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Date : 20130319

Dossier : T‑427‑09

Référence : 2013 CF 287

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 mars 2013

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

 

ENTRE :

 

COUNCIL OF NATURAL MEDICINE COLLEGE OF CANADA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

COLLEGE OF TRADITIONAL CHINESE MEDICINE PRACTITIONERS AND ACUPUNCTURISTS OF BRITISH COLUMBIA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 



Vue d’ensemble

[1]               Le registraire des marques de commerce est tenu par la loi de donner un avis public de l’adoption et de l’utilisation d’une marque officielle dès lors qu’un organisme démontre qu’il est une autorité publique qui a, avant la date de la demande, adopté et employé la marque projetée. En l’espèce, le registraire a, conformément au sous‑alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi sur les marques de commerce) (annexe A), donné un avis public de l’adoption et de l’emploi de seize marques officielles par le College of Traditional Chinese Medicine Practitioners and Acupuncturists of British Columbia (le Collège).

 

[2]               Le demandeur, le Council of Natural Medicine College of Canada (le Conseil), a introduit la présente demande de contrôle judiciaire en vue de faire annuler la décision du registraire.

 

[3]               Les décisions du registraire sont assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable à moins que de nouveaux éléments de preuve qui auraient pu avoir un effet sur la décision soient présentés (You In – Canadian Athletes Fund Corporation c Comité olympique canadien, 2007 CF 406, conf. par 2008 CAF 124). Dans le cas qui nous occupe, de nouveaux éléments de preuve ont effectivement été présentés, de sorte que la norme applicable est celle de la décision correcte.

 

[4]               Je conclus que le registraire n’a commis aucune erreur justifiant l’infirmation de sa décision. Le registraire a estimé à bon droit, conformément aux critères applicables, que le Collège défendeur était une autorité publique qui avait adopté et employé les marques officielles (Ordre des architectes de l’Ontario contre c Association of Architectural Technologists of Ontario, 2002 CAF 218, au paragraphe 34).

 

[5]               Le Conseil demandeur conteste également la constitutionnalité du sous‑alinéa 9(1)n)(iii) parce qu’il outrepasserait la compétence législative du législateur fédéral étant donné qu’il s’applique aux professions de la santé et parce qu’il constituerait une restriction injustifiée à la liberté d’expression garantie à l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés (Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982) (la Charte). Les arguments concernant la constitutionnalité, qu’il s’agisse de la Loi constitutionnelle de 1867 (annexe B) ou de la Charte, sont également appréciés en fonction de la norme de la décision correcte. Ces moyens sont également mal fondés et la demande est par conséquent rejetée.

 

[6]               Le procureur général de la Colombie‑Britannique (le procureur général) a comparu pour répondre à l’avis de question constitutionnelle signifié par le demandeur.

 

 

Les parties

 

            Le Conseil

 

 

[7]               Le Conseil demandeur (par opposition au Collège défendeur) a été constitué en personne morale le 4 décembre 2002 à titre d’organisme sans but lucratif sous le régime de la législation fédérale par M. Skye Willow. Il s’agit d’une entreprise privée, malgré son nom. Le Conseil élabore des programmes de formation dans le domaine de la médecine traditionnelle chinoise et de l’acupuncture. Ces programmes sont dispensés par des établissements d’enseignement privés affiliés sous licences octroyées par le Conseil. Pour le moment, le Conseil a une école affiliée à Toronto (Ontario). Les faits à l’origine de la présente demande concernent le Shanghai TCM College de Burnaby, en Colombie‑Britannique, qui a depuis fermé ses portes.

 

[8]               Le Conseil a conclu un contrat de licence de marque de commerce avec des diplômés de ses programmes par lequel il autorisait l’utilisation de diverses marques de commerce antérieurement détenues par le Conseil ou pour lesquelles le Conseil avait déposé une demande d’enregistrement, telle que D.T.C.N. (Doctor of Traditional Chinese Medicine) :

(1)                D.T.C.M. (Doctor of Traditional Chinese Medicine) (enregistrée en 2005, radiée en 2012)

(2)                Registered D.T.C.M. (enregistrée en 2006, abandonnée en 2010)

(3)                Dr. TCM (demande d’enregistrement déposée, abandonnée)

(4)                D.P.C.M. (Doctorate of Philosophy in Chinese Medicine) (marque enregistrée en 2005 et en 2007, radiée en 2012)

(5)                Registered D.P.C.M. (demande déposée en 2006, abandonnée en 2012)

(6)                R. TCM. P (demande d’enregistrement déposée, abandonnée en 2007)

 

[9]               La documentation promotionnelle utilisée par le Conseil pour recruter des étudiants pour son programme expliquait que le Conseil offrait aux participants le droit d’employer une marque de commerce une fois leur formation terminée. Voici un extrait d’une publicité concernant une séance d’information tenue en 2007 à Toronto :

[traduction]

Séance d’information sur le régime de délivrance, par le CNMCC, de licences enregistrées au niveau fédéral de docteur en médecine chinoise traditionnelle (Doctor of Traditional Chinese Medicine) et de thérapeute en médecine douce (Alternative Medicine Therapist).

 

Nous vous invitons à participer à la séance d’information suivante sur les licences de marque de commerce délivrées par le Council of Natural Medicine College of Canada (CNMCC) du Holistic Medicine Dispensary (le H.M.D.), de la Natural Medicine Database Practitioners (N.M.D.P.) et Natural Health Doctor (N.H.D.) du gouvernement du Canada.

 

[…]

 

Au menu de la séance d’information :

* Présentation du système de délivrance de licences pour l’administration de licences enregistrées au niveau fédéral de docteurs en médecine chinoise traditionnelle (Doctor of Traditional Chinese Medicine) et de thérapeutes en médecine douce (Alternative Medicine Therapist) du Council of Natural Medicine College of Canada (CNMCC)

 

[…]

 

* Renseignements sur la façon d’adhérer au Council of Natural Medicine College of Canada (CNMCC) de régime fédéral et présentation du rôle des membres en vue de l’amélioration des soins de la santé.

 

 

[10]           Voici un extrait d’une publicité de 2008 :

[traduction]

Le Canada International College of T.C.M., qui est autorisé à offrir des programmes de formation menant à l’obtention d’une licence de marque de commerce® délivrée par le Council of Natural Medicine College of Canada (CNMCC) et approuvée par le gouvernement du Canada accepte maintenant les candidats qui souhaitent suivre des cours en vue de s’inscrire aux examens pour l’obtention d’une licence de marque de commerce® du CNMCC. Nous vous invitons en grand nombre à vous inscrire en vue d’obtenir une licence de marque de commerce pour les titres de Alternative Medicine Therapist, Naturopathic Physician, Doctor of Traditional Chinese Medicine et Registered Acupuncturist.

 

 

[11]           On trouve la mention suivante, qui va dans le même sens, sur le site Internet du Conseil :

[traduction]

Le Council of Natural Medicine College of Canada (CNMCC) est le propriétaire de tous les droits et titres afférents aux marques de commerce mentionnées dans le présent site Web. Tout usage non autorisé de ces marques de commerce est passible de poursuites en vertu de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

[12]           Dans une lettre adressée en août 2006 au Service de délivrance des permis commerciaux de la ville de Vancouver, le Conseil a expliqué à la Ville qu’il était [traduction] « chargé d’examiner et d’approuver l’agrément des programmes de formation partout au Canada ». Par ailleurs, le site Web du CNMCC comportait une rubrique intitulée [traduction] « champs d’exercice », où il était précisé que les membres du CNMCC étaient autorisés à exercer l’acupuncture et la médecine traditionnelle chinoise.

 

[13]           Il existe évidemment une nette distinction juridique entre le droit d’employer une marque de commerce et le droit d’exercer un métier ou une profession réglementés. Par l’étroite juxtaposition et superposition des mots [traduction] « titulaire d’une licence fédérale », « enregistré au niveau fédéral » et « gouvernement du Canada » entre le nom du Conseil et ses marques de commerce, la documentation promotionnelle tente d’obscurcir des domaines par ailleurs distincts sur le plan juridique. Comme nous le verrons, les personnes qui se sont inscrites au programme du Conseil et qui ont payé des frais d’inscription ont découvert, après avoir obtenu leur diplôme, qu’elles n’avaient pas le droit d’exercer l’acupuncture et la médecine traditionnelle chinoise en Colombie‑Britannique.

 

            Le Collège

 

[14]           Le Collège défendeur a été créé en 1999 sous le régime de la Health Professions Act, RSBC 1996, c 183 (la Health Professions Act) (annexe D) et de son règlement d’application, le Traditional Chinese Medicine Practitioners and Acupuncturists Regulation, BC Reg 290/2008 (annexe E), pour réglementer et régir l’exercice de la médecine traditionnelle chinoise et l’acupuncture en Colombie‑Britannique.

 

[15]           En tant qu’ordre professionnel autonome, le Collège accorde l’agrément aux candidats ayant satisfait aux critères prévus par ses règlements administratifs, notamment ceux qui ont suivi les cours universitaires exigés, ont suivi avec succès un programme de formation approuvé comportant une formation clinique, et ont réussi les examens d’agrément. Les personnes qui sont membres du Collège sont ensuite autorisées à utiliser certains titres et abréviations réservés : R. Ac. (Registered Acupuncturist); R.TCM.H. (Herbalist); R.TCM.P. (Registered TCM Practitioner); et Dr. TCM (Doctor of Traditional Chinese Medicine). Ces titres sont réglementés, désignés et réservés conformément à la législation de la Colombie‑Britannique.

 

[16]           En Colombie‑Britannique, seul le Collège peut autoriser des personnes physiques à pratiquer la médecine chinoise traditionnelle et l’acupuncture. Pourtant, dans sa documentation promotionnelle, le Conseil laisse entendre qu’il peut conférer le droit d’exercer la médecine chinoise traditionnelle et l’acupuncture, et certains diplômés se sont par la suite déclarés titulaires d’un « permis fédéral » les autorisant à pratiquer la médecine chinoise traditionnelle et l’acupuncture. Le Conseil s’est lui‑même présenté à d’éventuels étudiants comme un organisme de réglementation professionnel. Il n’existe évidemment aucun permis fédéral autorisant l’exercice de la médecine, qu’il s’agisse de médecine chinoise traditionnelle ou d’autres types de médecine.

 

[17]           En 2005, le Conseil a demandé au Collège de cesser d’employer l’expression « Doctor of Traditional Chinese Medicine » au motif que cette expression contrevenait à sa marque de commerce enregistrée. Cette demande méconnaissait évidemment les pouvoirs et les obligations du Collège prévus par les lois et les règlements, et notamment le fait que les titres sont réservés et réglementés par les lois provinciales.

 

[18]           Face à l’usage constant que le Conseil a fait des marques de commerce, le Collège a décidé d’adopter des marques officielles. Il a commencé à employer les marques en avril 2007 et, le 18 février 2009, le registraire a publié un avis public concernant l’adoption et l’emploi par le Collège des marques officielles suivantes, qui font l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire :

(1)                D.T.C.M. (DOCTOR OF TRADITIONAL CHINESE MEDICINE) (marque officielle 918 354)

(2)                REGISTERED D.T.C.M. (marque officielle 918 355)

(3)                D.T.C.M.

(4)                DR. TCM (marque officielle 918 357)

(5)                D.P.C.M. (DOCTORATE OF PHILOSOPHY IN TRADITIONAL CHINESE MEDICINE)*

(6)                TRADITIONAL CHINESE MEDICINE*

(7)                DOCTOR OF TRADITIONAL CHINESE MEDICINE

(8)                REGISTERED D.P.C.M.*

(9)                ACUPUNCTURIST*

(10)            REGISTERED ACUPUNCTURIST

(11)            R. AC. (REGISTERED ACUPUNCTURIST) (marque officielle 918 364)

(12)            R. TCM. P.

(13)            R. TCM. P. (REGISTERED TCM PRACTITIONER) (marque officielle 918 366)

(14)            R. TCM. H.

(15)            R. TCM. H. (REGISTERED TCM HERBALIST)

(16)            R. AC.

* Par la suite retiré.

 

            Genèse de l’instance

 

[19]           En septembre 2009, le Collège a également obtenu de notre Cour un jugement sommaire et une injonction permanente interdisant au Conseil d’adopter et d’employer les titres et les abréviations protégés en liaison avec des services de formation, d’agrément et d’inscription, l’exploitation d’une clinique de médecine chinoise traditionnelle ou d’acupuncture et l’exercice de la médecine chinoise traditionnelle et de l’acupuncture, et lui interdisant de concéder des licences en vue d’un tel emploi et d’autoriser un tel emploi par d’autres personnes (College of Traditional Chinese Medicine Practitioners and Acupuncturists of British Columbia c Council of Natural Medicine College of Canada, 2009 CF 1110 [CTCMPA of BC c CNMCC].

 

[20]           La Cour a interdit tout emploi de titres ou d’abréviations susceptibles de faire croire qu’il s’agissait d’une appellation ou d’un titre professionnels ou qu’une approbation gouvernementale avait été accordée. Le juge O’Keefe a conclu que les marques du Conseil donnaient une description claire ou une description fausse et trompeuse et que leur enregistrement était par conséquent interdit par l’alinéa 12(1)b) de la Loi. Le juge O’Keefe a également conclu que les marques n’étaient pas distinctives comme l’exige l’alinéa 18(1)b). Le juge O’Keefe a prononcé un jugement déclarant que les enregistrements étaient invalides en vertu des alinéas 18(1)a), 18(1)b) et du paragraphe 18(1) de la Loi sur les marques de commerce. Une ordonnance radiant les enregistrements a été prononcée.

 

[21]           Le juge O’Keefe a conclu que les marques de commerce du Conseil avaient été employées dans le passé pour désigner des docteurs en médecine chinoise traditionnelle et des acupuncteurs et que ces services et ces marques historiques avaient connu une pratique commerciale. Par conséquent, les marques susmentionnées étaient également interdites en vertu de l’article 10 de la Loi sur les marques de commerce.

 

[22]           Enfin, le juge O’Keefe a conclu que le Conseil avait induit le public en erreur en l’incitant à croire qu’il était un organisme de réglementation fédérale chargé de réglementer l’exercice de la médecine chinoise traditionnelle plutôt qu’un simple propriétaire de marque de commerce. Le juge O’Keefe a cité des exemples de personnes qui utilisaient la marque de commerce pour annoncer leurs services professionnels. Il a par ailleurs conclu que les publicités du Conseil laissaient entendre qu’il était un organisme de réglementation fédéral qui autorisait l’exercice de la médecine chinoise traditionnelle et non simplement le titulaire de certaines marques de commerce.

 

[23]           Le Conseil s’est depuis désisté de l’appel qu’il avait interjeté de ce jugement.

 

[24]           Le Conseil sollicite maintenant une ordonnance déclarant invalide l’avis public des marques officielles susmentionnées publié par le registraire. À cette fin, le Conseil affirme :

(1)                Le Collège n’est pas une autorité publique;

(2)                Le Collège n’a pas adopté ou employé les marques officielles;

(3)                Le sous‑alinéa 9(1)n)(iii), l’alinéa 12(1)e) et l’article 11 de la Loi sur les marques de commerce doivent recevoir une interprétation atténuée pour demeurer constitutionnels. Plus précisément, le Conseil affirme que les dispositions en question empiètent sur le paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 et sont inconstitutionnelles, au motif qu’elles portent atteinte à la liberté d’expression protégée par l’alinéa 2b) de la Charte;

(4)                Le sous‑alinéa 9(1)n)(iii) contrevient à l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits.

 

[25]           Dans la mesure où le Conseil sollicite des jugements déclarant certains textes inconstitutionnels, j’estime que le sous‑alinéa 9(1)n)(iii) constitue une expression valide du pouvoir du législateur fédéral de légiférer pour réglementer les échanges et le commerce, que cette disposition législative constitue une atteinte justifiable à la liberté d’expression garantie à l’alinéa 2b) de la Charte et que l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, SC 1960, c 44 (la Déclaration canadienne des droits) (annexe C) ne s’applique pas dans le contexte de la décision du registraire d’accorder une marque officielle.

 

Contexte

 

            Législation provinciale

 

[26]           Sous le régime de la Health Professions Act et de ses règlements d’application, la Colombie‑Britannique a instauré un régime complet visant à réglementer l’ensemble des professionnels de la santé et des fournisseurs de soins de santé dans la province. De façon générale, ce régime crée des ordres professionnels autonomes dans des domaines précis de soins de la santé et autorise les divers praticiens à gérer eux‑mêmes leur profession respective. La législation oblige les ordres en question à définir les normes relatives à tous les aspects de l’exercice de leur profession, y compris la formation, l’agrément, la déontologie, les plaintes du public et les mesures disciplinaires. Les règlements permettent également de réserver les titres professionnels et régissent leur utilisation et leurs abréviations conformément aux décisions des ordres en question et de leurs règlements administratifs respectifs. Il appartient toutefois au gouvernement de la Colombie‑Britannique de prendre les règlements nécessaires pour donner effet au régime en question.

 

[27]           L’Assemblée législative de la Colombie‑Britannique a par conséquent défini et contrôlé l’utilisation des titres professionnels selon les professions de la santé désignée et en a limité l’utilisation aux membres des ordres possédant l’agrément exigé. Le Traditional Chinese Medicine Practitioners and Acupuncturists Regulation s’applique expressément au cas qui nous occupe. En vertu de ce Règlement, certains titres, dont ceux d’« acupuncturist », de « traditional Chinese medicine practitioner » et de « doctor of traditional Chinese medicine » sont réservés à l’usage exclusif des membres du Collège.

 

[28]           La Health Professions Act permet au ministre de la Santé d’exercer un contrôle et une surveillance permanents sur les orientations et les décisions administratives des divers ordres. Par exemple, aux termes de l’article 17, le ministre désigne les membres du conseil d’administration, dont au moins le tiers doit être désigné par le gouvernement, mais dont le nombre ne doit pas dépasser celui des personnes élues par l’ordre.

 

[29]           De plus, aux termes de l’article 18.1, le ministre peut, s’il l’estime nécessaire dans l’intérêt du public, se renseigner au sujet des activités des ordres et donner des directives en conséquence. Ce pouvoir est très vaste; le ministre peut se renseigner sur [traduction] « tout aspect » de l’exercice ou de la gouvernance de la profession. Le ministre peut également obliger le comité à ce qu’il s’acquitte de ses obligations d’une certaine façon à ce qu’il adopte une norme ou à ce qu’il impose une restriction.

 

[30]           Le ministre supervise également le pouvoir des collèges de prendre des règlements administratifs. Aux termes de l’article 19, le ministre peut rejeter, modifier, abroger ou prendre des règlements administratifs. La portée de l’utilisation de ce pouvoir sera examinée plus loin lors de l’examen de la preuve.

 

            Législation fédérale

 

[31]           Le sous‑alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce confère aux autorités publiques canadiennes l’emploi exclusif de leurs « marques officielles » :

 

9. (1) Nul ne peut adopter à l’égard d’une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit :

 

[…]

 

n) tout insigne, écusson, marque ou emblème :

 

[…]

 

(iii) adopté et employé par une autorité publique au Canada comme marque officielle pour des marchandises ou services, à l’égard duquel le registraire, sur la demande de Sa Majesté ou de l’université ou autorité publique, selon le cas, a donné un avis public d’adoption et emploi;

9 (1) No person shall adopt in connection with a business, as a trade‑mark or otherwise, any mark consisting of, or so nearly resembling as to be likely to be mistaken for,

 

 

 

[…]

 

(n) any badge, crest, emblem or mark

 

 

[…]

 

(iii) adopted and used by any public authority, in Canada as an official mark for wares or services, in respect of which the Registrar has, at the request of Her Majesty or of the university or public authority, as the case may be, given public notice of its adoption and use;

 

 

[32]           Cette disposition confère une protection à l’autorité publique qui adopte et emploie une marque officielle. L’autorité publique obtient l’emploi exclusif d’une marque qui, à la différence d’une marque de commerce, n’est pas liée à des marchandises ou à des services spécifiques. La loi interdit à toute autre personne d’adopter dans le cadre d’une entreprise une marque qui ressemble à la marque officielle au point d’être confondue avec cette dernière. Il n’est pas nécessaire que l’autorité publique démontre le caractère distinctif de la marque officielle proposée ni qu’elle établisse un quelconque sens secondaire, et il n’est pas obligatoire d’annoncer publiquement qu’une demande a été présentée au registraire (Congrès juif canadien c Chosen People Ministries, Inc, 2002 CFPI 613, aux paragraphes 22 à 24).

 

[33]           L’article 11 et l’alinéa 12(1)e) confirment l’exclusivité des marques officielles reconnues à l’article 9 :

 

11. Nul ne peut employer relativement à une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque adoptée contrairement à l’article 9 ou 10 de la présente loi ou contrairement à l’article 13 ou 14 de la Loi sur la concurrence déloyale, chapitre 274 des Statuts revisés du Canada de 1952.

 

12. (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

[…]

 

e) elle est une marque dont l’article 9 ou 10 interdit l’adoption;

11. No person shall use in connection with a business, as a trade‑mark or otherwise, any mark adopted contrary to section 9 or 10 of this Act or section 13 or 14 of the Unfair Competition Act, chapter 274 of the Revised Statutes of Canada, 1952.

 

 

 

12. (1) Subject to section 13, a trade‑mark is registrable if it is not

 

 

 

[…]

 

(e) a mark of which the adoption is prohibited by section 9 or 10;

 

 

Autorité publique

 

[34]           Je conclus que c’est à bon droit que le registraire a estimé que le Collège était une autorité publique au sens de la Loi sur les marques de commerce.

 

[35]           Pour constituer une autorité publique, l’organisme en question doit, dans une mesure importante, être soumis au contrôle public et exister dans l’intérêt du public (Ordre des architectes de l’Ontario, aux paragraphes 51 et 52). Le Conseil ne conteste pas que le Collège existe dans l’intérêt du public, mais j’estime néanmoins que le Collège réglemente l’exercice de la médecine chinoise traditionnelle et de l’acupuncture en vue de stimuler la confiance du public envers la fourniture des services médicaux et la santé et la sécurité du public. Grâce au système d’agrément du Collège, le public est également en mesure de savoir qui possède les qualités requises pour fournir ce type de services de soins de santé, tout en ayant l’assurance que l’intéressé possède un niveau minimum de formation et de connaissances spécialisées. Ce sont de toute évidence des considérations d’intérêt public. Il est donc satisfait au premier volet du critère.

 

[36]           Dans l’arrêt Ordre des architectes de l’Ontario, aux paragraphes 60 à 62, la Cour d’appel de l’Ontario a énuméré les indices d’une supervision gouvernementale permanente d’un organisme professionnel autonome qui satisferait aux critères du contrôle public. La Cour a fait observer que le simple fait qu’un organisme soit créé par la Loi ou que ses objets et ses pouvoirs puissent être modifiés unilatéralement par la législature ne constituait pas un « contrôle gouvernemental ». Ce sont plutôt les pouvoirs suivants, exerçables par le ministre compétent ou par le lieutenant‑gouverneur en Conseil, qui constituent à son avis une mesure importante de contrôle gouvernemental :

(1)                le pouvoir d’examiner les activités de l’organisme;

(2)                le pouvoir de demander à l’organisme d’entreprendre les activités jugées nécessaires et souhaitables pour réaliser l’objet de sa loi habilitante;

(3)                le pouvoir de conseiller l’organisme relativement à l’application du régime législatif;

(4)                le pouvoir d’approuver les règlements pris par l’organisme;

(5)                le pouvoir de nommer des membres du conseil d’administration et des membres à divers comités.

 

 

[37]           Par l’entremise du ministre de la Santé, le gouvernement de la Colombie‑Britannique exerce les pouvoirs en question à l’égard du Collège. L’article 18.1 de la Health Professions Act habilite le ministre à nommer une personne pour faire enquête sur tout aspect de l’administration ou des activités du Collège. L’article 18.2 autorise le ministre à donner des directives, lesquelles peuvent obliger le Collège à exercer certains pouvoirs ou à accomplir certaines obligations. Le paragraphe 19(3.1) permet au ministre de rejeter certains règlements administratifs proposés par le Collège, et le paragraphe 19(6) permet au ministre de créer, modifier ou abroger des règlements administratifs si certaines conditions préalables sont réunies. Enfin, les alinéas 17(3)b), 17(4)a) et 17(4)b) permettent au ministre de désigner entre le tiers et la moitié des membres du Conseil.

 

[38]           Les indices énumérés par la Cour d’appel ne sont pas exhaustifs, et ni la présence ni l’absence d’un de ces facteurs ne sont déterminantes. L’analyse doit être contextuelle et, dans le cas qui nous occupe, on trouve d’autres indices de contrôle gouvernemental. Le Collège soumet au ministre de la Santé des états financiers vérifiés ainsi qu’un rapport annuel. De plus, le Collège est un organisme public désigné au sens de la Freedom of Information and Protection of Privacy Act, RSBC 1996, c 165. Le Collège figure à la liste prévue à l’annexe 3, de sorte que le public a le droit de consulter les dossiers se trouvant sous sa garde et son contrôle.

 

[39]           La Cour disposait d’éléments de preuve suivant lesquels, par l’intermédiaire des règlements administratifs, le gouvernement exerçait tant un contrôle de fait qu’un contrôle de droit sur le Collège. M. Arden Henley, qui avait été nommé par le gouvernement pour faire partie du Conseil de 2005 à 2011, a expliqué que le gouvernement jouait un rôle actif dans les activités quotidiennes du Collège. Il a cité quelques exemples concrets dans son témoignage :

[traduction]

[Le Collège] finit invariablement par discuter de ses orientations et de ses activités avec l’organe législatif du gouvernement qui doit, au bout du compte, approuver tout changement souhaité par le Collège, notamment par la prise d’un décret.

 

[…]

 

[...] Ces discussions ne se déroulent pas de façon mystérieuse ou limitée. Elles ont lieu de façon systématique et régulière. C’est ainsi que les changements ont lieu après entente avec le gouvernement [au sujet des règlements administratifs] et, au bout du compte, avec l’approbation du gouvernement.

 

[40]           Avant de conclure sur la question du contrôle gouvernemental, le Conseil demandeur souligne le fait qu’en cherchant à protéger les marques officielles par le biais de l’article 9, le Collège contredit la thèse défendue par le procureur général dans la présente instance au sujet de l’exclusivité des compétences. Le procureur affirme que le sous‑alinéa 9(1)n)(iii) doit être interprété de façon atténuée et qu’il ne s’applique pas aux matières relevant du paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle, 1867, telle que la réglementation des professions de la santé. Cette divergence d’opinions sur la question constitutionnelle démontrerait que la province ne « contrôle » pas le Collège.

 

[41]           La jurisprudence n’exige pas que, pour être considérée comme une autorité publique, l’autorité soit d’accord avec tous les aspects de la politique gouvernementale, et encore moins dans des domaines qui débordent le cadre de son mandat. Il y a lieu de croire que le Collège a estimé qu’il était dans l’intérêt supérieur de la profession et du public d’obtenir les marques officielles en question et, si tel était son avis, force est de reconnaître qu’il avait le pouvoir d’agir en conséquence.

 

[42]           Enfin, l’arrêt Ordre des architectes de l’Ontario n’aide pas le demandeur à établir que le critère du contrôle n’a pas été respecté. Dans cette affaire, les objets de l’Ordre des architectes de l’Ontario n’étaient pas en cause; c’étaient plutôt ceux de l’Association of Architectural Technologists of Ontario (l’AATO) qui étaient à l’examen. Le monopole exercé par l’ATTO était étroit et rien n’empêchait des personnes qui n’en étaient pas membres d’être recrutées ou d’exercer leur métier. Le gouvernement de l’Ontario n’exerçait pas le pouvoir d’approuver des règlements administratifs, d’ordonner la tenue d’enquête ou de donner des directives à l’ATTO, comme c’est le cas en l’espèce. Cet arrêt n’aide pas le demandeur dans sa tentative de démontrer que le critère du contrôle n’a pas été respecté en l’espèce.

 

Adoption et emploi

 

[43]           Le registraire a estimé à juste titre que le Collège avait adopté et employé les marques officielles.

 

[44]           L’autorité publique doit avoir adopté et employé la marque officielle avant que le registraire n’en donne un avis public. Or, le registraire a donné son avis public le 18 février 2009. C’est la date avant laquelle l’adoption et l’emploi doivent avoir été démontrés.

 

[45]           L’adoption et l’emploi ne sont pas des termes définis. Leur portée est large et, pour l’application de l’article 9, une marque est adoptée et employée si elle est montrée en liaison avec des services, et ce, même si la marque n’est pas distinctive ou si elle donne une description claire.

 

[46]           L’adoption et l’emploi sont régis par deux conditions fondamentales. En premier lieu, il doit y avoir un certain élément d’exposition ou d’affichage en public. Un emploi interne ne suffit pas. En second lieu, les marques doivent se démarquer du contexte. Par exemple, il serait insuffisant que le Collège se contente d’employer les mots « médecine chinoise traditionnelle », sans plus, dans une phrase ou une expression.

 

[47]           Le Conseil souligne que le Collège n’a pas annoncé les marques officielles dans aucune de ses publications. Il n’était toutefois pas tenu de faire connaître sa marque de cette façon particulière. La Cour a déjà jugé qu’il suffit d’annoncer la marque sur un site Web public (FileNet Corp c Canada (Registraire des marques de commerce), 2001 CFPI 865, au paragraphe 65 (conf. par 2002 CAF 418). Plus récemment, dans le jugement TSA Stores, Inc. c Registraire des marques de commerce, 2011 CF 273, la Cour a expliqué que, comme le terme « services » n’est pas défini, on doit l’interpréter de façon libérale.

 

[48]           Les faits de la présente espèce sont semblables à ceux de l’affaire FileNet. Le Collège a adopté et employé les marques officielles en les publiant sur son site Web accessible au public avant la date de l’avis public. Les marques étaient précédées de l’explication suivante : [traduction] « Outre les titres susmentionnés, le CTCMA a adopté et emploie les marques suivantes : [suit une énumération de seize marques] ». Un lien hypertexte conduisait ensuite à des renseignements détaillés au sujet des services et de la vocation de chacune des marques officielles en question. Les marques étaient clairement identifiées et énumérées, sans toutefois se démarquer du contexte. De cette façon, le Collège signalait au public l’importance de chacune des marques officielles, tout en fournissant des renseignements et en offrant des services d’inscription à ses membres et au public en général sur son site Web.

 

[49]           Tout comme dans l’affaire TSA Stores, le site Internet fournissait une quantité importante de renseignements utiles pour le public et pour les praticiens actuels ou éventuels. Le registraire disposait d’éléments de preuve permettant de croire que le site Web était accessible aux Canadiens, qui l’utilisaient effectivement. La preuve appuie amplement la conclusion du registraire suivant laquelle le Collège a adopté, employé et affiché sa marque en liaison avec ses services.

 

[50]           Le demandeur soutient que cet affichage a été provoqué artificiellement pour appuyer la demande du Collège. À mon avis, il importe peu que le Collège ait affiché les marques dans le simple but d’appuyer la demande qu’il a soumise au registraire. La question qui se pose est celle de savoir si les marques ont été adoptées et employées et non celles de savoir si elles ont été adoptées et employées dans un but particulier ou pour atteindre un objectif déterminé. D’ailleurs, la preuve indique que le Collège a bien tenté de s’assurer qu’il se conformait aux exigences prévues par la loi en matière d’adoption et d’emploi avant de soumettre sa demande. Les critères d’affichage public en liaison avec les services ont été respectés en l’espèce.

 

Partage des pouvoirs

 

            Vue d’ensemble

 

[51]           La Loi sur les marques de commerce est, de par son caractère véritable, une manifestation de l’exercice de la compétence fédérale en matière d’échanges et de commerce en vertu du paragraphe 91(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 (Kirkbi AG c Gestions Ritvik Inc., 2005 CSC 65, [2005] 3 RCS 302. La Loi sur les marques de commerce vise la réglementation du commerce en général et non la réglementation d’une entreprise déterminée. Cette distinction est essentielle à sa constitutionnalité. Elle est également essentielle pour comprendre pourquoi la contestation de la disposition de la loi relative aux marques officielles est mal fondée.

 

[52]           Le Conseil et le procureur général ne contestent pas la constitutionnalité des dispositions et ne prétendent pas que celles‑ci ne constituent pas un exercice valide de la compétence fédérale en matière d’échanges et de commerce; ils affirment plutôt que l’alinéa 9(1)n), l’article 11 et l’alinéa 12(1)e) devraient recevoir une interprétation atténuée et être considérés inapplicables à toutes les matières confiées aux provinces aux termes de la Loi constitutionnelle de1867, ce qui comprendrait toute question relevant du paragraphe 92(13), y compris la réglementation des techniques et professions de la santé. Autrement dit, les demandeurs affirment que les articles en question constituent un exercice valide de la compétence fédérale, mais qu’ils ne s’appliquent tout simplement pas aux provinces.

 

[53]           Des dispositions législatives qui, de par leur caractère véritable, constituent un exercice valide de la compétence d’une assemblée législative ou du Parlement n’ont pas à recevoir une « interprétation atténuante » du simple fait qu’elles peuvent avoir des effets accessoires sur un chef de compétence provinciale. La réparation que constitue l’interprétation atténuée est un mécanisme auquel les tribunaux recourent lorsqu’une loi par ailleurs valide porte atteinte aux responsabilités législatives de l’autre ordre de gouvernement ou empiète sur celles‑ci.

 

[54]           Si on l’appliquait aussi largement que le préconisent le demandeur et le procureur général, l’interprétation atténuante équivaudrait à un remaniement complet de la Constitution en général et de la compétence sur les échanges et le commerce en particulier. Si on lui donnait effet, cet argument aurait pour effet de nier la doctrine des effets accessoires. On interpréterait de façon atténuée tout texte législatif ou on en circonscrirait la portée de manière à éliminer tout effet sur le gouvernement provincial ou fédéral. On confinerait chaque chef de compétence, qu’il soit fédéral ou provincial, à un compartiment étanche scellé hermétiquement comportant des limites nettement définies et délimitant la portée du pouvoir en question.

 

[55]           L’interprétation atténuante aurait également pour effet de faire revivre, par le biais d’un principe d’interprétation, l’argument tiré de l’exclusivité des compétences qu’a rejeté la Cour suprême du Canada (CSC). Comme nous le verrons, les arguments constitutionnels sont également rejetés étant donné qu’ils n’ont aucun fondement probatoire. En somme, l’article 11, le sous‑alinéa 9(1)n)(iii) et l’alinéa 12(1)e) sont valides indépendamment des effets accessoires qu’ils peuvent avoir sur les pouvoirs des provinces.

 

[56]           Étant donné que les arguments qui ont été plaidés tendent à réfuter des principes admis depuis longtemps qui servent de guide en matière de partage des pouvoirs, il est utile de revoir brièvement ces principes fondamentaux.

 

            Principes fondamentaux d’analyse constitutionnelle

 

[57]           L’analyse de toute affaire portant sur le partage des pouvoirs débute par la détermination du caractère véritable de la loi. En examinant à la fois l’objet de la loi contestée et son effet, les tribunaux caractérisent l’objectif principal de la loi contestée. Dans l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest c Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 RCS 3, aux paragraphes 27 à 37, la Cour suprême du Canada a proposé un cadre d’analyse clair lorsqu’il s’agit d’examiner le partage des pouvoirs :

Le caractère véritable de la loi doit être déterminé sous deux aspects : le but visé par le législateur qui l’a adoptée et l’effet juridique de la loi (Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu, par. 16). Dans l’analyse du but visé, les tribunaux peuvent examiner tant la preuve intrinsèque, tels le préambule ou les dispositions de la législation énonçant ses objectifs généraux, que la preuve extrinsèque, tels le hansard ou les comptes rendus des débats parlementaires. Ce faisant, les tribunaux doivent toutefois rechercher l’objectif réel de la législation, plutôt que son but simplement déclaré ou apparent (Attorney‑General for Ontario c. Reciprocal Insurers, [1924] A.C. 328 (C.P.), p. 337). De même, les tribunaux peuvent tenir compte des effets de la législation. Par exemple, dans l’arrêt Attorney‑General for Alberta c. Attorney‑General for Canada, [1939] A.C. 117 (« Alberta Banks »), le Conseil privé a invalidé une loi provinciale imposant une taxe aux banques pour le motif que les effets de cette loi sur les banques étaient si importants que son objet véritable ne pouvait pas être (comme le prétendait la province) le prélèvement de deniers par l’imposition d’une taxe (ce qui en aurait fait une loi intra vires), mais qu’il était la réglementation des opérations bancaires (ce qui la rendait ultra vires et donc l’invalidait).

 

Le corollaire fondamental de cette méthode d’analyse constitutionnelle est qu’une législation dont le caractère véritable relève de la compétence du législateur qui l’a adoptée pourra, au moins dans une certaine mesure, toucher des matières qui ne sont pas de sa compétence sans nécessairement toucher sa validité constitutionnelle. À ce stade de l’analyse de sa constitutionnalité, l’« objectif dominant » de la législation demeure déterminant. Ses buts et effets secondaires n’ont pas de conséquence sur sa validité constitutionnelle : « de simples effets accessoires ne rendent pas inconstitutionnelle une loi par ailleurs intra vires » (Global Securities Corp. c. Colombie‑Britannique (Securities Commission), [2000] 1 R.C.S. 494, 2000 CSC 21, par. 23). Par « accessoires », on entend les effets de la loi qui peuvent avoir une importance pratique significative, mais qui sont accessoires et secondaires au mandat de la législature qui a édicté la loi : voir Colombie‑Britannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée, [2005] 2 R.C.S. 473, 2005 CSC 49, par. 28. Ces ingérences accessoires dans les matières relevant de la compétence de l’autre ordre de gouvernement sont acceptables et prévisibles : General Motors of Canada Ltd. c. City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641, p. 670. Dans Bank of Toronto c. Lambe (1887), 12 App. Cas. 575, pour donner un autre exemple, et à la différence de l’affaire Alberta Banks susmentionnée, le Conseil privé a confirmé la validité d’une législation imposant une taxe aux banques en jugeant que le caractère véritable de la législation visait bien à générer des recettes pour la province et qu’en conséquence, elle avait essentiellement pour objet la taxation directe, et non les banques ou les opérations bancaires. Voir P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada (éd. feuilles mobiles), vol. 1, par. 15.5(a).

 

[…]

 

Par ailleurs, certaines matières sont, par leur nature même, impossibles à classer dans un seul titre de compétence : elles peuvent avoir à la fois une facette provinciale et une autre fédérale. Ainsi, le fait qu’une matière puisse, à une fin et à un égard précis, relever de la compétence fédérale ne signifie pas que cette matière ne peut, à une autre fin et à un autre égard, relever de la compétence provinciale : Hodge c. The Queen (1883), 9 App. Cas. 117 (C.P.), p. 130; Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 749 (« Bell Canada (1988) »), p. 765. La théorie du double aspect, comme on l’appelle, qui trouve son application à l’occasion de l’analyse du caractère véritable de la législation, assure le respect des politiques mises en œuvre par les législateurs élus des deux ordres de gouvernement. La conduite automobile dangereuse en constitue un exemple classique : le Parlement peut légiférer sur l’aspect « ordre public » et les législatures provinciales sur son aspect « propriété et droits civils dans la province » (O’Grady c. Sparling, [1960] R.C.S. 804). La théorie du double aspect reconnaît que le Parlement et les législatures provinciales peuvent adopter des lois valables sur un même sujet, à partir des perspectives selon lesquelles on les considère, c’est‑à‑dire selon les « aspects » variés de la « matière » discutée.

 

 

[58]           Le cadre proposé par la Cour suprême nous permet de trancher de façon décisive la question constitutionnelle soulevée dans la présente affaire. On peut tirer de l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest six principes clés qui s’appliquent particulièrement au cas qui nous occupe :

(1)                Le caractère véritable de la loi doit être déterminé sous deux aspects, le but visé et son effet juridique.

(2)                Une législation qui, de par son caractère véritable, relève de la compétence du législateur qui l’a adoptée pourra, au moins dans une certaine mesure, toucher des matières qui ne sont pas de sa compétence sans nécessairement toucher sa validité constitutionnelle.

(3)                La doctrine du « caractère véritable » repose sur la reconnaissance de l’impossibilité pratique qu’une législature exerce efficacement sa compétence sur un sujet sans que son intervention ne touche incidemment des matières relevant de la compétence de l’autre ordre de gouvernement.

(4)                De simples effets accessoires ne rendent pas inconstitutionnelle une loi par ailleurs intra vires.

(5)                Par « accessoires », on entend les effets de la loi qui peuvent avoir une importance pratique significative, mais qui sont accessoires et secondaires au mandat de la législature qui a édicté la loi.

(6)                L’« objectif dominant » de la législation demeure déterminant. Ses buts et effets secondaires n’ont pas de conséquence sur sa validité constitutionnelle.

(7)                Le Parlement et les législatures peuvent adopter des lois valables sur un même sujet, à partir des perspectives selon lesquelles on les considère (la théorie du double aspect). Il n’est pas nécessaire de recourir à la théorie du double aspect pour trancher la question de la constitutionnalité.

 

[59]           Le cadre d’analyse retenu par le Conseil demandeur est également incompatible avec les orientations depuis longtemps admises sur la façon dont il convient d’examiner le chevauchement entre des chefs de compétence dits « exclusifs ».

 

[60]           Ainsi que la CSC l’a fait observer dans l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest, au paragraphe 37, le « courant dominant » en matière d’analyse constitutionnelle impose aux tribunaux de privilégier :

[…] dans la mesure du possible, l’application régulière des lois édictées par les deux ordres de gouvernement. En l’absence de textes législatifs conflictuels de la part de l’autre ordre de gouvernement, la Cour devrait éviter d’empêcher l’application de mesures considérées comme ayant été adoptées en vue de favoriser l’intérêt public.

 

 

[61]           Les arguments du Conseil demandeur vont à l’encontre de ce courant.

 

            Absence de preuve d’atteinte

 

[62]           En ce qui concerne la doctrine des effets accessoires, le Conseil demandeur et le procureur général affirment que l’alinéa 9(1)n) constitue une grave intrusion dans un champ de compétence provinciale et que cette intrusion a pour effet de créer une interaction chaotique entre les dispositions relatives aux marques officielles et la compétence qu’ont les provinces de réglementer les questions relevant de leur responsabilité législative en vertu du paragraphe 92(13). Le Conseil soutient en outre que les dispositions contestées nuiraient à la capacité future des provinces de réglementer les praticiens de médecine chinoise traditionnelle et les acupuncteurs.

 

[63]           Les faits au dossier ne permettent pas de penser que le Collège s’est immiscé dans le travail d’autres organismes de réglementation provinciaux. Rien ne permet de penser que le sous‑alinéa 9(1)n)(iii) et l’article 11 empêcheraient une autre province de réglementer efficacement la médecine chinoise traditionnelle selon ce qu’elle jugerait à propos. Cet argument est d’ordre purement spéculatif et il n’a aucun fondement empirique, et il serait préférable d’y revenir éventuellement si un conflit surgit un jour, auquel cas la question pourrait et devrait être tranchée avec un contexte factuel et des plaideurs appropriés.

 

[64]           Comme je vais l’expliquer davantage un peu plus loin, il ressort des faits de la présente affaire que le régime fédéral et le régime provincial coexistent de façon harmonieuse. Le Collège a effectivement utilisé la Loi sur les marques de commerce pour obtenir une injonction interdisant au Conseil d’utiliser ses titres professionnels, ce qui démontre que la Loi peut compléter la législation provinciale et non la contrecarrer.

 

[65]           Pour conclure donc, sur cette observation, la contestation de la constitutionnalité échoue à l’étape préliminaire de la preuve. Hormis de simples affirmations, il n’y a tout simplement aucun élément de preuve démontrant qu’on a porté atteinte à la compétence provinciale en matière de réglementation, aucun élément de preuve de conflit ou de chaos ou de chevauchement inacceptable; le conflit constitutionnel repose plutôt sur des scénarios hypothétiques. Je reviendrai sur cette question lors de mon examen de la règle des effets accessoires et de l’exclusivité des compétences.

 

            Effets accessoires

 

[66]           En supposant qu’une loi ait des effets sur la compétence provinciale conférée par le paragraphe 92(13), il ne s’ensuit pas pour autant que cette loi doive recevoir une interprétation atténuante. Les effets accessoires sur la compétence provinciale ou sur le chevauchement n’ont jamais été des indices reconnus de portée excessive en matière constitutionnelle et, dans une fédération complexe, il est inévitable qu’il y ait certains effets accessoires. La CSC a souligné que l’on devrait permettre « aux deux ordres de gouvernement de légiférer relativement à des objectifs légitimes dans les matières où il y a chevauchement » (Canada (Procureur général) c PHS Community Services Society, 2011 CSC 44, [2011] 3 RCS 134, au paragraphe 62). La Juge en chef du Canada a bien expliqué la règle dans l’arrêt Québec (Procureur général) c Lacombe, 2010 CSC 38, [2010] 2 RCS 453, au paragraphe 36 :

Par contre, la règle des effets accessoires s’applique lorsque, de par son caractère véritable, une disposition relève de la compétence de l’organisme qui l’adopte, mais touche un domaine de compétence attribué à l’autre ordre de gouvernement. Selon cette règle, on ne conclura pas à l’invalidité de la disposition simplement parce qu’elle a un effet accessoire sur un domaine de compétence législative qui excède la compétence de l’organisme qui l’adopte. De simples effets accessoires ne justifieront pas le recours à la doctrine des pouvoirs accessoires.

 

[67]           Les observations formulées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt PHS, au paragraphe 51, sont particulièrement éclairantes dans le contexte des arguments qui ont été formulés devant nous :

Cet argument semble confondre la validité constitutionnelle d’une loi et l’applicabilité d’une loi valide. Pour apprécier la validité d’une mesure législative au regard du partage des compétences, la Cour en détermine l’objet principal. En l’espèce, le fait que les dispositions contestées ont pour effet accessoire de réglementer des établissements de santé provinciaux n’en emporte pas l’inconstitutionnalité, car une loi fédérale valide peut avoir des effets accessoires sur des matières de compétence provinciale : Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22 (CanLII), [2007] 2 R.C.S. 3, par. 28; Global Securities Corp. c. Colombie‑Britannique (Securities Commission), 2000 CSC 21 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 494, par. 23. On ne peut donc prétendre, comme le fait le Québec à ce que je comprends, qu’une loi fédérale valide devient invalide si elle touche une matière de compétence provinciale, en l’occurrence la santé.

 

 

[68]           Il n’y a aucun élément de preuve qui appuie l’argument suivant lequel la capacité de la province de réglementer les professions est touchée par l’octroi de marques officielles dans des domaines qui sont également réglementés par la législation provinciale. D’ailleurs, dans la mesure où il existe des éléments de preuve sur cette question, ceux‑ci n’appuient pas l’argument de la théorie de la confusion et du chaos sur lequel le Conseil demandeur et le procureur général font reposer leur thèse. Au contraire, la preuve tend à confirmer le contraire : les autorités de réglementation autonome nationales et provinciales ont eu droit à la protection prévue à l’alinéa 9(1)n) pour diverses professions. Malgré le fait que l’Association médicale canadienne soit propriétaire d’une marque comportant le mot « Doctor » (docteur), le Royal College of Dental Surgeons of Ontario, le titre de « Doctor of Dentistry », la Fédération canadienne des organismes de réglementation de la chiropratique, le titre de « docteur en chiropratique » et l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, celui d’« infirmière autorisée » et d’« infirmier autorisé », qui sont toutes des professions entièrement réglementées en Colombie‑Britannique, rien ne permet de penser que l’existence de ces marques officielles fait obstacle à l’application ou à l’efficacité de ce règlement. D’ailleurs, le procureur général ne prétend pas le contraire.

 

[69]           Pour des raisons qui peuvent tenir à l’évolution historique des organismes d’autoréglementation de diverses professions, les organismes d’autoréglementation nationaux et provinciaux de la profession médicale ont tenté de protéger les titres et les appellations. Rien ne permet de penser que, par suite de l’octroi de ces marques officielles en vertu de l’article 9, une province n’a pas été en mesure de bien réglementer les professions. Tous les procureurs généraux ont reçu un avis de question constitutionnelle et aucun n’a comparu pour présenter des éléments de preuve démontrant qu’une paralysie réglementaire s’en est suivie.

 

            L’exclusivité des compétences

 

[70]           La théorie de l’exclusivité des compétences tire son origine du principe que les pouvoirs réservés au Parlement par l’article 91 et aux législatures provinciales par l’article 92 leur sont réservés « de façon exclusive ». Voici de nouveau un extrait de l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest, (au paragraphe 34) :

[…] Le concept d’exclusivité et son pendant, celui du non‑empiétement d’un ordre législatif sur le domaine de compétence exclusive de l’autre, ont fait apparaître la célèbre métaphore des [traduction] « compartiments étanches » qu’a employée lord Atkin dans des motifs où il s’exprimait sur le fédéralisme canadien en disant que [traduction] « le navire de l’État s’engage maintenant dans de plus grandes aventures et dans des eaux étrangères, mais il conserve toujours les compartiments étanches qui constituent une partie essentielle de sa structure initiale » (Attorney‑General for Canada c. Attorney‑General for Ontario, [1937] A.C. 326 (C.P.), p. 354). L’application moderne du concept d’exclusivité montre que la crainte d’un risque d’érosion des compétences tant provinciales que fédérales subsiste (Bell Canada (1988), p. 766). En même temps, la doctrine de l’exclusivité des compétences cherche à éviter, dans la mesure du possible, les situations de pouvoirs parallèles (le juge en chef Laskin dans Parents naturels c. Superintendent of Child Welfare, [1976] 2 R.C.S. 751, p. 764).

 

 

[71]           La doctrine de l’exclusivité des compétences vise à protéger le « contenu minimum élémentaire et irréductible » que possède chaque chef de compétence contre l’ingérence de l’autre ordre de gouvernement (PHS, au paragraphe 58; Bell Canada c Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 RCS 749, à la page 839). Une loi peut faire l’objet d’une interprétation atténuée en raison de la doctrine de l’exclusivité des compétences.

 

[72]           Si la doctrine de l’exclusivité des compétences devait s’appliquer dès qu’il y a des effets accessoires ou dès qu’il y chevauchement, l’ensemble des professions réglementées par les provinces, de même qu’une foule d’autres entreprises qui relèvent incontestablement de la compétence provinciale en matière de réglementation échapperaient totalement à la Loi sur les marques de commerce.

 

[73]           Le critère applicable est celui qui a été énoncé dans l’arrêt PHS, en l’occurrence celui de l’atteinte au contenu minimum élémentaire et irréductible de la compétence provinciale. La disposition de la Loi sur les marques de commerce relative aux marques officielles et la compétence provinciale en matière de réglementation des professions coexistent depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur les marques de commerce. Suivant la preuve présentée à la Cour, les professions autoréglementées, qu’elles soient nationales ou provinciales, ont pris les mesures nécessaires pour s’assurer que les appellations professionnelles ne deviennent pas des objets de commerce. Comme nous l’avons déjà signalé, l’Association médicale canadienne, le Royal College of Dental Surgeons of Ontario et l’Association des infirmières et infirmiers du Canada ont déjà obtenu des appellations de marque officielle pour leur profession, protégeant ainsi leur titre contre toute exploitation commerciale. Ainsi, au lieu d’être source de confusion et de chaos, les deux chefs de compétence législative se chevauchent et renforcent les compétences législatives respectives au lieu de les affaiblir.

 

[74]           En recourant à la fois aux dispositions relatives aux marques officielles et à la compétence que possède la Cour fédérale à l’échelle nationale, le Collège a présenté une requête en vue de faire supprimer l’appellation professionnelle du Collège et les titres réservés du Collège au motif qu’ils constituaient des objets de commerce. Ni l’injonction ni les marques officielles ne portent atteinte de quelque façon que ce soit avec la capacité de la province de réglementer. Sur le plan de l’exercice de la médecine traditionnelle, la province a interdit les modes non autorisés d’exercice de la médecine aux diplômés de l’école du Conseil. Personne ne prétend que, en tant qu’utilisateurs autorisés d’une marque de commerce fédérale, ces personnes avaient le droit d’exercer la médecine chinoise traditionnelle et l’acupuncture ou que le pouvoir de réglementation de la province a été écarté. La province a fait enquête sur le Shanghai TCM College et l’a fermé en vertu de la Private Career Training Institutions Act [SBC 2003] c 79, parce qu’il refusait de se conformer à un ordre qui lui avait été donné de rembourser des frais de scolarité.

 

[75]           En somme, la preuve pointe dans la direction opposée de ce que prétend le Conseil, loin du chaos réglementaire et vers le type d’effets accessoires et de chevauchement nécessaires au sein d’une fédération complexe, exactement comme la Cour suprême du Canada l’a évoqué dans l’arrêt PHS. Dans cet arrêt, aux paragraphes 62 à 64, la CSC explique que le chevauchement ne constitue pas le critère applicable en matière de constitutionnalité et que le fait de délimiter rigidement les pouvoirs législatifs risque de faire tomber certaines activités dans une zone grise et de créer un vide entre la compétence fédérale et la compétence provinciale :

Cette précision met en lumière trois problèmes connexes. Premièrement, la doctrine de l’exclusivité des compétences va à l’encontre de l’approche dominante, qui permet l’application parallèle de lois fédérale et provinciale dans un même champ, à condition qu’elles visent un aspect légitimement fédéral ou provincial, selon le cas. Ce modèle de fédéralisme admet un important chevauchement des compétences fédérales et provinciales dans les faits et permet aux deux ordres de gouvernement de légiférer relativement à des objectifs légitimes dans les matières où il y a chevauchement.

 

Deuxièmement, cette doctrine cadre mal avec la tendance actuelle au fédéralisme coopératif, caractérisé de plus en plus par la coordination des régimes législatifs fédéral et provincial. Dans un esprit de fédéralisme coopératif, les tribunaux « devrai[ent] éviter d’empêcher l’application de mesures considérées comme ayant été adoptées en vue de favoriser l’intérêt public » : Banque canadienne de l’Ouest, par. 37. Dans la mesure du possible, ils devraient permettre aux deux ordres de gouvernement de légiférer de concert dans les matières qui relèvent de leur compétence : Banque canadienne de l’Ouest, par. 37

 

Troisièmement, la doctrine de l’exclusivité des compétences risque d’attribuer une portée excessive au pouvoir fédéral ou provincial auquel elle se rattache et de créer des zones intouchables que les législateurs fédéral et provincial n’occuperont ni l’un ni l’autre. Puisque l’ordre de gouvernement en faveur duquel joue l’exclusivité n’est pas tenu d’exercer sa compétence en la matière, l’application extensive de cette doctrine risque de créer des « vides juridiques » : Banque canadienne de l’Ouest, par. 44.

 

 

[76]           L’argument avancé en l’espèce reprend, à l’identique, celui qui avait été formulé dans l’affaire PHS. Dans l’arrêt PHS, la Cour a rejeté l’argument suivant lequel la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19, qui constituait par ailleurs un exercice valide de la compétence fédérale, devait recevoir une interprétation atténuée lorsqu’elle touchait la réglementation provinciale sur la santé. La Cour a confirmé que l’« approche dominante » consistait à permettre l’application parallèle des lois fédérales et provinciales dans un même champ de compétence à condition qu’elles soient toutes les deux valides (Banque canadienne de l’Ouest).

 

[77]           L’argument tiré de l’exclusivité des compétences qu’ont avancé le Conseil et le procureur général a été rejeté catégoriquement par la CSC. Pour citer l’analyse de la CSC dans l’arrêt PHS au paragraphe 68 : « La compétence fédérale concurrente, ainsi que l’ampleur même et la diversité de la compétence provinciale en matière de santé rendent pratiquement insurmontable la tâche de délimiter avec précision un contenu essentiel provincial qui serait protégé de toute incursion fédérale ».

 

[78]           Pour conclure, le demandeur cherche à donner un second souffle à la position juridique par ailleurs claire sur l’exclusivité des compétences en élevant l’« interprétation atténuante » au rang de principe constitutionnel fondamental, au lieu de l’appliquer comme une simple réparation à demander par suite d’une conclusion d’atteinte.

 

[79]           Vu l’ensemble de la preuve dont elle dispose, la Cour n’est pas en mesure de tracer une ligne de démarcation nette, car elle risquerait d’aller à l’encontre des directives données par la CSC dans l’arrêt PHS, d’écarter la doctrine des effets accessoires et, plus fondamentalement, de modifier en profondeur la portée de la compétence sur les échanges et le commerce, compte tenu du fait qu’on empêcherait ainsi l’enregistrement de toute marque officielle dans des domaines de l’économie qui sont réglementés en vertu du paragraphe 92(13).

 

Pouvoirs accessoires

 

[80]           Le Conseil affirme en outre que les dispositions relatives aux marques officielles ne peuvent se justifier en vertu de la doctrine des pouvoirs accessoires. Il y lieu de faire une distinction entre la doctrine des pouvoirs accessoires et la règle des effets accessoires. Cette distinction est une distinction fondamentale qui existe depuis longtemps dans la jurisprudence relative au partage des pouvoirs, mais que le demandeur a quelque peu occultée dans son argumentation. Dans l’arrêt Lacombe, aux paragraphes 35 et 36, la CSC explique ce qui suit :

La doctrine des pouvoirs accessoires permet à l’un des ordres de gouvernement d’empiéter sur la compétence de l’autre afin d’établir un cadre réglementaire complet. De par leur caractère véritable, les dispositions adoptées suivant la doctrine des pouvoirs accessoires excèdent les pouvoirs attribués à l’organisme qui les a adoptées : General Motors, p. 667‑670. La doctrine des pouvoirs accessoires contrevient donc à l’idée que le Parlement et les législatures possèdent le pouvoir exclusif de légiférer dans les limites de la compétence que leur confère la Loi constitutionnelle de 1867. C’est pourquoi il n’est possible de recourir à cette doctrine que dans les cas où l’empiétement sur les pouvoirs de l’autre ordre de gouvernement se justifie par le rôle important que joue la disposition dans un régime législatif valide. Ce rapport ne saurait être insignifiant : Nykorak c. Attorney General of Canada, [1962] R.C.S. 331, p. 335; Gold Seal Ltd. c. Attorney‑General for the Province of Alberta, (1921), 62 R.C.S. 424, p. 460; Global Securities, par. 23.

 

Il ne faut pas confondre la doctrine des pouvoirs accessoires avec la règle des effets accessoires. La doctrine des pouvoirs accessoires s’applique lorsque, de par son caractère véritable, une disposition excède la compétence de l’organisme qui l’adopte, comme c’est le cas en l’espèce. La disposition potentiellement invalide sera sauvegardée si elle constitue un élément important d’un régime législatif plus vaste qui relève de la compétence de l’organisme qui l’adopte. Par contre, la règle des effets accessoires s’applique lorsque, de par son caractère véritable, une disposition relève de la compétence de l’organisme qui l’adopte, mais touche un domaine de compétence attribué à l’autre ordre de gouvernement. Selon cette règle, on ne conclura pas à l’invalidité de la disposition simplement parce qu’elle a un effet accessoire sur un domaine de compétence législative qui excède la compétence de l’organisme qui l’adopte. De simples effets accessoires ne justifieront pas le recours à la doctrine des pouvoirs accessoires.

 

 

[81]           Il n’est pas nécessaire de recourir à la doctrine des pouvoirs accessoires, étant donné que la disposition relative aux marques officielles n’est pas contestée puisqu’elle constitue un exercice valide du pouvoir fédéral en matière d’échanges et de commerce. Ni le Conseil ni le Collège n’en contestent la constitutionnalité. Ils affirment simplement que ces dispositions ont une portée trop large et qu’elles doivent être restreintes et recevoir une interprétation atténuée pour ne pas avoir d’incidences sur la compétence provinciale.

 

[82]           Le Conseil a donc tort d’invoquer la doctrine des pouvoirs accessoires. Il ne s’agit pas de savoir si le régime des marques officielles est « suffisamment intégré » dans l’économie générale de la Loi sur les marques de commerce. Ainsi que l’arrêt Lacombe nous l’enseigne, cette doctrine ne s’applique que lorsque la disposition contestée se situe, de par son caractère véritable, en dehors du cadre des pouvoirs attribués à l’organisme qui l’adopte. Les dispositions relatives aux marques officielles visent les échanges et le commerce et elles relèvent donc de la compétence fédérale. Ce fait n’est contesté ni par le Conseil ni par le procureur général.

 

            Conclusion sur le fédéralisme

 

[83]           Les arguments formulés traduisent une conception statique du fédéralisme qui se caractérise par l’existence de chefs de compétence distincts qui ne se chevauchent jamais. Ainsi que la CSC l’a expliqué dans l’arrêt PHS, ce n’est pas ainsi que la fédération ou la Constitution fonctionnent en pratique. Mettre la compétence provinciale à l’abri de toute conséquence de l’exercice valide de la compétence fédérale sur les échanges et le commerce aurait pour effet de mettre à néant la doctrine constitutionnelle des effets accessoires. L’argument risque éventuellement de créer des vides juridiques, des domaines qui échappent à toute forme de réglementation à défaut de nouvelles dispositions législatives.

 

[84]           L’argument du demandeur invite également la Cour à retomber dans la même erreur que celle qu’elle a commise dans le jugement Conseil canadien des ingénieurs c Lubrication Engineers, Inc. [1985] 1 CF 530. Dans ce jugement, la Cour fédérale a conclu que les appellations professionnelles ne devraient pas être enregistrées comme marques étant donné que la réglementation des professions relevait de la compétence des assemblées législatives provinciales. La Cour a conclu :

[…] on évite le conflit en concluant que la Loi sur les marques de commerce exige simplement que le registraire s’abstienne d’enregistrer des mots composés de noms de professions dont les membres sont les seules personnes habilitées à employer ces noms conformément aux lois adoptées par les provinces et les territoires.

 

 

[85]           La Cour d’appel a confirmé cette décision pour d’autres motifs, mais s’est expressément dissociée de l’analyse constitutionnelle adoptée par la Cour fédérale. Le juge Hugessen écrit :

 

Nous sommes tous d’avis qu’une grande partie de ce qu’a dit le juge de première instance dans ses longs motifs de jugement ne peut être confirmée. Plus particulièrement, nous ne sommes pas d’accord avec son opinion sur la portée de l’alinéa 9(1)d) de la Loi sur les marques de commerce; ce texte n’a tout simplement pas pour effet, comme semble le croire le juge, de transposer dans le droit fédéral les diverses prohibitions à l’égard de l’usage de certaines appellations professionnelles contenues dans les lois provinciales réglementant les professions concernées. [Conseil canadien des ingénieurs c Lubrication Engineers, Inc. (CAF) [1992] 2 CF 329]

 

 

[86]           Dans le même ordre d’idées et avec la même résonnance dans le contexte du sous‑alinéa 9(1)n)(iii), signalons l’arrêt Assn. des assureurs‑vie du Canada c Assn. provinciale des assureurs‑vie du Québec, [1992] 1 RCS 449. Dans cet arrêt, la CSC a reconnu la distinction qui existe entre la réglementation et l’exercice d’une profession et les usages des échanges et du commerce d’un titre ou d’une appellation. La CSC a souscrit au raisonnement du juge Marceau de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt L’Assn. des Assureurs‑vie du Canada c L’Assn. Provinciale des Assureurs‑vie du Québec (C.A.), [1990] 3 CF 500, au paragraphe 24 :

Je ne vois pas pourquoi le simple fait de conférer un titre serait, en vertu de la constitution, réservé exclusivement au pouvoir législatif habilité à réglementer la profession auquel le titre pourrait de quelque façon être relié. Pour être qualifié de professionnel, un titre, tel un certificat, doit, me semble‑t‑il, être directement lié à l’exercice de la profession; il doit avoir des conséquences quant au droit et à la capacité de son titulaire de pratiquer la profession. Le fait de conférer et de détenir un titre professionnel en ce sens peut, bien sûr, faire partie de la réglementation de la profession, mais autrement, il s’agit d’un acte neutre qui, me semble‑t‑il, n’est pas limité par le partage des pouvoirs.

 

 

[87]           En somme, les titres professionnels ne peuvent, en principe, faire l’objet d’un enregistrement comme marque de commerce, non parce que la réglementation de la profession en question relève du paragraphe 92(13), mais plutôt parce qu’ils sont descriptifs ou non distinctifs. Dans l’affaire Ontario Dental Assistants Association c Association dentaire canadienne, 2013 CF 266, le juge Michael Mason s’est demandé si une marque de certification valide pourrait être enregistrée dans le cas d’un titre ou un acronyme professionnel. Je partage les observations qu’il a formulées, au paragraphe 23, au sujet des conséquences du jugement Assn. des Assureurs‑vie du Canada c Assn. Provinciale des Assureurs‑vie du Québec, [1988] ACF no 564 :

Je ne suis pas d’accord pour dire que la décision Assn. des Assureurs‑vie du Canada c Assn. Provinciale des Assureurs‑vie du Québec, [1988] ACF no 564, et les affaires dont était saisie la Commission de l’opposition après cette décision tendent à indiquer qu’un titre professionnel ne peut jamais constituer une marque de certification valide. Rien dans la Loi n’empêche qu’un titre professionnel soit validement employé comme marque de certification, dans la mesure où ce titre respecte les critères requis, déjà mentionnés, concernant l’absence de description claire ou de risque de confusion, le caractère distinctif et l’emploi conforme.

 

[88]           Il n’y a rien dans l’exercice du pouvoir prévu au sous‑alinéa 9(1)n)(iii) qui soit lié ou associé au droit ou à la capacité d’exercer la profession. En vertu de la Health Professions Act, la province a une compétence illimitée pour réglementer l’exercice de la médecine chinoise traditionnelle et l’acupuncture. Au lieu d’entrer en conflit avec lui, la Loi sur les marques de commerce complète et renforce le pouvoir du Collège en lui permettant, par l’intermédiaire de l’alinéa 9(1)n), d’empêcher que les titres professionnels ne deviennent des objets de commerce.

 

            Liberté d’expression

 

[89]           Les dispositions contestées contreviennent à l’alinéa 2b) de la Charte, mais elles sont justifiées par application de l’article premier en tant que restrictions apportées par une règle de droit dans des limites raisonnables dont la justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

 

[90]           L’expression commerciale telle que l’utilisation d’un titre professionnel en liaison avec l’exercice de la médecine chinoise traditionnelle et l’acupuncture constitue une expression protégée par l’alinéa 2b). L’emploi d’un titre professionnel est un mode d’expression visant à communiquer un sens, en l’occurrence un certain degré d’expertise et de compétence. Le droit à la liberté d’expression n’est pas lié au contenu et il s’applique donc dans le cas qui nous occupe (Irwin Toy Ltd. c Québec (Procureur général), [1989] 1 RCS 927.

 

[91]           Quant à l’analyse fondée sur l’article premier, il existe un objectif impérieux en ce qui concerne la restriction à la liberté d’expression apportée par les régimes en question. L’article 9 a pour objet de supprimer la confusion entre les services offerts par le gouvernement et ceux offerts par le secteur privé. Il empêche quiconque de tirer profit d’un symbole public ou de symboles et d’une marque publique ou de mal les utiliser (Techniquip Ltd c Association olympique canadienne, [1999] ACF no 1787 (CAF).

 

[92]           Pour reprendre l’argument du Collège, les Canadiens doivent avoir l’assurance que les marques d’une autorité publique sont employées par cette autorité et par personne d’autre. Les faits de la présente espèce le démontrent bien. Les permis délivrés par le Conseil aux diplômés prévoient en effet :

[traduction]

Le(s) certificat(s) indique(nt) que le titulaire a effectué, à la fois en théorie et en pratique clinique, le nombre d’heures prescrit et qu’il a réussi les examens de compétence. Il(s) indique(nt) au public que le titulaire possède les compétences pour assurer des services compétents et professionnels dans le cadre de son expertise.

 

 

[93]           Le Conseil a induit certains étudiants en erreur en leur faisant croire qu’il possédait un pouvoir de réglementation sur l’exercice de la médecine traditionnelle chinoise et l’acupuncture. Il a employé de façon irrégulière des marques de commerce pour laisser entendre qu’il avait le droit d’octroyer des permis d’exercice. Il existe des recours efficaces pour empêcher une telle situation de se produire tant au niveau du commerce qu’à celui de la commercialisation ainsi qu’on peut le constater à la lecture de l’ordonnance du juge O’Keefe.

 

[94]           Le Collège avait le droit de réagir en adoptant divers titres comme marques officielles. De cette façon, il a été en mesure d’associer son rôle et son mandat à sa marque et d’informer le public au sujet des personnes dûment formées et autorisées à exercer la médecine traditionnelle et l’acupuncture. Le régime de marques publiques renforce, sur le plan des échanges et du commerce, les objectifs visés par le régime réglementaire provincial.

 

[95]           Il n’y a par conséquent aucun véritable débat sur la question de savoir si le sous‑alinéa 9(1)n)(iii) vise un objectif urgent et réel. Il est également évident qu’il existe un lien rationnel entre les moyens choisis et cet objectif.

 

            Atteinte minimale

 

[96]           Le Conseil soutient que les dispositions en question ne satisfont pas à l’exigence de l’atteinte minimale. Le Conseil fait valoir qu’il sera interdit aux nouveaux praticiens et aux nouveaux établissements d’enseignement d’employer les mots enregistrés par le Collège sans le consentement de ce dernier. Le Conseil affirme également que rien ne justifie le Collège d’exercer ce pouvoir sur l’ensemble du territoire canadien.

 

[97]           Dans l’arrêt Alberta c Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37, [2009] 2 RCS 567, au paragraphe 53, la juge en chef McLachlin a récemment expliqué en quoi consistait l’exigence de l’atteinte minimale :

La question qui se pose à ce stade de l’analyse de la proportionnalité requise par l’article premier est celle de savoir si la restriction au droit est raisonnablement bien adaptée à l’objectif urgent et réel invoqué pour la justifier. Autrement dit, existe‑t‑il des moyens moins préjudiciables de réaliser l’objectif législatif?  Dans cette évaluation, les tribunaux font preuve d’une certaine déférence à l’égard de la législature, surtout en ce qui concerne les questions sociales complexes où la législature est peut‑être mieux placée que les tribunaux pour choisir parmi une gamme de mesures.

 

 

[98]           Le demandeur insiste beaucoup sur les conséquences des dispositions relatives aux marques officielles sur ses intérêts économiques. Toutefois, le cadre de l’analyse relative à la Charte est beaucoup plus large que les conséquences sur un seul individu ou, dans le cas qui nous occupe, sur une entreprise. La juge en chef McLachlin a souligné que les tribunaux doivent tenir compte des incidences de l’atteinte en se plaçant du point de vue de l’ensemble de la société : « [le tribunal] doit se demander si la contravention à la Charte peut se justifier dans une société libre et démocratique, et non s’il est possible d’envisager un aménagement plus avantageux pour un plaignant en particulier » (Hutterian Brethren, au paragraphe 69).

 

[99]           Lorsqu’on le situe dans le contexte du régime législatif de l’ensemble de la Loi sur les marques de commerce, le sous‑alinéa 9(1)n)(iii) comporte des restrictions internes qui permettent de conclure que, si tant est qu’il porte atteinte à la liberté d’expression, cette atteinte est minimale. Voici en quoi cette atteinte est minimale :

(1)                L’atteinte se limite à une autorité publique.

(2)                L’autorité publique doit « adopter et employer » la marque, par opposition aux Forces canadiennes, pour lesquelles il suffit d’adopter « ou » d’employer la marque. Par conséquent, on ne peut simplement s’accaparer une marque officielle (Techniquip Ltd. c Association olympique canadienne, [1999] ACF no 1787 (CAF), au paragraphe 13).

(3)                Les marques officielles peuvent faire l’objet d’une licence d’emploi. Le propriétaire privé d’une marque ne peut consentir à son utilisation sans risquer d’en perdre le contrôle avec le temps. Les autorités publiques peuvent accorder leur consentement sans craindre de perdre ce droit.

(4)                Le critère applicable est celui de la ressemblance et de la confusion prévu au sous‑alinéa 9(1)n)(iii) et à l’article 6 de la Loi sur les marques de commerce (Techniquip Ltd., au paragraphe 5).

(5)                Il n’y a pas de disposition déterminative. L’emploi doit être démontré.

(6)                Le régime ne vaut que pour l’avenir; l’interdiction vise l’adoption et l’emploi des marques officielles pour l’avenir. Il n’y a pas d’effet rétroactif (Association olympique canadienne c Konica Canada Inc., [1992] 1 CF 797 (CAF).

 

[100]       Le législateur n’a pas restreint le type de marques qui peut être adopté. Les autorités publiques disposent donc d’une grande marge de manœuvre pour exécuter leur travail. La présente affaire démontre à quel point cette conception est souhaitable.

 

[101]       Enfin, on n’a évoqué aucun autre régime de marques officielles plus nuancé qui permettrait d’atteindre le même objectif. Qui plus est, suivant le gouvernement, en raison du « degré de déférence » exigé par la jurisprudence, j’estime que les dispositions contestées sont raisonnablement adaptées pour répondre à l’objectif urgent et réel en cause et qu’il existe une proportionnalité entre les effets préjudiciables et les effets bénéfiques. Par conséquent, la restriction à la liberté d’expression est justifiée.

 

La Déclaration des droits

 

[102]       Enfin, le Conseil soutient que l’alinéa 2e) de la déclaration des droits lui reconnaît le droit à une audience avant la publication d’un avis public. Cet argument est mal fondé.

 

[103]       L’alinéa 2e) dispose :

[…] nulle loi du Canada ne doit s’interpréter ni s’appliquer comme

 

[…]

 

e) privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations;

[…] no law of Canada shall be construed or applied so as to

 

[…]

 

(e) deprive a person of the right to a fair hearing in accordance with the principles of fundamental justice for the determination of his rights and obligations;

 

 

[104]       Dans l’arrêt Authorson c Canada (Procureur général), [2003] 2 RCS 40, 2003 CSC 39, la CSC a jugé que l’alinéa 2e), lorsqu’on le situait dans son contexte, ne s’appliquait que dans une instance introduite devant un tribunal administratif ou un organisme chargé de se prononcer sur les droits et les obligations de personnes physiques. La version française de l’alinéa 2e) confirme cette conclusion étant donné qu’il y est question d’une « audition impartiale de sa cause » et qu’on entend normalement par « cause » : « affaire, procès qui se plaide ».

 

[105]       La procédure à suivre pour faire enregistrer une marque de commerce comporte l’examen, la publicité et l’opposition. Le législateur n’a pas prévu d’audience en ce qui concerne les marques officielles, contrairement à ce qu’il a prévu dans le cas des autres marques. Le registraire ne tranche pas de litige opposant des parties. L’absence d’audience confirme le rôle non juridictionnel que le registraire est appelé à jouer. La Cour d’appel a jugé, aux paragraphes 7 et 8 de l’arrêt FileNet :

 

Il est désormais bien établi que le registraire n’a pas le pouvoir discrétionnaire de refuser de donner un avis public d’adoption et emploi d’une marque officielle lorsque l’auteur de la demande fondée sur l’article 9 établit que les critères prévus dans la loi ont été remplis : Ordre des architectes de l’Ontario, précité, Mihaljevic c. Colombie‑Britannique, (1988), 22 F.T.R. 59, 23 C.P.R. (3d) 80 (C.F. 1re inst.), confirmé dans (1990), 116 N.R. 218, 34 C.P.R. (3d) 54 (C.A.F.). L’un de ces critères est que la demande ait été présentée par Sa Majesté, une université ou une autorité publique, selon le cas. Un autre critère est que l’auteur de la demande ait adopté et employé la marque officielle.

Pour décider si les critères légaux sont remplis, le registraire peut s’appuyer sur les observations formulées à l’appui de la demande d’avis public, mais il n’est pas tenu de le faire. Lorsque le registraire consent à donner un avis public, la personne qui demande le contrôle judiciaire de sa décision peut établir que la marque officielle n’a été ni adoptée ni employée. Il incombe alors à la partie ayant demandé qu’un avis public soit donné de prouver que la marque officielle était adoptée et employée à la date de l’avis public.

 

 

[106]       Le législateur fédéral est libre de prescrire la forme de processus de prise de décisions à suivre, qu’il s’agisse d’un processus juridictionnel, administratif, d’enquête, quasi judiciaire ou judiciaire. Il n’est pas nécessaire qu’il conçoive une procédure qui prévoit l’obligation d’informer le grand public de l’existence d’une demande présentée en vertu du sous‑alinéa 9(1)n)(iii) ou encore qu’il crée une tribune devant laquelle une personne neutre invite un tiers à répondre en faisant valoir son point de vue ou se prononce sur des intérêts opposés (Ocean Port Hotel Ltd. c Colombie‑Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 RCS 781, 2001 CSC 52).


JUGEMENT

 

LA COUR REJETTE la demande de contrôle judiciaire. Les parties peuvent présenter leurs observations au sujet des dépens, soit par écrit dans les 20 jours de la date de la présente décision, ou, sur demande, oralement à la date que fixera l’administrateur judiciaire.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


ANNEXE A

Loi sur les marques de commerce (L.R.C. (1985), ch. T‑13)

 

Trade‑marks Act, RSC 1985, c T‑13

Article 2

 

Section 2

 

« personne » Sont assimilés à une personne tout syndicat ouvrier légitime et toute association légitime se livrant à un commerce ou à une entreprise, ou au développement de ce commerce ou de cette entreprise, ainsi que l’autorité administrative de tout pays ou État, de toute province, municipalité ou autre région administrative organisée.

 

« emploi » ou « usage » À l’égard d’une marque de commerce, tout emploi qui, selon l’article 4, est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou services.

 

“person” includes any lawful trade union and any lawful association engaged in trade or business or the promotion thereof, an the administrative authority of any country, state, province, municipality or other organized administrative area.

 

 

 

 

 “use” in relation to a trade‑mark, means any use that by section 4 is deemed to be a use in association with wares or services;

Article 3

 

Section 3

 

3. Une marque de commerce est réputée avoir été adoptée par une personne, lorsque cette personne ou son prédécesseur en titre a commencé à l’employer au Canada ou à l’y faire connaître, ou, si la personne ou le prédécesseur en question ne l’avait pas antérieurement ainsi employée ou fait connaître, lorsque l’un d’eux a produit une demande d’enregistrement de cette marque au Canada.

 

3. A trade‑mark is deemed to have been adopted by a person when that person or his predecessor in title commenced to use it in Canada or to make it known in Canada or, if that person or his predecessor had not previously so used it or make it known, when that person or his predecessor filed an application for its registration in Canada.

 

Article 4(1)

 

Section 4(1)

 

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

4(1) A trade‑mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

 

(2) A trade‑mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

 

Article 9(1)

 

Section 9(1)

 

9. (1) Nul ne peut adopter à l’égard d’une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit :

[…]

 

n) tout insigne, écusson, marque ou emblème :

[…]

 

(iii) adopté et employé par une autorité publique au Canada comme marque officielle pour des marchandises ou services,

 

à l’égard duquel le registraire, sur la demande de Sa Majesté ou de l’université ou autorité publique, selon le cas, a donné un avis public d’adoption et emploi;

 

9(1) No person shall adopt in connection with a business, as a trademark or otherwise, a mark consisting of, or so nearly resembling as to be likely to be mistaken for

 

 

 

(n) any badge, crest, emblem or mark

 

(iii) adopted and used by any public authority, in Canada as an official mark for wares or services,

 

 

in respect of which the Registrar has, at the request of Her Majesty or of the university or public authority, as the case may be, given public notice of its adoption and use.

 

Article 11

 

Section 11

 

11. Nul ne peut employer relativement à une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque adoptée contrairement à l’article 9 ou 10 de la présente loi ou contrairement à l’article 13 ou 14 de la Loi sur la concurrence déloyale, chapitre 274 des Statuts revisés du Canada de 1952.

 

11. No person shall use in connection with a business as a trade‑mark or otherwise, any mark adopted contrary to section 9 or 10 of this Act.

Article 12

 

Section 12

 

12. (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

[…]

 

e) elle est une marque dont l’article 9 ou 10 interdit l’adoption;

 

12 (1) Subject to section 13, a trade‑mark is registrable if it is not

 

 

 

(e) a mark of which the adoption is prohibited by section 9 or 10;

 


ANNEXE B

 

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, c 3

 

The Constitution Act, 1867 (U.K.), 30 & 31 Victoria, c 3

 

Article 91(2)

 

Section 91(2)

 

91. Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces; mais, pour plus de garantie, sans toutefois restreindre la généralité des termes ci‑haut employés dans le présent article, il est par la présente déclaré que (nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi) l’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci‑dessous énumérés, savoir:

[…]

 

2. La réglementation du trafic et du commerce

 

91. It shall be lawful for the Queen, by and with the Advice and Consent of the Senate and House of Commons, to make Laws for the Peace, Order, and good Government of Canada, in relation to all Matters not coming within the Classes of Subjects by this Act assigned exclusively to the Legislatures of the Provinces; and for greater Certainty, but not so as to restrict the Generality of the foregoing Terms of this Section, it is hereby declared that (notwithstanding anything in this Act) the exclusive Legislative Authority of the Parliament of Canada extends to all Matters coming within the Classes of Subjects next hereinafter enumerated; that is to say,

 

 

 

2. The Regulation of Trade and Commerce.

 

Article 92(13)

 

Section 92(13)

 

92. Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci‑dessous énumérés, savoir:

[…]

 

13. La propriété et les droits civils dans la province;

92. In each Province the Legislature may exclusively make Laws in relation to Matters coming within the Classes of Subjects next hereinafter enumerated; that is to say,

 

13. Property and Civil Rights in the Province.


ANNEXE C

 

Déclaration canadienne des droits, SC 1960, c 44

 

The Canadian Bill of Rights, SC 1960, c 44

 

Article 2

 



Section 2

 

Toute loi du Canada, à moins qu’une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu’elle s’appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s’interpréter et s’appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l’un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du Canada ne doit s’interpréter ni s’appliquer comme

[…]

 

e) privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations;

 

2. Every law of Canada shall, unless it is expressly declared by an Act of the Parliament of Canada that it shall operate notwithstanding the Canadian Bill of Rights, be so construed and applied as not to abrogate, abridge or infringe or to authorize the abrogation, abridgment or infringement of any of the rights or freedoms herein recognized and declared, and in particular, no law of Canada shall be construed or applied so as to

 

 

 

(e) deprive a person of the right to a fair hearing in accordance with the principles of fundamental justice for the determination of his rights and obligations;

 

 


ANNEXE D

 

Health Professions Act, RSBC 1996, ch 183

 

[traduction

Article 12

 

12 (1) Le lieutenant gouverneur en conseil peut, par règlement, désigner une profession de la santé pour l’application de la présente loi.

 

(2) Relativement à une profession de la santé désignée, le ministre peut, par règlement, prescrire ce qui suit :

 

a)     le nom de l’ordre constitué en vertu du paragraphe 15(1) relativement à la profession de la santé visée;

 

b)     l’établissement des titres réservés aux membres d’un ordre professionnel;

 

b.1)  les limites ou les conditions respectant l’utilisation des titres réservés aux membres d’un ordre professionnel conformément à l’alinéa b);

 

c)      les services qui peuvent être fournis par les membres d’un ordre professionnel;

 

d)     les limites ou les conditions assortissant les services qui peuvent être fournis aux membres d’un ordre professionnel;

 

e)      les services qui peuvent être fournis uniquement par les membres d’un ordre professionnel.

 

Article 12.1

 

12.1(1) Lorsqu’un règlement, en application de l’alinéa 12(2)b), établit un titre réservé aux membres d’un ordre, il est interdit à toute personne qui n’est pas membre de l’ordre de faire usage du titre, d’une abréviation du titre ou d’un équivalent du titre ou de l’abréviation dans une autre langue

 

a)     pour décrire son travail;

 

b)     en liaison avec un autre titre ou comme partie d’un autre titre qui désigne son travail;

 

c)      en liaison avec la description de son travail.

 

 

(2) Lorsqu’un règlement, en application de l’alinéa 12(2)b.1), établit une restriction ou une condition relative à l’usage d’un titre, le titre ne doit être utilisé qu’en conformité avec le règlement.

 

(3) La personne qui n’est pas membre d’un ordre ne peut faire usage d’un nom, d’un titre, d’une description ou d’une abréviation d’un nom ou d’un titre, ou encore d’un équivalent d’un nom ou d’un titre dans une autre langue, qui expriment ou suggèrent qu’elle est membre de cet ordre ou associée à cet ordre.

 

Article 15

 

15(1) Un ordre professionnel de la santé est créé en vertu du paragraphe 12(1) sur désignation des membres d’une profession de la santé.

 

[...]

 

(3) L’ordre est doté de tous les pouvoirs d’une personne physique, y compris celui d’acquérir et d’aliéner des biens aux fins d’exercer les pouvoirs que lui confère la présente loi et de s’acquitter des obligations que lui impose la présente loi.

 

Article 16

 

16(1) L’ordre a l’obligation en tout temps :

 

a)     de servir et de protéger le public;

 

b)     d’exercer ses pouvoirs et de s’acquitter des obligations que lui impose tout texte dans l’intérêt public.

 

(2) Les objets de l’ordre sont les suivants :

 

a)     réglementer l’exercice de la profession;

 

b)     régir l’activité des membres conformément à la présente loi et à ses règlements d’application et aux règlements administratifs de l’ordre;

 

c)      élaborer des normes d’admissibilité applicables aux personnes auxquelles un certificat d’inscription est délivré;

 

d)     élaborer, appliquer et contrôler l’application de normes de compétence en vue d’améliorer la qualité de l’exercice et de diminuer le nombre de cas d’incompétence ou de faute professionnelle;

 

Article 17

 

17 (1) Un conseil d’administration est créé pour chaque ordre créé en vertu de l’article 15.

 

(2) Le ministre peut, par décret :

 

a)     désigner les personnes qui constituent le premier conseil d’administration d’un ordre et qui occupent leur charge jusqu’à ce que les membres du conseil d’administration mentionnées à l’alinéa (3)a) et (3)a.1) sont élus;

 

b)     préciser la date à laquelle les premières élections mentionnées à l’alinéa a) doivent avoir lieu.

 

(3) À la suite des premières élections mentionnées au paragraphe (2), le conseil d’administration d’un ordre est composé des membres suivants :

 

[…]

 

b)     au moins deux personnes désignées par décret du ministre.

 

(4) Le nombre de personnes nommées en vertu de l’alinéa (3)b) :

 

a)     doit correspondre au moins au tiers de l’ensemble des membres du conseil d’administration;

 

b)     ne doit pas dépasser le nombre total des personnes élues ou nommées en vertu des alinéas (3)a) à (3)a.2).

 

[…]

 

Article 18.1

 

18.1 (1) Si le ministre l’estime nécessaire dans l’intérêt public, il peut nommer une personne chargée de faire enquête :

 

a)     sur tout aspect de l’administration ou des activités d’un ordre;

 

b)     sur l’état de l’exercice d’une profession de la santé

 

(i)      en Colombie‑Britannique;

 

(ii)     dans une localité;

 

(iii)    dans un établissement.

 

(2) Le paragraphe (1) permet de faire enquête sur la façon dont est exercé un pouvoir ou est accomplie une obligation ou sur le défaut d’exercer un pouvoir ou d’accomplir une obligation prévue par la présente loi.

 

(3) Aux fins d’une enquête prévue par le présent article, la personne nommée en vertu du paragraphe (1) a les pouvoirs, privilèges et protections d’une commission prévus aux paragraphes 22(1), aux alinéas 23a), b) et d) et à l’article 32 de la Public Inquiry Act.

 

(4) La personne nommée en vertu du paragraphe (1) doit se conformer au mandat que le ministre lui confie au sujet de la conduite de l’enquête.

 

(5) Les dépenses engagées par le gouvernement en vertu du présent article concernant un ordre constituent une dette due par l’ordre au gouvernement.

 

Article 18.2

 

18.2 (1) Une fois l’enquête prévue à l’article 18.1 terminée, le ministre peut donner une directive au conseil d’administration concernant l’enquête qui a été menée.

 

(2) La directive prévue au paragraphe (1) :

 

a)     peut obliger le conseil d’administration à exercer les pouvoirs que lui confère la présente loi ou à accomplir les obligations que lui impose la présente loi de manière à régler les questions ayant fait l’objet d’une enquête menée en vertu de l’article 18.1,

 

b)     ne doit pas, malgré l’alinéa a), obliger le conseil d’administration :

 

(i)      à adopter une norme, une restriction ou une condition en vertu des alinéas 19(1)k), l) ou l.3) selon les modalités précisées par la directive;

(ii)     à prendre toute mesure prévue à l’article 20 ou à la partie 3 concernant un membre déterminé d’un ordre au sens de l’article 26;

 

c)       peut obliger le conseil d’administration à soumettre un rapport écrit au ministre, dans le délai précisé, dans lequel il décrit les mesures qu’il a prises pour mettre en œuvre cette directive.

 

(3) Le conseil d’administration doit se conformer à la directive qui lui a été donnée conformément au présent article.

Article 19

 

19 (1) Le conseil d’administration peut prendre les règlements administratifs qu’il juge nécessaires ou souhaitables, et qui sont conformes aux obligations et objets de l’ordre qui sont énumérés à l’article 16, y compris les règlements administratifs suivants :

 

[…]

 

(3) Un règlement administratif pris conformément au paragraphe (1) n’a d’effet qu’une fois déposé auprès du ministre.

 

[…]

 

(3.2) S’il l’estime nécessaire ou souhaitable, le ministre peut, par décret, dans les délais prescrits pour l’application du paragraphe (3.1) :

 

a)      rejeter un règlement administratif en tout ou en partie sauf dans le cas d’un règlement administratif pris conformément à l’alinéa (1)k), l) ou (1)l.3), ou

 

[…]

 

(4) Le ministre peut rejeter un règlement administratif adopté en vertu du paragraphe (1) s’il n’est pas convaincu que les mesures appropriées ont été prises concernant ce qui suit :

 

a)      l’élection d’un membre de l’ordre au conseil d’administration conformément à l’alinéa 17(3)a);

 

b)      l’un ou l’autre des objets énumérés à l’article 16.

 

(5) Le ministre peut demander au conseil d’administration de modifier ou d’abroger un règlement administratif existant ou d’adopter un nouveau règlement administratif s’il est convaincu que cette mesure est nécessaire ou souhaitable.

 

(6) Si un conseil d’administration ne se conforme pas à la demande qui lui est adressée en vertu du paragraphe (5) dans les 60 jours de la date de la demande, le ministre peut, par décret, modifier ou abroger le règlement administratif existant ou formuler un nouveau règlement administratif.

 

[…]

 

Article 19

 

19(1) Le conseil d’administration peut prendre les règlements administratifs qu’il juge nécessaires ou souhaitables, et qui sont conformes aux obligations et objets de l’ordre qui sont énumérés à l’article 16, y compris les règlements administratifs suivants :

 

[…]

y.8) sous réserve des règlements pris par le ministre en application de l’alinéa 12(2)b.1), fixer des limites ou des conditions concernant l’utilisation, par les membres de l’ordre :

 

(i) des titres décrivant le travail des membres de l’ordre, y compris des titres prescrits à l’alinéa 12(2)b);

 

[…]


ANNEXE E

 

Traditional Chinese Medicine Practitioners and Acupuncturists Regulations (BC Reg 29012008)

 

[traduction]

Article 1

 

1. Les définitions suivantes s’appliquent au présent règlement :

 

« Acupuncture » Acte consistant à stimuler, au moyen d’aiguilles, certaines zones déterminées de la peau, des muqueuses ou des tissus sous‑cutanés du corps humain en vue de favoriser, de maintenir, de rétablir ou d’améliorer la santé, de prévenir un trouble, un déséquilibre ou une maladie ou de soulager la douleur, notamment par :

 

a)      l’administration d’aiguilles d’acupuncture de manière manuelle, mécanique, thermique ou électrique;

 

b)      le recours à l’acupuncture au laser, à la thérapie magnétique et à la digitopunture;

 

c)       à la moxibustion (Jiu) et à la ventouse (Ba Guan).

 

« Médecine chinoise traditionnelle » Promotion, maintien et rétablissement de la santé et prévention des troubles, des déséquilibres ou des maladies fondés sur les théories de la médecine chinoise traditionnelle par l’utilisation de thérapies primaires :

 

a)      de l’acupuncture chinoise (Zhen), de la moxibustion (Jiu) et de la ventouse (Ba Guan),

 

b)      de la thérapie manipulative chinoise (Tui Na),

 

c)       de la thérapie du contrôle de l’énergie chinoise (Qi Gong),

 

d)      des exercices de réadaptation chinois comme la boxe à vide chinoise (Tai Ji Quan);

 

e)       la prescription, le mélange et la préparation de formules phytomédicinales chinoises (Zhone Yao Chu Fang) et de recettes d’aliments curatifs chinois (Shi Liao).

 

Article 2

 

2 La dénomination « Ordre des praticiens de la médecine chinoise traditionnelle et des acupuncteurs de la Colombie‑Britannique » désigne l’ordre établi en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi sur la médecine chinoise traditionnelle et l’acupuncture.

 

Article 3

 

3(1) Le titre « acupuncteur» est réservé aux acupuncteurs.

 

(2) Le titre « praticien de la médecine chinoise traditionnelle » est réservé aux des praticiens de la médecine chinoise traditionnelle.

 

(3) Le titre « herboriste de médecine chinoise traditionnelle » est réservé aux herboristes.

 

(4) Les titres « docteur en médecine chinoise traditionnelle » et « docteur » sont réservés aux docteurs en médecine chinoise traditionnelle.

 

5) Le présent article n’interdit pas à une personne de faire usage

 

a)      du titre « docteur » d’une manière qui est autorisée par un autre texte législatif réglementant une profession de la santé;

 

b)      d’une appellation reliée à un diplôme universitaire ou à un autre niveau d’enseignement que la personne est autorisée à employer

 

Article 5

 


5 Nul autre qu’un

a)      acupuncteur, praticien ou herboriste de médecine chinoise traditionnelle ne peut poser un diagnostic de médecine chinoise traditionnelle identifiant une maladie, un trouble ou une condition comme signe ou symptôme;

 

b)      qu’un praticien de la médecine chinoise traditionnelle ou qu’un praticien ou herboriste de médecine chinoise traditionnelle ne peut prescrire les formules phytomédicinales énumérées à l’annexe du règlement administratif de l’ordre;

 

c)       qu’un praticien de la médecine chinoise traditionnelle ou qu’un acupuncteur ne peut insérer d’aiguilles d’acupuncture sous la peau aux fins de pratiquer l’acupuncture.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑427‑09

 

INTITULÉ :                                                  COUNCIL OF NATURAL MEDICINE COLLEGE OF CANADA c
COLLEGE OF TRADITIONAL CHINESE MEDICINE PRACTITIONERS AND ACUPUNCTURISTS OF BRITISH COLUMBIA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Les 16, 17 et 18 octobre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 19 mars 2013

 

COMPARUTIONS :

 

A. Kelly Gill

Professeur Bruce Ryder

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Christopher S. Wilson

Mathew Brechtel

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

Johnathan Penner

Freya Zaltz

 

POUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIE‑BRITANNIQUE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Bull, Housser & Tupper LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

Procureur général de la Colombie‑Britannique

Victoria (Colombie‑Britannique)

POUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL
DE LA COLOMBIE‑BRITANNIQUE

 

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