Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20130208

Dossier : IMM‑1543‑12

Référence : 2013 CF 147

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 février 2012

En présence de madame la juge Gleason

 

ENTRE :

 

QIN QIN

 

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Après avoir obtenu un baccalauréat ès arts de l’Université York, la demanderesse, une citoyenne chinoise, s’est vu accorder un permis de résidence temporaire d’une durée de trois ans. Elle a été engagée par un petit cabinet d’avocats de Toronto, où elle s’acquittait de tâches administratives et effectuait des travaux de traduction et d’interprétation à l’intention de la clientèle chinoise. Elle a présenté sa demande de résidence permanente au titre de la catégorie de l’expérience canadienne (nouveaux diplômés), une catégorie d’immigration relativement récente prévue à l’article 87.1 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement]

 

[2]               Dans une décision datée du 31 janvier 2012, un agent préposé aux cas de Citoyenneté et Immigration Canada a refusé la demande de visa de résident permanent de la demanderesse, estimant qu’elle n’avait pas l’expérience requise pour être admissible. Il a fondé sa décision sur deux motifs : premièrement, le salaire de la demanderesse lui a paru significativement inférieur au salaire minimal en vigueur à Toronto pour les deux professions au titre desquelles elle tentait d’être admise, à savoir celle d’adjointe administrative juridique (Code 1242 de la Classification nationale des professions [CNP]), et celle de traductrice, terminologue et interprète (Code 5125 de la CNP). Dans l’affidavit qu’il a déposé relativement à cette demande de contrôle judiciaire, l’agent a expliqué qu’il avait obtenu les données comparatives sur les salaires des adjoints juridiques et des traducteurs/interprètes sur le site Web de Ressources humaines et Développement des compétences Canada [RHDCC], lequel fournit des renseignements détaillés sur les salaires horaires associés à chacun des codes de la CNP. Deuxièmement, l’agent a estimé que la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle avait rempli plus qu’une des fonctions principales associées au code 1242 de la CNP et donc qu’elle n’avait pas assez d’expérience dans cet emploi. Les descriptions de la CNP précisent que le titulaire du poste doit exercer « une partie ou l’ensemble » des fonctions énoncées.

 

Les questions en litige

[3]               La présente demande de contrôle judiciaire soulève pour la première fois la question des données sur lesquelles un agent peut s’appuyer pour effectuer une évaluation au titre des nouvelles dispositions réglementaires. Elle soulève également des questions intéressantes en ce qui a trait à la norme de contrôle applicable à la décision de l’agent.

 

[4]               Plus particulièrement, la demanderesse affirme que l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle en tenant compte des données de RHDCC sur les salaires, car ce critère ne figure pas dans les dispositions du Règlement touchant la catégorie de l’expérience canadienne [par opposition à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédérale), qui fait spécifiquement mention du salaire]. Elle fait valoir subsidiairement que l’agent a violé les principes de l’équité procédurale en ne l’informant pas qu’il utiliserait ces données, même s’il était en droit de le faire, car il l’a ainsi privée de la possibilité de répondre. La demanderesse fait valoir à cet égard qu’elle aurait très bien pu fournir des renseignements additionnels (par exemple, de plus amples détails sur son travail, ou une vue d’ensemble des salaires typiques dans les cabinets d’avocats, classés selon la taille du cabinet et le type de pratique; ces informations auraient pu montrer que son salaire n’était pas anormalement bas pour une employée en formation dans un très petit cabinet se consacrant largement à l’aide juridique). La demanderesse soutient en outre que la conclusion de l’agent selon laquelle elle ne remplissait qu’une seule des fonctions principales énumérées sous le code 1242 de la CNP est déraisonnable, puisque la lettre de recommandation qu’elle a soumise indiquait qu’elle remplissait au moins deux des fonctions énoncées, ce qui, suivant la jurisprudence, oblige à conclure que l’expérience professionnelle est conforme aux exigences de la CNP. Enfin, la demanderesse affirme que les paragraphes 14, 15, 18 et 26 de l’affidavit de l’agent doivent être radiés puisqu’ils visent à étayer sa décision, ce qui est inacceptable.

 

[5]               En réponse à ce dernier argument, le défendeur avance que les paragraphes contestés de l’affidavit de l’agent exposent simplement le contexte de la décision et qu’ils sont donc admissibles. Pour ce qui est de l’utilisation par l’agent des données de RHDCC sur le salaire, il soutient que la rémunération associée à une profession est pertinente pour caractériser le travail effectué, et que l’agent a donc eu raison d’en tenir compte. Quant au prétendu manquement à l’équité procédurale, le défendeur affirme qu’il n’était pas nécessaire que l’agent révèle à la demanderesse qu’il examinerait les données de RHDCC sur le salaire puisqu’elles se rapportaient à l’évaluation de son expérience, ce dont il était clairement question. S’agissant de cette évaluation, le défendeur soutient que les conclusions de l’agent sont raisonnables, compte tenu de la preuve dont il disposait. Le défendeur fait valoir un dernier argument selon lequel les documents soumis par la demanderesse ne remplissent pas les exigences du code 5125 de la CNP, ce qui constitue une raison de plus de maintenir la décision de l’agent. Il ajoute à cet égard que la demande serait sûrement rejetée si l’affaire était renvoyée pour réexamen, attendu que la demanderesse doit satisfaire aux exigences des deux professions auxquelles elle prétend avoir consacré suffisamment d’heures de travail pour être admise au titre de la catégorie de l’expérience canadienne, et qu’elle n’a pas rempli celles du code 5125 de la CNP.

 

[6]               Comme nous l’expliquerons plus en détail ci‑après, bien que les décisions faisant autorité de la Cour d’appel imposent d’examiner l’interprétation du Règlement adoptée par l’agent suivant la norme de la décision correcte, la jurisprudence de la Cour suprême du Canada donne à penser que c’est la norme de la raisonnabilité qui doit plutôt s’appliquer. Cependant, la norme de contrôle n’a aucune importance en l’espèce puisque l’agent n’a pas commis d’erreur en tenant compte des données de RHDCC sur le salaire pour évaluer l’expérience professionnelle de la demanderesse, que ce soit au regard du critère de la décision correcte ou de celui de la raisonnabilité. L’équité procédurale l’obligeait toutefois à informer la demanderesse qu’il s’appuierait sur ces données afin qu’elle puisse y répondre. J’ai donc décidé que la décision de l’agent devait être annulée et la demande renvoyée à un autre agent des visas pour réexamen, pour autant que la demanderesse puisse présenter des observations concernant les données de RHDCC sur le salaire. J’ai également conclu que la norme de contrôle applicable à l’évaluation faite par l’agent de l’expérience de la demanderesse en fonction de la description des codes de la CNP était celle de la raisonnabilité; il n’est donc ni nécessaire ni indiqué que je me prononce sur le caractère raisonnable de son évaluation au titre du code 1242 de la CNP, ou que je décide si la demanderesse remplit les exigences du code 5125, puisqu’il appartient d’abord à l’agent des visas de le faire et non à la Cour.

 

[7]               Comme il ressort de ce qui précède, voici les questions qui seront examinées dans le cadre de la présente décision :

i.        Quelle norme de contrôle s’applique aux diverses erreurs alléguées?

ii.      Certaines parties de l’affidavit de l’agent devraient‑elles être radiées?

iii.    L’agent était‑il en droit de tenir compte des données comparatives sur les salaires provenant du site Web de RHDCC dans son évaluation?

iv.    L’agent devait‑il informer la demanderesse qu’il se servirait de ces données?

v.      Devrais‑je me prononcer sur le caractère raisonnable de l’évaluation de l’agent concernant l’expérience de la demanderesse, ou déterminer si cette dernière remplit les exigences du code 5125 de la CNP?

Chacune de ces questions est abordée ci‑après.

 

Quelle norme de contrôle s’applique aux diverses erreurs alléguées?

[8]               La question de savoir quelles parties de l’affidavit de l’agent ont été correctement soumises à la Cour dans le cadre de la présente demande ne fait évidemment pas partie de la décision contrôlée et n’est donc soumise à aucune norme. S’agissant de la quatrième question, il est bien établi que la Cour n’a pas à faire preuve de déférence à l’endroit des décideurs lorsque l’équité procédurale est en jeu (Khosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 229, au paragraphe 43; Zhao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 75, au paragraphe 5). Il m’appartient donc de trancher les questions 2 et 4.

 

[9]               La situation est moins claire en ce qui concerne la question 3, qui suppose de déterminer la norme de contrôle applicable aux décisions des agents des visas et, plus particulièrement, à l’interprétation du Règlement implicitement retenue par l’agent lorsqu’il a choisi de tenir compte des données de RHDCC sur le salaire pour évaluer l’expérience de la demanderesse. Les parties ne s’entendent pas sur ce point : la demanderesse estime que c’est la norme de la décision correcte qui s’applique, tandis que le défendeur invoque celle de la raisonnabilité.

 

[10]           La jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada avance que le contrôle de cette décision appelle la norme de la raisonnabilité, puisque l’agent interprète et applique sa loi habilitante (ou le règlement), ce qui implique normalement un certain degré de déférence (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 54 [Dunsmuir]; Nolan c Kerry (Canada) Inc, 2009 CSC 39, au paragraphe 34 [2009] 2 RCS 678; Celgene Corp c Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, au paragraphe 34, [2011] 1 RCS 3 [Celgene]; Alliance Pipeline Ltd c Smith, 2011 CSC 7, au paragraphe 28, [2011] 1 RCS 160 [Smith]; Canada (Procureur général) c Mowat, 2011 CSC 53, aux paragraphes 15 à 27, [2011] 3 RCS 471; ATA c Alberta (Information and Privacy Commissioner), 2011 CSC 61, au paragraphe 30, 339 DLR (4th) 428). Certaines décisions récentes de la Cour approuvent l’application de cette norme de contrôle à l’interprétation par un agent des visas des exigences du Règlement (Grusas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 733, au paragraphe 12; Nabizadeh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 365, au paragraphe 27).

 

[11]           La Cour d’appel fédérale, toutefois, ne va pas dans ce sens, estimant dans Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CAF 339 [Khan], au paragraphe 26, et dans Patel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2011 CAF 187 [Patel], au paragraphe 27, que les interprétations du Règlement par les agents des visas sont soumises à la norme de la décision correcte (voir également Takeda Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2013 CAF 13, au paragraphe 116, où la juge Dawson, s’exprimant au nom de la majorité, le confirme, dans un contexte intéressant d’autres questions). Le raisonnement qui sous‑tend ces décisions, expressément formulé dans Patel au paragraphe 26, repose sur les déclarations de la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 62, selon lesquelles la première étape visant à déterminer la norme de contrôle applicable consiste à « vérifi[er] si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ». La Cour d’appel a appliqué cette directive et a conclu que la jurisprudence avait précédemment établi que l’interprétation du Règlement par les agents des visas était soumise à la norme de la décision correcte (sur la base de décisions antérieures à l’arrêt Dunsmuir : Hilewitz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 57, [2005] 2 RCS 706; dela Fuente c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 186, [2007] 1 RCF 387 et Shahid c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CAF 40). La Cour d’appel a ainsi conclu que la norme de la décision correcte s’appliquait encore après Dunsmuir (voir Patel, aux paragraphes 26 à 28).

 

[12]           Compte tenu des décisions rendues par la Cour suprême après Patel, il est douteux que l’application de la norme de la décision correcte aux interprétations du Règlement par les agents des visas puisse encore être jugée « satisfaisante », puisqu’elle semble incompatible avec les directives récentes de la Cour suprême du Canada selon lesquelles l’interprétation par un décideur administratif de sa loi habilitante mérite une certaine déférence.

 

[13]           S’il fallait que la jurisprudence antérieure à Dunsmuir, suivant laquelle la norme de contrôle de la décision correcte s’applique à une disposition de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [la LIPR], continue à s’appliquer, le contrôle judiciaire en matière d’’immigration pourrait bien devenir disparate, dans la mesure où les dispositions de la LIPR et du Règlement dont il avait été précédemment établi qu’elles étaient soumises à la norme de la décision correcte continueraient de faire l’objet d’un examen judiciaire complet, et que les nouvelles dispositions ou celles qui n’ont pas encore été analysées se verraient probablement accorder une certaine déférence, comme l’exige la Cour suprême du Canada. Il est difficile de voir en quoi cette situation peut être considérée comme satisfaisante. D’ailleurs, le juge Stratas dans Toussaint c Canada (Procureur général), 2011 CAF 213, aux paragraphes 17 à 20, et le juge en chef Crampton dans Lukaj c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 8, au paragraphe 12, se sont tous deux prononcés en ce sens[1]. Quoi qu’il en soit, les décisions de la Cour d’appel dans Khan et Patel sont directement pertinentes et je suis donc liée par elles; dès lors, je suis tenue d’appliquer la norme de contrôle de la décision correcte à l’interprétation du Règlement retenue par l’agent. Heureusement, cette question ne prête pas à conséquence puisque l’une ou l’autre des normes entraîne la même issue.

 

[14]           La cinquième question soulevée en l’espèce nous oblige également à nous pencher sur la norme de contrôle applicable à l’évaluation par un agent de l’expérience d’un candidat en fonction des descriptions contenues dans la matrice de la CNP, car la détermination de cette norme dira s’il y a lieu que je décide si la demanderesse avait l’expérience nécessaire pour qu’on lui accorde un visa, ou si son dossier doit être renvoyé à un autre agent en vue d’une nouvelle décision. De telles évaluations font intervenir des conclusions factuelles ou des conclusions de fait et de droit qui appellent normalement la norme de la raisonnabilité (Dunsmuir, au paragraphe 51; Patel, aux paragraphes 36 et 37; Thiruguanasambandamurthy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1518, au paragraphe 27 [Thiruguanasambandamurthy]; Talpur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 25, au paragraphe 19 [Talpur]).

 

[15]           Cependant, certains passages de l’arrêt Khan peuvent être compris comme imposant la norme de la décision correcte à tous les aspects de la décision d’un agent des visas; ces passages reposent néanmoins sur la décision antérieure de la Cour dans Patel. Dans Khan, le juge Pelletier, s’exprimant au nom de la Cour, observait : « Notre Cour a statué que la norme de contrôle applicable à la décision d’un agent des visas est celle de la décision correcte : voir Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CAF 187, [2011] A.C.F. no 843 (C.A.F.), au paragraphe 27 […] » Or, l’arrêt Patel n’exigeait pas d’appliquer la norme de la décision correcte à tous les aspects de la décision d’un agent des visas, mais seulement à son interprétation du Règlement. Pour ce qui est du contrôle de l’évaluation du dossier de la demanderesse à laquelle a effectivement procédé l’agent, la Cour d’appel, dans l’arrêt Patel, s’est servi de la norme de la raisonnabilité.

 

[16]           Comme Khan s’appuie sur Patel et que les décisions rendues dans d’autres contextes commandent irrésistiblement l’application de la norme de la raisonnabilité aux conclusions de fait et aux conclusions mixtes de fait et de droit des tribunaux d’instance inférieure, j’en conclus que la jurisprudence va dans le même sens pour ce qui est de l’évaluation par l’agent de l’expérience professionnelle de la demanderesse – telle que l’attestent les documents qu’elle a déposés –, et de la comparaison de cette expérience avec les descriptions contenues dans la matrice de la CNP. Par conséquent, ces conclusions méritent une certaine déférence, ce qui, comme nous le verrons plus loin, aura des répercussions importantes sur l’argument subsidiaire avancé par le défendeur.

 

Certaines parties de l’affidavit de l’agent devraient‑elles être radiées?

[17]           S’agissant maintenant de la demande visant à radier certaines parties de l’affidavit de l’agent, plusieurs propositions peuvent être déduites de la jurisprudence. La première revient à reconnaître que la « décision » soumise au contrôle dans une affaire comme celle‑ci est composée de la lettre envoyée à la demanderesse pour l’informer du rejet de sa demande, et des notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration [STIDI] de l’agent, qui ont été créées avant que la lettre officielle ne soit signée et qui contiennent le raisonnement sur lequel l’agent a fondé sa conclusion (Kalra c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 941, au paragraphe 15 [Kalra]). Deuxièmement, les documents dont dispose normalement la Cour dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire sont constitués de la décision du tribunal administratif et du dossier qui lui a été présenté. Troisièmement, la jurisprudence établit que, dans un tel cas, les décideurs ne seront autorisés à présenter des observations que dans la mesure où il peut être nécessaire de fournir au tribunal de révision le contexte de l’affaire; les observations liées au bien‑fondé de la demande sont inopportunes (Northwestern Utilities et al c La Ville d’Edmonton, [1979] 1 RCS 684, aux pages 708 et 709 [Northwestern Utilities]; Vancouver Wharves Ltd c ILWU, Local 514, 60 NR 118, aux paragraphes 5 à 8, [1985] BCWLD 1701 (CAF)). Le juge Estey, s’exprimant au nom de la Cour suprême, déclarait d’ailleurs dans l’arrêt Northwestern Utilities, à la page 710, que : « [a]ccorder au tribunal administratif la possibilité de défendre sa conduite et en fait de se justifier donnerait lieu à un spectacle auquel nos traditions judiciaires ne nous ont pas habitués ».

 

[18]           Les principes susmentionnés ont été appliqués de manière à permettre à des agents des visas de déposer des affidavits dans le cadre de demandes de contrôle visant leurs décisions, mais simplement pour préciser le contexte ou présenter des faits pertinents au regard d’allégations de partialité ou de manquement à l’équité procédurale. Inversement, les affidavits qui tendent à étayer la décision par l’ajout ou l’étoffement de motifs ne sont pas admissibles (Sellathurai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255, aux paragraphes 45 à 47; Kalra, au paragraphe 15).

 

[19]           Les principes que nous venons de mentionner justifient la radiation des paragraphes contestés dans l’affidavit de l’agent. Ils doivent être tenus pour inadmissibles puisqu’ils fournissent chacun des arguments approfondis et avancent de nouveaux motifs justifiant la décision. À de nombreux égards, le contenu de l’affidavit de l’agent va bien au‑delà des notes du STIDI. Comme le déclarait le juge Martineau dans Kalra, au paragraphe 15 : « si je compare les notes du STIDI et l’affidavit de l’agente des visas, il est évident que le dernier incorpore beaucoup plus de renseignements que les premières, ce qui soulève la question : sur quels documents, sur quels renseignements ou sur quelles notes l’agente des visas a‑t‑elle basé [l’]affidavit, lequel a été souscrit [bien] après la décision? » Ce raisonnement s’applique parfaitement aux paragraphes contestés de l’affidavit de l’agent. Par conséquent, les paragraphes 14, 15, 18 et 26 de l’affidavit de l’agent doivent être radiés et ils n’ont pris aucune part dans ma décision.

 

L’agent des visas a‑t‑il eu tort de tenir compte des données de RHDCC sur les taux de rémunération relatifs aux codes 1242 et 5125 de la CNP?

 

[20]           S’agissant maintenant de la question centrale dans la présente affaire – l’opportunité de considérer les données comparatives sur les salaires –, il est utile de reproduire les dispositions réglementaires concernant la catégorie de l’expérience canadienne puisque c’est la première fois que la Cour est saisie de cette question. L’article 87.1 du Règlement prévoit :

Catégorie de l’expérience canadienne

 

Catégorie

 

87.1 (1) Pour l’application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie de l’expérience canadienne est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur expérience au Canada et qui cherchent à s’établir dans une province autre que le Québec.

 

 

Qualité

 

(2) Fait partie de la catégorie de l’expérience canadienne l’étranger qui satisfait aux exigences suivantes :

 

a) l’étranger, selon le cas :

 

(i) a accumulé au Canada au moins douze mois d’expérience de travail à temps plein ou l’équivalent s’il travaille à temps partiel dans au moins une des professions appartenant aux genre de compétence 0 Gestion ou niveaux de compétences A ou B de la matrice de la Classification nationale des professions au cours des vingt‑quatre mois précédant la date de la présentation de sa demande de résidence permanente et, antérieurement à cette expérience de travail, a obtenu au Canada, selon le cas :

 

(A) un diplôme, certificat de compétence ou certificat d’apprentissage après avoir réussi un programme d’études ou un cours de formation nécessitant au moins deux ans d’études à temps plein et offert par un établissement d’enseignement ou de formation postsecondaire public reconnu par une province,

 

(B) un diplôme, certificat de compétence ou certificat d’apprentissage après avoir réussi un programme d’études ou un cours de formation nécessitant au moins deux ans d’études à temps plein et offert par un établissement d’enseignement postsecondaire privé au Québec qui est régi par les mêmes règles et règlements que les établissements d’enseignement publics et dont les activités sont financées, pour au moins 50 %, par le gouvernement notamment, au moyen de subventions,

 

(C) un diplôme universitaire après avoir réussi un programme d’études nécessitant au moins deux ans d’études à temps plein et offert par un établissement d’enseignement postsecondaire privé reconnu par une province,

 

(D) un diplôme d’études supérieures après avoir réussi un programme d’études à temps plein d’une durée d’au moins un an, offert par un établissement d’enseignement postsecondaire reconnu par une province, au plus tard deux ans après avoir obtenu un diplôme d’un établissement visé aux divisions (A) ou (C),

 

(ii) a accumulé au Canada au moins vingt‑quatre mois d’expérience de travail à temps plein ou l’équivalent s’il travaille à temps partiel dans au moins une des professions appartenant aux genre de compétence 0 Gestion ou niveaux de compétences A ou B de la matrice de la Classification nationale des professions au cours des trente‑six mois précédant la date de la présentation de sa demande de résidence permanente;

 

b) il a fait évaluer sa compétence en français ou en anglais par une institution ou organisation désignée aux termes du paragraphe (4) et obtenu, pour les aptitudes à parler, à écouter, à lire et à écrire, selon le document intitulé Niveaux de compétence linguistique canadiens 2006, pour le français, et le Canadian Language Benchmarks 2000, pour l’anglais, les niveaux de compétence suivants :

 

(i) s’il a une expérience de travail dans une ou plusieurs professions appartenant au genre de compétence 0 Gestion ou niveaux de compétences A de la matrice de la Classification nationale des professions :

 

 

(A) 7 ou plus pour chacune des aptitudes,

 

(B) 6 pour l’une des aptitudes, 7 ou plus pour deux des aptitudes et 8 ou plus pour l’aptitude restante,

 

(ii) s’il a une expérience de travail dans une ou plusieurs professions appartenant au niveau de compétences B de la matrice de la Classification nationale des professions :

 

 

(A) 5 ou plus pour chacune des aptitudes,

 

(B) 4 pour l’une des aptitudes, 5 ou plus pour deux aptitudes et 6 ou plus pour l’aptitude restante.

 

 

Application

 

(3) Pour l’application du paragraphe (2) :

 

a) le travail à temps plein équivaut à au moins trente‑sept heures et demie de travail par semaine;

 

b) les périodes de travail non autorisées ou celles accumulées à titre de travailleur autonome ne peuvent être comptabilisées pour le calcul de l’expérience de travail;

 

c) l’étranger doit détenir le statut de résident temporaire durant les périodes de travail et durant toutes périodes d’études ou de formation à temps plein;

 

d) l’étranger doit être effectivement présent au Canada pendant au moins deux de ses années d’études ou de formation à temps plein;

 

e) les périodes d’études ou de formation acquises par l’étranger dans le cadre d’un programme d’anglais ou de français langue seconde à temps plein, et les périodes d’études ou de formation à temps plein consacrées principalement à l’étude de ces langues ne peuvent être comptabilisées pour le calcul de la période d’études ou de formation à temps plein;

 

 

f) les périodes d’études ou de formation acquises pendant que l’étranger était détenteur d’une bourse d’études offerte par le gouvernement du Canada ou participait à un programme d’échange parrainé par ce dernier, dans le cas où la bourse ou le programme a pour but ou condition le retour de l’étranger dans le pays dont il a la nationalité ou celui de sa résidence habituelle à la fin de ses études, ne peuvent être comptabilisées pour le calcul de la période d’études ou de formation à temps plein;

 

g) l’étranger qui a l’expérience de travail dans les professions visées aux sous‑alinéas (2)b)(i) et (ii) doit obtenir le niveau de compétence en anglais ou en français qui est exigé aux sous‑alinéas (2)b)(i) ou (ii) selon la profession pour laquelle il a le plus d’expérience.

 

 

 

 

 

Organisme désigné

 

(4) Le ministre peut désigner les institutions ou organisations chargées d’évaluer la compétence linguistique pour l’application du présent article et, en vue d’établir des équivalences entre les résultats de l’évaluation fournis par une institution ou organisation désignée et les niveaux de compétence mentionnés au paragraphe (2), il fixe le résultat de test minimal qui doit être attribué pour chaque aptitude et chaque niveau de compétence lors de l’évaluation de la compétence linguistique par cette institution ou organisation pour satisfaire aux niveaux mentionnés à ce paragraphe.

 

 

Preuve concluante

 

(5) Les résultats de l’examen de langue administré par une institution ou organisation désignée et les équivalences établies en vertu du paragraphe (4) constituent une preuve concluante de la compétence de l’étranger dans l’une des langues officielles du Canada pour l’application du présent article.

Canadian Experience Class

 

Class

 

87.1 (1) For the purposes of subsection 12(2) of the Act, the Canadian experience class is prescribed as a class of persons who may become permanent residents on the basis of their experience in Canada and who intend to reside in a province other than the Province of Quebec.

 

 

Member of the class

 

(2) A foreign national is a member of the Canadian experience class if

 

 

(a) they

 

(i) have acquired in Canada within the 24 months before the day on which their application for permanent residence is made at least 12 months of full‑time work experience, or the equivalent in part‑time work experience, in one or more occupations that are listed in Skill Type 0 Management Occupations or Skill Level A or B of the National Occupational Classification matrix, and have acquired that work experience after having obtained

 

 

(A) a diploma, degree or trade or apprenticeship credential issued on the completion of a program of full‑time study or training of at least two years’ duration at a public, provincially recognized post‑secondary educational or training institution in Canada,

 

 

(B) a diploma or trade or apprenticeship credential issued on the completion of a program of full‑time study or training of at least two years’ duration at a private, Quebec post‑secondary institution that operates under the same rules and regulations as public Quebec post‑secondary institutions and that receives at least 50 per cent of its financing for its overall operations from government grants, subsidies or other assistance,

 

 

 

(C) a degree from a private, provincially recognized post‑secondary educational institution in Canada issued on the completion of a program of full‑time study of at least two years’ duration, or

 

(D) a graduate degree from a provincially recognized post‑secondary educational institution in Canada issued on the completion of a program of full‑time study of at least one year’s duration and within two years after obtaining a degree or diploma from an institution referred to in clause (A) or (C), or

 

 

(ii) have acquired in Canada within the 36 months before the day on which their application for permanent residence is made at least 24 months of full‑time work experience, or the equivalent in part‑time work experience, in one or more occupations that are listed in Skill Type 0 Management Occupations or Skill Level A or B of the National Occupational Classification matrix; and

 

 

(b) they have had their proficiency in the English or French language assessed by an organization or institution designated under subsection (4) and have obtained proficiencies for their abilities to speak, listen, read and write that correspond to benchmarks, as referred to in Canadian Language Benchmarks 2000 for the English language and Niveaux de compétence linguistique canadiens 2006 for the French language, of

 

(i) in the case of a foreign national who has acquired work experience in one or more occupations that are listed in Skill Type 0 Management Occupations or Skill Level A of the National Occupational Classification matrix,

 

(A) 7 or higher for each of those abilities, or

 

(B) 6 for any one of those abilities, 7 or higher for any other two of those abilities and 8 or higher for the remaining ability, and

 

(ii) in the case of a foreign national who has acquired work experience in one or more occupations that are listed in Skill Level B of

the National Occupational Classification matrix,

 

(A) 5 or higher for each of those abilities, or

 

(B) 4 for any one of those abilities, 5 or higher for any other two of those abilities and 6 or higher for the remaining ability.

 

 

Application

 

(3) For the purposes of subsection (2),

 

(a) full‑time work is equivalent to at least 37,5 hours of work per week;

 

 

(b) any period of self‑employment or unauthorized work shall not be included in calculating a period of work experience;

 

 

(c) the foreign national must have had temporary resident status during their period of work experience and any period of full‑time study or training;

 

(d) the foreign national must have been physically present in Canada for at least two years of their full‑time study or training;

 

(e) any period during which the foreign national was engaged in a full‑time program of study or training in English or French as a second language — and any period of full‑time study or training in respect of which study or training in English or French as a second language amounted to most of the full‑time study or training — shall not be included in calculating the period of full‑time study or training;

 

(f) any period of study or training during which the foreign national was a recipient of a Government of Canada scholarship or bursary, or participated in an exchange program sponsored by the Government of Canada, a purpose or condition of which was that the foreign national return to their country of origin or nationality on completion of their studies or training shall not be included in calculating the period of full‑time study or training; and

 

 

(g) in the case of a foreign national whose work experience is referred to in both subparagraphs (2)(b)(i) and (ii), the foreign national must obtain a proficiency in the English or French language that corresponds to the benchmarks required for the skill type, as set out in subparagraph (2)(b)(i) or (ii), in which the foreign national has acquired most of their work experience.

 

 

Designated organization

 

(4) The Minister may designate organizations or institutions to assess language proficiency for the purposes of this section and shall, for the purpose of correlating the results of such an assessment by a particular designated organization or institution with the benchmarks referred to in subsection (2), establish the minimum test result required to be awarded for each ability and each level of proficiency in the course of an assessment of language proficiency by that organization or institution in order to meet those benchmarks.

 

 

 

 

Conclusive evidence

 

(5) The results of an assessment of the language proficiency of a foreign national by a designated organization or institution and the correlation of those results with the benchmarks in accordance with subsection (4) are conclusive evidence of the foreign national’s proficiency in an official language of Canada for the purposes of this section.

 

 

[21]           Ces dispositions peuvent être mises en opposition avec les dispositions du Règlement liées à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédérale), qui envisagent spécifiquement l’examen du salaire comme un élément de l’admissibilité. Le Règlement exige plus particulièrement, dans le cas d’une demande au titre de la deuxième catégorie, que le futur employeur obtienne de RHDCC un avis sur le marché du travail, qui suppose en partie que « la rémunération offerte au travailleur qualifié est conforme au taux de rémunération en vigueur pour la profession » au Canada (division 82(1)c)(ii)(C) du Règlement).

 

[22]           La demanderesse soutient que, puisque le salaire n’est mentionné ni par le Règlement ni par les dispositions de la CNP comme un critère pertinent pour l’évaluation de la nature de l’expérience professionnelle canadienne aux fins de l’admissibilité au titre de la catégorie de l’expérience canadienne, l’agent n’a pas à en tenir compte pour déterminer si un demandeur a l’expérience requise relativement à l’une des professions énumérées dans la CNP. Elle affirme qu’en tenant ainsi compte du salaire dans cette évaluation, l’agent entrave son pouvoir discrétionnaire et introduit un critère que le législateur n’a jamais envisagé. Elle s’appuie à cet égard sur les décisions Cheng c Canada (Secrétaire d’État) (1994), 25 Imm LR (2d) 162, 83 FTR 259 [Cheng] et Tam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 38 Imm LR (2d) 116, 130 FTR 237 [Tam], où il a été établi que les agents des visas avaient indûment limité leur pouvoir discrétionnaire en important l’exigence que les demandeurs prennent part à la gestion globale et au rendement de l’entreprise pour satisfaire aux définitions afférentes aux catégories des investisseurs et entrepreneurs. Dans Cheng, le juge Cullen résumait en ces termes la décision invoquée par la demanderesse :

9          Cette interprétation stricte de la définition du terme « investisseur » n’est pas compatible avec les politiques d’Immigration Canada énoncées dans le Règlement ou exposées dans les lignes directrices. Je ne vois aucune intention d’obliger le requérant à exploiter une entreprise ou un commerce lui appartenant en exclusivité. Cette interprétation est manifestement erronée et l’ajout d’un tel critère constitue une erreur de droit qui vicie l’exercice de la compétence de l’agente d’immigration et justifie le renvoi du dossier à un agent d’immigration différent afin qu’il le réexamine. En imposant ses propres critères à la définition du terme « investisseur » dans le cas du requérant, l’agente a essentiellement limité son pouvoir discrétionnaire. En outre, tant que de nouvelles lignes directrices ne sont pas mises en place, les parties visées par une politique ont le droit d’être traitées de façon uniforme, et de ne pas se voir imposer arbitrairement l’ajout d’un critère par chaque agent d’immigration.

 

La demanderesse demande instamment que la Cour reprenne ce raisonnement à son compte.

 

[23]           Je ne pense pas devoir le faire. Tout d’abord, il est permis de se demander si le concept d’entrave du pouvoir discrétionnaire a encore sa place comme motif de contrôle indépendant, compte tenu des développements récents en droit administratif, à commencer par la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir. Dans cette décision et celles qui ont suivi, la Cour suprême a indiqué que les cours de révision ne pouvaient examiner la teneur des décisions des tribunaux administratifs que pour en évaluer le caractère raisonnable ou correct. Comme le mentionnait récemment le juge Stratus dans Stemijon Investments Ltd c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, au paragraphe 23, l’idée d’entrave du pouvoir discrétionnaire « s’accorde mal » avec l’approche adoptée par la Cour suprême en matière de contrôle judiciaire depuis Dunsmuir.

 

[24]           Il n’est pas nécessaire en l’occurrence de déterminer s’il s’agit encore d’un motif indépendant de contrôle, car, quand bien même ce serait le cas, je ne pense pas que l’agent ait indûment entravé son pouvoir discrétionnaire dans ce cas précis. Il y a une distinction importante à faire entre les faits qui nous occupent et ce dont il est question dans Cheng et Tam. Dans ces affaires, les dispositions pertinentes du Règlement et les lignes directrices ministérielles applicables décrivaient avec bien plus de détails les paramètres dont l’agent était autorisé à tenir compte pour se prononcer sur l’admissibilité.

 

[25]           Dans Cheng, le Règlement sur l’immigration, DORS/78‑172 prévoyait que pour être considéré comme un investisseur, un demandeur devait, entre autres choses, avoir « exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise » (paragraphe 2(1)). Immigration Canada avait publié des lignes directrices où il précisait que la catégorie des investisseurs « ne se limit[ait] pas aux propriétaires, présidents ou vice‑présidents, mais s’étend[ait] aux personnes qui ont occupé un poste de responsabilité, tels les postes de directeur d’une division ou section particulière d’une société de plus grande envergure » (Cheng, au paragraphe 5). Ces dispositions fournissent bien plus d’indications aux agents sur l’étendue de l’examen autorisé que ne le fait l’article 87.1 du Règlement pour ce qui est de l’évaluation de l’expérience relativement à la catégorie de l’expérience canadienne.

 

[26]           De même, dans Tam, la disposition réglementaire pertinente précisait qu’un « entrepreneur » devait s’entendre de l’immigrant,

a)                  qui a l’intention et qui est en mesure d’établir ou d’acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d’y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l’entrepreneur et les personnes à sa charge, d’obtenir ou de conserver un emploi, et

 

b)                  qui a l’intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce; (entrepreneur)

 

 

[27]           Compte tenu de ces dispositions, les juges Cullen et Pinard ont conclu que les agents en question avaient entravé leur pouvoir discrétionnaire en exigeant des demandeurs qu’ils démontrent qu’ils étaient responsables de la gestion et du rendement généraux de l’entreprise qui les employait. Une telle définition revenait en fait à réduire les catégories aux demandeurs occupant un poste de président ou de vice‑président, ce qui n’a jamais été l’intention du législateur et, du moins dans l’affaire Tam, venait ajouter des critères tout à fait différents de ceux du Règlement.

 

[28]           En revanche, dans notre cas, l’article 87.1 du Règlement prévoit que l’agent doit évaluer si le candidat a de l’expérience dans l’une des professions énumérées dans la CNP, sans préciser comment il doit s’y prendre, à l’exception d’un renvoi aux fonctions énumérées dans la matrice de la CNP.

 

[29]           Fait important, seuls les postes de plus haut niveau ou plus complexes de la classe administrative sont admissibles comme professions au titre de la catégorie de l’expérience canadienne. Ainsi, un emploi de commis de bureau (niveau de compétence C dans la matrice de la CNP), ne serait pas admissible, contrairement à la profession plus qualifiée d’assistant juridique (niveau de compétence B).

 

[30]           Pour déterminer si l’expérience d’un demandeur relève d’un code admissible de la CNP, l’agent doit comprendre la nature du travail effectué et le degré de complexité des tâches accomplies pour déterminer si elles correspondent aux fonctions énumérées sous la description du code pertinent. Cette analyse indispensable exige bien plus qu’une comparaison mécanique des fonctions énoncées sous le code de la CNP avec celles qui sont évoquées dans une lettre de recommandation ou une description de poste. Il s’agit plutôt d’évaluer de manière qualitative le travail exécuté et de le comparer à la description du code de la CNP. D’ailleurs, il est un courant jurisprudentiel suivant lequel, s’agissant de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédérale) (à l’égard de laquelle les agents doivent de la même façon apprécier les tâches remplies en fonction des descriptions du code de la CNP), lequel l’agent peut à bon droit se demander si le candidat possède l’expérience pertinente s’il n’a fait que recopier les fonctions énoncées sous la description de la CNP dans une lettre de recommandation. En pareils cas, il est arrivé à la Cour de conclure que l’agent devait effectuer une entrevue ou poser des questions additionnelles par écrit au demandeur, afin d’obtenir plus de détails sur la nature véritable de son travail (voir p. ex. Talpur et Patel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 571). Il est donc indiscutable que l’agent doit analyser de manière approfondie les tâches effectivement remplies par un demandeur.

 

[31]           Comme le signale justement le défendeur, le salaire versé est, en règle générale, un indicateur de la complexité du travail effectué : plus complexe est la tâche, plus élevée sera la rémunération. Au cours des plaidoiries, en l’espèce, l’avocat de la demanderesse a convenu franchement qu’il était fort possible qu’il y ait un lien rationnel entre la nature du travail exécuté et le salaire versé, proposition qui va d’ailleurs plutôt de soi. Ce lien entre le salaire et la complexité du travail est du reste reconnu dans d’autres sphères. Ainsi, la législation en matière de parité salariale et de normes professionnelles prévoit que les hommes et les femmes qui effectuent des travaux d’une valeur égale ou comparable doivent recevoir des salaires égaux, ce qui confirme que la rétribution correspond à la complexité de l’emploi (voir, p. ex., Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H‑6, à l’article 11; Ordonnance de 1986 sur la parité salariale, DORS/8‑1082; Loi sur l’équité salariale de l’Ontario, LRO 1990, c P‑7 et Loi de 2000 sur les normes d’emploi de l’Ontario, LO 2000, c 41, à l’article 42). Par conséquent, les salaires moyens versés dans la région de Toronto (où travaillait la demanderesse) pour les emplois correspondant aux codes de la CNP applicables sont certainement pertinents pour l’évaluation de la nature de l’expérience accumulée par la demanderesse.

 

[32]           Par ailleurs, dans le cadre du processus de demande, la demanderesse devait soumettre une lettre de recommandation dans laquelle l’employeur confirme son salaire, conformément au point 6 de la liste de contrôle de documents du défendeur. Même si, à l’instar des lignes directrices ministérielles dans Cheng, cet élément n’est sûrement pas déterminant quant à l’interprétation à donner au Règlement, l’obligation de fournir des renseignements liés au salaire donne une idée des facteurs que le défendeur juge pertinents pour évaluer l’expérience. (Contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, le but ici n’est pas seulement de vérifier qu’un employé travaille à temps plein. S’il ne s’agissait que de cela, il serait beaucoup plus simple et moins attentatoire à la vie privée de demander à l’employeur de confirmer les heures de travail du demandeur.) Les documents que le défendeur remet aux demandeurs indiquent que les renseignements liés au salaire sont exigibles et donc qu’ils seront probablement pris en compte dans l’évaluation de la demande.

 

[33]           Contrairement à ce que prétend la demanderesse, l’agent ne s’est pas servi du salaire comme d’un facteur d’exclusion préliminaire ou pour s’acquitter d’une quelconque « fonction de gardien » en vue de rejeter sa demande. Comme l’a reconnu le défendeur, s’il l’avait fait, son interprétation du Règlement aurait sans doute été déraisonnable et incorrecte. À cet égard, il y a une différence importante entre exiger un salaire minimum comme point de départ à l’examen – de manière à éliminer ceux qui n’y satisfont pas – et considérer le salaire comme l’une des données pertinentes à examiner pour déterminer si le demandeur possède l’expérience exigée au titre de la catégorie de l’expérience canadienne.

 

[34]           En l’espèce, l’agent ne s’est pas servi du salaire comme facteur d’exclusion préliminaire, mais a plutôt considéré que ce renseignement était pertinent pour apprécier la nature et l’étendue de l’expérience de la demanderesse. La lettre qu’il a adressée à cette dernière et les notes du STIDI le montrent bien : il y compare ses fonctions, telles qu’elles sont décrites en détail dans la lettre de recommandation, et celles qui sont énumérées sous le code 1242 de la CNP. S’il avait effectivement utilisé le salaire comme facteur d’exclusion préliminaire, l’agent n’aurait pas eu à évoquer et à analyser la nature des tâches remplies par la demanderesse – telles qu’elles figurent dans sa lettre de recommandation –, ni à les comparer à celles qui correspondent à ce code.

 

[35]           De plus, compte tenu de la brièveté de la lettre de recommandation et de certaines de ses ambigüités regardant la nature des fonctions de la demanderesse, l’agent a raisonnablement exigé des renseignements additionnels pour pouvoir effectuer une évaluation plus complète. Il lui était loisible de comparer le salaire touché par la demanderesse à celui des adjoints juridiques et traducteurs/interprètes de la région de Toronto, où travaillait la demanderesse, et de le considérer comme un renseignement utile pour déterminer si elle détenait l’expérience requise pour obtenir un visa en vertu de l’article 87.1 du Règlement. Rappelons à cet égard que cette catégorie ne vise que les professions administratives plus spécialisées; le salaire touché est l’un des facteurs qu’il y a lieu d’évaluer pour savoir si la demanderesse possède réellement l’expérience requise. Si ce salaire est bien inférieur à celui normalement versé pour un travail comparable, et si les documents par ailleurs soumis sur la nature du travail effectué n’établissent pas catégoriquement l’expérience requise, l’agent peut raisonnablement rejeter la demande de visa de résidence permanente présentée à titre de membre de la catégorie de l’expérience canadienne.

 

[36]           Ainsi, pour vérifier si la demanderesse avait rempli les fonctions se rapportant aux codes 1242 et 1525 de la CNP, il était à la fois acceptable et raisonnable que l’agent compare son salaire à ceux qui étaient versés à Toronto pour des emplois similaires, et y voie une information pertinente pour l’évaluation de son expérience professionnelle.

 

L’agent a‑t‑il manqué à l’équité procédurale en n’informant pas la demanderesse qu’il se servirait des données de RHDCC sur le salaire?

 

[37]           Cependant, s’il était acceptable et raisonnable que l’agent tienne compte des données de RHDCC sur le salaire, le fait qu’il n’en ait rien dit à la demanderesse et qu’il ne lui ait pas permis de présenter des observations à cet égard portait atteinte à l’équité procédurale.

 

[38]           La Cour a bien expliqué qu’en cas de doute sur la crédibilité ou l’authenticité d’une demande, les agents sont tenus d’en faire part aux demandeurs et de leur donner la possibilité de présenter d’autres observations, normalement dans le cadre d’une entrevue (Talpur, au paragraphe 21; Hassani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, au paragraphe 24). Il est également bien établi qu’en ne divulguant pas les renseignements externes sur lesquels il se fonde, et dont les demandeurs ne pouvaient raisonnablement prévoir qu’il les consulterait, le décideur contrevient à l’équité procédurale (voir, p. ex., Shah c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 81 FTR 320, 170 NR 238 (CAF); Qureshi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1081, au paragraphe 32; Tariku c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 474, au paragraphe 15; Toma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 780, au paragraphe 18; Amoateng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1994), 90 FTR 51, 26 Imm LR (2d) 317).

 

[39]           En l’espèce, l’agent n’était pas certain que la demanderesse ait réellement rempli les exigences liées à la catégorie des adjoints juridiques de la CNP et, pour dissiper ses doutes, il a examiné les salaires moyens se rapportant à cette catégorie. La différence entre la rémunération de la demanderesse et le salaire moyen a donc grandement influencé sa conclusion selon laquelle la demanderesse n’était pas une adjointe juridique. Si elle avait été informée des préoccupations de l’agent touchant sa paye, et du fait qu’il examinait les données de RHDCC sur le salaire moyen de sa profession, elle aurait pu soumettre en réponse des éléments additionnels, concernant par exemple la rémunération moyenne des personnes ayant une expérience comparable à la sienne dans les petits cabinets d’avocats. De même, si elle avait été au fait des préoccupations de l’agent, elle aurait peut‑être pu fournir plus de détails sur le type de travail qu’elle effectuait pour le cabinet. Ne sachant pas que l’agent s’appuyait sur des données relatives aux salaires moyens, la demanderesse n’avait aucune raison de soumettre de telles informations.

 

[40]           Par conséquent, l’agent a manqué à l’équité procédurale en n’informant pas la demanderesse qu’il tiendrait compte de ces données. C’était là une étape‑clé de son analyse, et la demanderesse ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’elle pose problème.

 

[41]           La présente affaire doit donc être renvoyée à un autre agent des visas pour permettre à la demanderesse de présenter des observations additionnelles concernant la complexité de ses fonctions et le salaire reçu en contrepartie.

 

[42]           Compte tenu de ce qui précède, il n’est ni nécessaire ni indiqué de se demander si l’évaluation par l’agent des fonctions de la demanderesse était raisonnable, puisque cette dernière pourra déposer des éléments de preuve additionnels et que le nouvel agent disposera de renseignements supplémentaires lors du réexamen. Ainsi, mes commentaires à ce sujet seraient au mieux superflus et, au pire, préjudiciables à l’une ou l’autre des parties, car ils pourraient très bien influencer le processus de réexamen alors qu’ils ne reposeraient pas sur l’ensemble du dossier qui sera alors pris en compte.

 

La présente demande devrait‑elle être rejetée en raison de l’inadmissibilité de la demanderesse au titre du code 5125 de la CNP?

 

[43]           Il en va de même de l’argument subsidiaire du défendeur qui m’invite à me prononcer sur la prétendue inadmissibilité de la demanderesse au titre du code 5125 de la CNP. Plus spécifiquement, les mêmes raisons m’interdisent de statuer sur ce point puisque l’agent disposera possiblement de nouveaux éléments de preuve au moment du réexamen en ce qui a trait à l’expérience de la demanderesse au titre du code 5125 de la CNP. Mes commentaires à ce sujet pourraient donc s’avérer superflus et potentiellement préjudiciables.

 

[44]           De plus, une importante raison d’ordre institutionnel m’empêche d’examiner la question de savoir si la demanderesse détient l’expérience requise à l’égard du code 5125 de la CNP, puisque j’usurperais ainsi le rôle de l’agent des visas. Comme je l’ai déjà noté, la norme de la raisonnabilité s’applique aux conclusions des agents des visas qui évaluent la preuve en regard des exigences de la matrice de la CNP pour déterminer si un demandeur possède l’expérience requise aux fins d’admission au titre de la catégorie de l’expérience canadienne. Cela signifie qu’il n’appartient pas à la Cour de substituer son avis à celui d’un agent des visas en ce qui concerne les qualités requises d’un candidat (voir p. ex. Thiruguanasambandamurthy, aux paragraphes 27 et 28, Talpur, au paragraphe 19; Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 302, au paragraphe 9; Arora c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 241, au paragraphe 23). Cela dit, j’estime que je ne devrais pas rejeter la présente demande en raison de la prétendue inadmissibilité de la demanderesse au titre du code 5125 de la CNP, comme m’y invite le défendeur. L’agent n’a pas précisé dans sa décision si les fonctions détaillées de la demanderesse correspondaient à celles qui sont énumérées sous le code 1525 de la CNP, et la conclusion qu’il aurait tirée sur ce point est loin d’être évidente. Il ne revient pas à la Cour de se prononcer sur la question, car je me trouverais autrement à agir comme agent des visas et à dégager à une conclusion qui relève carrément de la compétence et du domaine d’expertise de l’agent (voir Canada (Procureur général) c Kane, 2012 CSC 64, au paragraphe 9 [Kane]; Szabo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1422, au paragraphe 11). Comme l’a d’ailleurs indiqué la Cour suprême dans l’arrêt Kane (au paragraphe 9), je commettrais ainsi l’erreur de « [me] livr[er] concrètement à [ma] propre évaluation du dossier », ce que ne peut pas faire une cour de révision.

 

[45]           Par conséquent, il n’est pas indiqué que je statue sur l’argument subsidiaire du défendeur.

 

Y a‑t‑il lieu de certifier une question en application du paragraphe 74(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés?

 

[46]           Enfin, je dois me demander s’il y a lieu de certifier une question en application de l’article 74 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] pour permettre un pourvoi en appel. Les deux parties ont convenu que, si je devais me pencher dans ma décision sur l’opportunité pour l’agent d’examiner les données de RHDCC sur le salaire, il conviendrait alors de certifier une question en ce sens en application du paragraphe 74(1) de la LIPR, puisque c’est la première fois que la est soulevée dans la jurisprudence et qu’elle aura une application générale pour les futurs demandeurs. Je suis d’accord. Par conséquent, je certifie la question suivante :

« Est‑il acceptable ou raisonnable qu’un agent des visas examine les données comparatives de RHDCC sur les salaires pour évaluer la nature de l’expérience professionnelle d’un demandeur qui veut être admis au titre de la catégorie de l’expérience canadienne, au sens de l’article 87.1 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227? »

 

[47]           De plus, comme mon refus d’accéder à la demande m’invitant à évaluer l’expérience de la demanderesse au titre du code 5125 de la CNP découle en grande partie de ce que j’estime être la norme de contrôle applicable aux décisions des agents des visas, et compte tenu des contradictions entre la jurisprudence de la Cour suprême du Canada et celle de la Cour d’appel fédérale en cette matière, j’ai jugé approprié de certifier également la question suivante :

« Quelle est la norme de contrôle applicable à l’interprétation par un agent des visas du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, et à son évaluation d’une demande fondée sur ce règlement? »


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  Les paragraphes 14, 15, 18 et 26 de l’affidavit de Charles Fiola sont radiés;

2.                  La demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agent datée du 12 mars 2012 est accueillie;

3.                  La décision de l’agent est annulée;

4.                  La demande de résidence permanente présentée par la demanderesse au titre de la catégorie de l’expérience canadienne est renvoyée au défendeur en vue d’un réexamen par un autre agent;

5.                  En ce qui concerne ce réexamen, la demanderesse doit avoir la possibilité de soumettre d’autres éléments de preuve et des observations additionnelles ayant trait à la nature de son expérience professionnelle et au salaire touché durant la période pertinente;

6.                  Les questions graves de portée générale qui suivent sont certifiées en application de l’article 74 de la LIPR :

« Est‑il acceptable ou raisonnable qu’un agent des visas examine les données comparatives de RHDCC sur les salaires pour évaluer la nature de l’expérience professionnelle d’un demandeur qui veut être admis au titre de la catégorie de l’expérience canadienne, au sens de l’article 87.1 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227? »

 

« Quelle est la norme de contrôle applicable à l’interprétation par un agent des visas du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, et à son évaluation d’une demande fondée sur ce règlement? »

 

7.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Mary J.L. Gleason »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑1543‑12

 

INTITULÉ :                                                  QIN QIN c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 5 décembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LA JUGE GLEASON

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 8 février 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mario D. Bellissimo

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Lorne McClenaghan

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bellissimo Law Group

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 



[1] Le juge en chef Crampton a soulevé, pour le remettre en question, un motif subsidiaire d’application de la norme de la décision correcte aux agents des visas, à savoir qu’il s’agit de délégués ministériels et que leurs interprétations devraient donc toujours obéir à cette norme. Je mets également en doute cet argument subsidiaire puisqu’il me semble que les agents des visas qui rendent des décisions en interprétant le Règlement s’apparentent davantage à un tribunal administratif qu’à un représentant du ministre, et qu’ils ne paraissent pas visés par l’arrêt Canada (Pêches et Océans) c Fondation David Suzuki, 2012 CAF 40, qui a établi qu’un ministre ne peut soustraire à un examen judiciaire son interprétation d’une loi qui le contraint à adopter une certaine ligne de conduite.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.