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Date : 20130220

Dossier : IMM‑5816‑12

Référence : 2013 CF 175

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 20 février 2013

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

 

SHERIF MOHAMED RASHED

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Introduction

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire du refus de réexaminer sa demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Selon le demandeur, la décision du 20 mars 2012 par laquelle un agent d’immigration [le premier agent] a refusé de traiter sa demande de résidence permanente [la décision sous‑jacente] était déraisonnable et violait les principes d’équité procédurale. Le demandeur affirme qu’un autre agent d’immigration [le second agent] a commis une erreur en refusant de réexaminer une décision qui était, à son avis, déraisonnable et qui violait les principes de justice naturelle.

 

II. Procédure judiciaire

[2]               Il s’agit d’une demande présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LA LIPR] en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision du second agent d’immigration datée du 23 mai 2012.

 

III. Contexte

[3]               Né en 1966, le demandeur est un citoyen de l’Égypte.

 

[4]               En juin 1991, le demandeur a obtenu un diplôme en médecine de l’Université du Caire. Il a fait sa résidence dans des hôpitaux universitaires du Caire en août 1992.

 

[5]               Depuis juillet 1998, le demandeur travaille pour Eli Lilly & Company [Eli Lilly], une société pharmaceutique mondiale bien connue, au sein de laquelle il a occupé les postes suivants : directeur des soins de santé (de mai 2008 jusqu’à maintenant); directeur des ventes, du marketing et de la publicité (de novembre 2008 à mai 2009); directeur des soins de santé – chef régional de marque (de mai 2006 à avril 2008); directeur des soins de santé – directeur principal de marque (de mai 2011 à avril 2006) et directeur des soins de santé – directeur de district (de juillet 1998 à avril 2001).

 

[6]               À l’annexe 3 de sa demande de résidence permanente, le demandeur a énuméré les principales fonctions de chacun des postes qu’il a occupés. Une lettre d’attestation d’emploi d’Eli Lilly, datée du 21 juillet 2010 [l’attestation d’emploi], relate également ses antécédents professionnels et les fonctions qu’il a exercées.

 

[7]               À l’annexe 3 de sa demande de résidence permanente, le demandeur explique qu’en sa qualité de directeur des soins de santé, ses fonctions consistaient à : (i) planifier, organiser, contrôler directement et évaluer la prestation des services de soins de santé; (ii) planifier et contrôler les budgets des divers services; (iii) préparer et mettre en application des plans pour des nouveaux programmes; (iv) aider les sociétés affiliées dans leur processus de prise de décisions; (v) assurer le suivi de la mise en application des programmes et des projets auprès des fournisseurs de soins de santé et du corps médical.

 

[8]               L’attestation d’emploi précise également les fonctions qu’exerçait le demandeur comme directeur des soins de santé : (i) stimuler l’amélioration des différents processus au sein des divers services de l’entreprise; (ii) améliorer la productivité et la rapidité des processus ayant diverses incidences commerciales; (iii) déployer le programme Six Sigma pour favoriser l’atteinte des priorités et des objectifs à l’échelle de l’entreprise et de la région; (iv) aider les sociétés affiliées à prendre des décisions éclairées en qualité de membres du conseil de la haute direction; (v) stimuler la transformation de l’entreprise pour favoriser l’atteinte des objectifs opérationnels.

 

[9]               À l’annexe 3 de sa demande de résidence permanente, le demandeur explique en quoi consistaient ses fonctions en tant que directeur des ventes, du marketing et de la publicité : (i) s’occuper de la publicité et de la planification des activités de marketing; (ii) élaborer des stratégies de marché; (iii) superviser et encadrer les chefs de produit.

 

[10]           L’attestation d’emploi décrit également les fonctions qu’exerçait le demandeur en tant que directeur des ventes, du marketing et de la publicité : (i) superviser et encadrer les directeurs de marque; (ii) élaborer le programme de formation des directeurs de marque; (iii) encadrer les directeurs de marque en ce qui concerne l’élaboration de stratégies de marketing et de tactiques et la conception et la mise en œuvre de programmes; (iv) assurer le suivi de la mise en application des programmes et des projets auprès des fournisseurs de soins de santé et du corps médical.

 

[11]           À l’annexe 3 de sa demande de résidence permanente, le demandeur explique en quoi consistaient ses fonctions en tant que directeur des soins de santé – chef régional de marque : (i) surveiller le rendement des sociétés affiliées et aider la direction à résoudre des problèmes; (ii) élaborer des stratégies de communication avec le corps médical; (iii) planifier, organiser, contrôler directement et évaluer la prestation des services des soins de santé.

 

[12]           L’attestation d’emploi précise également les fonctions qu’exerçait le demandeur en tant que directeur des soins de santé – chef régional de marque : (i) coordonner les activités et les stratégies relatives à la marque pour les diverses sociétés affiliées; (ii) développer des stratégies de communication auprès du corps médical et des patients; (iii) planifier et administrer des projets auprès des diverses sociétés affiliées afin de fournir des services aux patients.

 

[13]           À l’annexe 3 de sa demande de résidence permanente, le demandeur précise en quoi consistaient ses fonctions en tant que directeur des soins de santé – directeur principal de marque : (i) préparer et mettre en application des plans pour des nouveaux programmes, des projets spéciaux et des projets d’acquisition de matériel et d’appareils; (ii) évaluer les moyens de communication et les activités de communication; (iii) élaborer des tactiques et un plan d’action pour les communications avec le corps médical et le milieu de la santé; (iv) élaborer une stratégie de communication avec le corps médical et les patients.

 

[14]           La lettre d’attestation explique également en quoi consistait les fonctions du demandeur en tant que directeur des soins de santé – directeur principal de marque : (i) préparer et mettre en application des plans pour des nouveaux programmes, des projets spéciaux et des projets d’acquisition de matériel et d’appareils; (ii) gérer les niveaux de dotation; (iii) élaborer des stratégies, des plans d’information et divers moyens de communication avec le corps médical et les patients.

 

[15]           À l’annexe 3 de sa demande de résidence permanente, le demandeur précise en quoi consistaient ses fonctions en tant que directeur des soins de santé – directeur de district : (i) coordonner et élaborer des tactiques pour les représentants médicaux auprès du milieu médical; (ii) élaborer des politiques et des programmes conformément aux lois et règlements applicables.

 

[16]           La lettre d’attestation explique également en quoi consistait les fonctions du demandeur en sa qualité de directeur des soins de santé – directeur de district : (i) superviser et gérer les activités d’un service régional; (ii) élaborer des tactiques et un plan d’action pour favoriser les communications avec les responsables du milieu de la santé; (iii) s’assurer que les renseignements médicaux et les données relatives aux maladies et aux thérapies soient transmis aux responsables du milieu de la santé conformément aux lois et règlements applicables régissant l’entreprise et à son code de déontologie, notamment en ce qui concerne ses interactions avec les professionnels de la santé.

 

[17]           Dans l’affidavit qu’il a déposé devant notre Cour, le demandeur allègue que les fonctions de son emploi consistaient à planifier, organiser, contrôler, évaluer et fournir des services de santé, y compris établir des diagnostics et traiter des patients.

 

[18]           Le 26 septembre 2009, le demandeur a soumis sa demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) au titre de la catégorie 0311 de la Classification nationale des professions – Directeurs/directrices des soins de santé [la catégorie 0311 de la CNP].

 

[19]           Le 30 mars 2012, le premier agent a rendu la décision sous‑jacente dans laquelle il a conclu que la demande de résidence permanente ne pouvait être traitée parce que le demandeur n’avait pas démontré qu’il accomplissait les actes énumérés dans l’énoncé principal de la description de la profession visée par la catégorie 0311 de la CNP [l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP ] ou qu’il exécutait toutes les fonctions essentielles et une partie appréciable des fonctions principales énoncées dans la description de la profession visée par la catégorie 0311 de la CNP [la description de la catégorie 0311 de la CNP].

 

[20]           Le 27 avril 2012, le demandeur a sollicité le réexamen de la décision sous‑jacente au motif qu’il avait démontré qu’il faisait partie de la catégorie 0311 de la CNP.

 

[21]           Le 23 mai 2012, le second agent a rejeté la demande de réexamen.

 

IV. Décision à l’examen

[22]           Le premier agent a estimé que la demande de résidence permanente ne pouvait être traitée au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) selon le paragraphe 12(2) de la LIPR et le paragraphe 75(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227. Le premier agent s’est dit d’avis que le demandeur ne satisfaisait pas aux critères précisés dans les instructions ministérielles [IM‑1], établies en application du paragraphe 87.3(3) de la LIPR et publiées à la partie I de la Gazette du Canada le 29 novembre 2008.

 

[23]           Le premier agent a expliqué que les IM‑1 prévoient que les demandes présentées au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) ne peuvent être traitées que si le demandeur : (i) a une offre d’emploi réservé; (ii) réside légalement au Canada et se trouve au Canada depuis au moins un an à titre de travailleur étranger temporaire ou d’étudiant international; (iii) a accumulé au cours des dix dernières années au moins une année continue d’expérience de travail à temps plein ou l’équivalent dans une des professions énumérées.

 

[24]           Le premier agent a reconnu que la profession 0311 de la CNP constituait une des professions visées par les IM‑1, mais a estimé que le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait accompli les actes décrits dans l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP ou exercé toutes les fonctions essentielles et une partie appréciable des fonctions principales de la description de la catégorie 0311 de la CNP.

 

[25]           Le premier agent a estimé que les fonctions décrites par le demandeur à l’annexe 3 de sa demande de résidence permanente et dans l’attestation d’emploi ne correspondaient pas aux actes décrits dans l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP ou aux fonctions essentielles ou aux fonctions principales précisées dans la description de la catégorie 0311 de la CNP. Le premier agent a également expliqué que, selon l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP et la description de la catégorie 0311 de la CNP, la catégorie 0311 de la CNP concernait les directeurs des soins de santé qui travaillent dans des établissements qui offrent des soins de santé tels que des centres hospitaliers, des cliniques médicales, des centres de soins de longue durée et autres établissements de santé. L’agent s’est dit d’avis que, comme l’employeur du demandeur était une société pharmaceutique, il n’offrait pas des soins de santé au sens de l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP et de la description de la catégorie 0311 de la CNP. Par conséquent, l’agent n’était pas convaincu que le demandeur avait participé à la prestation de soins de santé. La description de ses fonctions correspondait davantage à celle de la catégorie professionnelle 0611 de la CNP – directeurs/directrices des ventes, du marketing et de la publicité [catégorie 0611 de la CNP].

 

[26]           Le premier agent a également estimé que la demande de résidence permanente du demandeur ne pouvait pas être traitée au titre de la catégorie 0611 de la CNP parce que celle‑ci ne faisait pas partie des professions énumérées dans les IM‑1.

 

[27]           Le second agent a refusé de réexaminer la décision sous‑jacente après avoir examiné le dossier du demandeur et avoir conclu que la conclusion à laquelle il était parvenu dans la décision sous‑jacente était légitime. L’agent a fait observer que, suivant l’auteur de la décision sous‑jacente, le demandeur n’avait pas établi qu’il possédait de l’expérience professionnelle dans la catégorie 0311 de la CNP.

 

[28]           Le second agent a également fait observer que, suivant le site Web de Citoyenneté et Immigration Canada et d’autres publications, les décisions portant sur l’admissibilité des demandes de résidence permanente sont fondées sur les pièces soumises par les demandeurs. Le second agent a également expliqué que les demandeurs ne sont pas convoqués à une entrevue et qu’on ne leur demande pas de fournir des éclaircissements ou des documents complémentaires. Suivant le second agent, les demandeurs ont toujours eu l’obligation de fournir des renseignements au sujet des fonctions qu’ils exercent dans le cadre de leur emploi pour confirmer l’admissibilité de leur demande de résidence permanente.

 

[29]           On trouve la mention suivante dans les notes consignées par le second agent dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration [les notes du STIDI] : [traduction] « Demande de réexamen reçue par courriel le 27 mars 2012. Aucun renseignement fourni justifiant la réouverture du dossier. Confirmation du refus envoyé aujourd’hui par courriel. » (Dossier de la demande, à la page 71).

 

V. Questions en litige

[30]           (1)  Le refus du premier agent de réexaminer la décision sous‑jacente constitue‑t‑il une décision?

(2)  Le premier agent a‑t‑il commis une erreur en refusant de rouvrir la demande de résidence permanente parce que la décision sous‑jacente était déraisonnable ou violait les principes d’équité procédurale?

 

VI. Dispositions législatives applicables

[31]           Les dispositions législatives applicables de la LIPR se trouvent à l’annexe A.

 

[32]           Les dispositions pertinentes des instructions ministérielles MI‑1 sont reproduites à l’annexe B.

 

[33]           La Cour renvoie par ailleurs à l’annexe C pour les passages pertinents de l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP et de la description de la catégorie 0311 de la CNP.

 

VII. Thèse des parties

[34]           Le demandeur affirme que le rejet de sa demande de réexamen constitue une décision parce que ce rejet équivaut à un nouvel exercice du pouvoir discrétionnaire. Suivant le demandeur, le second agent a commis une erreur en exerçant ce pouvoir discrétionnaire parce que la décision sous‑jacente était déraisonnable et violait les principes d’équité procédurale. Le demandeur affirme que rien n’oblige à fournir de nouveaux éléments à l’appui de chaque demande de réexamen d’une demande de résidence permanente et qu’un tribunal administratif peut, dans des circonstances exceptionnelles, rouvrir un dossier s’il est dans l’intérêt de la justice de le faire.

 

[35]           Quant au caractère déraisonnable de la décision sous‑jacente, le demandeur affirme qu’il était déraisonnable de conclure qu’il n’accomplissant pas les actes décrits dans l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP. Suivant le demandeur, le premier agent n’a pas suffisamment expliqué dans ses motifs la différence entre l’évaluation du 19 mars 2010  dans laquelle il a été jugé que sa demande de résidence permanente pouvait être traitée  et la décision définitive du 30 mars 2012  dans laquelle il a été jugé que sa demande ne pouvait pas être traitée. Le demandeur soutient qu’une décision insuffisamment motivée ne répond pas aux critères de transparence et d’intelligibilité de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190. Le demandeur affirme également que les objectifs de la LIPR (énoncés au paragraphe 3(1)) militent en faveur de sa cause.

 

[36]           Le demandeur affirme également qu’il était déraisonnable de conclure qu’il n’exerçait pas toutes les fonctions essentielles et une partie appréciable des fonctions principales énumérées dans la description de la catégorie 0311 de la CNP. Le demandeur se plaint du fait qu’on ne trouve pas une liste des fonctions essentielles dans la description de la catégorie 0311 de la CNP et affirme que les fonctions qui sont décrites à l’annexe 3 de sa demande de résidence permanente et dans l’attestation d’emploi correspondent aux fonctions principales énumérées dans la description de la catégorie 0311 de la CNP. Le demandeur explique que son employeur (en tant que chercheur, concepteur et fournisseur de produits pharmaceutiques de calibre mondial) est intimement lié à l’administration de médicaments de laboratoire, ajoutant que sa formation médicale fait en sorte qu’il appartient d’emblée à la catégorie 0311 de la CNP et qu’on devrait tirer une conclusion favorable du fait que la description de ses fonctions à l’annexe 3 correspond au libellé de la description de la catégorie 0311 de la CNP sans aller jusqu’à la reprendre mot à mot. Finalement, le demandeur soutient que, comme les motifs de l’agent n’expliquent pas pourquoi ce dernier a estimé que le demandeur n’exécutait pas toutes les fonctions essentielles et une partie appréciable des fonctions principales énoncées dans la description de la catégorie 0311 de la CNP, les motifs qu’il a exposés étaient insuffisants et déraisonnables.

 

[37]           Le demandeur affirme par ailleurs que le premier agent a interprété de façon déraisonnablement étroite les expressions « prestation des soins de santé » et « établissements de santé » que l’on trouve dans l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP. Suivant le demandeur, les activités pharmaceutiques de son employeur ne sauraient être dissociées de la prestation des soins de santé dans le contexte canadien actuel. Il ajoute que l’interprétation que le premier agent a faite de ces termes reposait sur ses connaissances et suppositions personnelles au sujet d’Eli Lilly plutôt que sur les éléments de preuve qui lui avaient été soumis.

 

[38]           Le demandeur affirme que l’équité procédurale obligeait le premier agent à demander des observations complémentaires étant donné que la question fondamentale à trancher était celle de la portée et du sens de l’énoncé principal et de la catégorie 0311 de la CNP et de la description de la catégorie 0311 de la CNP. Suivant le demandeur, les principes de justice naturelle obligeaient le premier agent à lui permettre de fournir des éclaircissements au sujet du travail qu’il faisait chez Eli Lilly. À l’appui de cet argument, le demandeur cite le Guide opérationnel – Guide de traitement des demandes à l’étranger (OP 1), Procédures, qui, à son avis, précise que le demandeur doit avoir la possibilité d’éclaircir les doutes que l’agent peut avoir à son sujet et se voir offrir la possibilité de présenter des éléments de preuve et faire valoir son point de vue.

 

[39]           Le défendeur admet que le rejet de la demande de réexamen constitue une décision, mais il estime que le second agent n’a pas commis d’erreur parce que la décision sous‑jacente était raisonnable et qu’elle n’allait pas à l’encontre des principes d’équité procédurale.

 

[40]           Suivant le défendeur, il n’existe pas en droit administratif d’obligation générale de réexaminer une demande de résidence permanente ou d’obligation de motiver de façon détaillée le refus de réexaminer une telle demande. Le défendeur propose le critère suivant en ce qui concerne le refus de réexaminer une demande de résidence permanente : (i) le tribunal administratif a‑t‑il agi de façon déraisonnable en refusant de rouvrir la demande après avoir reçu des renseignements complémentaires importants? (ii) le tribunal administratif a‑t‑il agi de façon déraisonnable en ne motivant pas de façon plus détaillée son refus de réexaminer la demande? Le défendeur soutient que, comme les IM‑1 exigent que ceux qui présentent une demande de résidence permanente soumettent un dossier complet, il n’est pas déraisonnable que le système de réexamen des demandes soit conçu de manière à inciter les demandeurs à faire preuve de diligence raisonnable lorsqu’ils préparent et soumettent leur demande. Le défendeur affirme également que le refus de réexaminer la demande n’est pas déraisonnable parce que, lorsqu’il a soumis sa demande de réexamen, le demandeur n’a pas présenté d’éléments de preuve ou demandé de délai pour en présenter.

 

[41]           En ce qui a trait à la décision sous‑jacente, le défendeur rétorque que les fonctions principales énumérées dans l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP et dans la description de la catégorie 0311 de la CNP ne correspondent pas aux fonctions de l’emploi du demandeur énumérées à l’annexe 3 de sa demande de résidence permanente et dans son attestation d’emploi. Le défendeur affirme que les fonctions énumérées dans le deuxième document ne ressemblent pas à celles prévues dans le premier, qui sont de nature médicale. Suivant le défendeur, la question à laquelle le premier agent devait répondre était celle de savoir si le demandeur exécutait les fonctions principales d’une personne occupant un poste de la catégorie 0311 de la CNP et non s’il possédait un diplôme ou un titre professionnel. Le défendeur estime également qu’on ne peut reprocher aux motifs du premier agent de manquer de transparence ou d’intelligibilité.

 

[42]           Suivant le défendeur, le demandeur n’a pas démontré qu’il travaillait pour un établissement de santé. Le défendeur soutient que le premier agent n’a pas fondé sa conclusion sur ses connaissances ou suppositions personnelles au sujet de la profession exercée par le demandeur, mais sur l’insuffisance des éléments de preuve présentés par le demandeur. Le défendeur affirme en outre que la Cour ne peut tenir compte des explications fournies par le demandeur dans son affidavit, étant donné que le premier agent ne disposait pas de ces renseignements.

 

[43]           Suivant le défendeur, le premier agent n’avait pas l’obligation de chercher à obtenir des éclaircissements du demandeur dès lors que la preuve présentée était insuffisante ou ne satisfaisait pas aux exigences de la loi. Le défendeur cite, à l’appui de cet argument, l’OP 6A – « Travailleurs qualifiés (fédéral) – demandes reçues à compter du 27 février 2008 et avant le 26 juin 2010 », qui prévoit : « Le bureau des visas évalue la demande telle quelle […] Aucune demande de suivi pour un document manquant n’est requise […] Si le demandeur n’a pas présenté assez de renseignements pour permettre de déterminer si sa demande est admissible au traitement, une décision défavorable en ce qui concerne l’admissibilité doit être rendue » (Dossier du défendeur, annexe D, à la page 69).

 

VIII. Analyse

Norme de contrôle

[44]           La question de savoir si le refus de l’agent de réexaminer la décision sous‑jacente constitue ou non une décision est une question de droit assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte (Dong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1108). La décision rendue en réponse à une demande de réexamen d’une demande de résidence permanente comporte l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire et est donc assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Trivedi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 422).

 

[45]           Pour ce qui est de la décision sous‑jacente, les parties s’entendent pour dire que les décisions portant sur l’admissibilité à la résidence permanente à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) sont fondées sur l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire qui donne lieu à l’application de la norme de la décision raisonnable (Ismaili c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 351) et que celles sur les questions d’équité procédurale sont assujetties à la norme de la décision correcte (Talpur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 25).

 

[46]           Lorsque c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique, la Cour ne doit intervenir que si l’agent est parvenu à une conclusion qui n’est pas « transparente, justifiable et intelligible ». Pour satisfaire à cette norme, la décision doit également appartenir aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

[47]           Pour contester la décision sous‑jacente, le demandeur affirme que le premier agent n’a pas suffisamment motivé sa décision. Toutefois, si des motifs ont été fournis, la Cour suprême du Canada a expliqué, dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, que la contestation du raisonnement ou du résultat doit être examinée dans le cadre de l’analyse du caractère raisonnable. Suivant l’arrêt Newfoundland Nurses, « les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles » (au paragraphe 14). La cour de révision « ne doit donc pas substituer ses propres motifs à ceux de la décision [qu’elle examine] mais peut toutefois […] examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat » (au paragraphe 15).

 

(1)  Le refus du premier agent de réexaminer la décision sous‑jacente constitue‑t‑il une décision?

 

[48]           Les deux parties s’entendent pour dire que le refus du second agent de réexaminer la demande de résidence permanente constitue une décision. La Cour est du même avis. Dans le courriel dans lequel il a communiqué son refus au demandeur, le second agent écrit : [traduction] « J’ai examiné votre dossier et je suis convaincu que la conclusion dans votre dossier était légitime » (à la page 6). Dans la décision Dong, précitée, le juge Paul Crampton, alors juge à la Cour fédérale, explique que les décisions faisant l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour doivent être le résultat d’un « nouvel exercice du pouvoir discrétionnaire » (au paragraphe 19). En l’espèce, on peut conclure qu’il y a eu un nouvel exercice du pouvoir discrétionnaire étant donné que le second agent a examiné la demande de résidence permanente et qu’il s’est dit convaincu que la conclusion à laquelle le premier agent était parvenu dans la décision sous‑jacente était légitime.

 

(2)  Le premier agent a‑t‑il commis une erreur en refusant de rouvrir la demande de résidence permanente parce que la décision sous‑jacente était déraisonnable ou violait les principes d’équité procédurale?

 

[49]           Dans la décision Trivedi, précitée, le juge Crampton a déclaré qu’il « n’existe pas d’obligation générale d’examiner à nouveau une demande de résidence permanente après réception de nouveaux renseignements, et il n’y a pas d’obligation générale de fournir des motifs détaillés justifiant la décision de ne pas le faire » (au paragraphe 30). Néanmoins, dans l’arrêt Kurukkal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CAF 230, la Cour d’appel fédérale a jugé que « le principe du functus officio ne s’applique pas strictement dans les procédures administratives de nature non juridictionnelle et que, si les circonstances s’y prêtent, le décideur administratif a le pouvoir discrétionnaire de réexaminer sa décision » (au paragraphe 3). Suivant l’arrêt Kurukkal, « à cette étape‑là [celle de la demande de réexamen], l’obligation de l’agent d’immigration était de décider, compte tenu de l’ensemble des circonstances pertinentes, s’il y avait lieu d’exercer le pouvoir discrétionnaire de réexaminer sa décision » (au paragraphe 5).

 

[50]           Dans le cas qui nous occupe, il était raisonnable de refuser la demande de réexamen du demandeur parce que la décision sous‑jacente était raisonnable et qu’il n’y avait pas de manquement à l’équité procédurale. Comme cela suffit pour trancher la demande, il n’est pas nécessaire d’examiner les arguments du demandeur suivant lesquels il n’est pas nécessaire de présenter de nouveaux éléments de preuve pour demander un réexamen.

 

[51]           Quant à la décision sous‑jacente, il était raisonnable de conclure que le demandeur n’avait pas démontré qu’il accomplissait les actes décrits dans l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP ou qu’il exerçait toutes les fonctions essentielles et une partie appréciable des fonctions principales dans la description de la catégorie 0311 de la CNP. La décision de refuser de traiter la demande de résidence permanente était défendable sur ce fondement.

 

[52]           Aux termes du paragraphe 87.3(2) de la LIPR, le traitement des demandes de résidence permanente se fait de la manière qui, selon le ministre, est la plus susceptible d’aider l’atteinte des objectifs fixés pour l’immigration par le gouvernement fédéral. L’alinéa 87.3(3)d) de la LIPR permet au ministre de donner des instructions sur le traitement des demandes, notamment des instructions régissant la disposition des demandes. Le paragraphe 87.3(6) de la LIPR prévoit que ces instructions sont publiées dans la Gazette du Canada.

 

[53]           Les IM‑1 ont été, conformément au paragraphe 87.3(6) de la LIPR, publiées dans la partie I de la Gazette du Canada le 28 novembre 2008 et sont entrées en vigueur le jour de leur publication.

 

[54]           Suivant les IM‑1, les demandes présentées par des travailleurs qualifiés (fédéral) sont traitées en priorité dès leur réception dès lors qu’elles : (i) sont accompagnées d’une offre d’emploi réservé; (ii) sont présentées par un étranger vivant légalement au Canada depuis au moins une année à titre de travailleur étranger temporaire ou d’étudiant étranger; (iii) sont présentées par un travailleur qualifié qui a accumulé au cours des dix dernières années au moins une année continue d’expérience de travail à temps plein ou l’équivalent dans une des professions figurant dans la Classification nationale des professions [profession visée par la CNP]. La catégorie 0311 de la CNP est une profession visée par la CNP au sens des IM‑1.

 

[55]           L’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP précise que la catégorie 0311 de la CNP comprend notamment des directeurs qui planifient, organisent, dirigent, contrôlent et évaluent la prestation des services des soins de santé, tels que le diagnostic et le traitement et les soins infirmiers et thérapeutiques dans des établissements assurant la prestation des soins de santé. L’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP explique que les directeurs/directrices des soins de santé sont des personnes travaillant dans des centres hospitaliers, des cliniques médicales, des centres de soins de longue durée et autres établissements de soins de santé, ce qui contredit l’affirmation du demandeur suivant laquelle l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP [traduction] : « n’exige pas que [le demandeur] travaille dans un établissement [de soins de santé] » (affidavit du demandeur, au paragraphe 34).

 

[56]           La description de la profession 0331 de la CNP n’énumère aucune fonction essentielle, mais énonce les fonctions principales suivantes, dont les directeurs/directrices des soins de santé s’acquittent en totalité ou en partie : (i) planifier, organiser, diriger, contrôler et évaluer la prestation des services des soins de santé au sein d’un service ou d’un établissement; (ii) consulter les conseils d’administration et les cadres supérieurs afin de maintenir et de formuler des normes pour la prestation des soins de santé; (iii) élaborer des systèmes d’évaluation afin de surveiller la qualité des soins de santé donnés aux patients; (iv) surveiller l’utilisation des services diagnostiques, des lits pour les patients hospitalisés et des autres installations afin de s’assurer que les ressources sont utilisées avec efficacité et efficience; (v) préparer et mettre en application des plans pour des nouveaux programmes, des projets spéciaux, des projets d’acquisition de matériel et d’appareils ainsi que des projets de dotation dans leur service ou entreprise; (vi) planifier et contrôler le budget du service ou de l’établissement; (vii) représenter le service ou l’établissement lors de réunions avec des représentants du gouvernement, le grand public, les médias et autres organismes; (viii) surveiller les activités des superviseurs en soins de santé et des autres professionnels; (ix) recruter le personnel médical du service ou de l’établissement.

 

[57]           La description de la catégorie 0311 de la CNP précise également que les directeurs des soins de santé se spécialisent dans l’administration de soins de santé particuliers tels que la diététique, la médecine clinique, la médecine de laboratoire, les soins infirmiers, la physiothérapie ou la chirurgie.

 

[58]           Les fonctions exercées par le demandeur dans le cadre de son emploi (selon l’annexe 3 de sa demande de résidence permanente et son attestation d’emploi) ressemblent à certaines des fonctions principales énumérées dans la description de la catégorie 0311 de la CNP. Suivant la preuve présentée par le demandeur, ses fonctions consistaient à : (i) planifier, organiser et contrôler directement la prestation d’une forme ou d’une autre de soins de santé chez Eli Lilly; (ii) préparer et mettre en application des plans pour des nouveaux programmes, des projets spéciaux, des projets d’acquisition de matériel et d’appareils et gérer les niveaux de dotation futurs; (iii) planifier et contrôler des budgets; (iv) représenter Eli Lilly lors de réunions avec des organisations du milieu médical.

 

[59]           Pour conclure que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences des IM‑1, le premier agent s’est essentiellement fondé sur le lieu où il travaillait, en l’occurrence, chez Eli Lilly, pour tirer ses conclusions au sujet de la nature des fonctions qu’il exerçait dans le cadre de son emploi. Contrairement à ce que prétend le demandeur, il était loisible au premier agent de tirer des conclusions à partir de faits de notoriété publique, à savoir qu’Eli Lilly est une entreprise d’envergure mondiale qui œuvre dans le domaine de la recherche, de la conception et de la distribution de produits pharmaceutiques. Dans l’arrêt Canepa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1992] 3 CF 270, la Cour d’appel fédérale a jugé qu’un tribunal administratif pouvait tirer des conclusions de fait sur des faits de notoriété publique sans avoir à informer l’intéressé de son intention d’en prendre connaissance judiciaire (au paragraphe 27). Dans la décision Obot c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 208, le juge Richard Mosley s’est également penché sur la question de l’élargissement du concept de la connaissance d’office des tribunaux administratifs, et a conclu que ceux‑ci « ne pourrai[en]t intervenir que lorsque nul ne conteste les faits » (au paragraphe 24). Dans le cas qui nous occupe, on aurait pu contester les conclusions que le premier agent a tirées en se fondant sur le fait qu’Eli Lilly est une société pharmaceutique, mais la question de savoir si Eli Lilly est une société pharmaceutique est en soi un fait à l’abri de toute contestation de la part de personnes raisonnables.

 

[60]           La décision Ismaili, précitée, qui a été rendue par la juge Marie‑Josée Bédard et que le demandeur cite, est à distinguer de la présente affaire sur ce point. Cette décision appuie le principe que les demandeurs ne peuvent s’attendre à ce que les tribunaux administratifs suppléent aux lacunes de la preuve en se fondant sur leurs connaissances personnelles et leurs suppositions (au paragraphe 23). La décision Ismaili n’empêche pas l’agent de tirer ses propres déductions à partir de faits de notoriété publique.

 

[61]           Il serait donc raisonnable de conclure que les expressions « prestation des services de soins de santé » et « établissements de santé », employées dans l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP et dans la description de la catégorie 0311 de la CNP, n’englobaient pas les activités exercées par le demandeur.

 

[62]           Il ne serait par ailleurs pas déraisonnable de penser que la planification, l’organisation, la direction, le contrôle et l’évaluation de la « prestation des services de soins de santé » se font dans un contexte dans lequel il y a un certain contact direct avec le patient. L’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP donne comme exemple d’activités répondant à la définition de « prestation des services de soins de santé »: (i) le diagnostic; (ii) le traitement; (iii) les soins infirmiers; (iv) les soins thérapeutiques. Le dénominateur commun de ces activités est le fait de dispenser des services dans le cadre d’une interaction directe avec le patient. Les fonctions principales de la description de la catégorie 0311 de la CNP confirment cette analyse. Le dénominateur commun de ces fonctions principales est la prestation de services dans un contexte où il existe une interaction directe entre la personne qui offre les soins de santé et le patient à qui ils sont destinés.

 

[63]           On pourrait par ailleurs raisonnablement inférer le sens de l’expression « autres établissements de santé » que l’on trouve dans la description de la catégorie 0311 de la CNP à partir des mots qui précèdent cette expression. Dans l’arrêt Banque nationale de Grèce (Canada) c Katsikonouris, [1990] 2 RCS 1029, la Cour suprême du Canada explique que « [q]uel que soit le document particulier qui est interprété, lorsque l’on trouve une clause qui énonce une liste de termes précis suivie d’un terme général, il conviendra normalement de limiter le terme général au genre de l’énumération restreinte qui le précède » (au paragraphe 12). La portée de l’expression générale « établissements de santé » est restreinte par les établissements qui la précèdent dans l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP (centres hospitaliers, cliniques médicales, centres de soins de longue durée). Il s’agit d’établissements où il existe une interaction directe avec le patient lors de la prestation des soins de santé. Il semblerait raisonnable de conclure que les « établissements de santé » visés dans l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP sont des établissements dans lesquels les soins de santé sont prodigués directement aux patients.

 

[64]           Le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve tendant à démontrer qu’il travaillait dans un établissement de santé ou fournissait des services de soins de santé au sens de l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP ou de la description professionnelle. Il n’y a rien au dossier qui démontre qu’il dirigeait un établissement dans lequel des services de soins de santé étaient fournis directement à des patients. D’ailleurs, bon nombre des fonctions que le demandeur exerçait dans le cadre de son emploi donnent à penser qu’il supervisait l’interaction de ses employés avec des membres de la communauté médicale plutôt qu’avec des patients. Une seule des fonctions qu’exerçait le demandeur semble avoir comporté une interaction directe avec des patients. Ainsi, en tant que directeur des soins de santé – chef régional de marque et en tant que directeur des soins de santé – directeur principal de marque, le demandeur élaborait des stratégies de communication à l’intention du corps médical et des patients. Même ces éléments de preuve ténus ne permettent pas de conclure qu’il travaillait dans un établissement de santé ou qu’il administrait des soins de santé parce que la nature précise de ces communications ambiguës n’a pas été précisée dans la preuve.

 

[65]           On peut par ailleurs légitimement déduire que le demandeur n’exécutait pas les actes et les fonctions énumérés dans l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP et la description de la catégorie 0311 de la CNP du fait qu’il travaillait pour Eli Lilly, une société pharmaceutique bien connue. Le premier agent ne disposait d’aucun élément de preuve permettant d’affaiblir cette inférence. Il incombe à quiconque présente une demande au titre de la catégorie des travailleurs étrangers qualifiés de fournir suffisamment de documents justificatifs et de preuves au sujet de ses emplois antérieurs et de « présenter la meilleure preuve possible » (décision Ismaili, précitée, au paragraphe 18).

 

[66]           La Cour ne conclut pas nécessairement que l’employé d’une société pharmaceutique ne peut jamais travailler pour un établissement de santé ou administrer des soins de santé au sens de l’énoncé principal ou de la description. La Cour conclut que, vu l’ensemble de la preuve dont il disposait, le premier agent a conclu de façon raisonnable que le demandeur n’a pas démontré qu’il accomplissait les actes décrits dans l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP parce qu’il n’a pas démontré que son emploi tombait sous le coup des expressions « prestation des services de soins de santé » et « établissements de santé ». Étant donné que les fonctions principales décrites dans la description de la catégorie 0311 de la CNP comportaient toute la prestation de soins de santé ou concernaient des établissements de santé, il serait également raisonnable de conclure que le demandeur n’exécutait pas une partie appréciable des fonctions principales en question.

 

[67]           Les études du demandeur étaient un facteur neutre, s’agissant de déterminer s’il satisfaisait aux critères des IM‑1, parce que l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP et la description de la catégorie 0311 de la CNP sont axés sur les fonctions du poste plutôt que sur la formation académique (Tabañag c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1293, au paragraphe 22).

 

[68]           La décision sous‑jacente est également défendable sur le fondement de l’équité procédurale. Il est bien établi que « lorsque les réserves découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre » (Hassani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, [2007] 3 RCF 501, au paragraphe 24).

 

IX. Conclusion

[69]           Le soussigné tient à remercier le demandeur et le défendeur pour la très grande qualité des observations écrites qu’ils ont formulées dans le cadre de la présente demande.

 

[70]           Pour tous les motifs qui ont été exposés, la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur est rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la demande de contrôle judiciaire du demandeur. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


ANNEXE A

 

Voici les dispositions législatives pertinentes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 :

87.3      (1) Le présent article s’applique aux demandes de visa et autres documents visées au paragraphe 11(1) – sauf à celle faite par la personne visée au paragraphe 99(2) –, aux demandes de parrainage faites par une personne visée au paragraphe 13(1), aux demandes de statut de résident permanent visées au paragraphe 21(1) ou de résident temporaire visées au paragraphe 22(1) faites par un étranger se trouvant au Canada, aux demandes de permis de travail ou d’études ainsi qu’aux demandes prévues au paragraphe 25(1) faites par un étranger se trouvant hors du Canada.

 

(2) Le traitement des demandes se fait de la manière qui, selon le ministre, est la plus susceptible d’aider l’atteinte des objectifs fixés pour l’immigration par le gouvernement fédéral.

 

 

(3) Pour l’application du paragraphe (2), le ministre peut donner des instructions sur le traitement des demandes, notamment des instructions :

 

a) prévoyant les groupes de demandes à l’égard desquels s’appliquent les instructions;

 

a.1) prévoyant des conditions, notamment par groupe, à remplir en vue du traitement des demandes ou lors de celui‑ci;

 

 

b) prévoyant l’ordre de traitement des demandes, notamment par groupe;

 

 

c) précisant le nombre de demandes à traiter par an, notamment par groupe;

 

 

d) régissant la disposition des demandes dont celles faites de nouveau.

 

 

 

 

(3.1) Les instructions peuvent, lorsqu’elles le prévoient, s’appliquer à l’égard des demandes pendantes faites avant la date où elles prennent effet.

 

(3.2) Il est entendu que les instructions données en vertu de l’alinéa (3)c) peuvent préciser que le nombre de demandes à traiter par an, notamment par groupe, est de zéro.

 

 

(4) L’agent – ou la personne habilitée à exercer les pouvoirs du ministre prévus à l’article 25 – est tenu de se conformer aux instructions avant et pendant le traitement de la demande; s’il ne procède pas au traitement de la demande, il peut, conformément aux instructions du ministre, la retenir, la retourner ou en disposer.

 

 

(5) Le fait de retenir ou de retourner une demande ou d’en disposer ne constitue pas un refus de délivrer les visa ou autres documents, d’octroyer le statut ou de lever tout ou partie des critères et obligations applicables.

 

 

(6) Les instructions sont publiées dans la Gazette du Canada.

 

(7) Le présent article n’a pas pour effet de porter atteinte au pouvoir du ministre de déterminer de toute autre façon la manière la plus efficace d’assurer l’application de la loi.

 

87.3      (1) This section applies to applications for visas or other documents made under subsection 11(1), other than those made by persons referred to in subsection 99(2), to sponsorship applications made by persons referred to in subsection 13(1), to applications for permanent resident status under subsection 21(1) or temporary resident status under subsection 22(1) made by foreign nationals in Canada, to applications for work or study permits and to requests under subsection 25(1) made by foreign nationals outside Canada.

 

 

(2) The processing of applications and requests is to be conducted in a manner that, in the opinion of the Minister, will best support the attainment of the immigration goals established by the Government of Canada.

 

(3) For the purposes of subsection (2), the Minister may give instructions with respect to the processing of applications and requests, including instructions

 

(a) establishing categories of applications or requests to which the instructions apply;

 

(a.1) establishing conditions, by category or otherwise, that must be met before or during the processing of an application or request;

 

(b) establishing an order, by category or otherwise, for the processing of applications or requests;

 

(c) setting the number of applications or requests, by category or otherwise, to be processed in any year; and

 

(d) providing for the disposition of applications and requests, including those made subsequent to the first application or request.

 

(3.1) An instruction may, if it so provides, apply in respect of pending applications or requests that are made before the day on which the instruction takes effect.

 

(3.2) For greater certainty, an instruction given under paragraph (3)(c) may provide that the number of applications or requests, by category or otherwise, to be processed in any year be set at zero.

 

(4) Officers and persons authorized to exercise the powers of the Minister under section 25 shall comply with any instructions before processing an application or request or when processing one. If an application or request is not processed, it may be retained, returned or otherwise disposed of in accordance with the instructions of the Minister.

 

(5) The fact that an application or request is retained, returned or otherwise disposed of does not constitute a decision not to issue the visa or other document, or grant the status or exemption, in relation to which the application or request is made.

 

(6) Instructions shall be published in the Canada Gazette.

 

(7) Nothing in this section in any way limits the power of the Minister to otherwise determine the most efficient manner in which to administer this Act.

 


ANNEXE B

 

Voici les dispositions pertinentes des instructions ministérielles [IM‑I] :

Les demandes présentées par des travailleurs qualifiés (fédéral) à partir du 27 février 2008 et qui répondent aux critères suivants doivent être traitées en priorité dès leur réception :

 

‑ Demandes présentées avec une offre d’emploi réservé et demandes présentées par des étrangers vivant légalement au Canada depuis au moins une année à titre de travailleurs étrangers temporaires ou d’étudiants étrangers;

 

‑ Demandes présentées par des travailleurs qualifiés (fédéral) accompagnées d’une preuve d’expérience (voir référence 1) dans l’une ou plusieurs des catégories suivantes de la Classification nationale des professions (CNP) :

 

[...]

 

0311 Directeurs/directrices des soins de santé

 

Référence 1

Au moins une année d’expérience professionnelle continue à temps plein ou l’équivalent rémunéré, au cours des dix dernières années.

Federal Skilled Worker applications submitted on or after February 27, 2008, meeting the following criteria shall be placed into processing immediately upon receipt:

 

 

‑ Applications submitted with an offer of Arranged Employment and applications submitted by foreign nationals residing legally in Canada for at least one year as Temporary Foreign Workers or International Students;

 

‑ Applications from skilled workers with evidence of experience (see footnote 1) under one or more of the following National Occupation Classification (NOC) categories:

 

 

...

 

0311 Managers in Health Care

 

 

Footnote 1

At least one year of continuous full‑time or equivalent paid work experience in the last ten years.

 

 


ANNEXE C

 

Voici les dispositions applicables de l’énoncé principal de la catégorie 0311 de la CNP et de la description de la catégorie 0311 de la CNP :

Les directeurs des soins de santé planifient, organisent, dirigent, contrôlent et évaluent la prestation des services des soins de santé tels que le diagnostic et le traitement et les soins infirmiers et thérapeutiques dans des établissements assurant la prestation des soins de santé et d’autres établissements. Ils travaillent dans des centres hospitaliers, des cliniques médicales, des centres de soins de longue durée et d’autres organismes en soins de santé.

 

[...]

 

Les directeurs des soins de santé exercent une partie ou l’ensemble des fonctions suivantes :

 

•planifier, organiser, diriger, contrôler et évaluer la prestation des services des soins de santé au sein d’un service dans un établissement de santé, ou dans d’autres milieux de soins de santé;

 

•consulter les conseils d’administration et les cadres supérieurs afin de maintenir et de formuler des normes pour la prestation des soins de santé;

 

•élaborer des systèmes d’évaluation afin de surveiller la qualité des soins de santé donnés aux patients;

 

•surveiller l’utilisation des services diagnostiques, des lits pour les patients hospitalisés et des autres installations afin de s’assurer que les ressources sont utilisées avec efficacité et efficience;

 

•préparer et mettre en application des plans pour des nouveaux programmes, des projets spéciaux, des projets d’acquisition de matériel et d’appareils ainsi que des projets de dotation dans leur service ou entreprise;

 

•planifier et contrôler le budget du service ou de l’établissement;

 

•représenter le service ou l’établissement lors de réunions avec des représentants du gouvernement, le grand public, les médias et autres organismes;

 

•surveiller les activités des superviseurs en soins de santé et des autres professionnels;

 

•recruter le personnel médical du service ou de l’établissement.

 

Les directeurs des soins de santé se spécialisent dans l’administration de soins de santé particuliers tels que la diététique, la médecine clinique, la médecine de laboratoire, les soins infirmiers, la physiothérapie ou la chirurgie.

This unit group includes managers who plan, organize, direct, control and evaluate the delivery of health care services, such as diagnosis and treatment, nursing and therapy, within institutions, and in other settings, that provide health care services. They are employed in hospitals, medical clinics, nursing homes and other health care organizations.

 

...

 

 

 

 

Managers in health care perform some or all of the following duties:

 

 

•Plan, organize, direct, control and evaluate the delivery of health care services within a department of a health care institution, or in other settings where health care services are provided

 

•Consult with boards of directors and senior managers to maintain and establish standards for the provision of health care services

 

•Develop evaluation systems to monitor the quality of health care given to patients

 

 

•Monitor the use of diagnostic services, in‑patient beds and facilities to ensure effective use of resources

 

 

 

 

•Develop and implement plans for new programs, special projects, new material and equipment acquisitions and future staffing levels in their department or establishment

 

 

 

•Plan and control departmental or establishment budget

 

 

•Represent the department or establishment at meetings with government officials, the public, the media and other organizations

 

 

 

•Supervise health care supervisors and professionals

 

 

•Recruit health care staff of the department or establishment.

 

 

Managers in health care specialize in administering the provision of specific health care services such as dietetics, clinical medicine, laboratory medicine, nursing, physiotherapy or surgery.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5816‑12

 

INTITULÉ :                                                  SHERIF MOHAMED RASHED c
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 19 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 20 février 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stephen J. Fogarty

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Michèle Joubert

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cabinet de Me Fogarty

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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