Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 


Date : 20130326

Dossier : IMM-7645-11

Référence : 2013 CF 309

[traduction FRANÇAISE certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 26 mars 2013

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

AL-MUNZIR ES-SAYYID

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur vise à obtenir l’annulation de la décision d’un délégué du ministre de la Sécurité publique et de la protection civile (le délégué), selon laquelle il représentait un danger pour le public et qu’il ne serait pas exposé à un risque s’il était renvoyé du Canada.

 

[2]               Le demandeur est un réfugié au sens de la Convention qui est arrivé au Canada alors qu’il était âgé de 7 ans.

 

[3]               En 2009, la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour grande criminalité. Il a commis diverses infractions quand il était adolescent et, en 2007, à l’âge de 18 ans, il a commis un vol et un vol à main armée en faisant usage d’une imitation d’arme à feu. Lorsqu’il était en prison, on l’a trouvé en possession d’héroïne. Par conséquent, la Section de l’immigration a pris une mesure d’expulsion contre lui.

 

[4]               Le principe de non-refoulement empêche le renvoi du demandeur vers l’Égypte sans considération spéciale au titre de l’alinéa 115(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi). Par suite de la décision défavorable du délégué au titre de cet alinéa, le demandeur a été débouté de la demande qu’il avait présentée à la Cour en vue d’obtenir un sursis à l’exécution de son renvoi. Il a depuis été expulsé vers l’Égypte.

 

La décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

 

[5]               Le délégué a conclu que le comportement criminel du demandeur s’était intensifié de vols commis dans la cour d’école jusqu’à des vols à main armée prémédités et des menaces de violence contre des femmes vulnérables et marginalisées dans l’industrie du sexe. Le délégué a pris en compte la preuve selon laquelle il était un leader parmi ses pairs criminels et que, comme il n’avait pas d’emploi, son mode de vie était basé sur le crime.

 

[6]               Le délégué est arrivé à la conclusion que le demandeur ne s’était pas réadapté. Il avait commis des infractions alors qu’il était sous probation ou incarcéré. Il a été transféré dans une prison à sécurité maximale, parce qu’on ne pouvait le surveiller et le contrôler adéquatement dans un établissement à sécurité moyenne.

 

[7]               Le délégué a fait remarquer que le régime Moubarak avait été renversé et que le Service d’enquêtes de sécurité de l’État, responsable de la torture de dissidents, avait été démantelé. Parmi ceux qui ont été récemment arrêtés, aucun ne faisait partie de la famille d’un dissident du précédent régime. Rien dans la preuve ne donnait à penser que, lorsqu’il était un jeune garçon, au moment où sa famille et lui avaient quitté l’Égypte, les autorités s’intéressaient au demandeur. Par conséquent, le délégué a conclu qu’il ne serait pas exposé à un risque en Égypte.

 

[8]               Le délégué a aussi tenu compte des considérations d’ordre humanitaire et a conclu qu’elles ne l’emportaient pas sur le risque que posait le demandeur pour le public.

 

Les questions en litige

 

[9]               Le présent contrôle judiciaire soulève trois questions en litige :

(1)      La Cour devrait‑elle rejeter la demande comme étant théorique?

(2)      Le demandeur a‑t‑il bénéficié de l’équité procédurale?

(3)      La décision était‑elle raisonnable?

 

[10]           Le demandeur prétend que les conclusions étaient déraisonnables, en ce qu’elles n’étaient pas étayées par la preuve et, de fait, qu’elles étaient contredites par certains éléments de preuve dont disposait le délégué. En outre, il prétend que, comme des conclusions quant à la crédibilité furent tirées en rapport avec quatre questions importantes, les principes relatifs à l’équité procédurale exigeaient que le demandeur ait une entrevue avant que la décision soit rendue. Le demandeur prétend également que les considérations d’ordre humanitaire n’ont pas été convenablement définies et que l’appréciation qui en a été faite était déraisonnable, en particulier du fait que le demandeur retournerait dans un pays en proie à une tourmente politique et économique, alors qu’il ne possède qu’une aptitude de base pour s’exprimer dans la langue de ce pays, où il n’a pas résidé depuis son départ, à l’âge de 2 ans.

 

Analyse

 

[11]           Une procédure est théorique lorsqu’il n’existe pas de litige actuel entre les parties : Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342.

 

[12]           L’objet de la décision du délégué au titre de l’alinéa 115(2)a) de la Loi était de trancher la question de savoir si le demandeur pouvait être renvoyé du Canada. Le contrôle judiciaire de cette décision ne porterait aucunement atteinte aux droits du demandeur, puisqu’il a déjà été renvoyé.

 

[13]           Dans l’arrêt Mohamed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CAF 303, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’un appel à l’encontre du contrôle judiciaire d’un avis donné au titre du paragraphe 115(2) était théorique après que le demandeur eut été renvoyé du Canada. La Cour a aussi refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre l’appel.

 

[14]           L’arrêt Borowski énonce les trois facteurs qu’une cour devrait examiner pour décider d’entendre ou non une demande sur le fond dans des circonstances comme celles dont la Cour est saisie. Parmi ces facteurs, il y a : le système contradictoire, l’économie des ressources judiciaires ainsi que la fonction de la cour dans l’élaboration du droit.

 

[15]           En ce qui a trait à l’économie des ressources judiciaires, il y a des situations où il peut s’avérer convenable d’entendre une demande dans le cas où cela aurait quelque incidence, en pratique, sur les parties, ou dans le cas où le litige pourrait vraisemblablement réapparaître, mais redevenir théorique avant qu’une décision soit rendue, ou dans celui où le fait de ne pas trancher l’affaire pourrait engendrer un coût social.

 

[16]           Il n’y a aucune de ces circonstances spéciales dans la présente demande. Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Mohamed, les questions soulevées dans le présent contrôle judiciaire peuvent être examinées dans une autre instance concernant un demandeur qui se trouve au Canada. Le contrôle judiciaire ne peut conférer au demandeur en l’espèce un avantage pratique, parce qu’il a déjà été renvoyé. Le litige entre les parties, à savoir si le demandeur peut être renvoyé du Canada sans égard à son statut, a disparu.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée au motif qu’elle est théorique. Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7645-11

 

INTITULÉ :                                      AL-MUNZIR ES-SAYYID c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 12 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 26 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Barbara Jackman

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ian Hicks

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman, Nazami & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney,

Sous-procureur du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.