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Date : 20130225

Dossier : IMM-7816-12

Référence : 2013 CF 151

[traduction FRANÇAISE révisée]

Ottawa (Ontario), le 25 février 2013

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

B472

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS PUBLICS DE L’ORDONNANCE

(Identiques aux motifs confidentiels de l’ordonnance rendus le 12 février 2013)

 

LE JUGE HARRINGTON

 

[1]               M. B472 est un jeune Tamoul qui a quitté le Sri Lanka en tant qu’immigrant économique. Il est arrivé au Canada comme réfugié au sens de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. Pourquoi? – en raison de la façon dont il est arrivé ici. Il était l’un des quelque 500 passagers à bord du « Sun Sea », un navire qui a eu une retentissante notoriété au Canada et au Sri Lanka. Il a été conclu qu’il était un menteur, et que lorsqu’il a quitté le Sri Lanka, il n’était pas exposé à un risque sérieux de persécution. En outre, depuis qu’il est au Canada, il n’a rien fait pour attirer l’attention des autorités sri‑lankaises. Toutefois, une organisation terroriste, les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET), pourrait avoir organisé le funeste voyage du « Sun Sea ». Ainsi, même si la commissaire de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu’il n’avait aucune affiliation avec les TLET avant son départ, son statut de passager à bord du « Sun Sea » soulevait cette question, ce qui l’exposait à une possibilité sérieuse de persécution s’il devait retourner au Sri Lanka. Par conséquent, dans la partie « décision » de ses motifs, la commissaire a écrit ce qui suit :

J’estime que le demandeur d’asile a qualité de réfugié au sens de la Convention parce qu’il a une crainte fondée de persécution du fait de son appartenance à un groupe social, au titre de l’article 96 de la Loi.

 

[2]               Ainsi, il a été déclaré réfugié sur place. La Cour est saisie du présent contrôle judiciaire à la demande du ministre qui soutient qu’il était déraisonnable de conclure que les passagers tamouls à bord du « Sun Sea » appartenaient à « un groupe social » au sens de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) et que la Commission a appliqué la mauvaise norme de preuve dans ses conclusions factuelles. La Commission aurait dû appliquer la norme de la « prépondérance des probabilités » plutôt que la norme de la « possibilité sérieuse ».

 

[3]               Selon l’article 96 de la LIPR, a qualité de réfugié au sens de la Convention, la personne qui craint avec raison d’être persécutée « du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques […] ». L’article 96 se distingue de l’article 97, lequel offre la protection à des personnes qui ne sont pas des réfugiées au sens de la Convention, mais qui, si elles étaient renvoyées dans le pays dont elles ont la nationalité, seraient personnellement exposées au risque de torture, à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités.

 

[4]               La norme de la preuve est différente. Pour l’application de l’article 96, il incombe au demandeur d’établir une possibilité raisonnable de persécution, norme de la preuve qui est moindre que celle de la prépondérance des probabilités (Adjei c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 CF 680, [1989] ACF no 67 (QL)). Toutefois, pour l’application de l’article 97, le demandeur doit prouver ses allégations selon la prépondérance des probabilités (Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1, [2005] 3 RCF 239, [2005] ACF no 1 (QL)).

 

I. LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[5]               Les questions soulevées dans le présent contrôle judiciaire sont les suivantes :

a.                   Quelle est la norme de contrôle applicable?

b.                  Si la norme de contrôle est la décision correcte, la décision est‑elle correcte?

c.                   Si la norme de contrôle est la décision raisonnable, la décision est‑elle déraisonnable?

 

II. LA DÉCISION

  1. La norme de contrôle applicable

 

[6]               La SPR a conclu non seulement que M. B472 n’était pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution lorsqu’il a quitté le Sri Lanka, mais aussi que, selon la prépondérance des probabilités, il n’était pas exposé à un risque de torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. Bien qu’elle ait fait référence à l’attitude assez ambivalente des autorités sri‑lankaises à l’égard de la torture, la décision était basée uniquement sur l’article 96, à l’exclusion de l’article 97. Ainsi, la norme de contrôle est cruciale dans la présente affaire. Il peut y avoir plus d’une interprétation raisonnable des articles de la LIPR, mais il ne peut y avoir qu’une interprétation correcte. La commissaire a conclu que M. B472 était un réfugié sur place. Sur la base des mêmes faits, d’autres commissaires de la Commission ont rendu des décisions en sens contraire. Ainsi, la question de savoir si une personne est autorisée ou non à rester au Canada pourrait très bien relever de la chance. Lors de l’audience, j’ai aussi appris qu’une personne a de meilleures chances d’être déclarée réfugiée sur place lorsque l’audience a lieu à Vancouver plutôt qu’à Toronto.

 

[7]               Avant l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, [2008] ACS no 9 (QL), la Cour suprême n’accordait aucune déférence à la Commission à l’égard des questions de droit, même si elles étaient relatives à la LIPR, à sa loi constitutive, ou à des lois connexes.

 

[8]               Au paragraphe 54 de l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême a déclaré que « [l]orsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise ». Toutefois, la Cour suprême a continué en disant qu’il n’est pas nécessaire de se livrer à une analyse exhaustive dans chaque cas soulevant la question de la bonne norme de contrôle à appliquer, étant donné que la jurisprudence peut permettre de cerner les questions qui appellent généralement l’application de la norme de la décision correcte. Il faut tenir compte du fait qu’il s’agit d’une question de droit général qui est à la fois d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et étrangère au domaine d’expertise de l’organisme juridictionnel.

 

[9]               La Cour suprême a conclu ce qui suit au paragraphe 62 :

Bref, le processus de contrôle judiciaire se déroule en deux étapes. Premièrement, la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier. En second lieu, lorsque cette démarche se révèle infructueuse, elle entreprend l’analyse des éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle.

 

[10]           Depuis lors, la Cour suprême peut très bien avoir durci sa position à l’égard de la norme de la décision correcte. Dans l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654, [2011] ACS no 61 (QL), le juge Rothstein a déclaré ce qui suit au paragraphe 39 :

Il convient de présumer que la norme de contrôle à laquelle est assujettie la décision d’un tribunal administratif qui interprète sa loi constitutive ou qui l’applique est celle de la décision raisonnable.

 

[11]           Il n’est pas impossible que certaines dispositions d’une loi « constitutive » soient interprétées selon la norme de la décision raisonnable, tandis que d’autres seraient interprétées selon la norme de la décision correcte. Dans l’arrêt Febles c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CAF 324, [2012] ACF no 1609 (QL), le juge Evans avec lequel la juge Sharlow était d’accord a décidé que la norme de la décision correcte était celle qui s’appliquait à l’interprétation faite par la SPR de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention des Nations Unies, laquelle est incorporée à la LIPR au moyen de l’article 98. Le ministre a fait observer que la Cour n’avait pas à trancher la question puisque l’appel devait être rejeté peu importe la norme de contrôle qui était appliquée. Toutefois, le juge Evans a relevé le fait que le juge de première instance avait appliqué la norme de la décision raisonnable, tandis que dans l’affaire connexe Feimi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 262, [2012] ACF no 506 (QL), la norme de la décision correcte avait été appliquée. Selon le juge Evans, une telle incertitude était une raison suffisante pour décider de la norme de contrôle qu’il fallait appliquer. Aux paragraphes 24 et 25, lorsqu’il a appliqué la norme de la décision correcte il a déclaré ce qui suit :

[24]      Je conviens avec M. Febles que la présomption habituelle suivant laquelle la norme de contrôle applicable à l’interprétation de leur loi habilitante par les tribunaux administratifs – la norme de la décision raisonnable – ne s’applique pas en l’espèce. La section 1Fb) est une disposition d’une convention internationale qui devrait être interprétée de façon aussi uniforme que possible (voir, par exemple, l’arrêt Jayasekara, au paragraphe 4). Il est plus probable que cet objectif soit atteint par la norme de la décision correcte que par la norme de la décision raisonnable, et c’est donc la norme qui doit être appliquée pour décider si la SPR a commis une erreur de droit lorsqu’elle a estimé que la section 1Fb) empêchait de tenir compte de la question de savoir si M. Febles s’était réadapté depuis sa déclaration de culpabilité et s’il représentait un danger actuel. De plus, l’interprétation de la section 1Fb) ne comporte aucune ambiguïté.

 

[25]      Par conséquent, la jurisprudence antérieure dans laquelle notre Cour a appliqué la norme de contrôle de la décision correcte en ce qui concerne l’interprétation faite par la SPR de la section 1Fb) devrait être considérée comme ayant tranché de façon satisfaisante la question (Dunsmuir, au paragraphe 62).

 

 

[12]           Dans des motifs concourants, le juge Stratas a souscrit à l’argument du ministre selon lequel dans cette affaire‑là, la question de la norme de contrôle n’avait pas à être tranchée. Le juge Stratas n’était pas préparé à souscrire au point de vue selon lequel le besoin d’uniformité dans l’interprétation de l’alinéa b) de la section F de l’article premier penchait nécessairement en faveur de la norme de la décision correcte.

 

[13]           Cela me conduit à de récentes décisions de la Cour. Dans la décision Dufour c Canada (MCI), 2012 CF 580, [2012] ACF no 588 (QL), le juge Shore, se fondant sur l’arrêt Dunsmuir, a estimé que le degré de déférence à accorder à l’interprétation faite par la Commission des dispositions de la LIPR a déjà été établi de manière satisfaisante, et il a conclu que la norme de contrôle était la décision correcte.

 

[14]           Dans la décision Portillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 678, [2012] ACF no 670 (QL), la juge Gleason s’est livrée à une analyse approfondie de la jurisprudence de la Cour fédérale qui vacille entre les deux normes de contrôle. Il n’était pas nécessaire que la juge Gleason arrive à quelque conclusion que ce soit dans cette affaire‑là, car en tout état de cause, la décision était déraisonnable.

 

[15]           La juge Gleason a fait observer que dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, un arrêt relatif à la LIPR, le juge Binnie a déclaré au paragraphe 44 que les erreurs de droit sont généralement assujetties à la norme de la décision correcte, selon l’arrêt Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 RCS 100, [2005] ACS no 39 (QL).

 

[16]           La juge Gleason a aussi fait référence à l’arrêt Commission canadienne des droits de la personne c Canada (Procureur général), 2011 CSC 53, [2011] 3 RCS 471, [2011] ACS no 53 (QL). S’exprimant au nom de la Cour suprême, les juges LeBel et Cromwell ont déclaré au paragraphe 21 :

Nous devons ici reconnaître l’existence d’une tension entre certains des principes qui sous‑tendent l’actuel régime de contrôle judiciaire lorsqu’il s’applique aux décisions d’un tribunal des droits de la personne.

 

[17]           Après avoir fait référence au fait que les tribunaux administratifs ont généralement droit à la déférence, ils ont continué ainsi :

D’autre part, la Cour réaffirme que les questions de droit générales qui revêtent une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui sont étrangères au domaine d’expertise de l’organisme juridictionnel demeurent assujetties à la norme de la décision correcte, et ce, dans un souci de cohérence de l’ordre juridique fondamental du pays.

 

 

[18]           Par ailleurs, dans le contrôle judiciaire d’une autre décision dans laquelle un passager du « Sun Sea » a été déclaré réfugié sur place, décision du juge en chef Crampton dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B380, 2012 CF 1334, [2012] ACF no 1657 (QL), le juge Crampton, se fondant sur les arrêts Dunsmuir et Alberta Teachers et concluant que l’interprétation de la LIPR ne soulevait pas de question d’une importance capitale pour le système juridique qui était étrangère au domaine d’expertise de la Commission, a appliqué la norme de la décision raisonnable. Il a aussi conclu que le commissaire en question, qui n’est pas la commissaire en l’espèce, a interprété l’expression « appartenance à un groupe social » de façon déraisonnable.

 

[19]           À la suite de cette décision, la juge Snider a rendu deux décisions concernant des passagers du « Sun Sea » qui s’étaient vu refuser le statut de réfugié sur place : P.M. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 77, et S.K. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 78. Dans les deux décisions, elle a appliqué la norme de la décision raisonnable.

 

[20]           Vu cette divergence d’opinion au sein de la Cour, il n’y a pas de place pour le concept d’adhésion déférente. Je rendrai donc ma propre décision.

 

[21]           La Cour suprême a appliqué la norme de la décision correcte non seulement dans l’arrêt Mugesera, précité, mais aussi dans l’arrêt Chieu c Canada (MCI), 2002 CSC 3, [2002] 1 RCS 84, [2002] ACS no 1 (QL), ce qui a amené la Cour d’appel fédérale à appliquer la même norme de contrôle dans Nazifpour c Canada (MCI), 2007 CAF 35, [2007] ACF no 179 (QL). Pour ne citer qu’une autre décision, Azizi c Canada (MCI), 2005 CF 354, [2005] ACF no 436 (QL), confirmée par 2005 CAF 406, [2005] ACF no 2041 (QL), le juge Mosley a appliqué la norme de la décision correcte à l’interprétation du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[22]           Selon moi, comme le juge Shore dans la décision Dufour, la norme de contrôle applicable en l’espèce, en ce qui a trait aux articles 96 et 97 de la LIPR, est celle de la décision correcte. L’article 96 donne effet à la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. Il s’agit de personnes « qui, craignant avec raison d’être persécutées du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social ou de leurs opinions politiques… [sont exposées] à un risque dans leurs pays d’origine ». Nous traitons de droits fondamentaux de la personne.

 

[23]           En l’espèce, la règle de preuve de la possibilité raisonnable a été appliquée, et non pas celle de la prépondérance des probabilités.

 

[24]           La présente affaire porte sur la définition juridique d’« appartenance à un groupe social », au sens de l’article 96 de la LIPR. Comme le juge en chef l’a souligné dans la décision relative à M. B380, précitée, l’arrêt fondamental en la matière est Canada (PG) c Ward, [1993] 2 RCS 689, [1993] ACS no 74 (QL). Bien que la liste suivante ne soit pas exhaustive, il existe trois catégories de groupes :

a.         les groupes définis par une caractéristique innée ou immuable;

 

b.         les groupes dont les membres s’associent volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu’ils ne devraient pas être contraints à renoncer à cette association; et

 

c.         les groupes associés par un ancien statut volontaire immuable en raison de sa permanence historique.

 

[25]           Le groupe restreint dans cette affaire‑là, comme en l’espèce, est un groupe associé par un ancien statut volontaire immuable en raison de sa permanence historique.

 

[26]           Au paragraphe 23, le juge en chef Crampton a ajouté que le fait historique d’être venu, volontairement, ensemble, d’une façon spécifique, dans le but de voyager au Canada afin de demander l’asile n’était pas une base suffisante sur laquelle on pouvait devenir un « groupe social » au sens de l’article 96. Autrement, tout groupe de personnes, y compris même une petite famille qui peut être venue ensemble dans ce but aurait un lien à l’article 96, et les termes « race, religion, nationalité… ou opinion politique » seraient essentiellement superflus. Je partage cet avis.

 

[27]           Les passagers du « Sun Sea » avaient une myriade de raisons de venir au Canada. Certains étaient des passeurs. Certains peuvent très bien avoir été des terroristes. Certains étaient des criminels ordinaires qui cherchaient à se soustraire à la justice. Certains avaient de sérieuses raisons de craindre la persécution au Sri Lanka, et certains, comme M. 472, étaient des immigrants économiques. Il n’y a aucune cohérence ni aucun lien aux autres motifs de reconnaissance du statut de réfugié énoncés à l’article 96 de la LIPR.

 

[28]           En l’espèce, les motifs rendus par la commissaire sont beaucoup plus complets que ceux rendus dans l’affaire de M. B380. Il se pourrait très bien que M. B472 soit exposé à un risque sérieux de persécution s’il était renvoyé au Sri Lanka, mais cela ne serait pas dû au fait qu’il appartient au groupe social des passagers tamouls du navire. L’avocate a déployé de vaillants efforts pour établir qu’il y avait des extraits, dans les motifs de la commissaire, qui pouvaient étayer une conclusion basée sur une combinaison des risques énoncés à l’article 96. Il pourrait bien en être ainsi, mais je ne suis pas prêt à réécrire les motifs.

 

[29]           En particulier, la commissaire n’a pas examiné l’article 97 de la LIPR et le critère applicable de la preuve relative à la prépondérance des probabilités. Vu que la Commission a commis une erreur dans son interprétation de l’article 96, je ne peux qu’accueillir la demande de contrôle judiciaire et renvoyer l’affaire à la SPR pour nouvelle décision.

 

  1. La question certifiée

 

[30]           Aucune question n’a été certifiée dans les décisions Dufour, Portillo, B380, P.M. ou S.K. La Convention des Nations Unies est ancrée dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Dans l’arrêt Pushpanathan c Canada (MCI), [1998] 1 RCS 982, [1998] ACS no 46 (QL), la Cour suprême a décidé que la norme de la décision correcte s’appliquait à l’interprétation de la définition de réfugié au sens de la Convention. Le droit est‑il tel que maintenant le droit fondamental de ne pas être persécuté dépend d’abord du commissaire de la SPR qui entend l’affaire, et ensuite du juge de la Cour qui entend le contrôle judiciaire de la décision de la SPR? Ma réponse est non.

 

[31]           Bien qu’elles aient été encouragées à le faire lors de l’audience, aucune des parties n’a souhaité proposer de question aux fins de certification, ce qui aurait autorisé un appel à la Cour d’appel fédérale. Toutefois, le ministre a ajouté que si j’étais enclin à certifier une question, chose que je suis certainement enclin à faire, l’énoncé approprié devrait être le suivant :

[traduction]

Quelle est la norme de contrôle applicable à la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle « les passagers tamouls à bord du Sun Sea » constituent un « groupe social » pour l’application de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés?

 

[32]           Toutefois, je pense que la question devrait être plus large. Je certifierai la question grave de portée générale suivante :

Lors du contrôle d’une décision par laquelle un membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié définit la notion d’« appartenance à un groupe social » visée à l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Cour doit‑elle appliquer la norme de décision correcte ou la norme de raisonnabilité?

 

[33]      Selon moi, la norme de la décision correcte s’applique à un tel contrôle judiciaire. Je le dis parce que la liberté d’aller et de venir est fondamentale et au cœur du mode de vie canadien. La loi n’exige nullement que les commissaires de la SPR aient une expertise juridique particulière. Parlant de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Thanabalasingham, 2003 CF 1225, confirmée par 2004 CAF 4, la juge Gauthier a déclaré ce qui suit au paragraphe 43 : « Ainsi, sur les questions de droit, ce tribunal administratif possède des compétences spécialisées limitées par rapport à celles de la Cour fédérale du Canada et il semble qu’il n’existe aucune raison particulière de faire preuve d’une retenue quelconque sur ce point. » Je partage cet avis.

 

[34]      Selon moi, le droit limité des non‑citoyens d’entrer au Canada ou d’y demeurer doit être déterminé selon les principes de justice fondamentale, voir Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Chiarelli, [1992] 1 RCS 711, [1992] ACS no 27 (QL).

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Motifs confidentiels de l’ordonnance datés du 12 février 2013

Motifs publics de l’ordonnance (identiques aux motifs confidentiels de l’ordonnance) datés du 25 février 2013)

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LLM., M.A.Trad.jur.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                              IMM-7816-12

 

INTITULÉ :                                            MCI

c

B472

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                    VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                   LE 22 JANVIER 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS

CONFIDENTIELS

DE L’ORDONNANCE :                        LE 12 FÉVRIER 2013

 

DATE DES MOTIFS PUBLICS

DE L’ORDONNANCE

(IDENTIQUES AUX MOTIFS

CONFIDENTIELS

DE L’ORDONNANCE) :                      LE 25 FÉVRIER 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Banafsheh Sokhansanj

POUR LE DEMANDEUR

 

Daniel McLeod

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (C.‑B.)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Preston Clerk McLeod

Avocats et notaires

Vancouver (C.‑B.)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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