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Date : 20130215

Dossier : IMM‑5531‑12

Référence : 2013 CF 166

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 février 2013

En présence de madame la juge Gleason

 

 

ENTRE :

 

MARIAN FERENC

MARIA PETOVA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs, des conjoints de fait, sont des Roms de la Slovaquie. Ils ont été victimes des skinheads à quatre reprises entre 1999 et 2008, et trois de ces incidents ont été marqués par la violence. En 2008, M. Ferenc a été gravement battu si bien qu’il a été immobilisé pendant plusieurs semaines après cette agression et que son visage est marqué par des cicatrices permanentes. Les demandeurs ont signalé les trois attaques violentes à la police, mais n’ont obtenu aucun secours. Même dans le cas de l’agression la plus grave, où des témoins auraient appelé la police, celle‑ci n’a pas interrogé les témoins et, du moins au départ, a minimisé l’incident en disant qu’il y avait eu une empoignade entre M. Ferenc et son cousin (qui avait également été gravement battu par les skinheads). Après cet événement, les demandeurs ont réuni des fonds et sont venus au Canada, où ils ont présenté une demande d’asile fondée sur la crainte d’être persécutés en Slovaquie en raison de leur origine ethnique rom.

 

[2]               Dans une décision rendue le 11 mai 2012, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [la SPR ou la Commission] a jugé que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger. La Commission a tenu pour crédibles les témoignages des demandeurs, mais elle a jugé que ceux‑ci n’avaient pas réfuté la présomption de la protection de l’État en Slovaquie. Sur ce point, la Commission a fait remarquer que « la situation générale des Roms est un motif de vive préoccupation » (paragraphe 20 de la décision) et que des éléments de preuve démontrent que les Roms sont constamment exposés à la violence et à la discrimination en Slovaquie, mais que la Slovaquie fait des « efforts sérieux pour régler les problèmes de criminalité et […] la police est disposée à protéger les victimes et est en mesure de le faire » (paragraphe 23 de la décision). La Commission a également estimé que « le demandeur d’asile n’a[vait] pas fourni d’éléments de preuve convaincants démontrant que la police n’a[vait] pris aucune mesure efficace pour faire enquête sur son cas, ou pour tenter de trouver les auteurs responsables de son agression en 2008 » (paragraphe 31 de la décision). Se fondant sur cette constatation et sur son examen de la façon dont les services de police avaient traité les plaintes présentées par les demandeurs, la SPR a conclu que ces derniers n’avaient pas fait d’efforts diligents ni pris toutes les mesures raisonnables pour obtenir la protection de l’État.

 

[3]               Dans la présente demande de contrôle judiciaire, les demandeurs cherchent à obtenir de la Cour qu’elle annule la décision de la Commission au motif que celle‑ci aurait commis trois erreurs :

a.       L’analyse de la protection de l’État effectuée par la SPR est déraisonnable : les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur en se fondant sur les efforts déployés par le gouvernement slovaque dans ce domaine au lieu d’analyser l’efficacité de la protection accordée aux citoyens roms, et ils affirment que les motifs de la SPR et la preuve documentaire démontrent que la protection de l’État accordée aux Roms en Slovaquie est inefficace;

 

b.      La conclusion de la Commission selon laquelle les demandeurs n’ont pas fait d’efforts diligents ou pris toutes les mesures raisonnables pour obtenir la protection de l’État est déraisonnable parce qu’elle ne tient pas compte de la preuve des demandeurs au sujet des rapports qu’ils ont eus avec les services de police en Slovaquie;

 

c.       L’omission de la Commission de déterminer si la discrimination dont les demandeurs ont fait l’objet peut être assimilée à de la persécution.

 

[4]               De son côté, le défendeur soutient que la décision de la Commission est raisonnable parce que les conclusions qu’elle a tirées étaient étayées par la preuve. Plus précisément, pour ce qui est de la première erreur alléguée, le défendeur soutient que la SPR a appliqué le bon critère et a reconnu que l’aspect pertinent de la protection de l’État est l’efficacité de la protection offerte par l’État slovaque et non pas les efforts déployés par le gouvernement pour tenter de corriger la situation des Roms. Le défendeur soutient également que les éléments de preuve présentés à la Commission au sujet de l’efficacité des efforts déployés par l’État slovaque pour protéger les Roms sont contradictoires et que, par conséquent, la conclusion de la Commission au sujet du caractère adéquat de la protection de l’État est raisonnable. De même, le défendeur soutient que les éléments de preuve relatifs aux mesures prises par la police à la suite des plaintes déposées par les demandeurs sont également contradictoires, indiquant dans certains cas que des mesures appropriées ont été prises tout en suggérant le contraire dans d’autres cas. Compte tenu de ce qui précède, le défendeur soutient que la conclusion de la Commission concernant le manque de diligence dont ont fait preuve les demandeurs est raisonnable. Enfin, pour ce qui est de la troisième erreur, le défendeur soutient que les demandeurs n’ont pas soutenu que la discrimination dont ils avaient fait l’objet (par opposition à la victimisation et aux violences subies) constituait de la persécution, et que pour cette raison, il n’était pas nécessaire que la SPR se penche sur la question.

 

[5]               Comme nous le verrons plus en détail ci‑dessous, j’estime que la conclusion de la SPR concernant l’omission des demandeurs de faire des efforts suffisants pour obtenir la protection de l’État est déraisonnable parce qu’elle n’est pas étayée par la preuve dont disposait la Commission et que celle‑ci a tenue pour crédible. Étant donné que la conclusion de la Commission sur la protection de l’État repose en grande partie sur cette conclusion, la décision doit être annulée. J’estime également que le raisonnement à la base des conclusions que la SPR a tirées de la preuve objective concernant la situation en Slovaquie est vicié. Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que j’examine le troisième argument des demandeurs.

 

La conclusion de la Commission au sujet de l’insuffisance des efforts faits par les demandeurs pour obtenir la protection de l’État est‑elle raisonnable?

 

[6]               S’agissant de la façon dont la Commission a considéré les efforts déployés par les demandeurs pour obtenir la protection de l’État, j’exposerai brièvement les éléments de preuve dont disposait la Commission au sujet de ces efforts ainsi que les conclusions auxquelles celle‑ci est arrivée.

 

[7]               Les demandeurs affirment avoir été agressés physiquement à quatre reprises par des skinheads et avoir signalé à la police les trois agressions les plus graves. La première agression concernait Mme Petrova et s’est produite en 1999, alors qu’elle était adolescente. Mme Petrova a affirmé qu’elle et d’autres membres de son groupe de musique se rendaient à un concert quand ils ont été poursuivis par une bande de 10 à 15 skinheads. Elle a déclaré qu’un policier avait vu qu’on les poursuivait, mais qu’il s’était contenté de lui dire, ainsi qu’aux autres, de continuer à courir. Elle affirme que les skinheads les ont malgré tout rattrapés et les ont battus. Elle a également allégué qu’elle et ses compagnons avaient signalé l’agression à la police, mais que l’officier qui en a pris note a reproché au gérant du groupe de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour protéger les enfants. Mme Petrova a toutefois reconnu qu’elle n’avait pas été en mesure de fournir à la police une description des agresseurs et qu’elle ne savait pas qui ils étaient. Elle a affirmé que ses parents avaient fait un suivi auprès de la police et que celle‑ci n’avait rien fait pour tenter d’arrêter les agresseurs.

 

[8]               Au sujet de cet incident, la SPR a conclu que la demanderesse « n’a[vait] présenté aucun élément de preuve convaincant démontrant que la police […] n’a[vait] pas répondu efficacement à sa plainte ni enquêté valablement au sujet de sa plainte liée à l’agression commise par des skinheads en 1999 » (paragraphe 33 de la décision). La SPR n’a pas expliqué sur quoi reposait sa conclusion. Cette dernière figure dans la décision, après le rappel des faits, et la Commission n’explique ni comment ni pourquoi elle y est arrivée.

 

[9]               Bien que les motifs de la Commission sur ce point ne soient pas aussi complets qu’on pourrait le souhaiter, j’estime que, compte tenu du manque de renseignements fournis à la police au sujet de l’identité des skinheads, la conclusion de la Commission au sujet de la qualité de l’enquête de la police est néanmoins raisonnable parce qu’elle est étayée par la preuve. En bref, les policiers avaient peu d’éléments pour faire une enquête, étant donné que Mme Petrova n’avait pas été en mesure de décrire ses agresseurs et que rien ne permettait de croire que l’agent qui avait choisi de ne pas intervenir était en mesure de le faire. Par conséquent, les faits ne permettent pas d’affirmer que l’enquête a été insuffisante; la conclusion de la Commission selon laquelle il n’existait pas de preuves convaincantes montrant que la police n’avait pris aucune mesure efficace pour faire enquête au sujet de la plainte de Mme Petrova est donc raisonnable. Des conclusions semblables au sujet de la suffisance des enquêtes ont été confirmées par la Cour dans des circonstances semblables à celles de la présente espèce, où la police disposait de peu de renseignements au sujet des agresseurs (voir p. ex., Rodriguez Osornio c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 684, au paragraphe 19; Velazquez Hernandez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 5, au paragraphe 10). La conclusion à laquelle est arrivée la Commission sur ce point est donc raisonnable.

 

[10]           On ne peut cependant en dire autant de sa conclusion concernant la réaction initiale de la police à l’incident. Il est bon de rappeler que la SPR a jugé que la version des faits fournie par les demandeurs était crédible et qu’il faut donc tenir pour acquis qu’un policier slovaque a vu plusieurs adolescents roms poursuivis par un groupe de skinheads. En outre, il convient également de tenir pour acquis qu’au lieu d’intervenir pour corriger la situation, le policier a dit aux adolescents de courir plus vite. Si c’est bien ce qui s’est produit – et la SPR n’a pas mis en doute la véracité du témoignage de Mme Petrova sur ce point – la réaction du policier est loin d’avoir été appropriée. Il s’agit en fait d’une attitude cavalière et d’un refus de protéger ces adolescents.

 

[11]           Les demandeurs affirment que la deuxième agression s’est produite en 2006, dans un autobus. Ils ont été accostés par un groupe de skinheads, qui les ont insultés, qui ont bousculé Mme Petrova et ont ensuite frappé M. Ferenc. M. Ferenc a déclaré qu’il avait signalé l’incident à la police, et qu’il avait fait un suivi à deux ou trois reprises, mais qu’il n’avait rien appris de nouveau. Selon lui, lorsqu’un Tsigane dépose une plainte à la police, celle‑ci la met au panier. À propos de cet incident, la SPR s’est contentée de mentionner qu’elle n’avait trouvé « aucun élément de preuve convaincant permettant d’étayer l’allégation du demandeur d’asile » au sujet du fait que la police jetait les plaintes déposées par les Roms (paragraphe 34 de la décision). Cette conclusion n’est pas déraisonnable, étant donné que la déclaration du demandeur n’est que l’expression d’une opinion et que la Commission n’était pas tenue d’y voir là une affirmation convaincante. La Commission n’a pas analysé davantage cet incident.

 

[12]           La troisième attaque des skinheads s’est produite en 2007, au moment où Mme Petrova se trouvait dans une discothèque avec des collègues de sexe masculin; elle a été saisie par un skinhead qui venait de l’insulter. Elle n’a pas signalé cet incident à la police. La SPR ne s’y est pas intéressée dans sa décision, si ce n’est qu’elle a mentionné que l’attaque s’était produite. À mon avis, cet incident n’est pas déterminant puisqu’il n’a pas été signalé.

 

[13]           La dernière attaque s’est produite en 2008, alors que M. Ferenc et son cousin ont été sauvagement battus par un groupe de skinheads. M. Ferenc a été battu avec un bâton de baseball. Il a déclaré que ses blessures étaient si graves qu’il avait été immobilisé pendant un mois, qu’il avait été obligé de manger avec une paille, qu’il avait eu plusieurs points de suture et qu’il avait des cicatrices permanentes. Il a ajouté qu’au moment de l’attaque, quelqu’un du quartier avait crié qu’il appelait la police, que des policiers de la ville étaient arrivés sur les lieux peu de temps après et que les skinheads s’étaient alors enfuis. Il a également affirmé que dès leur arrivée, les policiers les ont accusés son cousin et lui de s’être bagarrés entre eux, bien qu’ils aient été appelés par des voisins et que M. Ferenc et son cousin leur aient dit à plusieurs reprises qu’ils avaient été agressés par un groupe de skinheads. Les policiers ont alors quitté les lieux.

 

[14]           M. Ferenc a déclaré que son cousin et lui s’étaient rendus à l’hôpital pour se faire soigner. Pendant qu’ils y étaient, le personnel médical a appelé la police de l’État. M. Frank affirme qu’encore une fois, les policiers ont refusé de faire un rapport et ont déclaré qu’ils pensaient que M. Ferenc et son cousin s’étaient battus. Aucun des deux n’a toutefois été accusé de quoi que ce soit.

 

[15]           Le lendemain, les parents de M. Ferenc ont fait rapport à la police et quelques jours plus tard, les policiers sont venus à la maison de M. Ferenc pour recueillir sa déposition. M. Ferenc affirme avoir entendu un des policiers dire à l’autre qu’il ne pensait pas que M. Ferenc avait été attaqué par des skinheads, parce qu’il n’y en avait pas dans le secteur. Il a également affirmé qu’il s’était rendu au poste de police un mois et demi plus tard et qu’il avait appris que rien n’avait été fait pour faire progresser l’enquête. Il a déclaré être retourné au poste de police peu de temps avant de quitter la République slovaque en 2009, pour essayer d’obtenir une copie du rapport de police, mais sans succès.

 

[16]           Encore une fois, la SPR a estimé que ce témoignage était tout à fait crédible. Au sujet de cet incident, le commissaire s’est contenté de déclarer ce qui suit : « J’estime que le demandeur d’asile n’a pas fourni d’éléments de preuve convaincants démontrant que la police n’a pris aucune mesure efficace pour faire enquête sur son cas ou pour tenter de trouver les auteurs responsables de son agression en 2008 » (paragraphe 31 de la décision).

 

[17]           Cette conclusion, tout comme celle touchant Mme Petrova, n’est pas étayée par les éléments de preuve tenus pour crédibles par la Commission. La version des faits du demandeur, et en particulier sa description de ce qui s’est passé à l’arrivée des policiers de la ville, démontre qu’aucune mesure d’enquête efficace n’a été prise. Les policiers n’ont pas cru le demandeur et n’ont pas interrogé les témoins potentiels, qui auraient pu être en mesure de fournir une description. Il est difficile d’imaginer une intervention moins efficace.

 

[18]           Après avoir examiné ces événements, le commissaire a conclu de la façon suivante :

J’estime, compte tenu des circonstances particulières en l’espèce, que les demandeurs d’asile n’ont pas fait d’efforts diligents et n’ont pas pris toutes les mesures raisonnables pour obtenir la protection des autorités quand ils ont été agressés par des skinheads en Slovaquie. J’estime que les demandeurs d’asile n’ont pas produit suffisamment d’éléments de preuve fiables, pertinents et probants pour me convaincre qu’il n’existe pas de protection de l’État adéquate pour les Roms qui sont la cible des skinheads racistes et néonazis en Slovaquie. J’estime donc que les demandeurs d’asile, compte tenu des circonstances particulières en l’espèce, n’ont pas réfuté, au moyen d’éléments de preuve clairs et convaincants, la présomption selon laquelle il existe une protection de l’État adéquate en Slovaquie. Je ne suis pas convaincue que ce pays ne déploierait pas d’efforts raisonnables pour assurer la protection des demandeurs d’asile s’ils cherchaient à l’obtenir.

 

 

[19]           Il ressort clairement de l’extrait ci‑dessus que la demande d’asile des demandeurs a été rejetée entre autres à cause de l’examen que la SPR a fait de la suffisance des efforts déployés par eux afin d’obtenir la protection de l’État. (L’examen de la preuve documentaire étant une autre raison.)

 

[20]           La jurisprudence reconnaît que l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 codifie les motifs pour lesquels une décision peut être annulée lorsqu’un tribunal tire une conclusion de fait erronée (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 46). L’alinéa 18.1(4)d) prévoit que la Cour peut annuler une décision d’un tribunal si elle est convaincue que le tribunal « a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose ». Le tribunal tire une conclusion sans tenir compte des éléments dont il dispose s’il n’existe aucune preuve susceptible d’étayer sa conclusion (voir p. ex., Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des Postes c Healy, 2003 CAF 380, au paragraphe 25, [2003] ACF no 1517). Qui plus est, la Cour sera justifiée d’intervenir si la décision du tribunal est fondée sur telle conclusion (voir p. ex., Rohm & Haas Canada Limited c Canada (Tribunal antidumping) (1978), 22 NR 175, [1978] ACF no 522, au paragraphe 5 [Rohm & Haas]; Buttar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1281 au paragraphe 12, [2006] ACF no 1607).

 

[21]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, la preuve soumise à la SPR n’étaye pas la conclusion de la Commission selon laquelle les demandeurs n’ont pas fait d’efforts diligents pour obtenir la protection de l’État. En outre, cette conclusion était un élément central de la décision de la Commission. La décision de la Commission est donc déraisonnable et justifie l’intervention de la Cour. En termes simples, la Commission ne peut, d’un côté, retenir la version des événements fournie par les demandeurs, suivant laquelle ils ont fait des efforts raisonnables pour obtenir la protection de la police et que la police a agi de façon déraisonnable, et de l’autre, conclure que ces efforts n’étaient pas suffisants ou que les demandeurs d’asile n’ont pas produit d’éléments de preuve convaincants. Si par manque d’éléments de preuve convaincants, la Commission voulait dire qu’elle ne croyait pas les demandeurs, il lui incombait alors d’effectuer une analyse de la crédibilité et d’exposer les motifs pour lesquels elle rejetait leur témoignage.

 

[22]           Bien que cette conclusion soit suffisante pour trancher la présente demande, j’aimerais mentionner que la façon dont la Commission a traité les documents relatifs au pays est insatisfaisante et difficilement compréhensible. À cet égard, elle soulève dans ses motifs toute une série de problèmes quant à la suffisance de la protection de l’État accordée aux Roms en Slovaquie, elle décrit certains efforts déployés par les autorités slovaques – sans faire de commentaires sur l’efficacité de ces efforts – et elle conclut ensuite que « la Slovaquie fait des efforts sérieux pour régler les problèmes de criminalité et que la police est disposée à protéger les victimes et est en mesure de le faire » (paragraphe 23 de la décision). La Cour a jugé à maintes reprises que la preuve démontrant qu’un État déploie des efforts inefficaces pour protéger ses citoyens ne permettait pas de conclure qu’il offre une protection adéquate (voir p. ex., Hercegi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 250, au paragraphe 5; Bors c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1004, aux paragraphes 60 à 63). Il faut en réalité que les efforts débouchent sur certains résultats pour que l’on puisse les qualifier d’efficaces.

 

[23]           Il se peut fort bien que les éléments de preuve contradictoires présentés à la Commission au sujet de l’efficacité des efforts déployés par l’État slovaque – par opposition au seul fait de faire des efforts – auraient pu permettre à la SPR de conclure que les Roms bénéficient d’une protection de l’État adéquate en Slovaquie. Le problème que pose la décision est que la SPR n’a pas examiné cette question, ni analysé l’efficacité des efforts fournis par l’État slovaque.

 

[24]           Pour ces motifs, la décision doit être annulée.

 

[25]           Aucune question à certifier n’a été proposée en application de l’article 74 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 et la présente affaire n’en soulève aucune, étant donné que ma décision est fondée sur les faits et sur le raisonnement adopté par la Commission.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire de la décision de la SPR est accueillie.

2.                  L’affaire est renvoyée à une formation différente de la SPR pour nouvelle décision.

3.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

4.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Mary J.L. Gleason »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5531‑12

 

INTITULÉ :                                                  MARIAN FERENC ET AL c
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 10 janvier 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LA JUGE GLEASON

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 15 février 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Aadil Mangalji

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Teresa Ramnarine

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Long Mangalji, LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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