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Date : 20130312

Dossier : IMM-3677-12

Référence : 2013 CF 227

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 mars 2013

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

CHARLES KAYITARE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               M. Charles Kayitare a demandé l’asile au Canada au motif qu’il craignait d’être persécuté au Rwanda du fait de son origine ethnique mixte tutsie et hutue. Un bon nombre de ses parents tutsis, y compris sa mère, avaient été tués au cours du génocide des années 1990. M. Kayitare s’était enfui au Congo avec son père et ses frères et sœurs. Son père avait succombé en cours de route, et M. Kayitare avait été séparé pour toujours de son frère. M. Kayitare était retourné au Rwanda en 1994, après que le Front patriotique rwandais avait pris le contrôle de Kigali de cette année‑là.

 

[2]               En 2008, M. Kayitare avait été assigné à témoigner devant les tribunaux gacacas. Il était préoccupé par le fait qu’il serait contraint de prendre parti entre les Hutus et les Tutsis. Quelqu’un lui avait lancé une roche et avait fracassé la vitre de sa voiture, et ce, avant qu’il ne livre un témoignage. Il considérait cela comme étant une mise en garde contre le fait de témoigner. Il s’était enfui du Rwanda et il a demandé l’asile au Canada, au motif qu’il craignait d’être persécuté du fait de son origine ethnique mixte et de son omission à comparaître devant les tribunaux gacacas.

 

[3]               La demande d’asile de M. Kayitare a été rejetée par un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). Elle avait conclu que son témoignage manquait de crédibilité. La Commission a aussi conclu que la situation avait changé au Rwanda depuis son départ; plus particulièrement, les tribunaux gacacas n’existaient plus.

 

[4]               M. Kayitare prétend que la décision de la Commission était déraisonnable. Il affirme que les motifs de la décision ne précisent ni la raison pour laquelle la Commission ne le croyait pas ni les parties de son témoignage au sujet desquels elle avait des doutes. Il me demande d’annuler la décision et d’ordonner que sa demande d’asile fasse l’objet d’un nouvel examen par un tribunal différemment constitué.

 

[5]               Je ne vois aucune raison d’annuler la décision de la Commission. Je conclus que les motifs de la Commission sont suffisamment précis quant à la question de savoir pourquoi elle a conclu que le témoignage de M. Kayitare manquait de crédibilité. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[6]               La seule question en litige est de savoir si les conclusions de la Commission quant à la crédibilité étaient déraisonnables.

 

II.        La décision de la Commission

 

[7]               La Commission a conclu que, dans l’ensemble, M. Kayitare avait témoigné de manière évasive et qui manquait de franchise. Elle a relevé un certain nombre de points au sujet desquels la preuve n’était pas claire :

            •           M. Kayitare ne savait pas qui lui avait lancé la pierre et il n’avait pas subi d’autres conséquences relativement à son assignation à comparaître;

 

            •           M. Kayitare ne pouvait pas identifier de manière définitive les personnes qu’il craignait; il a fait mention des membres de la famille de sa mère, mais il ne pouvait toutefois pas expliquer pourquoi ceux‑ci souhaiteraient lui causer un préjudice. Il a formulé l’hypothèse selon laquelle ils s’attendaient à ce qu’il témoigne contre ses oncles hutus, mais ils ne lui avaient jamais proféré de menaces directes;

 

            •           En ce qui concerne un incident s’étant produit en 1995, au cours duquel il avait été frappé par-derrière, M. Kayitare ne pouvait pas dire qui était responsable de cette agression, mais il a mentionné qu’elle avait été commise par des membres de la famille de sa mère ou de ses voisins;

 

            •           M. Kayitare a déclaré qu’une personne avait appelé et menacé son épouse au Rwanda. Il a formulé l’hypothèse selon laquelle cette personne pouvait être liée aux tribunaux gacacas, mais il n’avait jamais personnellement reçu de menaces. Il a affirmé que son épouse s’était plainte auprès de la police, mais elle n’avait jamais fait mention de ce fait dans ses lettres.

 

[8]               En dernier lieu, la Commission a conclu qu’il y a eu un changement de circonstances depuis que M. Kayitare avait quitté le Rwanda. Le processus des tribunaux gacacas a pris fin. Quoi qu’il en soit, M. Kayitare n’avait pas été personnellement victime de traitements particulièrement épouvantables.

 

III.       Les conclusions de la Commission quant à la crédibilité étaient-elles déraisonnables?

 

[9]               M. Kayitare soutient que la Commission semblait avoir tiré une conclusion défavorable générale quant à sa crédibilité, tout en ayant simultanément conclu qu’un certain nombre d’incidents relatés par le demandeur dans son témoignage avaient effectivement eu lieu. Il affirme que les motifs de la Commission étaient incohérents et qu’ils portaient à confusion, ce qui allait à l’encontre de son obligation de justifier clairement les conclusions défavorables qu’elle tire en matière de crédibilité.

 

[10]           Je conviens que la décision de la Commission aurait pu être plus claire. En affirmant que « l’ensemble » du témoignage de M. Kayitare manquait de crédibilité, la Commission laissait entendre qu’elle ne croyait pas à la véracité des éléments de preuve qu’il a fournis. Cependant, elle semble avoir reconnu que quelqu’un avait lancé une pierre en direction de M. Kayitare en 2008 et qu’il avait été agressé en 1995. La Commission a fait mention des éléments de preuve documentaire à l’appui de ces incidents – les photographies de la vitre endommagée de la voiture et le dossier d’hôpital – et elle n’a formulé aucun commentaire défavorable à l’égard de ceux‑ci.

 

[11]           En ce qui concerne les autres éléments du témoignage au sujet desquels la Commission avait des doutes, en l’occurrence, ceux relatifs à l’incapacité de M. Kayitare d’identifier les agents de persécution allégués, elle a relevé les diverses possibilités énoncées par M. Kayitare – les membres de la famille de sa mère, les membres de la famille de ses voisins, ou toute autre personne. En l’espèce, le témoignage de M. Kayitare était manifestement incohérent et justifiait une conclusion défavorable quant à la crédibilité.

 

[12]           D’après ma lecture de la décision de la Commission, il me semble qu’elle ait reconnu que M. Kayitare avait été victime de certains incidents, plus particulièrement d’une agression en 1995 et du fait qu’on lui ait lancé une pierre en 2008. Cependant, elle avait des doutes au sujet du témoignage de M. Kayitare, selon lequel il avait été victime de persécution. À cet égard, elle a conclu que « l’ensemble » du témoignage de M. Kayitare n’était pas crédible. M. Kayitare avait simplement été incapable d’identifier quelque agent de persécution que ce soit. Il a avancé diverses possibilités, mais son témoignage était incohérent.

 

[13]           Par conséquent, je ne peux statuer que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le témoignage de M. Kayitare n’était pas crédible. Sa conclusion n’était pas déraisonnable au vu des faits et du droit.

 

[14]           La Commission a poursuivi en concluant qu’il n’y avait pas de circonstances impérieuses justifiant l’octroi de l’asile à M. Kayitare, compte tenu de l’amélioration de la situation au Rwanda. Cependant, il s’agissait d’une conclusion subsidiaire qui reposait sur l’hypothèse selon laquelle la demande d’asile de M. Kayitare était valide. Étant donné que la Commission a raisonnablement conclu que la preuve n’appuyait pas la demande d’asile de M. Kayitare, je n’ai pas besoin de traiter de la question de savoir si des circonstances impérieuses justifiaient une décision favorable au demandeur.

 

IV.       Conclusion et décision

 

[15]           Je suis d’avis que la Commission a raisonnablement conclu que le témoignage de M. Kayitare n’étayait pas sa demande d’asile. Bien que la Commission ait reconnu que M. Kayitare avait été victime de certains incidents, elle a raisonnablement conclu qu’il n’avait pas identifié de source de persécution en particulier. Par conséquent, je ne peux conclure que la décision de la Commission était déraisonnable et je devrai rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des deux parties n’a proposé une question de portée générale en vue de la certification, et aucune ne sera énoncée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3677-12

 

INTITULÉ :                                      CHARLES KAYITARE

                                                            c

                                                            MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 7 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 12 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Matas

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Alexander Menticoglou

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Matas

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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