SAI a conclu qu’il s’agissait d’un facteur neutre. Elle a noté qu’en plus de ses trois enfants, le demandeur habitait avec sa mère, sa sœur, son beau-frère et deux nièces. Cependant, il a aussi une femme et un fils de trois ans et demi en Inde.

 

[19]           En ce qui a trait au facteur des difficultés, la SAI a conclu que le demandeur serait exposé à très peu de difficultés s’il devait quitter le Canada, compte tenu du fait qu’il a une famille et une entreprise fonctionnelle en Inde et qu’il y a passé beaucoup de temps au cours des dernières années. La SAI a aussi conclu que le fait que le demandeur a choisi de ne pas parrainer sa femme et son fils pour qu’ils viennent au Canada montre son intention de rester en Inde.

 

[20]           Quant à la famille du demandeur, la SAI a conclu que la mère de celui-ci ne serait pas exposée à des difficultés excessives si son fils retournait en Inde, parce qu’elle habite avec ses filles au Canada et qu’elle pourrait se rendre en Inde ou aux États‑Unis pour voir son fils, ou qu’elle pourrait communiquer avec lui par téléphone.

 

[21]           Enfin, la SAI a noté que, bien que le fils du demandeur soit relativement jeune, ses filles sont beaucoup plus vieilles et ont passé beaucoup de temps loin de leur père. La SAI a conclu que malgré cela, si la séparation est insupportable pour les filles du demandeur, elles peuvent aller habiter avec leur père en Inde, puisqu’elles y ont déjà vécu et y ont fréquenté l’école, ou elles peuvent lui rendre visite pendant leurs vacances. Leur père continuera de subvenir financièrement à leurs besoins et elles continueront d’habiter avec leur grand-mère, leurs tantes et leur mère, comme elles l’ont fait lorsque leur père était en Inde.

 

[22]           En ce qui a trait à l’intérêt supérieur des enfants, la SAI a déclaré que les enfants du demandeur, tant ceux au Canada que celui en Inde, allaient être séparés d'une certaine façon de leur père, mais que cela était dû, en général, aux décisions prises par le demandeur même, en particulier sa décision de manquer à son obligation de résidence plutôt que de parrainer sa femme actuelle et son fils cadet. Compte tenu de ces faits, la SAI a conclu que les difficultés auxquelles seraient exposés les enfants du demandeur et leur intérêt supérieur étaient des facteurs neutres dans l’examen des considérations d’ordre humanitaire.

 

[23]           La SAI a conclu que le demandeur ne s'était pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir que les considérations d’ordre humanitaire étaient suffisantes pour justifier la prise de mesures spéciales, compte tenu des circonstances et, par conséquent, son appel a été rejeté.

 

Les questions en litige et la norme de contrôle

[24]           Le demandeur soulève les points suivants dans la présente demande de contrôle judiciaire :

1.      La SAI a-t-elle commis une erreur de droit dans son appréciation de l'intérêt supérieur des enfants parce qu'elle n'a pas été réceptive, attentive et sensible à cet intérêt?

 

2.      La SAI a-t-elle commis une erreur de droit dans son appréciation de l’établissement du demandeur au Canada et des difficultés qu’aurait ce dernier s’il était renvoyé en Inde?

 

[25]           La jurisprudence établit clairement que de telles questions, y compris les conclusions de la SAI quant à la crédibilité, appellent la norme de contrôle de la décision raisonnable parce qu’il s’agit de questions de fait : Wei c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1084, [2012] ACF no 1173, aux paragraphes 36 à 39; Tai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 248, [2011] ACF no 289, au paragraphe 48; Ikhuiwu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 35, [2008] ACF no 35 [Ikhuiwu], aux paragraphes 15 et 16; et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339 [Khosa] , au paragraphe 58.

 

[26]           Lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable, la Cour ne doit intervenir que s’il est établi que la SAI a tiré une conclusion qui n’est pas transparente, justifiable ou intelligible ou qui n’appartient pas aux issues acceptables, compte tenu de la preuve dont elle disposait (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47; Khosa, précité, au paragraphe 59). Par conséquent, la Cour ne peut pas y substituer l’issue qui serait à son avis préférable, et il ne rentre pas dans ses attributions de soupeser à nouveau les éléments de preuve (Khosa, précité, aux paragraphes 59 à 61).

 

Analyse

[27]           Le demandeur conteste l'appréciation que la SAI a faite de l'intérêt de ses enfants nés au Canada et de la preuve de son établissement au Canada. Cependant, la majeure partie des arguments invoqués par le demandeur concernent le poids accordé à la preuve par la SAI et sa mise en balance des facteurs d'ordre humanitaire pertinents. Aucun de ces arguments n’est suffisant pour justifier l’intervention de la Cour. Je conclus que la décision contestée est entièrement étayée par la preuve au dossier et qu’elle appartient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[28]           Le demandeur a cité la décision du juge Campbell dans Kolosovs c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 165, [2008] ACF no 211 [Kolosovs], soutenant que la SAI n’avait pas tenu compte des facteurs pertinents dans son appréciation de l’intérêt supérieur des enfants, facteurs établis à l’article 5.12 du Guide de l’immigration IP-5, à savoir (i) l’âge de l’enfant; le degré de dépendance entre l’enfant et le demandeur CH; (ii) le degré d’établissement de l’enfant au Canada; (iii) les liens de l’enfant avec le pays à l'égard duquel la demande CH est examinée; (iv) les problèmes de santé ou les besoins particuliers de l’enfant, le cas échéant; (v) les conséquences sur l’éducation de l’enfant; (vi) les questions relatives au sexe de l’enfant. Cependant, le demandeur n’a pas précisé lequel de ces facteurs la SAI a écarté ou a mal apprécié.

 

[29]           Le demandeur soutient que la SAI a mal interprété la preuve lorsqu’elle a conclu que le demandeur n’avait pas été en mesure de fournir les dates de naissance complètes de ses enfants, puisqu’il a bien fourni les bonnes dates et mois de naissance de ses trois enfants à l’audience. Le demandeur conteste en particulier le fait que la SAI a conclu que cet élément était « très important », compte tenu du fait que le demandeur demande la prise de mesures spéciales dans l’intérêt supérieur de ses enfants.

 

[30]           J’ai lu les transcriptions de l’audience et je conclus que le demandeur a bel et bien déclaré que sa deuxième fille est née en 1996, alors qu’elle est née en 1997. De plus, le commentaire de la SAI au sujet de l’importance de l’erreur dans le témoignage du demandeur portait sur sa capacité à se souvenir de la date de naissance de son fils cadet, et ce fait est aussi confirmé par la lecture des transcriptions.

 

[31]           Le demandeur soutient que la SAI a tiré des conclusions de fait contradictoires lorsqu’elle a accordé peu de poids aux lettres provenant des écoles des enfants prouvant qu’ils avaient fréquenté l’école en Inde, alors qu’elle a aussi conclu que les filles du demandeur pouvaient déménager en Inde pour habiter avec leur père, puisqu’elles l’ont déjà fait. Je ne suis pas d’avis que cette appréciation a été faite de manière abusive ou arbitraire et sans fondement, comme le laisse entendre le demandeur.

 

[32]           Le demandeur souligne seulement des points mineurs dans la décision contestée. La SAI n’a pas douté du fait que les filles du demandeur avaient fréquenté l’école en Inde. Deuxièmement, la SAI a conclu que la décision du demandeur de déménager en Inde était, en général, insuffisante pour justifier son séjour indûment prolongé. La SAI a examiné en détail la situation particulière du demandeur. L’essentiel de la décision de la SAI était que le demandeur n’avait pas justifié de façon adéquate son manquement à son obligation de résidence, pas que le manquement était « le facteur dominant et déterminant » (Frankie Hak Wo Lau c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1984] 1 CF 434). De plus, la SAI a conclu qu’en général, le témoignage du demandeur n’était pas crédible ni fiable pour des motifs qui n'ont pas été contestés dans la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[33]           Quelle que soit la raisonnabilité des deux conclusions analysées ci-dessus, rien ne me porte à croire que la SAI n'a pas fait preuve de la sensibilité requise, au sens de la décision Kolosovs, précitée, au paragraphe 9 à 12, ou qu'elle n'a pas examiné le degré probable de difficultés auquel les enfants seraient exposés si le demandeur est renvoyé en Inde. Elle a plutôt soupesé ces difficultés en fonction d'autres facteurs pertinents (Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (CA), 2002 CAF 475, [2003] 2 CF 555, aux paragraphes 4 à 6. Compte tenu de toutes les circonstances en l'espèce, la SAI pouvait définitivement conclure que les enfants du demandeur ne seraient pas indûment affectés par le départ de leur père, puisque c'est ce qu'ils ont vécu pendant plusieurs années.

 

[34]           Le demandeur soutient que la SAI ne devrait pas fonder une conclusion quant à son manque de crédibilité sur l'absence de preuve, et que le fait que les documents au sujet de son emploi et de son engagement dans la communauté étaient postérieurs à la prise de la mesure de renvoi ne devrait pas être utilisé pour miner la fiabilité de ces documents. Cependant, la date des documents n'était qu'un des facteurs dont la SAI a raisonnablement tenu compte dans son appréciation des considérations d'ordre humanitaire. Le manque de précision dans la preuve, l'absence de preuve corroborant de nombreux points et l'insuffisance de circonstances spéciales sont d'autres raisons que la SAI a fournies pour soutenir la conclusion selon laquelle les liens et l'établissement du demandeur au Canada n'étaient pas suffisants pour l'emporter sur son manquement à l'obligation légale qui lui est imposée à titre de résident permanent.

 

[35]           En conclusion, le demandeur n'a présenté à la Cour aucun argument convaincant. Il a seulement contesté l'appréciation que la SAI a faite d'une partie de la preuve dont elle était saisie, et j'ai conclu que cette appréciation était raisonnable, compte tenu des circonstances (Ikhuiwu, précitée, aux paragraphes 18 et 32 à 34). Pour ce motif, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les avocats n'ont proposé aucune question de portée générale, et il ne s’en pose aucune en l’espèce.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                 la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée et qu’aucune question de portée générale n'est certifiée.

 

« Jocelyne Gagné »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                        IMM-2613-12

 

INTITULÉ :                                      TEJINDER SINGH c MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :             Le 23 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE GAGNÉ

 

DATE :                                              Le 22 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Clarissa Waldman

 

POUR LE DEMANDEUR

Laoura Christodoulides

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Clarissa Waldman

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Laoura Christodoulides

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.