Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20130226

Dossier : T‑1068‑12

Référence : 2013 CF 196

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 février 2013

En présence de Monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

DENNIS MEECHES

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

DAVID MEECHES, GEORGE ASSINIBOINE, MARVIN DANIELS, RUTH ROULETTE et BARB ESAU

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales par laquelle le demandeur sollicite les mesures suivantes :

1.                  une ordonnance déclarant que le comité d’appel en matière d’élections a rendu une décision définitive et obligatoire qui exige la tenue de nouvelles élections pour les postes de chef et de conseillers de la Première Nation de Long Plain;

2.                  une ordonnance déclarant que toutes les parties doivent se conformer à la décision de tenir de nouvelles élections et de faire le nécessaire pour tenir sans délai de nouvelles élections;

3.                  à titre subsidiaire aux conclusions 1 et 2, une ordonnance renvoyant l’affaire au comité d’appel en matière d’élections en partant du principe que la charge de chef est devenue vacante par suite des violations de l’article 5.4 de la Loi, et exigeant la tenue d’une élection complémentaire pour combler la vacance du poste de chef;

4.                  à titre subsidiaire à la conclusion no 3, un bref de mandamus renvoyant l’affaire au comité d’appel en matière d’élections et obligeant ce dernier à rendre une décision sur l’appel au sujet de l’élection de Dennis Meeches dont il a été saisi en partant toutefois du principe que le comité d’appel en matière d’élections doit recevoir et examiner des éléments de preuve additionnelles dont il ne disposait pas lorsqu’il a exposé ses premiers motifs de manière à ce que toutes les parties aient la possibilité de :

a.                   présenter leurs propres éléments de preuve et arguments;

b.                  répondre aux éléments de preuve et arguments de la partie adverse;

le tout en vue de s’assurer qu’une décision sur le fond puisse être rendue à la suite de l’examen de tous les éléments de preuve pertinents;

5.                  Une ordonnance annulant la décision du comité d’appel en matière d’élections, qui a rejeté l’appel interjeté par le demandeur au sujet de l’élection et renvoyé l’affaire au comité d’appel en matière d’élections pour qu’il la réexamine;

6.                  Les dépens calculés sur la base avocat‑client en faveur du demandeur.

CONTEXTE

[2]               La Première Nation de Long Plain est une bande au sens de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I‑5. Elle élit son chef et ses conseillers conformément à la coutume de la bande prévue par la Loi électorale. À la suite des élections les plus récentes qui ont eu lieu le 12 avril 2012, le demandeur a interjeté appel en vertu du droit que lui confère la Loi électorale.

[3]               Le demandeur a terminé au deuxième rang lors de l’élection du chef de la bande. L’écart entre lui et David Meeches était de 32 voix. À la suite de l’élection, le demandeur a fait appel, invoquant des irrégularités commises lors du scrutin, notamment que David Meeches avait agi d’une manière contraire à la Loi électorale. Plus précisément, le demandeur alléguait que David Meeches s’était livré à de l’« achat de votes », contrairement à la Loi électorale.

[4]               David Meeches nie les allégations d’achat de votes. Le demandeur et les défendeurs ont, dans leur dossier de demande respective, présenté des affidavits sur la question. L’appel du demandeur renferme également des allégations concernant les défendeurs Marvin Daniels, Ruth Roulette et George Assiniboine à l’égard desquelles ceux‑ci ont souscrit des affidavits dans lesquels ils nient toute implication dans les actes reprochés.

[5]               Dans son appel, le demandeur demande au comité d’appel en matière d’élections de se prononcer sur l’opportunité d’ordonner la tenue d’un nouveau scrutin et de trancher également la question de savoir si David Meeches s’est livré à des actes qui le rendent inhabile à occuper sa charge. Le demandeur fonde son grief sur l’article 5.4 de la Loi électorale. En réponse, une audience a eu lieu le 27 avril 2012.

[6]               Le demandeur était présent à l’audience, au cours de laquelle il a présenté ses arguments et sa preuve. David Meeches était également présent, mais pas au même moment que le demandeur. Le 4 mai 2012, le demandeur a reçu copie d’un document du comité d’appel en matière d’élections qu’il a interprété comme étant une décision sur la question. Dans ses motifs, le comité d’appel en matière d’élections concluait que [traduction] « nous recommandons que l’élection soit annulée ». Le comité d’appel en matière d’élections n’a pas tiré de conclusion claire au sujet des allégations d’achat de votes formulées contre David Meeches, mais le demandeur a considéré qu’il avait obtenu gain de cause dans son appel et il s’attendait à ce que de nouvelles élections aient lieu rapidement.

[7]               Par la suite, David Meeches et d’autres personnes ont introduit une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale (référence 2012 CF 570, numéro de dossier T‑909‑12) en vue de faire annuler la décision rendue par le comité d’appel en matière d’élections et d’obtenir d’urgence une injonction interlocutoire interdisant à quiconque de prendre des mesures en vue de tenir un nouveau scrutin. Le demandeur a reçu signification des documents se rapportant à cette demande le 9 mai 2012 et l’affaire a été entendue le 11 mai 2012. Il affirme donc qu’il a été privé de la possibilité raisonnable de consulter un avocat et de faire valoir son point de vue.

[8]               Le juge Sean Harrington a rejeté la requête en injonction, concluant que les motifs du comité d’appel en matière d’élections constituaient une « recommandation » à laquelle on pouvait ou non donner suite. Il a conclu, aux paragraphes 5 à 8 de sa décision :

[traduction]

Voici le paragraphe clé du rapport du comité d’appel en matière d’élections :

 

[traduction

Bien que, comme nous l’avons déjà vu, on ait pu constater certains accrocs à la Loi électorale de la Première Nation de Long Plain, il semble que, dans l’ensemble, l’élection se soit déroulée de façon équitable. Toutefois, comme la Loi électorale constitue un élément clé de la gouvernance de la Première Nation et comme cette loi a été édictée pour régir le déroulement des élections, nous recommandons que l’élection soit annulée et qu’un processus électoral qui respecte la lettre de la loi soit suivi.

 

Je m’arrête immédiatement sur le mot « recommande ». Le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, traite des demandes de contrôle judiciaire « d’une « décision » ou d’une « ordonnance » d’un « office fédéral ». J’ai soulevé le fait qu’une « recommandation » vise quelqu’un d’autre, dans le cas qui nous occupe, peut‑être le gouvernement tribal. Il ne s’agit pas d’une « décision » ou d’une « ordonnance » comme telle. Il s’agit d’une mesure que l’on peut ou non accepter et à laquelle on peut ou non donner suite.

 

Les élections de la bande en question sont assujetties, non pas aux dispositions électorales de la Loi sur les Indiens, mais à la coutume, laquelle a été consignée par écrit dans la Loi électorale de la Première Nation de Long Plain. On a attiré mon attention sur l’article 8.8 de la Loi électorale, qui dispose :

 

[traduction

Dans le cas où le comité d’appel en matière d’élections recommande que le poste d’un élu soit déclaré vacant par suite d’une contravention, le gouvernement tribal déclare le poste vacant et tient sans délai une élection complémentaire. La déclaration se fait sous forme de résolution du conseil de bande adoptée lors d’une assemblée dûment convoquée du gouvernement tribal.

 

Le demandeur craint que, dans ce contexte, la recommandation du comité d’appel en matière d’élections n’ait en fait été une décision. Le comité d’appel en matière d’élections n’a pas recommandé que la charge d’un élu soit déclarée vacante par suite d’une contravention et il n’est donc pas nécessaire que le gouvernement tribal déclare qu’un poste est devenu vacant et qu’il tienne une élection complémentaire. Comme l’article 8.8 ne s’applique pas, il convient de donner à l’expression « nous recommandons » son sens ordinaire.

 

[9]               Les demandeurs se sont donc désistés de leur demande de contrôle judiciaire et les demandeurs sont les mêmes personnes que les défendeurs dans la présente demande.

[10]           Se fondant sur la décision du juge Harrington, le demandeur a écrit au comité d’appel en matière d’élections pour lui demander de rendre une décision. Il n’a jamais reçu la réponse du comité. Le demandeur affirme que l’effet conjugué du désistement de la demande originale de contrôle judiciaire et de l’absence de réponse du comité d’appel en matière d’élections est qu’il n’a jamais obtenu de décision au sujet de son appel et des allégations formulées contre David Meeches.

Motifs du comité d’appel en matière d’élections

[11]           En ce qui concerne les allégations relatives à l’achat de votes, voici ce que le comité d’appel en matière d’élections a déclaré :

[traduction

Les allégations d’achat de votes posent un défi de taille pour le comité d’appel en matière d’élections. Bien que la Loi électorale confère au comité d’appel en matière d’élections un vaste mandat pour enquêter sur les affaires qui lui sont confiées, les allégations d’achat de votes reposent sur des déclarations faites par des individus et sur l’interprétation de conversations qui ont été surprises au cours du déroulement du scrutin et qui ont été signalées par les scrutateurs de l’agent électoral de la personne qui a interjeté appel.

 

 

[12]           Le comité d’appel en matière d’élections a également signalé un problème en ce qui concerne un important témoin qui souhaitait demeurer anonyme. Il n’a pas analysé ou commenté davantage la question.

[13]           Dans sa conclusion, le comité d’appel en matière d’élections a expliqué que, malgré certains accrocs à la Loi électorale, il semblait que, dans l’ensemble, le processus électoral avait été respecté. Toutefois, comme la Loi électorale constitue un élément clé de la gouvernance de la Première Nation, le comité d’appel en matière d’élections a recommandé que l’élection soit annulée et qu’un processus électoral qui respecte la lettre de la Loi électorale soit suivi.

[14]           Le comité d’appel en matière d’élections a également recommandé que certains articles de la Loi électorale soient modifiés par souci de clarté. Il a ensuite fourni certaines recommandations pour faciliter le processus.

QUESTIONS EN LITIGE

[15]           Le demandeur soulève les questions suivantes :

                     1.                     Les motifs du comité d’appel en matière d’élections constituent‑ils une « question » à l’égard de laquelle il est possible d’obtenir réparation sous forme de contrôle judiciaire en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales?

                     2.                     Le comité d’appel en matière d’élections a‑t‑il rendu une « décision ou une ordonnance » prescrivant la tenue d’une nouvelle élection?

                     3.                     Si le comité d’appel en matière d’élections a effectivement rendu une décision ou une ordonnance prescrivant la tenue d’une nouvelle élection, et compte tenu du fait que les défendeurs se sont désistés de leur demande de contrôle judiciaire de cette décision, les défendeurs sont‑ils irrecevables à solliciter l’annulation de cette décision ou à la contester?

                     4.                     Si la Cour décide que le comité d’appel en matière d’élections n’a pas rendu de décision (ainsi que le juge Harrington l’a estimé dans son ordonnance provisoire) quelle réparation la Cour devrait‑elle le cas échéant accorder dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire?

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[16]           Voici les dispositions de la Loi électorale qui s’appliquent en l’espèce :

[traduction]

5.4       Il est interdit d’acheter des votes de quelque manière que ce soit, par exemple en remettant de l’argent, en achetant de l’alcool ou en remettant ou en échangeant tout objet ayant une valeur monétaire entre la date de clôture des candidatures et le jour du scrutin.

[…]

5.11     Le défaut de respecter les articles 5.1 à 5.11 emporte inéligibilité du candidat.

[…]

6.1       Une élection complémentaire est tenue en cas de vacance d’un ou de plusieurs des postes du gouvernement tribal [...]

[…]

8.5       Le comité d’appel en matière d’élections a le pouvoir d’enquêter et de déterminer si un élu a violé l’une des dispositions de la déclaration d’entrée en fonctions des représentants élus de la Première Nation de Long Plain (annexe E des présentes), et d’enquêter et de décider si un élu a quitté son poste par application des dispositions de l’article 18.

[…]

8.8       Advenant le cas où le comité d’appel en matière d’élections recommande que le poste d’un élu soit déclaré vacant par suite d’une contravention, le gouvernement tribal déclare le poste vacant et tient sans délai une élection complémentaire. La déclaration se fait sous forme de résolution du conseil de bande adoptée lors d’une assemblée du gouvernement tribal dûment convoquée.

[…]

17.2     Les moyens d’appel se limitent aux pratiques électorales qui contreviennent à la présente loi électorale.

[…]

17.7     La décision du comité d’appel en matière d’élections est irrévocable, obligatoire et définitive. La décision doit être rendue publique dans les deux jours de l’instruction de l’appel et elle doit être affichée dans les bureaux du gouvernement tribal, au bureau de l’Administration et au Centre des conférences de Keeshkeemaqua.

[…]

18.1     Un poste du gouvernement tribal devient vacant lorsque son titulaire :

[…]

d.         A été déclaré coupable de manœuvre corruptrice en rapport avec une élection à la suite d’une décision du comité d’appel en matière d’élections. On entend notamment par manœuvre corruptrice le fait de trafiquer le processus électoral, d’offrir des pots‑de‑vin ou d’exercer de la coercition en rapport avec l’élection, de faire campagne alors que les bureaux de scrutin sont toujours ouverts et d’accomplir tout acte que le comité d’appel en matière d’élections juge être une manœuvre corruptrice.

[…]

 

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le demandeur

            La Cour fédérale a‑t‑elle compétence pour juger la présente demande?

[17]           Le demandeur affirme qu’indépendamment de la question de savoir s’il y a une décision ou une ordonnance à examiner, la Cour fédérale a compétence pour examiner toute question à l’égard de laquelle il est possible d’obtenir réparation en application de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales (Krause c Canada, [1999] 2 CF 476, au paragraphe 24).

[18]           Le demandeur souligne qu’une des réparations que la Cour peut accorder en l’espèce est un bref de mandamus. Elle pourrait également imposer sa propre décision sans exiger du tribunal administratif qu’il réexamine l’affaire ou rende un jugement déclaratoire. Aucune de ces réparations n’exige l’existence d’une « décision ou une ordonnance ».

[19]           Vu ce qui précède, le demandeur affirme que la Cour a compétence pour juger la présente affaire.

Le comité d’appel en matière d’élections a‑t‑il rendu une « une décision ou une ordonnance »?

[20]           Dans le jugement Conacher c Canada (Premier ministre), 2009 CF 920 [Conacher], on soutenait que le Premier ministre n’avait pas pris la « décision » de déclencher de nouvelles élections, mais qu’il avait simplement recommandé au gouverneur général de conseiller au gouverneur général de tenir des élections. On en concluait que, comme la « décision » de déclencher les élections appartenait à quelqu’un d’autre (en l’occurrence, le gouverneur général), le Premier ministre n’avait pas pris de « décision ». La Cour a rejeté cet argument, expliquant, aux paragraphes 26 et 27 :

À première vue, il semble que la décision du premier ministre de conseiller le gouverneur général ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire, étant donné que le pouvoir de dissoudre le Parlement est la prérogative du gouverneur général, non celle du premier ministre; par contre, le pouvoir du premier ministre peut être perçu comme une prérogative parce qu’il est discrétionnaire; il n’est pas fondé sur des dispositions législatives et tire sa source du pouvoir historique du monarque. Bien que le pouvoir discrétionnaire soit celui du gouverneur général, Black c. Chrétien indique que le premier ministre a également la capacité d’exercer des prérogatives (Black c. Chrétien, paragraphe 33).

 

Dans l’affaire Black c. Chrétien, le demandeur a soutenu que le premier ministre n’avait pas exercé la prérogative de l’État en conseillant à la Reine de ne pas accorder un honneur à Black, étant donné que la décision finale revenait à la Reine. La Cour a rejeté cette thèse et dit : [traduction] «[...] qu’on décrive les actes du premier ministre comme la communication à la Reine de la politique du Canada sur les honneurs, comme un conseil à la Reine sur la paierie de M. Black ou comme une opposition à la nomination de M. Black, il exerçait la prérogative de l’État relativement aux honneurs » (Black c. Chrétien, paragraphe 35). Ce précédent montre que même les décisions de nature consultative peuvent être contrôlées comme exercices de la prérogative.

 

 

[21]           Le demandeur affirme que ce raisonnement s’applique dans le cas qui nous occupe; la mesure qu’a prise le comité d’appel en matière d’élections lorsqu’il a recommandé la tenue d’une élection n’en constitue pas moins une « décision » même s’il est vrai que l’entité chargée de prendre des mesures pour tenir l’élection en question n’est pas le comité d’appel en matière d’élections.

[22]           Le demandeur affirme que l’expression « une décision ou une ordonnance » n’a pas de sens figé ou précis, mais que ce sens est plutôt tributaire du cadre législatif dans lequel s’inscrit la décision de nature consultative, compte tenu des conséquences qu’une telle décision peut avoir sur les droits et libertés de ceux qui cherchent à obtenir un contrôle judiciaire (Moumdjian c Canada (Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité) (CA), [1999] 4 CF 624 (CAF), au paragraphe 24 [Moumdjian]).

[23]           Le demandeur affirme qu’à la lumière de l’arrêt Moumdjian, la recommandation du comité d’appel en matière d’élections de tenir une nouvelle élection doit être considérée comme une décision définitive et obligatoire. Le Comité ordonnait de façon polie la tenue d’une nouvelle élection.

[24]           La Cour suprême du Canada s’est penchée sur l’emploi du mot « recommander » dans l’arrêt Thomson c Canada (Sous‑ministre de l’Agriculture), [1992] 1 RCS 385 [Thomson]. On trouve dans les motifs dissidents de la juge L’Heureux‑Dubé une analyse détaillée des facteurs dont il y a lieu de tenir compte pour décider si le mot « recommandations » a un caractère obligatoire (au paragraphe 36).

[25]           Le demandeur affirme que la décision rendue par le juge Cory pour la majorité dans l’arrêt Thomson confirme par ailleurs qu’une décision ayant force obligatoire a été rendue en l’espèce. Le juge Cory a énuméré les facteurs dont il y a lieu de tenir compte :

a)                  L’article ou la Loi permettent‑ils de penser que le mot en question a un sens autre que son sens courant et usuel?

b)                  À qui appartient la décision finale sur la question?

c)                  Est‑ce que les mêmes mots sont employés ailleurs dans le document?

 

[26]           Le demandeur affirme que le comité d’appel en matière d’élections est la juridiction d’appel de dernier ressort s’agissant d’élections. Dans l’arrêt Thomson, les recommandations étaient formulées par un organisme qui jouait un véritable rôle consultatif. Dans le cas qui nous occupe, le rôle du comité d’appel en matière d’élections ne consiste pas à formuler des recommandations, mais à trancher les appels en matière d’élections.

[27]           Dans l’instance antérieure introduite par les défendeurs, le juge Harrington a limité son analyse aux paragraphes 8.5, 8.8 et 18 de la Loi électorale. Ces articles portent sur les actes répréhensibles qui emportent la vacance automatique d’une charge élective. Le demandeur affirme que le juge Harrington n’a pas tenu compte de toute la portée du pouvoir du comité d’appel en matière d’élections avant de tirer ses conclusions.

[28]           Selon l’article 8.6 de la Loi électorale, les pouvoirs du comité d’appel en matière d’élections ne se limitent pas aux allégations de conduite répréhensible; il s’étend aux enquêtes portant sur les questions de fond présentées en vertu de l’article 17, qui porte plus précisément sur les appels en matière d’élections. Lorsqu’une enquête débouche sur la « conclusion » qu’il existe suffisamment d’éléments de preuve pour justifier un appel, l’instruction de cet appel doit avoir lieu et l’issue de l’instruction de cet appel est, suivant l’alinéa 17.7, une « décision ». L’article 17.7 qualifie cette « décision » d’« irrévocable, obligatoire et définitive ».

[29]           Le demandeur affirme que si le comité d’appel en matière d’élections s’acquittait de son mandat de rendre des décisions « irrévocables, obligatoires et définitives », il ne serait guère logique qu’il formule des recommandations non obligatoires que le chef et les conseillers pourraient tout simplement ignorer.

[30]           De plus, le demandeur affirme qu’il est illogique de donner au chef et aux conseillers nouvellement élus, qui forment le groupe de personnes susceptibles de faire l’objet d’un éventuel appel en matière d’élections, le pouvoir de décider d’accepter ou non une « recommandation » les invitant à tenir une nouvelle élection. Une telle structure de gouvernance n’est pas très logique étant donné que le chef et les conseillers pourraient tout simplement ignorer toute « recommandation » qui ne leur plaît pas.

[31]           Le demandeur affirme que le fait que le comité d’appel en matière d’élections ait été poli dans sa façon de s’exprimer et qu’il ait qualifié son ordonnance ou sa décision de « recommandation » n’enlève rien au fait qu’après avoir tout bien pesé, le comité a effectivement rendu une décision finale et obligatoire qui exigeait la tenue d’une nouvelle élection.

[32]           De plus, l’article 8.8 de la Loi électorale dispose que la conclusion suivant laquelle un élu a quitté son poste doit prendre la forme d’une « recommandation » portant que le poste de l’élu soit déclaré vacant. Puis, la Loi électorale explique la suite qui doit être donnée aux recommandations : le chef et les conseillers doivent déclarer leur poste vacant. Ils n’ont aucune latitude : ils doivent tenir compte des « recommandations ».

[33]           Le demandeur souligne que le Comité judiciaire du Conseil privé avait pour mandat de formuler des « recommandations » et que, pourtant, il n’y avait aucun doute que ses décisions étaient définitives et obligatoires. Dans l’arrêt R. c British Coal Corp., [1935] 3 DLR 401, le Conseil privé déclare ce qui suit, aux paragraphes 4 et 5 :

[traduction

Il est commode de résumer aussi brièvement que possible la nature du pourvoi interjeté par le Dominion ou les juridictions coloniales à Sa Majesté en conseil. Il convient tout d’abord de résumer le rôle que joue le Comité judiciaire du Conseil privé par rapport à ce genre de pourvoi. Le Comité judiciaire est un organisme législatif qui a été créé en 1833 aux termes d’une loi intitulée Act for the better Administration of Justice in His Majesty’s Privy Council, 3 et 4 Will. 4, ch. 41. On y trouve notamment le préambule suivant : [traduction] « Et attendu qu’il peut être interjeté appel à Sa Majesté en conseil des décisions des diverses juridictions des Indes orientales et des plantations et colonies et des autres Dominions de Sa Majesté le Roi à l’étranger ». La loi prévoyait ensuite la constitution d’un comité du Conseil privé de Sa Majesté devant porter le nom de Comité judiciaire du Conseil privé et disposait que [traduction] « tous les appels et demandes de la nature d’un appel, peu importe qu’ils soient présentés en vertu de la présente loi ou de toute autre loi ou en vertu de la coutume, peuvent être soumis à Sa Majesté en conseil », à l’encontre de toute ordonnance d’un tribunal ou d’un juge, et que ces appels devaient désormais être déférés par Sa Majesté au Comité judiciaire constitué par la Loi qui devait en faire rapport à Sa Majesté en conseil ou lui soumettre des recommandations, pour décision par Sa Majesté en conseil, après avoir exposé en audience publique la nature de ce rapport ou de ses recommandations. La Loi renfermait de nombreuses dispositions prévoyant le déroulement des appels en question. Il est évident que le Comité est considéré par la loi comme un organisme judiciaire ou comme une juridiction malgré le fait que son rôle consiste à faire rapport à Sa Majesté en conseil ou à formuler des recommandations à Sa Majesté, qui seule a le pouvoir de donner effet par décret au rapport du comité.

 

Mais, suivant les conventions constitutionnelles, il est impensable que Sa Majesté en conseil ne donne pas suite au rapport du Comité judiciaire, qui constitue en vérité une juridiction d’appel, à qui la loi de 1833 confie tous les appels.

 

[34]           Suivant le demandeur, on peut faire une analogie entre le Conseil privé et le comité d’appel en matière d’élections. Le comité est désigné par la Loi électorale comme l’arbitre final en matière électorale. Dans le même ordre d’idées, on devrait considérer comme « impensable » dans le contexte de son rôle de décideur final que les personnes visées par la recommandation fassent tout simplement fi de la recommandation du comité quant à la tenue d’une nouvelle élection.

[35]           Le demandeur laisse également entendre que le silence du comité d’appel en matière d’élections à la suite de la décision du juge Harrington, y compris son refus de tenir une assemblée pour prendre une « décision » permet de penser qu’il estime qu’il a déjà pris une décision et s’estime dessaisi de l’affaire.

Si le comité d’appel en matière d’élections a effectivement pris une décision, les défendeurs sont‑ils irrecevables à chercher à l’annuler?

[36]           Le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales fixe un délai de prescription de 30 jours pour demander le contrôle judiciaire d’une décision. Le demandeur affirme que, comme ils se sont désistés de leur demande de contrôle judiciaire, les défendeurs ne peuvent maintenant contester la décision du comité d’appel en matière d’élections de tenir une nouvelle élection.

[37]           En tout état de cause, le demandeur affirme que la décision reposait sur une preuve abondante et qu’elle était plus que défendable sur le fond. Le comité d’appel en matière d’élections a effectivement jugé que, dans l’ensemble, le processus électoral s’était déroulé de façon équitable, mais a estimé que les règles obligatoires en matière d’élections n’avaient pas été respectées et qu’il y avait lieu de tenir de nouvelles élections. Le comité a exigé qu’un nouveau processus électoral « qui respecte la lettre de la loi soit suivi ».

[38]           Si les défendeurs craignent de ne pas être en mesure de donner une réponse complète aux griefs formulés contre eux ou contre la procédure suivie lors des élections, il leur fallait formuler leurs arguments lors de l’instance en contrôle judiciaire initiale qu’ils ont introduite et dont ils se sont par la suite désistés. Le demandeur affirme qu’il est maintenant trop tard pour se plaindre.

[39]           Le demandeur affirme que le comité d’appel en matière d’élections était probablement au courant des graves conséquences qu’entraînerait la conclusion que David Meeches s’était livré à un achat de votes et il a plutôt choisi d’exercer son pouvoir plein et entier d’ordonner la tenue de nouvelles élections. Le demandeur soutient qu’il faut respecter cette décision et ordonner la tenue de nouvelles élections.

Quelles réparations y a‑t‑il lieu d’accorder si la Cour estime qu’aucune décision n’a été rendue?

[40]           Le demandeur affirme que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de donner des directives en imposant sa propre décision, soit de déclarer le poste de chef vacant et d’ordonner la tenue immédiate d’une nouvelle élection pour le poste de chef. Lorsque le renvoi de l’affaire au tribunal administratif n’est qu’une simple formalité et qu’aucun fait essentiel n’est contesté, la Cour peut renvoyer l’affaire au tribunal administratif en vertu de l’alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur les Cours fédérales en rendant ce qui équivaut à une « décision imposée » (Turanskaya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] ACF no 254).

[41]           Suivant le demandeur, il convient en l’espèce que la Cour impose sa propre décision en raison de l’aveu que David Meeches a fait dans son affidavit le plus récent dans lequel il explique qu’il a remis de l’argent à des personnes au cours de la campagne électorale sous forme de prêts. Il s’agit là d’un acte qui va à l’encontre de l’article 5.4 de la Loi électorale. M. Meeches a expliqué en long et en large pourquoi il avait agi de la sorte, mais la raison d’être de cette disposition est d’interdire le don d’argent ou l’échange d’objets ayant une valeur monétaire au cours d’une campagne électorale. Cette interdiction est parfaitement justifiée : s’il en était autrement, on pourrait aisément contourner l’objet de cette disposition en se contentant de prétendre qu’il s’agissait simplement d’un don ou d’un remboursement de dépenses. Le demandeur affirme qu’indépendamment de l’intention qu’avait M. Meeches en donnant l’argent en question, comme il l’affirme dans son affidavit, les conséquences sur l’électorat seraient les mêmes.

[42]           En d’autres termes, suivant les faits admis, la seule décision défendable que le comité d’appel en matière d’élections pouvait rendre était qu’il y avait eu contravention de l’article 5.4 de la Loi électorale, et que suivant l’article 8.8, la charge de chef devait être déclarée vacante et une élection complémentaire devait avoir lieu.

[43]           À titre subsidiaire, le demandeur sollicite de la Cour qu’elle prononce un bref de mandamus enjoignant au comité d’appel en matière d’élections de rendre une décision au sujet de l’appel qu’il a interjeté au sujet de l’élection, et exige notamment que les deux parties soient en mesure de présenter des éléments de preuve et des arguments et d’y répondre. Le demandeur affirme que tous les éléments requis pour pouvoir prononcer un bref de mandamus sont réunis en l’espèce (Apotex Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 CF 742 (CAF) [Apotex]).

Le défendeur David Meeches

            Y a‑t‑il eu une décision?

[44]           Le défendeur affirme que les arguments formulés par le demandeur méconnaissent le fait que le comité d’appel en matière d’élections a effectivement rendu une décision au sujet des allégations qui lui avaient été soumises et que sa recommandation quant à la tenue d’une nouvelle élection ne constituait qu’une opinion incidente.

[45]           Le comité d’appel en matière d’élections a exprimé des réserves au sujet de la fiabilité des éléments de preuve présentés par le demandeur au cours de son appel et il a accordé peu de valeur à ces allégations pour des raisons d’équité procédurale. Le comité souligne à grands traits les lacunes de la preuve dans les motifs de sa décision. Le principal accusateur souhaitait demeurer anonyme, de sorte que le défendeur n’était pas en mesure de présenter une défense pleine et entière. Le témoignage de cette personne a depuis été intégré à la présente demande, mais c’est la preuve telle qu’elle existait au moment de la décision qui importe. Le défendeur affirme que le comité d’appel en matière d’élections s’est retrouvé avec des accusations sans fondement et que celles‑ci n’ont pu être communiquées pour qu’il se défende.

[46]           Il ressort de l’article 5.4 de la Loi électorale que le problème que l’on tente de corriger n’est pas celui des dons de charité, mais bien celui de l’achat de votes. Comme le défendeur l’explique dans son affidavit, il a remis l’argent en question à une candidate pour lui permettre d’acheter des aliments pour son enfant, ce qui n’a rien à voir avec l’objectif déclaré à l’article 5.4 de la Loi électorale. Le comité d’appel en matière d’élections a examiné diverses autres allégations et a finalement conclu que, même si la lettre de la Loi électorale n’avait pas été suivie, cette entorse à la loi n’avait pas eu de conséquence importante sur les résultats de l’élection.

[47]           Le défendeur affirme que le comité d’appel en matière d’élections a bel et bien rendu une décision et que cette décision était raisonnable.

Le comité d’appel en matière d’élections a‑t‑il compétence pour annuler une élection en vertu de la Loi électorale?

[48]           Le défendeur affirme que la Loi électorale ne confère aucun pouvoir spécifique au comité pour annuler en bloc une élection. Le demandeur cite certains paragraphes précis de la Loi qui, lorsqu’on les interprète conjointement, permettent de penser que les rédacteurs de la Loi électorale souhaitaient conférer de vastes pouvoirs sans aller jusqu’à les formuler expressément.

[49]           Le demandeur affirme que, comme le comité d’appel en matière d’élections est l’arbitre final en matière d’appels portant sur des élections, il doit avoir le pouvoir d’annuler une élection en bloc. Ce que le demandeur n’explique pas, c’est la raison pour laquelle il faut nécessairement conclure à l’existence implicite de ce pouvoir en plus de ceux qui sont explicitement prévus aux articles 8 et 18 de la Loi électorale.

[50]           Suivant le défendeur, pour pouvoir retenir l’argument du demandeur, la Cour doit également accepter son hypothèse suivant laquelle, au lieu d’exercer les pouvoirs explicites que lui confère l’article 8.5 de la Loi électorale – et accorder ainsi la réparation que réclame maintenant le demandeur – le comité d’appel en matière d’élections entendait que l’on déduise le véritable objet des motifs de sa décision en procédant à une interprétation nuancée du texte législatif.

[51]           La conclusion du juge Harrington suivant laquelle le comité d’appel en matière d’élections donnait à l’expression [traduction] « nous recommandons » son sens courant est la conclusion la plus logique. Si le comité d’appel en matière d’élections avait estimé qu’une manœuvre corruptrice avait eu lieu, il aurait pu exercer son pouvoir en déclarant vacant un poste déterminé et en tenant une élection complémentaire. Or, il a choisi de ne pas le faire, estimant que la preuve était insuffisante pour reprocher au défendeur ses agissements.

[52]           Le défendeur affirme que le demandeur n’a pas fait valoir de motifs suffisamment convaincants pour justifier la modification de la décision qui a été rendue. Le comité d’appel en matière d’élections a examiné la preuve qui lui a été soumise et a rendu une décision raisonnable sur la foi de cette preuve.

Si la Cour estime qu’une décision a été rendue, les défendeurs sont‑ils irrecevables à demander maintenant l’annulation de cette décision?

[53]           Compte tenu du jugement du juge Harrington, cette question est théorique. Il a été jugé que le comité d’appel en matière d’élections n’avait pas rendu d’ordonnance ou de décision prescrivant la tenue d’une nouvelle élection.

[54]           Ce que le comité d’appel en matière d’élections a effectivement décidé, c’est que les allégations d’achat de votes formulées par le demandeur contre le défendeur n’étaient pas fondées et il n’a nullement l’intention de chercher à modifier cette décision.

Si la Cour estime qu’aucune décision n’a été rendue, quelle réparation devrait être accordée?

[55]           Le défendeur affirme que l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, a établi qu’il y a lieu de faire preuve de déférence envers le tribunal administratif lorsque celui‑ci interprète sa loi habilitante. La décision ne devrait donc pas être modifiée et aucune réparation ne devrait être accordée.

[56]           Bien que certaines des recommandations faites par le comité d’appel en matière d’élections débordent le cadre de son rôle premier de tribunal d’appel, le défendeur affirme que le comité a exercé son pouvoir de façon appropriée étant donné que ce pouvoir lui est conféré par la Loi électorale.

[57]           Le demandeur n’a pas démontré que l’intervention de la Cour était justifiée. Le défendeur demande toutefois à la Cour, pour le cas où elle ordonnerait que l’affaire soit renvoyée au comité d’appel en matière d’élections, qu’elle donne des directives claires à ce dernier pour qu’il limite son examen aux seules allégations et éléments dont il disposait au moment de l’appel initial du demandeur.

Les défendeurs George Assiniboine, Marvin Daniels et Ruth Roulette

            Y a‑t‑il eu une décision et, dans l’affirmative, en quoi consiste‑t‑elle?

[58]           Les défendeurs en question affirment que toute question soumise à un organisme donne lieu à une décision, même si cette décision est de ne rien faire (Macauley & Sprague, Practice and Procedure Before Administrative Tribunals, 2004, à la page 22‑1). Dans l’arrêt Devinat c Canada (Commission de l’Immigration et du statut de réfugié), [2000] 2 CF 212 (CA), la Cour d’appel fédérale a conclu que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié avait pris la « décision » de ne pas publier ses décisions en français et en anglais en omettant de le faire. Vu ce qui précède, les défendeurs affirment que la véritable question est celle de savoir en quoi consiste la décision rendue par le comité d’appel en matière d’élections.

[59]           Le comité d’appel en matière d’élections n’a pas tiré de conclusions de fait contre les défendeurs et a fini par conclure que les accrocs à la Loi électorale n’avaient pas eu de conséquence importante sur l’équité de l’élection. Les défendeurs affirment que, si l’on avait constaté que l’un des défendeurs s’était livré à l’achat de votes, s’était immiscé dans le déroulement du scrutin ou avait utilisé des fonds appartenant à la Première Nation pour faciliter sa réélection, le Comité n’aurait pas conclu que l’élection s’était « déroulée de façon équitable ».

[60]           Malgré les conclusions qui précèdent, on trouve dans les motifs la recommandation que l’élection soit annulée, ce qui a créé une certaine confusion dans l’esprit des parties. Les défendeurs affirment que le juge Harrington a mis fin à cette confusion en concluant que, comme le comité d’appel en matière d’élections n’avait pas conclu à l’existence d’une contravention, personne n’avait l’obligation stricte de quitter son poste et de tenir une élection complémentaire. Comme le chef et les conseillers n’avaient pas l’obligation de tenir des élections complémentaires, le juge Harrington a expliqué que l’expression « nous recommandons » utilisée par le comité d’appel en matière d’élections devait être interprétée dans son sens courant.

[61]           Le juge Harrington a également fait allusion au fait que le paragraphe 8.8 de la Loi électorale impose au chef et aux conseillers, et non au comité d’appel en matière d’élections, la responsabilité de tenir une élection complémentaire. L’article 8.8 dispose :

[traduction

8.8       Dans le cas où le comité d’appel en matière d’élections recommande que le poste d’un élu soit déclaré vacant par suite d’une contravention, le gouvernement tribal déclare le poste vacant et tient sans délai une élection complémentaire. La déclaration se fait sous forme de résolution du conseil de bande adoptée lors d’une assemblée dûment convoquée du gouvernement tribal.

 

 

[62]           Il y a également lieu de tenir compte de l’article 18.1 de la Loi électorale, qui énumère les situations dans lesquelles le poste de chef ou de conseiller devient vacant, notamment lorsque l’intéressé est déclaré coupable de manœuvre corruptrice en rapport avec son élection, un conflit d’intérêts, ou une contravention relative à sa déclaration d’entrée en fonctions.

[63]           Le juge Harrington a conclu, dans son ordonnance, qu’une « recommandation » du comité d’appel en matière d’élections suivant laquelle un élu avait quitté sa charge était la seule recommandation qui aurait pu imposer une obligation légale au chef et au conseiller de tenir des élections complémentaires.

[64]           Ainsi que l’affirme le demandeur, malgré le fait qu’il lui a soumis une lettre lui demandant de statuer sur l’appel dont il était saisi, le comité d’appel en matière d’élections a refusé ou omis de répondre. Les défendeurs affirment que le comité a décidé de ne pas recommander qu’il soit déclaré que l’un ou l’autre d’entre eux avait quitté son poste par suite d’une violation de la Loi électorale et il a finalement décidé de rejeter l’appel en prononçant ses motifs.

Quel est l’effet de l’ordonnance du juge Harrington?

[65]           Le demandeur adopte le point de vue selon lequel il n’a pas eu la possibilité de faire valoir ses arguments devant le juge Harrington. Les défendeurs affirment qu’ils avaient le droit absolu de se désister de leur demande sans obtenir l’autorisation ou le consentement des autres parties (Chrétien c Canada (Procureur général), 2005 CF 925, au paragraphe 35). Le demandeur aurait pu interjeter appel de l’ordonnance du juge Harrington à la Cour d’appel fédérale en vertu des articles 2 et 27 de la Loi sur les Cours fédérales, mais cet appel devait être présenté dans les 30 jours du prononcé du jugement en cause.

[66]           Comme l’ordonnance n’a jamais été portée en appel, les défendeurs affirment que notre Cour est liée par cette ordonnance et que le demandeur est irrecevable à la contester par application du principe de l’irrecevabilité résultant de l’identité des questions en litige et du principe interdisant toute contestation indirecte. Ces doctrines ont été élaborées pour empêcher la remise en cause de questions déjà tranchées et elles sont liées au principe de la chose jugée, dont les exigences énoncées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63 [SCFP] sont toutes remplies : la question en litige est la même, l’ordonnance est définitive et les parties sont les mêmes que dans l’instance antérieure.

[67]           Les observations du juge Harrington au sujet du sens de l’expression « nous recommandons » n’étaient pas une opinion incidente au sens que la Cour d’appel fédérale a donné à cette expression dans l’arrêt Association des pilotes d’Air Canada c. Kelly, 2012 CAF 209, mais faisaient partie intégrante de l’ordonnance. La question en litige dans l’ordonnance du juge Harrington n’était pas celle de savoir si l’expression « nous recommandons » était utilisée pour désigner une décision; en contestant cette conclusion, on conteste le bien‑fondé de l’ordonnance au complet. Par conséquent, les défendeurs affirment que l’ordonnance du juge Harrington a un caractère obligatoire.

[68]           Les défendeurs soutiennent que le demandeur cherche à contester directement la décision du juge Harrington et, comme la Cour suprême l’a déclaré dans l’arrêt SCFP, la doctrine de la contestation indirecte prévoit qu’une ordonnance d’un tribunal est définitive et obligatoire à moins que la Cour n’ait pas eu compétence pour la prononcer ou que l’ordonnance soit annulée en appel ou soit par ailleurs légalement annulée. Sinon, il est interdit de contester l’ordonnance (SCFP, aux paragraphes 33 et 34). Les défendeurs affirment qu’il s’ensuit que la présente demande doit être rejetée.

La « recommandation » était‑elle une décision?

[69]           Ainsi que le juge Harrington l’a souligné dans son ordonnance, la seule « recommandation » obligatoire que le comité d’appel en matière d’élections pouvait formuler était qu’il y avait lieu contravention à la Loi électorale. Les défendeurs affirment que le comité d’appel en matière d’élections n’a pas compétence pour annuler l’élection en entier.

[70]           Tout comme l’interprétation qui a pour effet de déclarer une loi intra vires doit être préférée à celle qui la déclare ultra vires (R c Greenbaum, [1993] 1 RCS 674), l’interprétation d’une décision ambiguë qui conclut que le tribunal administratif avait compétence pour la rendre doit être préférée à celle qui conclut qu’il a outrepassé ses pouvoirs.

[71]           Les défendeurs affirment en outre qu’avant que le comité d’appel en matière d’élections ne puisse recommander qu’une personne quitte son poste et qu’une élection complémentaire doit avoir lieu, il doit d’abord tirer une conclusion de fait suivant laquelle l’élu en cause a contrevenu à une disposition de la Loi électorale. Étant donné qu’aucune conclusion de fait de ce genre n’a de toute évidence été tirée en l’espèce, il convient de retenir une interprétation cohérente de l’expression « nous recommandons » de préférence à une interprétation qui exigerait que l’on infère qu’une telle conclusion a été tirée.

[72]           Les défendeurs affirment que le comité d’appel en matière d’élections a employé l’expression « nous recommandons » parce qu’il croyait comprendre qu’il n’avait que le pouvoir de faire que des suggestions. Il a recommandé la tenue d’une nouvelle élection conformément à la Loi électorale sans toutefois l’exiger.

Le demandeur a‑t‑il droit à un bref de mandamus?

[73]           Les exigences à respecter pour pouvoir obtenir un bref de mandamus ont été énoncées dans l’arrêt Apotex, précité, et elles n’ont pas été remplies dans le cas qui nous occupe. Comme nous l’avons déjà vu, une conclusion a déjà été tirée au sujet de la question de savoir si l’un des membres élus – chef ou conseiller – avait contrevenu à la Loi électorale. Le comité d’appel en matière d’élections n’a par ailleurs pas compétence pour ordonner la tenue d’une nouvelle élection à défaut des conclusions de fait nécessaires. Il s’ensuit qu’un bref de mandamus serait d’une faible utilité en pratique. Ainsi, les défendeurs soutiennent que le bref de mandamus n’est pas une réparation ouverte en l’espèce.

Le demandeur a‑t‑il droit à une ordonnance annulant la décision?

[74]           Les défendeurs affirment que le demandeur n’a pas formulé d’argument pour le cas où notre Cour conclurait que la décision qui a été prise était de rejeter l’appel et non de formuler des recommandations au sujet de la question de savoir si les membres élus (chef ou conseillers) avaient quitté leur poste. Par conséquent, les défendeurs affirment qu’il n’y a pas ouverture à cette réparation et que notre Cour ne devrait pas annuler la décision.

ANALYSE

Le comité d’appel en matière d’élections a‑t‑il le pouvoir d’ordonner la tenue de nouvelles élections?

[75]           Comme la Loi électorale le précise dans les termes les plus nets, le comité d’appel en matière d’élections a le pouvoir, aux termes de l’article 8, de tenir une enquête pour déterminer [traduction] « si un élu a quitté sa charge par application des dispositions de l’article 18 » (article 8.5) et, aux termes de l’article 17, de trancher les appels interjetés en matière d’élections.

 

[76]           Pour le cas où le comité d’appel en matière d’élections estimerait qu’il y a eu contravention à l’article 18, l’article 8.8 précise ce qui se produit ensuite :

[traduction

8.8       Dans le cas où le comité d’appel en matière d’élections recommande que le poste d’un élu soit déclaré vacant par suite d’une contravention, le gouvernement tribal déclare le poste vacant et tient sans délai une élection complémentaire. La déclaration se fait sous forme de résolution du conseil de bande adoptée lors d’une assemblée dûment convoquée du gouvernement tribal.

 

 

[77]           Il est évident que le mot « recommande » que l’on trouve à cet article s’apparente au mot « décide ». Si une telle recommandation est formulée, le gouvernement tribal (c.‑à‑d. l’organisme composé des membres élus de la tribu constitués conformément à la Loi électorale et formé d’un (1) ogema (chef) et de quatre (4) oginjiganag (conseillers)) doit déclarer le poste vacant et déclencher immédiatement des élections complémentaires.

 

[78]           Advenant le cas où le comité d’appel en matière d’élections décide de faire droit à l’appel interjeté en vertu de l’article 17, les conséquences sont énoncées à l’article 17.7 :

17.7     La décision du comité d’appel en matière d’élections est irrévocable, obligatoire et définitive. La décision doit être rendue publique dans les deux jours de l’instruction de l’appel et la décision doit être affichée dans les bureaux du gouvernement tribal, au bureau de l’Administration et au Centre des conférences de Keeshkeemaqua.

 

 

[79]           Il vaut la peine de signaler que l’article 17.7 est libellé différemment de l’article 8.8. Il ne prévoit pas qu’advenant le cas où l’appel est accueilli, le gouvernement tribal doit tenir des élections. Suivant certains des défendeurs, il s’ensuit que la décision prise par le comité d’appel en matière d’élections en vertu de l’article 17 et constatant l’existence d’une pratique électorale contrevenant à la Loi électorale n’exige pas la tenue d’une nouvelle élection, de sorte que le gouvernement tribal a toute latitude quant à l’opportunité de décider ou non de tenir de nouvelles élections. En revanche, Mme Barb Esau affirme que le fait d’accueillir un appel en vertu de l’article 17 signifie que le comité d’appel en matière d’élections a le pouvoir de décider de tenir ou non une nouvelle élection. La thèse du demandeur est identique à celle de Mme Esau.

[80]           À mon avis, il y a de toute évidence lieu de faire une différence entre la façon de traiter les élus qui contreviennent à l’article 18 – et dont le poste devient automatiquement vacant et doit être comblé au moyen d’une élection complémentaire – et le fait de faire droit à un appel en vertu de l’article 17. Le fait d’interjeter appel en vertu de l’article 17 ne signifie pas automatiquement que la charge d’un élu devient vacante. Par conséquent, le gouvernement tribal nouvellement élu demeure en fonction même si l’appel interjeté en vertu de l’article 17 est accueilli. Aux termes de l’article 17, ce sont les « résultats de l’élection » qui sont portés en appel en raison de l’existence de [traduction] « pratiques électorales qui contreviennent à la présente loi électorale ». Les pratiques électorales en question doivent contrevenir à la Loi électorale et il appartient au comité d’appel en matière d’élections de décider si une contravention a effectivement été commise.

[81]           Les cas de contravention à la Loi électorale sont beaucoup plus vastes que ceux où les postes au sein du gouvernement tribal deviennent vacants par application de l’article 18. Suivant mon interprétation, une contravention à l’article 18 par un élu pourrait constituer un motif d’appel des résultats d’une élection en vertu de l’article 17. Il faut toutefois se rappeler qu’aux termes de l’article 17, l’examen du comité d’appel en matière d’élections se limite « aux pratiques électorales qui contreviennent à la [Loi électorale] » et à la question de savoir si ces pratiques sont susceptibles de modifier les « résultats de l’élection », tandis qu’aux termes de l’article 8, le comité d’appel en matière d’élections fait enquête sur les agissements d’un représentant élu qui a pu contrevenir à l’article 18 ou à une déclaration en la forme prévue à l’annexe E, de telle sorte qu’il y aurait vacance de son poste.

[82]           Il semble clair que la recommandation prévue à l’article 8.8 oblige le gouvernement tribal à tenir une élection complémentaire. Si l’on conclut que tous les membres du gouvernement tribal ont quitté leur poste par suite d’une contravention à l’article 18, l’article 6.3 entre probablement en jeu, mais cet article ne précise pas qui peut déclencher une élection spéciale advenant le cas où aucun membre du gouvernement tribal ne serait en mesure de le faire.

[83]           Aux termes de l’article 8.6, le comité d’appel en matière d’élections doit enquêter, non seulement sur la présumée contravention à la déclaration d’entrée en fonctions et les agissements reprochés à un candidat en vertu de l’article 5, mais aussi sur [traduction] « toute question de fond qui lui est soumise en rapport avec l’article 17, sur réception d’une demande d’enquête ». L’article 8 ne nous dit toutefois rien des conséquences d’une enquête menée en vertu de l’article 17 et des conclusions qui en découlent. Pour ce faire, il faut consulter l’article 17 lui‑même et en particulier l’article 17.7. Cet article revêt une importance particulière en l’espèce. Il porte sur la question de savoir si, à la suite d’une conclusion tirée en vertu de l’article 17, le comité d’appel en matière d’élections a le pouvoir d’ordonner la tenue d’une nouvelle élection ou si le gouvernement tribal a l’obligation de tenir une nouvelle élection.

[84]           Nous savons que la décision rendue par le comité d’appel en matière d’élections en vertu de l’article 17.7 est [traduction] « irrévocable, obligatoire et définitive ». Si elle est obligatoire, irrévocable et définitive, elle doit par conséquent être obligatoire, irrévocable et définitive pour le gouvernement tribal. Mais que doit donc faire le gouvernement tribal? Certains des défendeurs affirment que le gouvernement tribal n’a rien à faire et que c’est au chef et aux conseillers qu’il appartient de décider s’il y a lieu de tenir de nouvelles élections. À mon avis, cet argument est intenable. Il signifierait que les conséquences d’une décision obligatoire, irrévocable et définitive suivant laquelle les « résultats d’une élection » ne sont pas valables et qu’une nouvelle élection doit avoir lieu dépendraient du pouvoir discrétionnaire absolu des représentants qui se sont fait élire par suite d’élections injustes, ce qui conduirait à une impasse, à des conflits et à un effondrement complet du processus démocratique qui a permis à ces personnes d’accéder au pouvoir. On battrait en brèche les principes à la base de la Loi électorale suivant lesquels le pouvoir légitime dépend des suffrages et de la confiance accordée par la collectivité dans le cadre d’élections justes. On enlèverait aussi toute légitimité au gouvernement tribal qui choisirait de demeurer au pouvoir malgré la décision prise par le comité d’appel en matière d’élections en vertu de l’article 17. Les rédacteurs de la Loi électorale et ceux qui l’ont adoptée dans le cadre du régime de gouvernance de la Première Nation de Long Plain ne pouvaient avoir l’intention que la Loi électorale ait un tel effet.

[85]           Un des principes fondamentaux en matière d’interprétation des lois est qu’un texte de loi doit recevoir une interprétation qui donne effet à l’intention du législateur (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., [1998] 1 RCS 27, au paragraphe 27). L’objet de la Loi électorale est de s’assurer que des élections justes permettent de constituer un gouvernement légitime. La Loi électorale n’a pas pour objet de permettre à des élus qui ont accédé au pouvoir par suite d’une élection injuste de demeurer au pouvoir à leur guise. La Loi électorale doit être interprétée d’une manière qui est cohérente avec ses objectifs manifestes.

[86]           Il s’ensuit que le gouvernement tribal doit donner suite à la décision prise en vertu de l’article 17.7 suivant laquelle les actes qui ont été commis au cours de l’élection ont eu des incidences sur les résultats de l’élection, et qu’il y a lieu de tenir une nouvelle élection, et ce, parce que la décision en question est « irrévocable, obligatoire et définitive ». Si le gouvernement tribal ne donne pas suite à la décision en question, il la considérerait comme n’ayant pas force obligatoire, ce qui contreviendrait à la Loi électorale et signifierait que les membres du gouvernement tribal ont, de ce fait, automatiquement quitté leur charge au sens de l’article 18. Il en résulterait incertitude et chaos. Les tiers ne sauraient pas s’ils traitent ou non avec un gouvernement tribal légitime.

[87]           La formulation n’est peut‑être pas aussi claire qu’on aurait pu le souhaiter, mais l’ensemble du contexte et de l’objet de la Loi électorale m’amènent à conclure que la décision que prend le comité d’appel en matière d’élections en vertu de l’article 17.7 lorsqu’il conclut qu’une nouvelle élection doit avoir lieu lie le gouvernement tribal, qui doit y donner suite sans délai et procéder à la tenue d’une élection.

En quoi consistait la décision du comité d’appel en matière d’élections en l’espèce?

[88]           Les deux parties au présent litige sont d’accord pour dire que le comité d’appel en matière d’élections a effectivement rendu une décision, mais elles ne s’entendent pas sur la teneur de cette décision. Si aucune décision n’a été rendue, la présente affaire devrait être renvoyée au comité d’appel en matière d’élections avec l’obligation de rendre une décision déterminée ou en vertu d’un bref de mandamus, de s’acquitter de l’obligation que lui impose la Loi électorale de trancher l’appel interjeté par le demandeur au sujet de l’élection. Je ne crois pas toutefois que cette mesure soit nécessaire. Je crois que la décision est claire.

[89]           À l’exception de Mme Esau, les défendeurs affirment que le comité d’appel en matière d’élections a décidé que l’élection s’était déroulée de façon équitable, de sorte qu’aucune nouvelle élection n’était nécessaire. Le demandeur et Mme Esau affirment que le comité d’appel en matière d’élections a décidé que l’élection devait être annulée et qu’une nouvelle élection devait avoir lieu.

[90]           Voici le paragraphe clé de la décision :

[traduction

Bien que, comme nous l’avons déjà vu, on ait pu constater certains accrocs à la Loi électorale de la Première Nation de Long Plain, il semble que, dans l’ensemble, l’élection se soit déroulée de façon équitable. Toutefois, comme la Loi électorale constitue un élément clé de la gouvernance de la Première Nation et comme cette loi a été édictée pour régir le déroulement des élections, nous recommandons que l’élection soit annulée et qu’un processus électoral qui respecte la lettre de la loi soit suivi.

 

 

[91]           Ce paragraphe ne doit pas être considéré isolément et il doit être examiné en tenant compte du contexte global de la décision dans son ensemble et du dossier dont disposait le comité d’appel en matière d’élections (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses], aux paragraphes 12 à 15.

[92]           Le comité d’appel en matière d’élections a clairement et exactement défini la tâche qui lui incombait et les obligations que lui imposait la Loi électorale :

[traduction

Respect de la Loi électorale

 

Au cours de nos discussions avec le personnel du Bureau des élections, le directeur adjoint des élections et d’autres personnes, y compris celles ayant interjeté appel des résultats des élections, nous avons constaté qu’il y avait des cas dans lesquels la Loi électorale n’avait pas été suivie à la lettre. Le comité s’est demandé si les entorses aux dispositions de la Loi auraient un effet important sur les résultats des élections. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[93]           Le comité d’appel en matière d’élections examine ensuite les diverses allégations de manquements ou d’entorses à la Loi électorale, y compris les [traduction] « allégations que des candidats ne se sont pas conformés aux règles ». Parmi les actes reprochés, mentionnons [traduction] « l’achat de votes, l’immixtion dans le déroulement des élections et l’utilisation des fonds de la bande pour se faire réélire ». L’un des défendeurs, M. David Meeches, a été accusé d’achat de votes et il s’agissait de l’une des accusations sur lesquelles le Comité devait se pencher et statuer.

[94]           Dans ce contexte, la décision est claire et est logique. Plus précisément, le comité d’appel en matière d’élections a conclu :

a.       qu’il y avait eu certains accrocs à la Loi électorale;

b.      qu’il semblait que, dans l’ensemble, l’élection s’était déroulée équitablement.

 

[95]           Après avoir tiré ces conclusions, le comité d’appel en matière d’élections formule ensuite sa décision suivant laquelle, même si dans l’ensemble, il semble que l’élection se soit déroulée de façon assez équitable (c.‑à‑d. que les accrocs constatés n’étaient pas généralisés), les accrocs qui s’étaient effectivement produits justifiaient l’annulation de l’élection et la tenue de nouvelles élections. La raison invoquée était que [traduction] « la Loi électorale constitue un élément clé de la gouvernance de la Première Nation ». En d’autres termes, les accrocs qui se sont produits ont eu [traduction] « un effet important sur les résultats des élections », de sorte qu’il convenait d’annuler les élections.

[96]           L’avocat de Me David Meeches fait valoir que la décision se résume à la constatation suivante : [traduction] « les élections se sont dans l’ensemble déroulées de façon équitable », de sorte que le reste du paragraphe clé précité n’a valeur que de remarque incidente et n’est donc pas pertinent et qu’on ne devrait pas en tenir compte. Je ne peux accepter cet argument, et ce, pour diverses raisons.

[97]           Pour commencer, les mots sur lesquels M. David Meeches se fonde (« il semble que, dans l’ensemble, l’élection se soit déroulée de façon équitable ») ne constituent pas une décision. Il ne s’agit que d’une conclusion parmi d’autres. L’autre conclusion est la suivante : [traduction] « on [a] pu constater certains accrocs à la Loi électorale de la Première Nation de Long Plain ». Ayant tiré ces deux conclusions, le comité d’appel en matière d’élections devait décider de ce qu’il fallait faire : voilà en quoi consistait sa décision. Et il a décidé que [traduction] « l’élection [soit] annulée et [qu’]un processus électoral qui respecte la lettre de la loi soit suivi ».L’avocat de M. David Meeches demande en fait à la Cour de se concentrer sur les mots qui appuient la thèse de son client à l’exclusion d’autres mots importants et de l’ensemble du contexte de la décision. Or, cela ne peut pas se faire.Un débat assez vif s’est engagé dans le cadre de la présente instance au sujet du sens de l’expression « nous recommandons ». Le comité d’appel en matière d’élections déclare dans sa décision [traduction] « nous recommandons que l’élection soit annulée et qu’un processus électoral qui respecte la lettre de la loi soit suivi ».

[98]           À part Mme Esau, les défendeurs affirment que cette phrase ne signifie rien de plus qu’une simple recommandation faite à titre consultatif dont le gouvernement tribal peut tenir compte. Toutefois, le comité d’appel en matière d’élections précise bien dans le corps de la décision qu’il s’inquiète que les accrocs aux dispositions de la Loi aient des conséquences graves sur les résultats des élections. Par conséquent, si le comité d’appel en matière d’élections recommande que les élections soient annulées, c’est parce qu’il conclut que les accrocs à la Loi sont suffisamment importants pour justifier la tenue de nouvelles élections.

[99]           Le débat sur le sens de l’expression « nous recommandons » dans la décision du comité d’appel en matière d’élections est stérile parce qu’il ne tient absolument pas compte du fait que l’objet de la loi est de s’assurer que les élections se déroulent de façon équitable et que le gouvernement soit légitimement élu. De l’avis du comité – et c’est la seule opinion qui compte suivant la Loi électorale –, les accrocs sont suffisamment importants pour justifier l’annulation de la décision. Le gouvernement tribal qui a été élu au cours de l’élection en question n’est donc pas légitime.

[100]       De fait, hormis Mme Esau, les défendeurs ont soutenu devant moi que l’avis du comité d’appel en matière d’élections sur cette question importe peu et qu’il appartient au gouvernement tribal de se prononcer sur l’opportunité de donner suite ou non à cet avis, ce qui évidemment provoquerait immédiatement tous le chaos et les problèmes dont nous avons déjà fait état.

[101]       À mon avis, la Loi électorale ne confère pas au comité d’appel en matière d’élections le pouvoir de décider que des accrocs suffisamment graves se sont produits à une assez grande échelle pour justifier la tenue de nouvelles élections, pour ensuite laisser au gouvernement tribal élu par suite de ces entorses importantes le soin de décider s’il souhaite donner suite à la recommandation du comité d’appel en matière d’élections. À mon avis, agir ainsi réduirait à néant l’objectif général de la Loi électorale. Les décisions du comité d’appel en matière d’élections sont « irrévocables, obligatoires et définitives ». Le comité d’appel en matière d’élections ne peut, en vertu de la Loi électorale, déléguer son pouvoir et son obligation d’enquêter sur des accrocs importants à la Loi électorale et de décider des conséquences de ses conclusions et de sa décision. C’est pourtant ce que M. David Meeches a plaidé devant moi. Il affirme que, malgré l’existence d’accrocs suffisamment importants à la Loi électorale pour justifier la tenue de nouvelles élections, le comité d’appel en matière d’élections leur a laissé le soin à lui et au Conseil de décider s’il y avait lieu de tenir de nouvelles élections. Il faudrait que la Loi électorale prévoie dans les termes les plus nets la possibilité d’une conséquence aussi bizarre; ce n’est tout simplement pas le cas. Une telle situation compromettrait l’importance et l’objet de la Loi électorale. Cela reviendrait à autoriser un gouvernement illégitime. Toutefois, abstraction faite de ces considérations d’ordre général, j’estime que l’expression « nous recommandons » dans la décision n’a pas le sens que lui attribue M. David Meeches.

[102]       Même si l’article 8.8 de la Loi électorale qualifie de simple recommandation la décision que rend le comité d’appel en matière d’élections sur la question de savoir si un élu a contrevenu à l’annexe E ou a quitté son poste par suite des dispositions de l’article 18, les conséquences de cette recommandation sont obligatoires et une élection complémentaire doit avoir lieu :

[traduction

8.8       Dans le cas où le comité d’appel en matière d’élections recommande que le poste d’un élu soit déclaré vacant par suite d’une contravention, le gouvernement tribal déclare le poste vacant et tient sans délai une élection complémentaire. La déclaration se fait sous forme de résolution du conseil de bande adoptée lors d’une assemblée dûment convoquée du gouvernement tribal.

 

 

[103]       De même, dans le cas des appels relatifs à la mise en candidature et des conclusions d’inéligibilité fondées sur l’article 12, l’article 12.4 dispose :

[traduction

Le comité d’appel en matière d’élections discute de la question et formule une recommandation dans les trois (3) jours de l’assemblée de mise en candidature sur la question de savoir si le candidat déclaré inéligible doit être réintégré.

 

 

[104]       L’article 12.5 précise que la « recommandation » prévue à l’article 12.4 est une « décision » définitive et obligatoire :

[traduction

La décision du comité d’appel en matière d’élections est définitive et obligatoire.

 

 

[105]       Je ne puis trouver nulle part dans la Loi électorale de « recommandation » qui ne soit pas obligatoire. En d’autres termes, une recommandation formulée en vertu de la Loi électorale est une décision obligatoire à laquelle on doit donner suite. Il n’y a rien dans la Loi qui dise que le comité d’appel en matière d’élections peut prendre une décision et laisser à quelqu’un d’autre (p. ex., le gouvernement tribal) le soin de décider de donner suite ou non à cette décision. L’article 17.7 n’emploie pas le mot « recommandation », mais précise bien, tout comme à l’article 12.5, que la décision est [traduction] « irrévocable, obligatoire et définitive ». Il ne dit pas que la décision ne lie pas le gouvernement tribal, qui est libre de décider de tenir ou non des élections. En d’autres termes, la recommandation formulée en vertu de  la Loi électorale est une décision qui a un caractère obligatoire et qui doit être exécutée. Il ne s’agit pas d’une simple opinion qu’une autre personne a le loisir d’accepter ou de refuser. Si tel était le cas, le comité d’appel en matière d’élections se verrait grandement neutraliser dans le rôle qui lui est dévolu de s’assurer que les élections se déroulent de façon équitable et se soldent par la constitution d’un gouvernement légitime, et une grande partie de ses pouvoirs seraient alors confiés à un gouvernement illégitime. La Loi électorale ne contient aucune disposition qui permet au comité d’appel en matière d’élections d’agir de la sorte et il ressort de l’économie de la Loi qu’une telle délégation est impossible. On rendrait tout simplement la Loi électorale absurde si un gouvernement tribal élu à la suite d’une élection pouvait commettre des entorses à la Loi électorale suffisamment graves pour justifier la tenue d’une nouvelle élection tout en ignorant une telle conclusion et en continuant impunément à gouverner.

[106]       Comme le demandeur le souligne, les principes établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Thomson, précité,  aux paragraphes 22 à 28, appuient également la conclusion que l’expression « nous recommandons » a un caractère obligatoire en l’espèce. La Loi électorale précitée confère au mot « recommandation », un sens plus large que son acception courante et habituelle (non obligatoire). Seul le comité d’appel en matière d’élections peut rendre une décision définitive au sujet des appels interjetés en vertu de l’article 17. Le comité d’appel en matière d’élections n’agit pas comme conseiller auprès du gouvernement tribal. Il a pour mission de statuer sur les appels interjetés à l’égard des manœuvres corruptrices et des iniquités, et les décisions qu’il rend sur ses questions sont définitives et obligatoires.

[107]       À part Mme Esau, les défendeurs tablent fortement sur la décision rendue par le juge Harrington en réponse à une requête en injonction interlocutoire présentée dans le cadre d’une instance en contrôle judiciaire où M. David Meeches agissait comme demandeur. Cette instance n’a jamais connu de dénouement, étant donné que les demandeurs s’en sont désistés.

[108]       Se fondant sur les pièces et les arguments portés à sa connaissance dans le cadre de la requête en injonction qui lui avait été soumise d’urgence, le juge Harrington a conclu que :

[traduction]

Le demandeur craint que, dans ce contexte, la recommandation du comité d’appel en matière d’élections n’ait en fait été une décision. Le comité d’appel en matière d’élections n’a pas recommandé que la charge d’un élu soit déclarée vacante par suite d’une contravention et il n’est donc pas nécessaire que le gouvernement tribal déclare qu’un poste est devenu vacant et qu’il tienne une élection complémentaire. Comme l’article 8.8 ne s’applique pas, il convient de donner à l’expression « nous recommandons » son sens ordinaire.

 

 

[109]       Dans sa décision interlocutoire, le juge Harrington n’a examiné l’expression « nous recommandons » que du point de vue de l’article 8.8 de la Loi électorale. Il n’a pas conclu qu’un élu avait quitté son poste, de sorte qu’il n’était pas nécessaire d’ordonner la tenue d’une nouvelle élection. Le juge Harrington n’était pas appelé à se prononcer sur le fondement du dossier complet qui m’a été soumis dans le cadre de la présente demande et il n’était pas appelé à trancher la question de savoir si la recommandation du comité d’appel en matière d’élections suivant laquelle une nouvelle élection devait avoir lieu par suite de la décision rendue en vertu de l’article 17.7 était une décision « irrévocable, obligatoire et définitive » aurait pour effet de conférer à l’expression « nous recommandons » un sens différent de son sens consultatif habituel, de sorte que cette recommandation constituait une décision qu’il fallait exécuter.

[110]       Par conséquent, la décision du juge Harrington est une décision interlocutoire, elle ne soulève pas toutes les questions qui m’ont été soumises et elle n’a pas été rendue sur le fondement du dossier dont je dispose. Elle ne me lie donc pas et je ne crois pas qu’elle peut être considérée comme convaincante, compte tenu du fait que le juge Harrington n’était pas appelé à se prononcer à partir du même dossier que moi. En dernière analyse, le juge Harrington a décidé qu’en ce qui concerne les demandeurs dans l’instance introduite devant lui, et notamment de M. David Meeches, que rien ne permettait de conclure qu’ils avaient quitté leur poste au sens de l’article 8.8. Dans la demande qui m’a été soumise, je suis entièrement d’accord avec le juge Harrington pour dire que rien ne justifie une telle conclusion. Le comité d’appel en matière d’élections a conclu qu’il y avait eu suffisamment d’accrocs importants à la Loi électorale pour justifier l’annulation des élections et la tenue de nouvelles élections. À mon avis, cette conclusion et la décision qui a été rendue confèrent un sens tout à fait différent à l’expression « nous recommandons » dans le contexte de l’ensemble de la Loi électorale.

Conclusions

[111]       À mon avis, nous voyons à l’œuvre dans la décision en cause un comité d’appel en matière d’élections sage et diplomate. L’avocat de M. David Meeches nous prévient que nous ne pouvons pas conjecturer sur les raisons pour lesquelles le comité d’appel en matière d’élections n’a pas tranché la question en vertu de l’article 8, mais a plutôt choisi de recommander la tenue d’une nouvelle élection. Toutefois, la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada nous enseigne que, lorsqu’elle procède au contrôle des motifs, la juridiction de révision a tout à fait le droit d’examiner le dossier pour apprécier le sens et le caractère raisonnable de la décision (Newfoundland Nurses, précitée, au paragraphe 15).

[112]       Lorsque j’examine la preuve dont disposait le comité d’appel en matière d’élections en l’espèce, je constate qu’il y avait des éléments de preuve au sujet de l’achat de votes. Au lieu de tirer des conclusions sur cette question, le comité d’appel en matière d’élections se contente de dire que [traduction] « les allégations d’achat de votes posent un défi de taille pour le comité d’appel en matière d’élections ». Au lieu de formuler des recommandations au sujet de l’achat de votes, le comité d’appel en matière d’élections se contente de recommander la tenue de nouvelles élections en raison d’accrocs importants à la Loi électorale. Il choisit de ne pas préciser ce qu’il entend par accrocs importants. Le comité d’appel en matière d’élections devait évidemment savoir qu’une décision sur l’achat de votes et une recommandation formulée en vertu de l’article 8.8 empêcheraient les représentants élus de se porter candidats à nouveau pour une période de dix ans, ce qui serait une conséquence fort malheureuse tant pour la Première Nation de Long Plain que pour les personnes concernées. Les individus accusés d’achat de votes ont dû pousser un grand soupir de soulagement lorsque le comité d’appel en matière d’élections a plutôt choisi de traiter toute l’affaire en vertu de l’article 17 et de décider qu’il y avait lieu d’ordonner la tenue d’une nouvelle élection.

[113]       Voici donc mes conclusions :

a.                   Le comité d’appel en matière d’élections a non seulement le pouvoir de faire enquête sur les présumées contraventions à la Loi électorale et de forcer la tenue d’élections complémentaires en vertu de l’article 8 de la Loi électorale, il a également le pouvoir d’examiner et de trancher les appels interjetés en matière d’élections en vertu de l’article 17 de la Loi électorale et de forcer la tenue d’élections en vertu du principe que ses décisions sont irrévocables, définitives et obligatoires pour le gouvernement tribal, lequel est tenu de donner suite aux recommandations du comité d’appel en matière d’élections;

b.                  Le comité d’appel en matière d’élections a décidé en l’espèce qu’il y avait eu suffisamment d’accrocs importants à la Loi électorale pour justifier l’annulation de l’élection et la tenue d’élections en stricte conformité avec la Loi. Le gouvernement tribal a été forcé d’accepter cette décision irrévocable, définitive et obligatoire et de tenir des élections sans délai pour se conformer à la décision;

c.                   Le gouvernement tribal ne peut ignorer la décision du comité d’appel en matière d’élections et n’a pas le loisir de la considérer comme une décision consultative et non comme une décision obligatoire.

[114]       Par conséquent, j’estime que le demandeur a établi le bien‑fondé de sa cause et que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie.

[115]       Les défendeurs ne contestent pas la compétence de la Cour pour statuer sur la présente demande en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales et j’estime que les motifs et la décision rendus par le comité d’appel en matière d’élections en l’espèce constituent une « décision » et une question à l’égard de laquelle il est possible d’obtenir réparation en application des articles 18.1 et 18.3 de la Loi sur les Cours fédérales (Krause, précité, au paragraphe 24).

 


JUGEMENT

 

LA COUR :

 

1.                  DÉCLARE que le comité d’appel en matière d’élections a rendu une décision définitive et obligatoire qui oblige la tenue de nouvelles élections pour pourvoir aux postes de chef et de conseillers de la Première Nation de Long Plain;

2.                  DÉCLARE que toutes les personnes concernées sont liées par cette décision et doivent s’y conformer, y compris le gouvernement tribal actuel;

3.                  CONDAMNE les défendeurs, à l’exception de Mme Barb Esau, à payer au demandeur ses dépens, qui sont fixés à 1 200 $.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1068‑12

 

INTITULÉ :                                                  DENNIS MEECHES

 

                                                                        ‑ et ‑

 

                                                                        DAVID MEECHES, GEORGE ASSINIBOINE, MARVIN DANIELS, RUTH ROULETTE et BARB ESAU

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 16 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 26 février 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Harley I. Schachter

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Alfred Thiessen

 

POUR LE DÉFENDEUR

David Meeches

 

Anthony Lafontaine Guerra

 

POUR LES DÉFENDEURS

George Assiniboine,

Marvin Daniels et

Ruth Roulette

 

Barb Esau

 

LA DÉFENDERESSE

pour son propre compte

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Duboff Edwards Haight & Schachter

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Tapper Cuddy LLP

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

David Meeches

 

Myers Weinberg LLP

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LES DÉFENDEURS

George Assiniboine,

Marvin Daniels et

Ruth Roulette

 

 

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