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Date : 20130318

Dossier: IMM-7961-12

Référence : 2013 CF 281

Ottawa (Ontario), le 18 mars 2013

En présence de madame la juge Gagné 

 

ENTRE :

 

BEYAZIT TAS

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, un citoyen de la Turquie, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 18 juillet 2012, par laquelle la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés [tribunal], a conclu qu’il n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle d’une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27. Le tribunal se fonde essentiellement sur le manque de crédibilité du demandeur et l’existence d’une preuve contradictoire quant à sa crainte de persécution alléguée.

 

[2]               Le demandeur allègue qu’il est originaire de la ville d’Izmir, d’ethnicité kurde et de religion alévie. Il allègue avoir une crainte de persécution dans son pays du fait de son ethnicité kurde, de sa religion alévie, et des opinions politiques qui lui seraient imputées en raison de l’appartenance de son père au Parti de la société démocratique [DTP], un parti nationaliste kurde.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, la Cour est d’opinion que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

 

Faits et procédures

[4]               Dans son Formulaire de renseignements personnels [FRP], le demandeur allègue qu’il a souffert de la discrimination systémique à l’endroit des kurdes depuis son très jeune âge. À l’école, il était forcé de suivre des cours de religion et de participer à la prière avec les étudiants turcs. Il allègue également qu’il ne pouvait apprendre sa langue maternelle et qu’il était discriminé à cause de son accent kurde, la langue de scolarisation étant obligatoirement le turc.

 

[5]               Le demandeur allègue qu’en mars 2007, dans le cadre de la célébration de la fête du Nouvel An kurde à laquelle il participait, la police turque a attaqué la foule et plusieurs personnes ont été arrêtées. Le demandeur n’a pas été arrêté mais il aurait été mordu par un chien policier.

 

[6]               En novembre 2009, le demandeur et son père auraient participé à un rassemblement des membres du DTP au cours duquel des membres du Parti d’action nationaliste [MHP], soutenus par les forces de sécurité, auraient attaqué les partisans du DTP. Une dizaine de personnes auraient été blessées et plusieurs, dont le demandeur et son père, auraient été arrêtées et détenues par la police. Le demandeur allègue que pendant leur détention, d’une durée de deux jours, son père et lui auraient été battus et sommés de ne plus participer à de telles manifestations.

 

[7]               Une fois libéré, le demandeur a décidé de quitter la Turquie et de demander l’asile au Canada, où vit sa sœur. Il est arrivé au Canada le 21 août 2010 et a soumis sa demande d’asile le 23 août 2010. Son FRP est daté du 15 septembre 2010.

 

[8]               Le refus du tribunal de faire droit à la demande d’asile du demandeur est entièrement fondé sur une absence de crédibilité quant aux divers éléments de sa revendication, essentiellement en raison des contradictions et incohérences émanant de la preuve, pour lesquelles le demandeur n’a pas été en mesure de fournir d’explication satisfaisante.

 

[9]               Les principales préoccupations du tribunal peuvent être résumées comme suit :

         Le demandeur a mentionné au cours de son témoignage qu’une fois remis en liberté en novembre 2009, il s’est rendu à Istanbul et est demeuré chez sa tante jusqu’à ce qu’il quitte la Turquie en août 2010. Cependant, ce fait ne ressort ni de sa demande d’asile ni de sa réponse à la question 11 du FRP. Au contraire, le demandeur mentionne dans son FRP qu’il a travaillé comme nettoyeur pour la municipalité d’Izmir de décembre 2008 à août 2010. Par ailleurs, dans sa demande de visa temporaire déposée le 19 juillet 2010 à partir de la ville d’Ankara, il fournit une adresse de résidence dans la ville d’Izmir. Le demandeur n’a pas été en mesure d’expliquer cette incohérence à la satisfaction du tribunal;

 

         Dans sa demande d’asile, le demandeur indique craindre « la police, l’armée et des groupes de jeunes de la droite », alors qu’il ne mentionne pas d’expérience négative avec l’armée dans le récit inclus dans son FRP. Dans sa demande d’asile, la période à laquelle le demandeur aurait fait son service militaire obligatoire (août 1999 - février 2000) ne correspond pas à celle mentionnée dans son FRP (août 2000 - février 2002), et il n’a pas été en mesure de fournir le nom de son officier commandant;

         En réponse à la question 37 de sa demande d’asile, comme dans sa demande de visa temporaire, le demandeur mentionne qu’il n’a jamais été arrêté ou détenu par la police, l’armée ou quelqu’autre autorité, alors qu’il allègue dans son FRP et témoigne, lors de l’audience, qu’il aurait été arrêté et détenu pendant deux jours;

         Le demandeur a aussi fourni des informations contradictoires concernant son historique d’emploi, notamment entre 1998 et 2008. Alors qu’il n’indiquait aucun emploi pendant cette période dans sa demande d’asile, il mentionne dans son FRP qu’il était travailleur autonome dans l’industrie de la construction entre février 2002 et janvier 2008. Lors de l’audience, il a plutôt affirmé qu’entre 2002 et 2008, il n’a occupé que des emplois temporaires de courtes durées. Le tribunal a noté que le témoignage du demandeur sur ce sujet n’était pas crédible;

         Dans son FRP, le demandeur prétend être de religion alaouite alors qu’il fait plutôt état de la religion alévie dans sa demande d’asile. Lors de l’audience, le demandeur a confirmé être de religion alévie et prétendu qu’une erreur de traduction expliquerait la contradiction. Le tribunal doute de cette explication puisque le demandeur a jugé pertinent de produire au soutien de sa demande d’asile un article du Financial Times, daté du 23 mars 2012, traitant de la discrimination subie par la communauté alaouite en Turquie;

         Dans son FRP, le demandeur mentionne la langue kurde comme étant sa langue maternelle et indique qu’il parle couramment le turc et le kurde. Il a toutefois demandé un interprète turc lors de l’audience devant le tribunal en indiquant qu’il ne parlait pas bien le kurde;

         Enfin, le passeport du demandeur contenait un visa pour la Thaïlande, obtenu le 15 juillet 2010, dont il prétendait ne pas avoir connaissance. Le tribunal a trouvé invraisemblable l’explication du demandeur à l’effet que l’agent engagé pour lui obtenir un visa pour le Canada lui en avait également obtenu un, à son insu, pour la Thaïlande.

 

[10]           À la lumière de ces contradictions, le tribunal conclut qu’il ne disposait pas d’une preuve suffisante pour établir l’élément central de la revendication du demandeur, soit le fait qu’il était un kurde alévi. Le tribunal note également que selon le témoignage du demandeur, son père, bien qu’il ait également été arrêté et détenu en novembre 2009, n’aurait pas été poursuivi et n’aurait pas eu de problème avec les autorités policières ou les partisans de la droite depuis cette date. Il était donc improbable que le demandeur qui, contrairement à son père, n’était pas un membre actif du DTP, soit à risque de persécution s’il retournait en Turquie, d’autant plus qu’il aurait vécu paisiblement dans la ville d’Izmir, du moment de sa remise en liberté en novembre 2009 jusqu’à son départ pour le Canada en août 2010.

 

 

 

[11]           Le demandeur prétend que le tribunal a fondé sa décision sur une analyse microscopique de la preuve au dossier et qu’il ne s’est pas véritablement attardé sur les éléments essentiels de sa demande. Bien qu’il ait omis de soulever cet argument à la première occasion, le demandeur prétend qu’en rétrospective, il y a apparence de partialité chez le tribunal puisque la décision est uniquement basée sur des conclusions de fait déraisonnables, sans rapport avec les éléments centraux de sa demande d’asile, ce qui, selon le demandeur, fait craindre à un préjugé de la part du tribunal. Le demandeur ajoute que le fait que le tribunal ait rendu sa décision en anglais, alors que les procédures sont rédigées en français et que l’audience s’est déroulée en français avec l’assistance d’un interprète turc, confirme cette partialité.

 

Questions en litige

[12]           Compte tenu des arguments présentés, les questions en litige peuvent être formulées comme suit :

1.      Le demandeur a-t-il démontré l’existence d’une crainte raisonnable de partialité de la part du tribunal?

2.      L’émission des motifs de la décision en anglais plutôt qu’en français est-elle assimilable à un défaut de motivation ou constitue-t-elle autrement un manquement aux principes d’équité procédurale? (Cette question sera traitée avec la première)

3.      Le tribunal a-t-il tiré une conclusion déraisonnable concernant la crédibilité générale du demandeur?

 

 

 

Norme de contrôle

[13]           Il est bien établi que l’évaluation de la crédibilité des témoins relève de la compétence du tribunal et que celui-ci possède toute l’expertise nécessaire pour analyser et apprécier les faits dans l’optique d’évaluer la crainte subjective de persécution du demandeur d’asile (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (CAF), [1998] ACF no 1425 au para 14).

 

[14]           En appliquant la norme de la raisonnabilité, la Cour doit faire preuve de déférence envers le tribunal et se demander si la décision contestée répond aux exigences de justification, de transparence et d’intelligibilité du processus décisionnel et, plus généralement, si elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47; Khosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12 au para 59).

 

[15]           Par contre, en ce qui concerne l’analyse des allégations de violation des principes de justice naturelle ou d’équité procédurale, la Cour n’a pas à faire preuve de déférence envers le décideur (Luzbet c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 923 au para 5).

 

La crainte de partialité et de violation des principes d’équité procédurale est sans fondement

[16]           Ayant pris connaissance des motifs de la décision contestée et des transcriptions des notes sténographiques de l’audience, je suis satisfaite que le demandeur n’a pas fait la preuve d’une partialité, réelle ou apparente, de la part du tribunal. Le demandeur fait essentiellement valoir qu’une conclusion défavorable, basée sur des éléments secondaires et peu pertinents au fondement de sa demande d’asile, serait suffisante pour conclure à une apparence de partialité de la part d’un décideur. Une telle conclusion est non fondée au regard de la jurisprudence applicable.

 

[17]           Tel que le souligne le juge Mosley dans Arrachch c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 999 aux para 20-21, le critère applicable à une crainte raisonnable de partialité diffère de celui qui s’applique aux allégations de partialité réelle, lequel exige « une preuve concrète qui fait ressortir un comportement dérogatoire à la norme » (voir Arthur c Canada (Procureur général), 2001 CAF 223 au para 8). Je me réfère également aux observations formulées par le juge en chef Crampton dans Dunova c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 438 aux para 49-51, où il écrit:

La formulation classique du critère servant à déterminer ce qui constitue une crainte raisonnable de partialité a été élaborée par le juge de Grandpré dans Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’Énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394. Dans ses motifs de dissidence sur la question de savoir si les faits en cause dans cette affaire faisaient naître une crainte raisonnable de partialité, le juge de Grandpré a mentionné que « la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet ». Il a ajouté que le critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique ».

Dans R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, aux paragraphes 111 à 113, le juge Cory a adopté la formulation du juge de Grandpré, a souligné « la rigueur dont il faut faire preuve pour conclure à la partialité, réelle ou apparente » et a précisé que « [l]a personne raisonnable doit [...] être une personne bien renseignée ».

Dans Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259, la Cour suprême a confirmé, au paragraphe 76, la rigueur du critère qui doit être rempli lorsque la partialité est alléguée. Dans son jugement rendu à l’unanimité, elle a fait observer que « la norme exige une crainte de partialité fondée sur des motifs sérieux, vu la forte présomption d’impartialité dont jouissent les tribunaux ». La Cour suprême a ensuite rappelé d’un ton approbateur que le juge de Grandpré avait précisé « l’expression maintenant classique de la norme de la crainte raisonnable » en disant : « Toutefois, les motifs de la crainte doivent être sérieux et je [...] refuse d’admettre que le critère doit être celui d’ « une personne de nature scrupuleuse et tatillonne » ».

Dans Geza, ci-dessus, la Cour d’appel fédérale a statué, aux paragraphes 52 et 53, que l’approche décrite ci-dessus s’applique aux demandes d’asile présentées à la Commission, en raison de l’indépendance de celle-ci, de son processus et de ses fonctions décisionnels ainsi que du fait que ses décisions ont une incidence sur les droits des demandeurs qui sont garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, ch. 11 (R.-U.) […]

[nos soulignés]

 

[18]           Le demandeur n’a soulevé aucun acte ou remarque spécifique de la part du décideur lui permettant de réfuter la présomption selon laquelle le tribunal était impartial. Je n’ai aucun doute qu’il l’était.

 

[19]           Le demandeur ajoute que le fait que la décision du tribunal lui a été d’abord communiquée en anglais ajoute à sa crainte raisonnable de partialité et de violation des principes d’équité procédurale.

 

[20]           Un argument semblable a été fait devant cette Cour dans Obidigbo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 705, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision d’une agente d’examen des risques avant renvoi. La Cour a rejeté l’argument à l’effet que l’agente aurait manqué à une obligation d’équité procédurale en rendant sa décision en français, lorsque cette dernière ne comprend pas le français, en mentionnant au paragraphe 34 de la décision que :

On ne conteste pas que les demandeurs avaient effectué leurs démarches exclusivement en anglais jusqu’à la décision du 8 août 2007 et que la décision ERAR a été rendue en français. Par contre, la demande d’autorisation fait mention que les motifs écrits de la décision ont été reçues par la demanderesse le 7 septembre 2007 et la demanderesse n’a pas demandé que lui soit envoyée une copie de la décision en anglais. Le procureur de la demanderesse se limite à dire que « la demanderesse a vu ses droits fondamentaux violés par le fait de recevoir une décision uniquement en français, sans aucune traduction faisant en sorte qu’elle est incapable de comprendre les motifs sans avoir recours à un interprète ... » sans pour autant qualifier le préjudice supposément subi. Il y a lieu de noter que la lettre qui accompagnait la décision ERAR était en anglais et, a priori, la langue de la décision ERAR ne semble pas avoir empêché la demanderesse d’en prendre connaissance, malgré le recours à un interprète, et d’entreprendre subséquemment des démarches judiciaires et ce, dans les délais prévus. Compte tenu de l’absence d’une demande par la demanderesse pour une traduction des motifs de décision de l’agente et l’absence de préjudice à la demanderesse (Yassine c. Canada (Ministre de l'’Emploi et de l’Immigration, (1994) 172 NR 308 (C.A.F.) [1994] ACF no 949 (Lexis)), je suis d’avis qu’il n’y a aucun manquement à l’obligation d’équité dans ces circonstances. Conséquemment, l’intervention de cette Cour n’est aucunement justifiée pour ce motif.

 

[21]           L’argument du demandeur ne peut être retenu puisqu’une version française de la décision a été communiquée au demandeur à temps pour lui permettre de faire valoir adéquatement ses arguments dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. Par ailleurs, le procureur du demandeur n’a pas été en mesure de référer la Cour à un quelconque extrait des notes sténographiques de l’audience qui permettrait de penser qu’il y aurait eu un problème de communication entre les parties et le tribunal. La position du demandeur a été bien comprise par le tribunal.

 

Les conclusions de faits du tribunal sont, dans l’ensemble, raisonnables

[22]           Le demandeur soutient que le tribunal a manifesté un zèle inusité dans son approche, en cherchant à tout prix des contradictions dans son témoignage et en faisant un examen à la loupe de la preuve, contrevenant ainsi aux enseignements de la Cour d’appel fédérale dans Attakora c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] CAF no 444.

 

[23]           Le demandeur s’appuie essentiellement sur la jurisprudence de cette Cour qui met en garde contre le fait d’accorder une trop grande importance aux notes prises au point d’entrée, dans le cadre de l’appréciation de la crédibilité d’un demandeur d’asile. Une telle approche peut constituer une erreur révisable notamment lorsque le tribunal « a accordé beaucoup trop d’importance à des éléments secondaires et ne s’est pas attardé […]  aux véritables éléments dont [il] disposait : la crainte subjective de persécution [du demandeur] et le fondement objectif de cette crainte » (RKL c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 FCT 116 au para 13 [RKL]). Il en va de même lorsque le tribunal fait simplement abstraction d’éléments de preuve pertinents ou se montre sélectif à l’égard des explications données par le demandeur (Wu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1102, au para 36; Hamdar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 382 au para 48).

 

[24]           Il est vrai que le tribunal commettrait une erreur en se fiant aux déclarations d’un demandeur d’asile recueillies au point d’entrée, lorsque les conditions leur sont généralement défavorables et, pour le moins, susceptibles d’engendrer des malentendus dus à des erreurs d’interprétation et de traduction. Comme le mentionne le juge Russel dans Cetinkaya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 8 au para 51, « l’entrevue effectuée au point d’entrée sert à déterminer si une personne peut présenter une demande d’asile. Elle ne fait pas partie de la demande d’asile proprement dite, de sorte qu’on ne devrait pas s’attendre à ce qu’elle contienne tous les détails de celle-ci ».

 

[25]           Cependant en l’espèce, le tribunal s’est fondé sur des contradictions qui existaient entre la demande d’asile du demandeur, soumise deux jours après son arrivée au Canada, son FRP, modifié en début d’audience, et les explications fournies lors de l’audience. Les deux documents ont été signés et approuvés par le demandeur et, bien que je sois d’accord avec le demandeur que certaines conclusions de fait du tribunal paraissent non justifiées au regard de la preuve, les importantes contradictions soulevées par le tribunal à l’égard de l’emploi du temps du demandeur entre 2002 et 2008, à l’égard de son arrestation de novembre 2009, de son adresse de résidence à Istanbul ou encore à l’égard de sa langue maternelle, justifient la conclusion générale du tribunal quant à la crédibilité du demandeur et quant à l’absence d’une crainte subjective chez lui. Comme l’exprimait le juge Martineau dans RKL, précitée, au para 20 :

Il n’y a pas de doute que le défaut de mentionner, dans une déclaration écrite aux autorités de l’Immigration, des événements importants sur lesquels une revendication du statut de réfugié est fondée, ou une contradiction entre cette déclaration et un témoignage subséquent sont des facteurs très graves qui peuvent justifier une conclusion défavorable concernant la crédibilité. L’omission ou la contradiction doit cependant être bien réelle : voir Rajaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] A.C.F. no 1271 (QL) (C.A.). De plus, les explications données par un demandeur qui ne sont pas manifestement invraisemblables doivent être prises en compte : voir Owusu-Ansah, précitée.


[26]           Il était également raisonnable pour le tribunal de ne pas se satisfaire des explications données par le demandeur à l’effet que toutes ces contradictions s’expliquaient par sa nervosité et par les erreurs de l’interprète.

 

[27]           Finalement, le demandeur ne commente pas la conclusion du tribunal à l’effet que le simple fait que son père n’ait pas été poursuivi ou n’ait pas eu de problème avec la police ou les partisans de la droite depuis leur arrestation en novembre 2009, contredise la crainte de persécution du demandeur advenant son renvoi en Turquie. Cette conclusion est également raisonnable.

 

[28]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question d’importance générale aux fins de certification n’a été soumise et aucune ne sera certifiée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

a.                   La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

b.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

« Jocelyne Gagné »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER:                                         IMM-7961-12

 

INTITULÉ:                                       Beyazit Tas c MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE:               Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE:              Le 6 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT &

JUGEMENT :                                   L’HONORABLE JUGE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 18 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS:

 

Me Éric Taillefer

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Émilie Tremblay

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

Me Éric Taillefer

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Complexe Guy Favreau

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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