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Date : 20130312

Dossier : IMM-4797-12

Référence : 2013 CF 228

[Traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 12 mars 2013

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

PATRICK RAYDON RICHMOND

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

[1]               M. Patrick Raydon Richmond vit au Canada depuis 20 ans. Il a déménagé ici, en provenance de Guyana, à l’âge de 14 ans. M. Richmond souffre de schizophrénie et d’épilepsie et a des antécédents de criminalité et de toxicomanie. Il a été frappé d’une mesure d’expulsion en 2008 et a perdu l’appel interjeté contre la mesure. Il a ensuite demandé un examen des risques avant renvoi (ERAR) fondé sur l’absence de traitement pour les maladies mentales au Guyana, mais l’agent d’ERAR a rendu une décision défavorable sur sa demande, concluant que le Guyana avait fait des soins en matière de maladie mentale une priorité.

 

[2]               L’agent a reconnu que les efforts et les projets du Guyana en vue de la prestation de davantage de ressources pour les personnes souffrant de maladie mentale montrent que M. Richmond ne se verrait pas refuser des traitements pour des raisons relevant de la discrimination. Par conséquent, il ne serait pas exposé à la persécution s’il rentrait au Guyana. De plus, M. Richmond ne pouvait pas demander l’asile en raison de soins de santé inadéquats étant donné que ce motif est exclu par le sous‑alinéa 97(1)b)(iv) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] (voir l’annexe).

 

[3]               M. Richmond soutient que les conclusions de l’agent ne sont pas raisonnables à la lumière des éléments de preuve faisant état de ressources limitées dans le domaine de la santé mentale et de la stigmatisation des personnes atteintes de maladie mentale au Guyana. Il affirme de plus que l’exclusion des demandes fondées sur des motifs médicaux énoncée au sous‑alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR ne s’applique pas. Les soins en matière de santé mentale sont limités au Guyana à cause de la discrimination à l’égard des personnes atteintes de maladie mentale, et pas seulement en raison d’un manque de ressources. Il me demande d’annuler la décision de l’agent et d’ordonner qu’un autre agent examine sa demande.

 

[4]               Je conviens que la décision de l’agent était déraisonnable. L’agent n’a renvoyé qu’aux éléments de preuve montrant que la situation des personnes atteintes de maladie mentale au Guyana s’améliore, sans toutefois mentionner un traitement ou un établissement en particulier susceptible d’aider M. Richmond. De plus, les éléments de preuve font état d’une stigmatisation des personnes atteintes de maladie mentale au Guyana, ce qui explique, du moins en partie, l’absence de possibilités de traitements adéquats. Cela veut dire que l’exclusion énoncée au sous‑alinéa 97(1)b)(iv) ne s’applique pas parce qu’il existe des raisons fondées sur la discrimination expliquant pourquoi le Guyana n’offre pas de ressources médicales adéquates pour les personnes atteintes de maladie mentale.

 

[5]               Les questions en litige sont :

 

1.                  L’agent a‑t‑il conclu de manière déraisonnable que M. Richmond pouvait recevoir des traitements appropriés au Guyana?

2.                  L’agent a‑t‑il conclu de manière déraisonnable que la demande d’asile de M. Richmond était exclue en vertu du sous‑alinéa 97(1)b)(iv)?

II.        Décision de l’agent

[6]               L’agent a reconnu que M. Richmond se heurterait à des difficultés s’il était renvoyé au Guyana. Il a cependant conclu que les éléments de preuve montrent que [traduction] « le gouvernement du Guyana est intéressé à combler les lacunes de son système de santé et prend des mesures en ce sens ». Quoi qu’il en soit, ses ressources sont limitées. Cependant, suivant le sous‑alinéa 97(1)b)(iv), un manque de ressources ne constitue pas un fondement pour accueillir une demande d’asile.

 

III.       Question en litige un – L’agent a‑t‑il conclu de manière déraisonnable que M. Richmond pouvait recevoir des traitements appropriés au Guyana?

[7]               Le ministre soutient que l’agent a conclu de manière raisonnable que le gouvernement du Guyana s’efforçait de traiter les maladies mentales et d’accroître les ressources destinées aux patients.

 

[8]               À mon avis, ces éléments de preuve ne montrent pas que des soins adéquats pour les maladies mentales sont disponibles au Guyana. Ils montrent que, à l’avenir, des ressources suffisantes pourraient être offertes. En fait, les éléments de preuve documentaire indiquent que les traitements sont extrêmement limités, qu’il y a pénurie de médicaments, que les personnes atteintes de maladie mentale sont victimes de stigmatisation et de discrimination et sont susceptibles d’être itinérantes, et que la police n’est pas en mesure de traiter comme il se doit avec les personnes atteintes de maladie mentale. Selon ces éléments de preuve, la conclusion de l’agent voulant que M. Richmond ne serait pas exposé à la persécution ou à de mauvais traitements au Guyana est déraisonnable.

 

IV.       Question en litige deux – L’agent a‑t‑il conclu de manière déraisonnable que la demande d’asile de M. Richmond était exclue en vertu du sous‑alinéa 97(1)b)(iv)?

[9]               Le ministre soutient que la demande d’asile de M. Richmond en vertu de l’article 97 de la LIPR repose, essentiellement, sur l’incapacité alléguée du Guyana de fournir des soins médicaux adéquats. Cependant, les demandes d’asile de ce type sont expressément exclues par le sous‑alinéa 97(1)b)(iv).

[10]           À mon avis, l’agent a conclu de manière déraisonnable que la demande d’asile de M. Richmond était exclue en vertu du sous‑alinéa 97(1)b)(iv). Les éléments de preuve dont disposait l’agent montrent que les personnes atteintes de maladie mentale au Guyana sont généralement perçues comme étant [traduction] « envoutées » ou [traduction] « possédées ». Les mauvais traitements infligés aux patients et l’insuffisance des ressources en matière de santé mentale découlent, du moins en partie, des attitudes discriminatoires envers les personnes atteintes de maladie mentale.

[11]           La Cour d’appel fédérale a reconnu que l’exclusion prévue au sous‑alinéa 97(1)b)(iv) ne s’appliquerait pas quand les soins médicaux sont refusés pour des raisons illégitimes, comme des motifs fondés sur la persécution (Covarrubias c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 365, au paragraphe 41). Il en irait de même, je crois, si un déni de soins de santé reposait sur des motifs discriminatoires. L’agent disposait d’éléments de preuve faisant état d’une discrimination répandue contre les personnes atteintes de maladie mentale au Guyana. J’estime que l’agent aurait dû examiner la question de savoir si cette discrimination expliquait, du moins en partie, les maigres ressources offertes par l’État pour le traitement des personnes atteintes de maladie mentale. En l’absence d’une telle analyse, l’appréciation par l’agent des éléments de preuve pertinents était incomplète et déraisonnable.

 

V.        Conclusion et décision

 

[12]           À mon avis, l’agent a traité de manière inadéquate les éléments de preuve concernant la disponibilité de soins pour les maladies mentales au Guyana et les raisons pour lesquelles ceux‑ci sont limités, au point où ses conclusions sont déraisonnables. Par conséquent, je dois faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner qu’un autre agent réexamine la demande de M. Richmond. Aucune partie n’a proposé de question de portée générale à certifier, et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  L’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il procède à un nouvel examen.

3.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme
Line Niquet

 

 


Annexe

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LC 2001, c 27)

 

Personne à protéger

  97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

[…]

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

[…]

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

 

Person in need of protection

  97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4797-12

 

INTITULÉ :                                      PATRICK RAYDON RICHMOND

                                                            c

                                                            MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 19 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge O’Reilly

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 12 mars 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Laura Brittain

Andrew Brouwer

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Negar Hashemi

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bureau du droit des réfugiés

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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