Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20130214

Dossier : T‑402‑11

T‑403‑11

Référence : 2013 CF 157

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 février 2013

En présence de monsieur le juge Boivin

 

 

ENTRE :

GIUSEPPE AMOROSO

ANGELINA PERROTTI‑AMOROSO

 

demandeurs

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sollicitent, conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, le contrôle judiciaire de la décision datée du 3 février 2011 par laquelle l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a refusé en partie d’annuler des intérêts en vertu des dispositions d’allègement pour les contribuables de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl.) [la Loi]. Les demandeurs cherchent à obtenir l’annulation de tous les intérêts accumulés relativement aux impôts dus pour les années 1989, 1990 et 1992. L’ARC a accepté de le faire pour la période allant du 1er janvier 2009 au 5 janvier 2011, mais pas pour les années antérieures à 2009.

 

[2]               Le 28 juillet 2011, les instances se rapportant aux dossiers T‑402‑11 (M. Giuseppe Amoroso) et T‑403‑11 (Mme Angelina Perrotti‑Amoroso) ont été réunies par ordonnance de la Cour.

 

Le contexte factuel

[3]               En 1992, M. Giuseppe Amoroso et Mme Angelina Perrotti‑Amoroso (les demandeurs) ont investi dans un projet de recherche et développement appelé Biosystems 2, après avoir, à leurs dires, visité les locaux de l’entreprise concernée et contacté l’ARC pour obtenir des renseignements sur le projet. À la suite de cet investissement, de nouvelles cotisations ont été établies le 15 mars 1996 relativement à leurs années d’imposition 1989, 1990 et 1992, dans la foulée d’une vérification de l’ARC concernant plusieurs abris fiscaux fonctionnant comme un régime frauduleux de recherche et développement. Comme des milliers d’autres contribuables, les demandeurs ont été touchés par cette vérification (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pages 2 et 250).

 

[4]               Selon le stratagème, les contribuables investissaient une certaine somme d’argent dans un projet de recherche et développement, pour se faire ensuite rembourser la moitié de leur investissement en liquide ou se voir effacer leur « prêt ». L’investissement réel dans le projet ne représentait donc que la moitié de la somme déclarée. Les contribuables faisaient alors valoir une perte commerciale ou un crédit d’impôt à l’investissement bien plus élevé que le montant réellement investi (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pages 2 et 250) pour bénéficier d’un remboursement d’impôt substantiel, allant de 135 % à 140 % du montant investi dans le projet (dossier de la demande, page 41).

 

[5]               La vérification de l’ARC s’est faite en plusieurs étapes, dont la deuxième concernait un groupe appelé le « groupe principal ». L’opération a duré de 1991 à 1995 et a couvert les années d’imposition 1989 à 1993 et touché plus de 12 000 personnes et 176 sociétés. Les demandeurs faisaient partie de ce « groupe principal » (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pages 3 et 251).

 

[6]               Compte tenu du nombre élevé de contribuables ayant eu recours au stratagème, l’ARC a décidé de leur proposer une solution globale. Un document intitulé « Projet de règlement », daté du 30 juin 1995, a été transmis à tous les contribuables du « groupe principal » touchés par le contrôle des abris fiscaux de recherche et développement (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pages 3 et 251; pièce R‑3, pages 29 à 52 et 276 à 299). L’offre de règlement se voulait une solution globale ne visant que les années d’imposition 1989 à 1993. L’offre initiale du 30 juin 1995 annulait les intérêts accumulés jusqu’au 31 octobre 1995 et devait être acceptée avant le 30 septembre 1995. L’échéance a été repoussée jusqu’au 28 février 1997, et l’ARC a proposé d’annuler les intérêts accumulés entre le 1er mai de l’année à partir de laquelle les impôts étaient dus et la date d’établissement des nouvelles cotisations, ou le 29 décembre 1995, pour ceux qui avaient signé l’offre après le 30 décembre 1995. Les contribuables devaient en échange voir leurs crédits d’impôt à l’investissement et leurs pertes commerciales annulés, et devaient renoncer à se prévaloir d’une opposition et d’un appel.

 

[7]               En réponse à l’offre de règlement, un fonds de défense a été mis sur pied en août 1995, et il a été recommandé aux investisseurs de refuser cette offre et de s’opposer aux avis de nouvelles cotisations devant la Cour canadienne de l’impôt. Le groupe d’investisseurs qui s’est opposé à ces avis était représenté par Me Jean‑Maurice Gagné (dossier du défendeur, pièce R‑4, pages 53 à 61 et 300 à 308). L’ARC n’a jamais reçu des demandeurs une copie signée de l’offre de règlement (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pages 3 et 251).

 

[8]               De ce fait, le dossier des demandeurs est resté pendant jusqu’à l’établissement des nouvelles cotisations le 15 mars 1996. M. Amoroso a ainsi fait l’objet des nouvelles cotisations suivantes : (i) pour l’année d’imposition 1989, 5 918,78 $ en impôt sur le revenu et 1 561,83 $ en intérêts; (ii) pour l’année d’imposition 1990, 2 090,83 $ en impôt sur le revenu et 551,72 $ en intérêts; (iii) pour l’année d’imposition 1992, 6 380,46 $ en impôt sur le revenu et 1 762,95 $ en intérêts (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pages 3 et 4). Quant à Mme Amoroso, ses nouvelles cotisations prévoyaient : (i) pour l’année d’imposition 1989, 2 234,14 $ en impôt sur le revenu et 471,31 $ en intérêts; (ii) pour l’année d’imposition 1990, 6 506,49 $ en impôt sur le revenu et 1 372,62 $ en intérêts; (iii) pour l’année d’imposition 1992, 15 687,10 $ en impôt sur le revenu et 4 609,56 $ en intérêts (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, page 251).

 

[9]               Après avoir déposé leurs avis d’opposition en juin 1996 à l’égard des nouvelles cotisations établies cette année‑là, les demandeurs ont été avisés par l’ARC que même si les sommes n’étaient pas dues immédiatement, les intérêts continueraient à courir.

 

[10]           Le 10 septembre 1996, pour M. Amoroso, et le 28 février 1997, pour Mme Amoroso, le représentant des demandeurs et avocat du fonds de défense des investisseurs, Me Gagné, a interjeté directement appel, en leurs noms, devant la Cour canadienne de l’impôt à l’égard de l’année d’imposition 1992 uniquement (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, page 4).

 

[11]           Le 28 février 1997, l’offre de règlement de l’ARC est parvenue à expiration (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pages 4 et 252).

 

[12]           Le 21 mars 1997, les avocats de l’ARC et des contribuables, parmi lesquels Me Gagné, ont choisi le cas de Richard McKeown (l’affaire McKeown) comme cause type dans l’affaire des régimes frauduleux de recherche et développement devant la Cour canadienne de l’impôt (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pages 4 et 252). Les avis d’opposition des demandeurs visant les nouvelles cotisations se rapportant aux années d’imposition 1989 et 1990 ont été suspendus jusqu’à la résolution de la cause type McKeown.

 

[13]           Le 12 mars 2001, après trente‑trois (33) journées d’audience en 1998 et 1999, la Cour canadienne de l’impôt a rendu son jugement dans l’affaire McKeown. Ce jugement n’était pas favorable aux contribuables concernés (McKeown c Canada, [2001] 4 CTC 2197, [2001] ACI no 236 (QL) [McKeown]).

 

[14]           Le 7 février 2003, on a envoyé aux demandeurs une lettre les informant qu’ils pouvaient demander un allègement s’ils n’étaient pas en mesure de payer, et que les intérêts ne pouvaient être annulés que si la somme payable était définitive. Conformément à la décision McKeown, l’ARC a confirmé les nouvelles cotisations établies pour le demandeur à l’égard des années 1989 et 1990 le 7 novembre 2003, et pour la demanderesse, le 10 mai 2004. Le 13 août suivant, le demandeur a déposé un avis d’appel devant la Cour canadienne de l’impôt relativement aux nouvelles cotisations touchant les années 1989 et 1990; la demanderesse en a fait autant le 23 juin 2004 (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pages 5 et 252).

 

[15]           Le 23 décembre 2004, les demandeurs ont soumis une première demande d’allègement, de leur propre aveu incomplète (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pièce R‑7, pages 140 à 142 et 393 à 395). Ils demandaient à l’ARC de renoncer aux intérêts dus, mais aussi d’attendre que leur demande soit complète avant de rendre une décision. L’ARC a répondu, dans une lettre du 22 juin 2005, qu’elle recueillerait les renseignements nécessaires pour examiner le dossier, mais qu’elle devait savoir à l’égard de quelles années d’imposition ils sollicitaient l’allègement avant d’examiner leur demande (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pièce R‑8, pages 143 à 145 et 396 à 398). Cette lettre rappelait également aux demandeurs que les intérêts continueraient à courir en dépit de la demande d’allègement présentée. D’après le défendeur, les demandeurs n’ont jamais répondu à la lettre du 22 juin 2005 de l’ARC. Ces derniers prétendent qu’ils ne l’ont jamais reçue.

 

[16]           Le 1er octobre 2007, Me Daniel Bourgeois a, au nom de plusieurs contribuables, dont les demandeurs, adressé par écrit à l’ARC une demande d’allègement sous la forme de l’annulation des intérêts, invoquant à l’appui la circulaire d’information IC07‑1, du 31 mai 2007, et en particulier les paragraphes 35 et 36 relatifs aux actions de tiers. D’après la lettre, leur représentant d’alors, Me Gagné, avait donné aux contribuables le conseil peu judicieux de ne pas accepter l’offre de règlement de 1995. Or, ils souhaitaient à présent s’en prévaloir (dossier du défendeur, volume 1, page 148, et volume 2, page 401). Le 29 octobre suivant, M. Jean Laporte, responsable du contentieux du bureau des services fiscaux de Montréal, a répondu à Me Daniel Bourgeois que l’offre de règlement n’était valide que du 30 juin 1995 au 28 février 1997, et que l’ARC n’avait pas l’intention de la renouveler. Il indiquait également que les contribuables ne pouvaient présenter de demandes d’allègement qu’en dernier ressort, et pas avant que les autres recours judiciaires ne soient épuisés (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, volume 1, pages 150 à 152; volume 2, pages 403 à 405).

 

[17]           Le 17 janvier 2008, les demandeurs ont abandonné leurs appels devant la Cour canadienne de l’impôt relativement aux années d’imposition 1989, 1990 et 1992.

 

[18]           Le 18 janvier 2008, pour donner suite à une rencontre qui avait eu lieu avec les demandeurs le 6 novembre 2007, l’ARC a confirmé dans une lettre que leurs appels devant la Cour canadienne de l’impôt avaient été retirés, et indiqué qu’ils pouvaient communiquer avec Mme Francine Perreault de l’ARC s’ils souhaitaient encore que leurs dossiers soient examinés au titre des dispositions d’allègement pour les contribuables de la LIR (document du tribunal déposé dans le dossier T‑402‑11, onglet 4).

 

[19]           Voici un résumé du dossier du demandeur pour les années d’imposition pertinentes (dossier du défendeur, volume 1, page 198) :

 

Année

Cotisation initiale

Nouvelle cotisation

Opposition

Confirmation

Avis d’appel

Désistement

Intérêts accumulés au 13‑10‑2010

1989

07‑10‑1991

15‑03‑1996

OUI

07‑11‑2003

13‑08‑2004

17‑01‑2008

15 546,31 $

1990

28‑08‑1992

15‑03‑1996

OUI

07‑11‑2003

13‑08‑2004

17‑01‑2008

6 728,09 $

1992

16‑06‑1993

15‑03‑1996

OUI

S/O

10‑09‑1996

17‑01‑2008

18 923,55 $

 

[20]           Voici un résumé du dossier de la demanderesse pour les années d’imposition pertinentes (dossier du défendeur, volume 2, page 452) :

 

Année

Cotisation initiale

Nouvelle cotisation

Opposition

Confirmation

Avis d’appel

Désistement

Intérêts accumulés au 13‑10‑2010

1989

03‑06‑1991

15‑03‑1996

OUI

10‑05‑2004

23‑06‑2004

17‑01‑2008

5 554,72 $

1990

25‑09‑1992

15‑03‑1996

OUI

10‑05‑2004

23‑06‑2004

17‑01‑2008

17 649,94 $

1992

07‑06‑1993

15‑03‑1996

OUI

S/O

28‑02‑1997

17‑01‑2008

52 825,89 $

 

[21]           Le 22 mars 2008, les demandeurs ont présenté une demande d’allègement pour les années 1989, 1990 et 1992. Ils demandaient aussi l’annulation des intérêts, invoquant des erreurs et des retards imputables à l’ARC, des difficultés financières, leur incapacité de payer et d’autres circonstances exposées dans leurs documents (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pièce R‑11, pages 155 et 408). Dans les rapports relatifs aux dispositions d’allègement pour les contribuables signés le 12 mai 2008, pour le demandeur, et le 5 juin 2008, pour la demanderesse, l’ARC a indiqué que le montant total dû par le demandeur, y compris les intérêts, s’élevait à plus de 48 000 $, alors qu’il ne proposait de payer que la somme réclamée dans l’offre de règlement en 1995, soit un peu plus de 10 000 $. La demanderesse devait quant à elle plus de 84 000 $ à l’époque et a proposé un règlement définitif d’un peu plus de 16 000 $, correspondant aussi à l’offre de règlement de 1995 (dossier du défendeur, pages 158 à 161 et 411 à 414). L’examen des dossiers des demandeurs a révélé un déficit mensuel, mais des actifs supérieurs aux dettes se traduisant par un surplus de presque 250 000 $. L’ARC a conclu dans ces rapports que les demandeurs n’étaient pas en difficulté financière.

 

[22]           La demande d’allègement de premier niveau des demandeurs, traitée par Mme Francine Perreault, a été refusée dans une lettre envoyée le 20 juin 2008 (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pièces R‑13 et R‑14, pages 162 à 179 et 415 à 433). L’ARC a analysé le temps de traitement du dossier des demandeurs et a conclu que les nouvelles cotisations avaient été établies dans le délai prescrit. Compte tenu du nombre de contribuables concernés (plus de 10 000), les vérifications des programmes de recherche et développement se sont déroulées de 1992 à 1995 et ont abouti à une offre de règlement en juin de cette année‑là. L’ARC a estimé qu’elle n’était pas responsable de la décision des demandeurs de rejeter cette offre conformément à ce que leur avait recommandé leur représentant juridique d’alors, et que ses agents n’avaient pas manqué de diligence en établissant les nouvelles cotisations des demandeurs.

 

[23]           Dans son analyse des retards occasionnés par les avis d’opposition et les procédures engagées devant la Cour canadienne de l’impôt, l’ARC a noté que le représentant des demandeurs et le ministre de la Justice avaient convenu d’attendre l’issue de l’affaire McKeown, qui a été connue en mars 2001. Bien que la décision rendue dans cette affaire ne leur ait pas été favorable, les demandeurs ont poursuivi les procédures judiciaires et tardé à payer leurs dettes. Les nouvelles cotisations établies relativement aux années 1989 et 1990 ont été confirmées en novembre 2003 pour le demandeur, et en mai 2004 pour la demanderesse. À propos du temps écoulé entre le jugement McKeown et la confirmation des nouvelles cotisations des demandeurs, l’ARC souligne que ces derniers ont bénéficié d’une période de 30 jours pour en appeler du jugement, ainsi que du moratoire, entre le 1er mai et le 30 novembre 2001, demandé par le ministère de la Justice en raison du grand nombre d’appels déjà interjetés devant la Cour canadienne de l’impôt. Même si l’ARC reconnaît dans son analyse qu’aucune raison précise n’explique pourquoi il a fallu attendre jusqu’en décembre 2001, les nouvelles cotisations ne pouvaient être confirmées sans un certain délai de traitement, étant donné le nombre de dossiers liés aux projets de recherche et développement.

 

[24]           L’ARC ajoute qu’elle n’avait aucun contrôle sur la lenteur du processus après que les demandeurs eurent interjeté appel de leurs nouvelles cotisations devant la Cour canadienne de l’impôt; elle cite à cet égard la juge Lamarre‑Proulx dans Lassonde c Sa Majesté la Reine, 2003 CCI 715, aux paragraphes 141 et 158, 2003 DTC 1289 [Lassonde] :

[141] [...] Une fois les procédures devant cette Cour entamées, il appartient à l’appelant de promouvoir l’audience de sa cause.

 

[158] Il est possible pour un contribuable de demander à notre Cour d’inscrire son appel pour audition une fois que la Réponse a été produite. En fait, dans une procédure judiciaire qui est un appel, c’est à l’appelant de la promouvoir.

 

 

L’ARC note également qu’au paragraphe 142 du jugement Lassonde, qui portait aussi sur des investissements en recherche et développement, la Cour de l’impôt a conclu que les agents du ministre du Revenu national n’avaient pas manqué de diligence dans leur traitement des cotisations. D’après l’ARC, les demandeurs ont choisi d’attendre que la Cour d’appel fédérale statue sur l’affaire Lassonde : c’est ce qu’elle a fait en 2005 en rendant une décision qui ne leur était pas favorable (Lassonde c Canada, 2005 CAF 323, [2005] ACF no 1682 (QL)).

 

[25]           L’ARC convient que l’attente en l’espèce a été très longue, mais estime avoir agi avec diligence. Quant à l’argument des demandeurs voulant que les retards aient diminué leurs chances de succès, elle fait valoir qu’aucun des contribuables ayant eu recours au régime frauduleux de recherche et développement n’a eu gain de cause en justice, et que cette issue était connue depuis le prononcé de la décision McKeown en 2001. L’ARC fait par ailleurs remarquer que les demandeurs ont bénéficié d’importants remboursements d’impôt en investissant dans le projet Biosystems 2, qu’ils ont eu la jouissance exclusive de ces sommes d’argent, et que même s’il encourageait l’investissement dans la recherche et le développement, le gouvernement n’approuvait pas le stratagème dans lequel les demandeurs avaient investi. Les demandeurs auraient dû savoir que l’investissement proposé était « trop beau pour être vrai ». L’ARC précise que le numéro d’abri fiscal qu’elle a émis n’était qu’une formalité administrative et ne garantissait en rien sa légitimité.

 

[26]           L’ARC a reconnu que la bonne foi et l’intégrité des demandeurs n’étaient pas contestées, et qu’ils avaient produit leurs déclarations et payé leurs impôts à temps dans le passé.

 

[27]           L’offre de règlement proposée par l’ARC en 1995 se voulait une solution globale et définitive et, en l’acceptant, les contribuables devaient renoncer à leurs droits d’appel. En interjetant appel devant la Cour canadienne de l’impôt, les demandeurs ont clairement rejeté cette offre, qui ne peut plus s’appliquer au contexte de l’allègement pour les contribuables.

 

[28]           L’ARC estime que les demandeurs n’ont pas agi avec diligence, puisqu’ils n’ont pas pris les mesures nécessaires pour limiter autant que possible l’accumulation des intérêts, et qu’ils ont investi dans un projet douteux. Après avoir évalué leurs actifs, l’ARC a conclu que leur valeur suffisait à établir qu’ils n’étaient pas en difficulté financière, malgré un déficit mensuel important, et que leur incapacité de payer dépendait de facteurs n’échappant à leur contrôle. Elle a d’ailleurs indiqué que les demandeurs étaient en train de construire une clinique médicale, dont le coût s’élevait à environ six (6) millions de dollars.

 

[29]           L’ARC renvoie également à la décision Moledina c Canada, 2007 CCI 354, au paragraphe 31, [2008] ACI no 286 [Moledina], où la Cour canadienne de l’impôt a déclaré ce qui suit au sujet de l’offre de règlement de 1995 :

[31] [...] Toutefois, je ne crois pas que je puisse accorder à l’appelant les mesures de redressement demandées. Abstraction faite de la question de compétence, il faut se demander qui est responsable du retard. Ce n’est certainement pas la faute du ministère du Revenu national. Le ministère a réagi au problème d’une manière rapide, résolue et responsable. Il a présenté une offre de règlement équitable et généreuse et a même prorogé le délai pour l’accepter. Je ne vois rien de critiquable dans le comportement du gouvernement, et, même si le retard pouvait constituer un fondement juridique d’une décision accordant les mesures de redressement demandées par l’appelant, je ne vois rien qui justifie l’imputation de ce retard au gouvernement. Le ministre a retardé la ratification des cotisations dans le but de régler les milliers d’oppositions déposées relativement aux abris fiscaux de RS&DE. N’importe lequel des contribuables pouvait interjeter appel devant la Cour 90 jours après avoir déposé un avis d’opposition. Une fois cette Cour saisie d’une affaire, le greffe a pour pratique de se montrer obligeant [sic] l’appelant qui veut expédier le traitement de son appel. Si les parties veulent une date d’audience, il est possible d’en fixer une dans un délai d’un mois. [...]

 

[30]           La recommandation de premier niveau était de ne pas annuler les intérêts parce qu’ils ne résultaient ni de circonstances exceptionnelles échappant au contrôle des demandeurs ni d’actions attribuables à l’ARC. Cette recommandation a été confirmée dans une lettre envoyée aux demandeurs le 20 juin 2008 (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pièces R‑13 et R‑14, pages 162 à 178 et 415 à 433).

 

[31]           Les demandeurs ont sollicité un réexamen de leurs dossiers le 8 août 2008 (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pièce R‑15, pages 180 à 184 et 434 à 437), au motif que leur situation financière ne leur aurait pas permis de rembourser les montants dus en 1996. Leur conseiller juridique, Me Gagné, leur aurait dit que ceux qui avaient accepté l’offre de règlement en 1995 avaient autre chose à cacher, et que leur situation était différente. Ils ajoutent qu’ils ont signé l’offre de règlement en demandant à leur représentant juridique de s’assurer qu’elle soit valide et, le cas échéant, de la faire parvenir à l’ARC. D’après les demandeurs, il est possible qu’il l’ait fait et que l’ARC l’ait perdue. Ils prétendent également qu’ils ont contacté l’ARC plusieurs fois entre 1995 et 1996, mais qu’ils ont été invités à payer et porter l’affaire en appel, ou à signer l’offre de règlement.

 

[32]           Les demandeurs affirment que leur rencontre avec les agents de l’ARC les ont poussés à faire deux choses : 1) retirer leur appel devant la Cour canadienne de l’impôt; 2) demander un allègement relativement aux intérêts qui, leur a‑t‑on assuré, leur serait probablement accordé compte tenu des circonstances exceptionnelles de l’affaire. Les demandeurs rejettent les conclusions de l’examen de premier niveau de l’ARC concernant leur situation financière, et indiquent que le centre médical de six (6) millions de dollars ne leur appartient pas, qu’il est financé par de nombreux investisseurs, et donc ne doit pas entrer dans l’évaluation de leur situation financière. Ils ont exprimé le désir de se prévaloir de l’offre de règlement de 1995. Ils indiquent dans leur lettre qu’ils ont épuisé toutes leurs ressources financières pour acquitter le principal des impôts impayés relativement aux années 1989, 1990 et 1992, et que la dernière question à régler concerne les intérêts composés sur ces montants.

 

[33]           Les demandeurs y font également valoir qu’ils ont été induits en erreur du fait que le gouvernement ne les a pas mis en garde contre l’instabilité du programme. Ils citent un document intitulé « La charte des droits du contribuable », qui prévoit à l’article 14 : « Vous êtes en droit de vous attendre à ce que nous vous mettions en garde contre des stratagèmes fiscaux douteux en temps opportun »; ils soutiennent qu’ils n’ont pas été avertis lorsqu’ils se sont renseignés en 1992 sur la validité du projet Biosystems 2. Ils prétendent que le gouvernement avait des doutes sur le programme de recherche et développement en 1987, mais qu’il ne les a pas mis en garde lorsqu’ils l’ont contacté en 1992 avant d’investir.

 

[34]           L’ARC a donné suite à la demande des demandeurs en effectuant un examen de deuxième niveau et en rendant une décision définitive dans une lettre datée du 3 février 2011. C’est cette décision qui est visée par la présente demande de contrôle judiciaire.

 

La décision soumise au contrôle

[35]           Un rapport sur les dispositions d’allègement du contribuable daté du 24 septembre 2008, qui portait sur la question des difficultés financières, a été signé le 28 octobre 2008 (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pièce R‑6, pages 185 à 188 et 438 à 442). Il conclut que les demandeurs n’étaient pas incapables de payer toutes les sommes dues en intérêts et qu’ils n’étaient pas en difficulté financière. Dans le rapport, on a passé en revue les actifs des demandeurs et indiqué que l’utilisation de leurs REER pour éponger les intérêts ne ferait que créer une nouvelle dette. Cependant, la valeur nette de leur maison a été évaluée à environ 532 000 $. Il était indiqué qu’on ne voyait pas comment les demandeurs pouvaient maintenir leur train de vie avec un déficit mensuel de presque 4 000 $ et les revenus déclarés, et suggéraient de corriger la situation en vendant leur maison pour en acquérir une plus modeste. On indiquait aussi que l’ARC avait reçu des chèques postdatés de la part des deux demandeurs pour le remboursement du capital des impôts impayés (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pièce R‑16, pages 186 et 439). La Direction générale des appels de l’ARC a reçu le rapport le 7 novembre 2008 (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pièce R‑17, pages 190 et 444).

 

[36]           Le deuxième rapport d’examen, préparé par Mme Françoise Bienvenue, a été signé le 3 février 2011 (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pièce R‑18, pages 191 à 213 et 445 à 468). Il résume l’historique du projet de recherche et développement et précise que des vérifications ont été effectuées à l’égard de trois (3) groupes différents, celle qui visait le « groupe principal » dont faisaient partie les demandeurs s’étant déroulée entre novembre 1991 et mars 1996. Il fait état de la mise sur pied d’un groupe d’étude en octobre 1994, à la suite de laquelle la Direction générale des appels a demandé de suspendre le traitement des dossiers de recherche et développement qui faisaient l’objet d’une vérification et ceux des contribuables qui s’étaient opposés à une nouvelle cotisation. Après que le groupe eut publié ses résultats, une offre de règlement a été envoyée aux investisseurs concernés en juin 1995. L’offre a été réitérée en novembre de la même année. En mars 1996, l’ARC a établi des nouvelles cotisations pour tous les contribuables qui n’avaient pas accepté l’offre et dont les nouvelles cotisations n’avaient pas encore été établies.

 

[37]           Après avoir présenté un long historique du projet de recherche et développement en général et expliqué dans les grandes lignes les retards découlant des avis d’opposition et les procédures intentées devant la Cour canadienne de l’impôt, l’ARC s’est penchée sur la situation particulière des demandeurs et exposé comme suit les motifs soulevés par eux en août 2008 :

a.       ils ont toujours payé leurs impôts à temps;

 

b.      leur représentant juridique, Me Gagné, et un rapport établi par le « Protecteur du citoyen », les avaient convaincus qu’ils devaient agir ainsi et que les nouvelles cotisations étaient non fondées;

 

c.       ils ont signé l’offre de 1995 et l’ont remise à leur représentant juridique pour qu’il la transmette à l’ARC après en avoir vérifié la validité;

 

d.      les retards excessifs dans l’affaire ont entraîné la perte d’éléments de preuve et diminué leurs chances de succès;

 

e.       les gouvernements provincial et fédéral leur ont fourni des numéros d’abri fiscal;

 

f.       le projet Biosystems 2 était sérieux, il représentait un potentiel économique et il s’est poursuivi pendant plusieurs années;

 

g.      l’offre de règlement de 1995 devrait s’appliquer aujourd’hui, car l’ARC a tort de la leur refuser sous prétexte qu’ils ont exercé leurs droits.

 

[38]           L’ARC a commencé par expliquer que les dispositions d’allègement confèrent un pouvoir discrétionnaire au ministre du Revenu national lorsque les intérêts accumulés découlent d’un retard injustifié de traitement, par exemple. Elle devait déterminer si le délai de traitement était raisonnable et justifié dans les circonstances. Citant le paragraphe 132 de la décision Lassonde, précitée, elle note que :

[132] Dans des procédures relatives à des plaintes faites dans le cadre du droit administratif, la question de savoir si un délai est excessif dépend non pas uniquement de la longueur de ce délai, mais de facteurs contextuels, dont la nature de l’affaire et sa complexité, de l’objet et de la nature des procédures ainsi que de la question de savoir si la personne visée par les procédures a contribué ou renoncé au délai.

 

[39]           L’ARC estime qu’il est normal que le processus de vérification ait duré plusieurs années, compte tenu de la complexité et du nombre de dossiers en cause. Les sociétés de recherche devaient faire l’objet d’une vérification avant que les crédits d’impôt puissent être refusés aux investisseurs, et les règles générales anti‑évitement devaient être examinées pour savoir si elles s’appliquaient. L’ARC ajoute que les conseillers scientifiques qui ont pris part au processus étaient d’avis que les projets étaient interreliés et qu’ils devaient être examinés globalement. L’ARC précise que certains promoteurs étaient eux‑mêmes responsables des retards. Elle reconnaît que certains de ces retards n’étaient pas directement attribuables aux demandeurs, mais qu’ils n’étaient pas moins légitimes dans la mesure où ils avaient décidé d’investir dans un abri fiscal douteux. L’ARC conclut qu’elle ne pouvait pas être tenue responsable de ces retards et qu’elle avait établi les nouvelles cotisations dans un délai raisonnable qui se justifiait eu égard aux circonstances. L’ARC ajoute aussi que même si elle soupçonnait que certaines sociétés n’étaient pas admissibles, elle ne pouvait simplement et automatiquement annuler tous les avantages fiscaux des contribuables concernés sans se livrer à une analyse approfondie. Elle insiste sur le fait que le retard relatif à l’année d’imposition 1992 s’expliquait notamment par l’étude qui lui a permis de mieux prendre position et de proposer une offre de règlement aux contribuables en 1995.

 

[40]           L’ARC analyse ensuite les retards découlant des oppositions présentées par les contribuables et des procédures engagées devant la Cour canadienne de l’impôt. Elle note qu’une cotisation est réputée valide en vertu du paragraphe 152(8) de la Loi et qu’elle doit donc être payée immédiatement. L’opposition permet simplement au contribuable de retarder le paiement du montant dû jusqu’à ce qu’une décision soit rendue, montant auquel viennent s’ajouter les intérêts accumulés si la décision lui est défavorable. L’ARC rappelle que les contribuables ont été avisés en octobre 1994 et mars 1995 que leurs oppositions resteraient en instance pendant qu’elle étudierait la situation pour établir sa position – procédure interne fréquente lorsque les litiges concernent plusieurs contribuables aux prises avec une question similaire. En vertu de l’alinéa 169(1)b) de la Loi, les contribuables pouvaient contester cette décision administrative en interjetant appel devant la Cour canadienne de l’impôt dans les 90 jours, comme l’ont fait les demandeurs. L’ARC rappelle également qu’en mars 1997, les parties, y compris le représentant des demandeurs, avaient convenu que l’affaire McKeown serait la cause type et que les autres audiences seraient suspendues jusqu’à ce qu’elle soit tranchée. Toutes les oppositions étaient également réputées en suspens jusqu’à ce que l’issue de cette affaire soit connue. L’ARC note que les demandeurs ont été informés en février 1999 qu’il était possible que l’affaire McKeown ne soit pas tranchée avant l’automne, et qu’ils ont pourtant choisi de ne rien faire.

 

[41]           Le rapport d’examen de deuxième niveau reprend l’explication contenue dans le rapport de premier niveau pour ce qui est du temps écoulé entre le jugement McKeown (mars 2001) et la confirmation des nouvelles cotisations des contribuables (novembre 2003 et mai 2004), et mentionne également l’obligation des contribuables de faire valoir leurs arguments devant la Cour canadienne de l’impôt. Sur la question des retards, l’ARC conclut que ceux‑ci étaient normaux eu égard à l’ensemble des circonstances et au fait que les contribuables ont délibérément laissé courir les intérêts sur les impôts dus pour cette période.

 

[42]           L’ARC note que la plupart des investisseurs ont accepté l’offre de règlement après que tous les fiscalistes ou presque eurent formulé des recommandations en ce sens. L’ARC indique que les demandeurs ont, sur les conseils de leur représentant juridique, décidé de continuer à faire valoir leurs arguments et qu’elle ne peut être tenue responsable des recommandations faites par un tiers.

 

[43]           Comme dans le rapport de premier niveau, l’ARC rappelle que même s’il avait encouragé l’investissement dans la recherche et le développement, le gouvernement n’avait pas encouragé l’investissement dans l’abri fiscal précis choisi par les demandeurs, lequel était douteux et paraissait trop beau pour être vrai. L’ARC note également que la bonne foi des demandeurs n’est pas en cause, pas plus que leurs antécédents en matière d’impôt, qui ne posent par ailleurs aucun problème. Elle réitère également ses commentaires concernant l’offre de règlement de 1995 à laquelle les demandeurs ont renoncé en interjetant appel devant la Cour canadienne de l’impôt le 10 septembre 1996 et le 28 février 1997, cette offre se voulant une solution globale et définitive qui ne saurait s’appliquer au titre des dispositions sur l’allègement.

 

[44]           L’ARC estime qu’il est déraisonnable que les demandeurs retardent davantage le paiement de leurs dettes en réclamant un allègement puisqu’ils connaissent le montant exact des sommes dues, qu’ils savent que les intérêts continuent à courir et que le litige entre l’ARC et les contribuables est réglé en l’occurrence. D’après l’ARC, aucune circonstance échappant au contrôle des demandeurs ne justifie de leur accorder un allègement, et aucune difficulté financière n’a été établie en ce qui les concerne.

 

[45]           Dans ce rapport de deuxième niveau, l’ARC résume la rencontre qui a eu lieu le 9 décembre 2010 entre les demandeurs, M. Jean Laporte, directeur du Comité d’allègement pour les contribuables, et Mme Françoise Bienvenue, agente des litiges. L’ARC reconnait que certains retards méritaient considération et justifiaient l’annulation des vingt‑quatre (24) mois d’intérêts correspondant à la période écoulée entre la réception par la Direction générale des appels du rapport relatif aux dispositions d’allègement pour les contribuables le 7 novembre 2008 et l’examen du dossier au début de janvier 2011. D’après l’ARC, le traitement d’une demande prend normalement deux (2) mois et donc aurait dû être complété en l’occurrence à la fin de décembre 2008. C’est pourquoi les intérêts accumulés entre le 1er janvier 2009 et le 5 janvier 2011 ont été annulés.

 

Dispositions pertinentes

[46]           Le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu confère au ministre du Revenu le pouvoir discrétionnaire de renoncer aux pénalités et intérêts ou de les annuler :

PARTIE XV

APPLICATION ET EXÉCUTION

 

Application

 

[...]

 

Renonciation aux pénalités et aux intérêts

 

220. (3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour‑là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

PART XV

ADMINISTRATION AND ENFORCEMENT

 

Administration

 

...

 

Waiver of penalty or interest

 

 

220. (3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

[47]           Les autres dispositions pertinentes sont reproduites en annexe du présent jugement.

 

[48]           Le ministre du Revenu national a également élaboré des lignes directrices pour faciliter l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire (Lignes directrices concernant l’allègement pour les contribuables (partie II) : circulaire d’information IC07‑1 (les lignes directrices)). Celles‑ci ne sont pas contraignantes et ne peuvent justifier l’exclusion de motifs pertinents (Sutherland c Canada (Agence des douanes et du revenu), 2006 CF 154, au paragraphe 17, [2006] ACF no 242 (QL)), mais elles indiquent, de façon générale, ce qui suit :

Partie II

 

Lignes directrices concernant l’annulation ou la renonciation aux pénalités et aux intérêts

 

[...]

 

Situations dans lesquelles un allègement des pénalités et des intérêts peut être justifié

 

23. Le ministre peut accorder un allègement de l’application des pénalités et des intérêts lorsque les situations suivantes sont présentes et qu’elles justifient l’incapacité du contribuable à s’acquitter de l’obligation ou de l’exigence fiscale en cause :

 

a) circonstances exceptionnelles;

 

b) actions de l’ARC;

 

c) incapacité de payer ou difficultés financières.

 

24. Le ministre peut également accorder un allègement même si la situation du contribuable ne se trouve pas parmi les situations mentionnées au paragraphe 23.

 

Part II

 

Guidelines for the Cancellation or Waiver of Penalties and Interest

 

 

...

 

Circumstances Where Relief From Penalty and Interest May Be Warranted

 

23. The Minister may grant relief from the application of penalty and interest where the following types of situations exist and justify a taxpayer’s inability to satisfy a tax obligation or requirement at issue :

 

 

(a) extraordinary circumstances

 

(b) actions of the CRA

 

(c) inability to pay or financial hardship

 

24. The Minister may also grant relief if a taxpayer’s circumstances do not fall within the situations stated in 23.

 

 

La question en litige

[49]           La seule question que soulève la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si la décision de l’ARC de n’annuler qu’une partie des intérêts des demandeurs était raisonnable.

 

Norme de contrôle

[50]           La décision discrétionnaire du ministre d’annuler des intérêts impayés est assujettie à la norme de contrôle de la raisonnabilité (Lalonde c Canada (Agence du revenu), 2010 CF 531, aux paragraphes 27 à 30, [2010] ACF no 638 (QL); Telfer c Canada (Agence du revenu), 2009 CAF 23, au paragraphe 24, [2009] ACF no 71 )QL); Jim’s Pizza (1980) Ltd c Canada (Agence du revenu), 2007 CF 782, au paragraphe 3, [2007] ACF no 1052 (QL) [Jim’s Pizza]). Le ministre peut décider de renoncer aux intérêts ou de les annuler, à sa discrétion, ce qui implique que la Cour doit faire preuve de déférence et s’intéresser « principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel », ainsi qu’à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 , au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]). Comme le fait remarquer le défendeur, l’annulation discrétionnaire par le ministre des intérêts est une mesure exceptionnelle (décision Jim’s Pizza, précitée, au paragraphe 13).

 

Arguments

Arguments des demandeurs

[51]           Les demandeurs font valoir que l’ARC n’a pas divulgué d’importants renseignements sur des éléments douteux du programme de recherche et de développement, et qu’ils n’en ont pris connaissance qu’en rencontrant les agents de l’ARC en 2010. Ils ajoutent que l’ARC savait que certains projets de recherche et développement n’étaient pas admissibles, mais qu’elle a négligé de les en informer, se contentant de leur fournir un numéro d’abri fiscal lorsqu’ils l’ont contactée pour en savoir plus sur Biosystems 2.

 

[52]           D’après les demandeurs, l’ARC a dissimulé de l’information susceptible d’influencer leur décision quant à l’offre de règlement de 1995, à savoir un rapport d’expert sur Biosystems 2 qui lui a été soumis en janvier 1995 (dossier de la demande, pages 64 à 98). Ils affirment avoir appris l’existence de ce rapport en 2007 lors de l’instance devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

[53]           Les demandeurs soutiennent que les seuls retards dont ils sont responsables ont trait au report des dates d’audience en 2007 dans l’attente des décisions concernant des dossiers similaires. Ils affirment aussi qu’ils ont été poussés par les représentants juridiques de l’ARC à retirer leur appel devant la Cour canadienne de l’impôt pour démontrer leur bonne foi, et qu’ils avaient été amenés à croire que la décision en matière d’allègement fiscal serait probablement favorable dans leur cas.

 

[54]           Ils prétendent également que l’ARC n’a pas agi de manière objective parce que M. Jean Laporte serait intervenu dans l’examen de premier niveau dans leur cas et dans celui de deuxième niveau qui est visé par la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[55]           Les demandeurs cherchent à obtenir l’annulation de tous les intérêts accumulés avant le 1er janvier 2009 et après le 5 janvier 2011, et souhaitent se prévaloir de l’entente de 1995.

 

Arguments du défendeur

[56]           Le défendeur avance que la décision de l’ARC n’était pas déraisonnable, étant donné que l’accumulation des intérêts est imputable aux demandeurs et non au ministre du Revenu national ou à ses représentants, à l’exception de la période pour laquelle un allègement a déjà été accordé. De son point de vue, aucun retard indu n’est à mettre sur le compte de l’ARC, les demandeurs ne sont pas en difficulté financière, les allégations d’erreurs et de désinformation portées contre l’ARC sont non fondées et les autres circonstances exceptionnelles invoquées ne justifient pas l’octroi d’allègements – par conséquent, la décision est raisonnable.

 

[57]           Concernant la question des retards, le défendeur maintient qu’aucun retard indu n’est imputable à l’ARC, à l’exception de la période allant du 1er janvier 2009 au 5 janvier 2011, pour laquelle un allègement a déjà été accordé. Il note que les demandeurs semblent reconnaître que la lenteur du processus était attribuable au nombre important de dossiers liés au stratagème de recherche et développement (dossier de la demande, pages 3 et 7). Il rappelle que le contrôle fiscal a dû être effectué en trois (3) étapes, celle qui concerne les demandeurs ayant duré de 1991 à 1995. D’après le défendeur, ce temps n’est pas excessif et a abouti à une offre de règlement qui annulait les intérêts des contribuables qui l’ont acceptée. Il soutient en outre que l’ARC a établi de nouvelles cotisations relativement aux années 1989, 1990 et 1992 dans la période prévue à cet effet, comme l’exige le paragraphe 152(4) de la Loi. L’envergure et la complexité de la vérification expliquent que les nouvelles cotisations aient été établies juste avant la fin de la période normale de nouvelle cotisation (citant Adm c L’Agence du revenu du Canada (17 novembre 2010), Montréal, T‑352‑10 (CF), à la page 3).

 

[58]           Le défendeur affirme que les demandeurs ne peuvent bénéficier à présent des conditions de l’offre de règlement de 1995, puisque l’ARC n’a jamais reçu de copie signée de leur part et que l’échéance d’acceptation du 28 février 1997 est passée depuis longtemps (citant l’article 1392 du C.C.Q.).

 

[59]           Le défendeur souligne que les demandeurs ont choisi de s’opposer aux nouvelles cotisations relatives aux années 1989, 1990 et 1992, sans payer le solde dû, alors qu’ils savaient que les intérêts continueraient à s’accumuler jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue relativement aux oppositions. Il avance que les demandeurs savaient depuis juillet 1996 que cela pourrait prendre du temps, l’ARC les ayant informés que le traitement était suspendu jusqu’à ce que l’affaire McKeown soit tranchée. Après qu’un jugement favorable au ministre du Revenu national a été rendu en 2001, les demandeurs n’ont ni renoncé à leur opposition ni payé le solde dû.

 

[60]           Le défendeur fait valoir que l’ARC n’avait aucun contrôle sur le temps qu’ont pris les procédures devant la Cour canadienne de l’impôt. Il fait remarquer que les demandeurs ont décidé d’attendre la résolution de leur cause plutôt que de payer le solde dû, jusqu’au retrait de leurs appels en janvier 2008.

 

[61]           Enfin, sur la question des retards, le défendeur soutient que le seul retard imputable à l’ARC en ce qui a trait à la demande d’allègement présentée par les demandeurs est la période de vingt‑quatre (24) mois écoulée avant qu’une décision ne soit rendue relativement à leur examen de deuxième niveau – période à l’égard de laquelle les intérêts ont de fait été annulés. D’après le défendeur, lorsqu’ils ont soumis leur première demande d’allègement en décembre 2004, les demandeurs savaient ou auraient dû savoir qu’il fallait attendre la résolution de leurs appels et de leurs oppositions avant que l’ARC ne puisse se pencher sur leurs dossiers, que le jugement McKeown était favorable à l’ARC et que celle‑ci n’entamerait pas l’examen tant et aussi longtemps que la demande d’allègement était incomplète, comme ils l’avaient eux‑mêmes demandé.

 

[62]           Au chapitre des difficultés financières, le défendeur rappelle que les demandeurs n’ont pas établi que leur situation était délicate puisque la valeur de leurs actifs dépasse celle de leurs passifs, ce qui crée un surplus susceptible de couvrir leurs dettes. Il affirme par ailleurs que les demandeurs n’ont pas réduit le montant qu’ils devaient à l’ARC puisqu’ils n’ont pas payé le solde depuis la nouvelle cotisation du 15 mars 1996. Il note qu’entre le 15 septembre 2008 et le 15 avril 2009, le demandeur et la demanderesse ont fait des versements mensuels s’élevant respectivement à plus de 12 000 $ et 25 000 $.

 

[63]           Le défendeur soutient que les allégations d’erreurs et de désinformation portées contre l’ARC sont non fondées. Il rappelle que la vérification de la plupart des projets de recherche et développement, incluant Biosystems 2, s’est achevée en 1995. Il est donc déraisonnable de s’attendre à ce que l’ARC confirme la validité du projet Biosystems 2 en 1992, date à laquelle les demandeurs se seraient renseignés sur le projet. Le défendeur rappelle que l’émission d’un numéro d’inscription d’abri fiscal ne garantit pas la sûreté d’un projet donné, mais constitue simplement une formalité administrative. Il fait aussi remarquer que l’offre de règlement envoyée aux demandeurs en 1995 contenait un document détaillé brossant un tableau des problèmes liés au stratagème de recherche et développement.

 

[64]           Le défendeur prétend que les circonstances exceptionnelles suivantes ne justifient pas d’accorder un allègement : (i) les retards ayant empêché les demandeurs de soumettre la meilleure preuve à l’appui de leurs réclamations; (ii) le fait que les avocats de l’ARC les ont incités à retirer leurs appels devant la Cour canadienne de l’impôt; (iii) le fait que les avocats de l’ARC les ont convaincus que leur demande d’allègement serait probablement accueillie. Le défendeur affirme que l’ARC a reconnu la lenteur du processus dans la présente affaire, mais qu’elle a agi avec diligence compte tenu de l’envergure de l’affaire, et ajoute qu’aucun des contribuables impliqués dans le stratagème de recherche et développement n’a eu gain de cause en appel relativement aux nouvelles cotisations depuis la décision McKeown. Le défendeur a également déposé l’affidavit de Me Simon Petit, qui déclare que personne n’a indiqué ou reconnu lors de la rencontre du 6 novembre 2007 que les demandeurs pouvaient espérer une issue plus favorable s’ils présentaient une demande d’équité et renonçaient à leurs appels (dossier du défendeur, affidavit de Simon Petit, volume 1, pages 215 à 217).

 

[65]           Le défendeur n’est également pas d’accord avec le fait que les demandeurs ont soulevé dans leur demande de contrôle judiciaire des éléments dont il n’avait pas été question auparavant dans la demande d’allègement. Plus précisément, les demandeurs affirment dans leurs affidavits que l’ARC les a induits en erreur en n’incluant pas dans l’offre de règlement de 1995 un rapport d’expert sur Biosystems 2 publié le 27 janvier 1995. Ils affirment que cette omission les a empêchés de prendre une décision éclairée relativement à l’offre, et qu’ils n’ont appris l’existence de ce rapport que lors de l’instance devant la Cour canadienne de l’impôt. Le défendeur soutient que cette question n’a jamais été abordée, que ce soit dans la première ou la deuxième demande d’allègement, et qu’à ce titre l’ARC ne peut pas être tenue de considérer des faits qui n’ont pas été portés à son attention. Quoi qu’il en soit, le défendeur fait valoir que ce rapport ne change rien au fait que les demandeurs ont décidé de laisser les intérêts s’accumuler et d’attendre la résolution de leurs appels.

 

[66]           Le défendeur rejette les allégations des demandeurs selon lesquelles l’ARC n’aurait pas agi objectivement parce que M. Jean Laporte aurait pris part aux premier et deuxième examens de leurs demandes. Il affirme que ce dernier n’est pas du tout intervenu dans le premier examen : il s’est contenté de répondre à Me Bourgeois en octobre 2007 après que ce dernier se fut enquis de la possibilité de refaire profiter les demandeurs des conditions de l’offre de 1995, et il n’agissait alors qu’en qualité de directeur du contentieux pour l’ARC. D’après le défendeur, le premier examen n’a débuté qu’en mars 2008; il serait donc déraisonnable de conclure que M. Laporte y a contribué en rédigeant une lettre en octobre 2007.

 

Analyse

[67]           La Cour estime que la décision de l’ARC était raisonnable et rappelle que la décision du ministre du Revenu national d’annuler des intérêts relève de son pouvoir discrétionnaire, et il convient dès lors de faire montre d’une déférence considérable. L’examen de la Cour se limite à la manière dont le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire (décision Sutherland, précitée, au paragraphe 20). La Cour se reporte à cet effet à l’extrait suivant tiré du paragraphe 13 de Jenkins c Canada (Agence du revenu), 2007 CF 295, [2007] ACF no 415 (QL) :

[13] Il importe, dans l’examen de la décision contestée, de ne pas perdre de vue que le pouvoir conféré au ministre par le paragraphe 220(3.1) de la Loi est un pouvoir discrétionnaire et qu’en conséquence le ministre n’est aucunement tenu de parvenir à une conclusion particulière. En outre, l’obligation incombant au contribuable de payer des pénalités et des intérêts en cas de production tardive de ses déclarations de revenus découle de l’application de la Loi et non pas d’une décision discrétionnaire du ministre qui aurait choisi d’imposer des pénalités et des intérêts. Le pouvoir discrétionnaire du ministre se limite donc à l’octroi d’une dispense de l’application de la Loi à titre exceptionnel lorsqu’il estime qu’une telle dispense est justifiée.

 

[68]           Même si les retards étaient excessifs en l’espèce, les demandeurs n’ont pas réussi à convaincre la Cour qu’ils étaient imputables à l’ARC (hormis la période de vingt‑quatre (24) mois pour laquelle un allègement a été accordé), ou qu’il existait des circonstances exceptionnelles dont elle a manqué de tenir compte lors des examens de premier et de deuxième niveau de leurs demandes. La Cour note également que les demandeurs ont toujours su que les intérêts continueraient à s’accumuler sur leurs dettes et qu’ils ont délibérément choisi de retarder le remboursement des sommes dues. D’après le paragraphe 33 des lignes directrices, ce facteur‑là peut être pris en compte pour parvenir à une décision :

Facteurs utilisés pour arriver à la décision

 

33. Lorsque des circonstances indépendantes de la volonté du contribuable, des actions de l’ARC, ou l’incapacité de payer ou les difficultés financières ont empêché le contribuable de respecter la Loi, les facteurs suivants seront considérés pour déterminer si l’ARC annulera ou renoncera aux pénalités et aux intérêts, ou non :

 

a) le contribuable a respecté, par le passé, ses obligations fiscales;

 

b) le contribuable a, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des intérêts sur arriérés;

 

c) le contribuable a fait des efforts raisonnables et n’a pas été négligent dans la conduite de ses affaires en vertu du régime d’autocotisation;

 

 

 

d) le contribuable a agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission.

 

[Je souligne]

Factors Used in Arriving at the Decision

 

33.Where circumstances beyond a taxpayer’s control, actions of the CRA, or inability to pay or financial hardship has prevented the taxpayer from complying with the Act, the following factors will be considered when determining whether or not the CRA will cancel or waive penalties and interest :

 

 

(a) whether or not the taxpayer has a history of compliance with tax obligations;

 

(b) whether or not the taxpayer has knowingly allowed a balance to exist on which arrears interest has accrued;

 

 

(c) whether or not the taxpayer has exercised a reasonable amount of care and has not been negligent or careless in conducting their affairs under the self‑assessment system; and

 

(d) whether or not the taxpayer has acted quickly to remedy any delay or omission.

 

[Emphasis added]

 

[69]           Il était loisible à l’ARC de conclure que les retards ne justifiaient pas en l’espèce l’annulation des intérêts. La Cour estime que cette question a été convenablement et adéquatement traitée dans la décision de l’ARC et que, comme l’a fait valoir le défendeur, les retards ont déjà été examinés dans la décision Moledina, précitée, qui concernait le contrôle du même stratagème de recherche et développement que celui qui est en cause dans le cas des demandeurs. La Cour canadienne de l’impôt a conclu que l’ARC avait agi de manière rapide, exhaustive et équitable en présentant l’offre de règlement aux contribuables, et que sa façon de répondre au problème était irréprochable. Même s’ils se rapportent à une autre affaire et au contexte d’un appel relatif à de nouvelles cotisations, ces commentaires sont tout de même pertinents pour établir que l’ARC a, de façon générale, agi avec diligence dans la « saga malheureuse » des projets de recherche et développement (décision Moledina, précitée, au paragraphe 8).

 

[70]           La Cour n’est du reste pas convaincue que l’ARC a induit les demandeurs en erreur. L’émission d’un numéro d’abri fiscal ne signifie pas que l’ARC reconnaît la légitimité d’un investissement et qu’elle accorde aux investisseurs le droit de déduire les pertes réclamées ou de recevoir les crédits fiscaux qui s’y rapportent. Il s’agit plutôt d’une exigence administrative à remplir pour pouvoir déduire certaines pertes et dépenses associées à un abri fiscal (décision Moledina, précitée, au paragraphe 9). Ainsi, lorsque l’ARC a remis des numéros d’abri fiscal aux demandeurs en 1992, elle ne garantissait d’aucune manière la légitimité de l’investissement. La Cour estime que cet aspect a été convenablement expliqué dans les examens de premier et de deuxième niveaux des demandes d’allègement présentées par les demandeurs.

 

[71]           La Cour estime également que la décision de l’ARC ayant trait à l’offre de règlement de 1995 est raisonnable. Les demandeurs connaissaient cette offre et ses conditions. D’après la preuve dont dispose la Cour, se fondant sur les conseils de leur représentant juridique, ils ont choisi de ne pas l’accepter ou l’ont signée en lui demandant d’en vérifier la légitimité avant de l’envoyer à l’ARC. Quoi qu’il en soit, ils ont manifestement refusé l’offre de règlement en faisant appel de leurs nouvelles cotisations devant la Cour canadienne de l’impôt. Ils ne sauraient prétendre avoir le droit de bénéficier à présent d’une offre qui a expiré en 1997, d’autant plus qu’ils ont explicitement enfreint l’une de ses conditions – celle de renoncer à leurs droits d’appel. La Cour éprouve de la sympathie à l’égard de la situation des demandeurs, mais le fait est qu’ils ont continué de différer le paiement des impôts impayés pendant plusieurs années, tout en sachant que les intérêts continueraient à s’accumuler.

 

[72]           La Cour estime que les conclusions de l’ARC concernant les difficultés financières étaient également raisonnables. Il était peut‑être erroné, à l’étape de l’examen de premier niveau, de tenir compte du fait que les demandeurs étaient associés à la construction d’une clinique médicale de six millions de dollars, mais ce facteur n’est pas entré en ligne de compte dans l’évaluation des difficultés financières lors de l’examen de deuxième niveau (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pièce R‑16, pages 185 à 189 et 438 à 442). Eu égard au dossier, il était raisonnable que l’ARC conclue que les demandeurs n’avaient pas prouvé leurs difficultés financières étant donné que la valeur de leurs actifs dépassait celle de leurs passifs et permettait d’éponger la dette restante.

 

[73]           Contrairement aux observations des demandeurs, la Cour ne trouve rien à redire à l’intervention de M. Laporte dans le présent dossier. Il a indiqué dans son affidavit qu’il n’avait d’aucune manière pris part à l’examen de leur première demande d’allègement (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, paragraphe 5, pages 2 et 250). Il a rendu la décision définitive à l’étape de l’examen de deuxième niveau effectué par Mme Françoise Bienvenue, agente de l’ARC (dossier du défendeur, affidavit de Jean Laporte, pièce R‑1, pages 12 et 259; pièce R‑18, pages 212 et 466). Par ailleurs, l’examen de premier niveau a été signé par M. James Thompson (pièce R‑14, pages 179 et 432) et mené par Mme Francine Perreault, agente de l’ARC, (pièce R‑13, pages 176 et 429). La Cour estime que l’argument des demandeurs voulant que l’ARC n’ait pas agi objectivement parce que M. Laporte est intervenu dans les examens de premier et de deuxième niveaux est dénué de fondement.

 

[74]           La Cour souscrit aux observations du défendeur selon lesquelles les demandeurs ne peuvent invoquer, à l’étape du contrôle judiciaire, l’absence du rapport d’expert sur Biosystems 2 dans l’offre de règlement : cette préoccupation n’a pas été signalée à l’ARC au moment de la demande d’allègement. En règle générale, on ne peut s’attendre à ce que l’ARC se prononce sur des éléments de l’affaire qui n’ont pas été portés à son attention (Succession Rosenberg c Canada (Ministre du Revenu national), 2011 CF 445, au paragraphe 42, [2011] ACF no 564 (QL)). La Cour note d’ailleurs que l’offre de règlement de 1995 était accompagnée d’un document détaillé soulignant les problèmes liés aux projets de recherche et développement qui aurait été suffisant pour permettre aux demandeurs d’évaluer la légitimité de leur investissement dans l’abri fiscal.

 

[75]           Les demandeurs n’ont pas convaincu la Cour que la décision de l’ARC était déraisonnable. Les circonstances exceptionnelles de la présente affaire (son envergure, sa complexité et les retards occasionnés) ont été examinées et expliquées abondamment lors de l’examen de deuxième niveau de leurs demandes d’allègements. Il était certainement loisible à l’ARC de décider de ne pas annuler tous les intérêts, mais seulement ceux qui ont été accumulés durant la période de vingt‑quatre (24) mois de retard qui lui était imputable. L’ARC a adéquatement tenu compte des arguments avancés par les demandeurs dans leurs demandes d’allègement, et la Cour est convaincue que sa décision était suffisamment justifiée, transparente et intelligible (arrêt Dunsmuir, précité; Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador, 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708).

 

[76]           Compte tenu de l’analyse qui précède, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Nonobstant la demande présentée au nom du défendeur pour condamner les demandeurs aux dépens, la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire pour refuser d’adjuger des dépens.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans frais.

 

 

« Richard Boivin »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


Annexe

 

Les dispositions suivantes de la Loi de l’impôt sur le revenu sont pertinentes pour la présente demande de contrôle judiciaire :

PARTIE I

IMPÔT SUR LE REVENU

 

[...]

 

Section I

Déclarations, cotisations, paiement et appels

 

[...]

 

Cotisation

 

[...]

 

Cotisation et nouvelle cotisation

 

152. (4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

 

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

 

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en

fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

 

(ii) soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année;

 

b) la cotisation est établie avant le jour qui suit de trois ans la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année et, selon le cas :

 

 

(i) est à établir en conformité au paragraphe (6) ou le serait si le contribuable avait déduit un montant en présentant le formulaire prescrit visé à ce paragraphe au plus tard le jour qui y est mentionné,

 

(ii) est établie par suite de l’établissement, en application du présent paragraphe ou du paragraphe (6), d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation concernant l’impôt payable par un autre contribuable,

 

(iii) est établie par suite de la conclusion d’une opération entre le contribuable et une personne non résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance,

 

(iii.1) si le contribuable est un non‑résident exploitant une entreprise au Canada, est établie par suite :

 

(A) soit d’une attribution, par le contribuable, de recettes ou de dépenses au titre de montants relatifs à l’entreprise canadienne (sauf des recettes et des dépenses se rapportant uniquement à l’entreprise canadienne qui sont inscrits dans les documents comptables de celle‑ci et étayés de documents conservés au Canada),

 

(B) soit d’une opération théorique entre le contribuable et son entreprise canadienne, qui est reconnue aux fins du calcul d’un montant en vertu de la présente loi ou d’un traité fiscal applicable,

 

(iv) est établie par suite d’un paiement supplémentaire ou d’un remboursement d’impôt sur le revenu ou sur les bénéfices effectué au gouvernement d’un pays étranger, ou d’un état, d’une province ou autre subdivision politique d’un tel pays, ou par ce gouvernement,

 

(v) est établie par suite d’une réduction, opérée en application du paragraphe 66(12.73), d’un montant auquel il a été censément renoncé en vertu de l’article 66,

 

(vi) est établie en vue de l’application des paragraphes 118.1(15) ou (16);

 

 

c) le contribuable ou la personne produisant la déclaration a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période additionnelle de trois ans mentionnée à l’alinéa b);

 

d) par suite d’un changement intervenu dans l’attribution du revenu imposable du contribuable gagné dans une province, déterminé selon la législation d’une province qui prévoit des règles semblables à celles établies par règlement pour l’application de l’article 124, une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire (appelée « nouvelle cotisation provinciale » au présent alinéa) est établie à l’égard de l’impôt à payer par une société pour une année d’imposition en vertu d’une loi provinciale aux termes de laquelle la société est assujettie à un impôt semblable à celui prévu par la présente partie et, par suite de la nouvelle cotisation provinciale, une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire est établie au plus tard le jour qui suit d’une année le dernier en date des jours suivants :

 

(i) le jour où le ministre est avisé de la nouvelle cotisation provinciale,

 

 

(ii) le quatre‑vingt‑dixième jour suivant la date d’envoi de l’avis de la nouvelle cotisation provinciale.

 

[...]

 

Présomption de validité de la cotisation

 

(8) Sous réserve des modifications qui peuvent y être apportées ou de son annulation lors d’une opposition ou d’un appel fait en vertu de la présente partie et sous réserve d’une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être valide et exécutoire malgré toute erreur, tout vice de forme ou toute omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s’y rattachant en vertu de la présente loi.

 

[...]

 

Section J

Appels auprès de la Cour canadienne de l’impôt et de la Cour d’appel fédérale

 

Appel

 

169. (1) Lorsqu’un contribuable a signifié un avis d’opposition à une cotisation, prévu à l’article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation :

 

a) après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

 

b) après l’expiration des 90 jours qui suivent la signification de l’avis d’opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu’il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation; toutefois, nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l’expiration des 90 jours qui suivent la date où avis a été envoyé au contribuable, en vertu de l’article 165, portant que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

 

[...]

 

PARTIE XV

APPLICATION ET EXÉCUTION

 

 

Application

 

[...]

 

Renonciation aux pénalités et aux intérêts

 

220. (3,1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour‑là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

PART I

INCOME TAX

 

...

 

Division I

Returns, Assessments, Payment and Appeals

 

...

 

Assessment

 

...

 

Assessment and reassessment

 

152. (4) The Minister may at any time make an assessment, reassessment or additional assessment of tax for a taxation year, interest or penalties, if any, payable under this Part by a taxpayer or notify in writing any person by whom a return of income for a taxation year has been filed that no tax is payable for the year, except that an assessment, reassessment or additional assessment may be made after the taxpayer’s normal reassessment period in respect of the year only if

 

 

 

 

(a) the taxpayer or person filing the return

 

 

(i) has made any misrepresentation that is attributable to neglect, carelessness or wilful default or has committed any fraud in filing the return or in supplying any information under this Act, or

 

 

(ii) has filed with the Minister a waiver in prescribed form within the normal reassessment period for the taxpayer in respect of the year;

 

 

(b) the assessment, reassessment or additional assessment is made before the day that is 3 years after the end of the normal reassessment period for the taxpayer in respect of the year and

 

(i) is required pursuant to subsection 152(6) or would be so required if the taxpayer had claimed an amount by filing the prescribed form referred to in that subsection on or before the day referred to therein,

 

(ii) is made as a consequence of the assessment or reassessment pursuant to this paragraph or subsection 152(6) of tax payable by another taxpayer,

 

 

(iii) is made as a consequence of a transaction involving the taxpayer and a non‑resident person with whom the taxpayer was not dealing at arm’s length,

 

(iii.1) is made, if the taxpayer is non‑resident and carries on a business in Canada, as a consequence of

 

(A) an allocation by the taxpayer of revenues or expenses as amounts in respect of the Canadian business (other than revenues and expenses that relate solely to the Canadian business, that are recorded in the books of account of the Canadian business, and the documentation in support of which is kept in Canada), or

 

(B) a notional transaction between the taxpayer and its Canadian business, where the transaction is recognized for the purposes of the computation of an amount under this Act or an applicable tax treaty.

 

(iv) is made as a consequence of a payment or reimbursement of any income or profits tax to or by the government of a country other than Canada or a government of a state, province or other political subdivision of any such country,

 

 

(v) is made as a consequence of a reduction under subsection 66(12.73) of an amount purported to be renounced under section 66, or

 

 

(vi) is made in order to give effect to the application of subsection 118.1(15) or 118.1(16);

 

(c) the taxpayer or person filing the return has filed with the Minister a waiver in prescribed form within the additional 3‑year period referred to in paragraph (b); or

 

 

(d) as a consequence of a change in the allocation of the taxpayer’s taxable income earned in a province as determined under the law of a province that provides rules similar to those prescribed for the purposes of section 124, an assessment, reassessment or additional assessment of tax for a taxation year payable by a corporation under a law of a province that imposes on the corporation a tax similar to the tax imposed under this Part (in this paragraph referred to as a “provincial reassessment”) is made, and as a consequence of the provincial reassessment, an assessment, reassessment or additional assessment is made on or before the day that is one year after the later of

 

 

 

 

(i) the day on which the Minister is advised of the provincial reassessment, and

 

(ii) the day that is 90 days after the day of sending of a notice of the provincial reassessment.

 

...

 

Assessment deemed valid and binding

 

(8) An assessment shall, subject to being varied or vacated on an objection or appeal under this Part and subject to a reassessment, be deemed to be valid and binding notwithstanding any error, defect or omission in the assessment or in any proceeding under this Act relating thereto.

 

...

 

 

 

 

Division J

Appeals to the Tax Court of Canada and the Federal Court of Appeal

 

 

Appeal

 

169. (1) Where a taxpayer has served notice of objection to an assessment under section 165, the taxpayer may appeal to the Tax Court of Canada to have the assessment vacated or varied after either

 

(a) the Minister has confirmed the assessment or reassessed, or

 

 

(b) 90 days have elapsed after service of the notice of objection and the Minister has not notified the taxpayer that the Minister has vacated or confirmed the assessment or reassessed, but no appeal under this section may be instituted after the expiration of 90 days from the day notice has been sent to the taxpayer under section 165 that the Minister has confirmed the assessment or reassessed.

 

 

 

...

 

PART XV

ADMINISTRATION AND ENFORCEMENT

 

Administration

 

...

 

Waiver of penalty or interest

 

220. (3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

Les dispositions suivantes de la Loi sur les Cours fédérales énoncent les motifs pour lesquels une décision peut être contrôlée :

COMPÉTENCE DE LA COUR FÉDÉRALE

 

[...]

 

Demande de contrôle judiciaire

 

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

 

Délai de présentation

 

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous‑procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

 

 

 

Pouvoirs de la Cour fédérale

 

(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

 

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

 

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

 

Motifs

 

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

 

a) a agi sans compétence, outrepassé celle‑ci ou refusé de l’exercer;

 

 

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

 

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle‑ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

 

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

 

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;

 

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

 

Vice de forme

 

(5) La Cour fédérale peut rejeter toute demande de contrôle judiciaire fondée uniquement sur un vice de forme si elle estime qu’en l’occurrence le vice n’entraîne aucun dommage important ni déni de justice et, le cas échéant, valider la décision ou l’ordonnance entachée du vice et donner effet à celle‑ci selon les modalités de temps et autres qu’elle estime indiquées.

JURISDICTION OF THE FEDERAL COURT

 

...

 

Application for judicial review

 

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

 

Time limitation

 

(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.

 

Powers of Federal Court

 

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

 

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

 

 

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

 

Grounds of review

 

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

 

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

 

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

 

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

 

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

 

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

 

(f) acted in any other way that was contrary to law.

 

Defect in form or technical irregularity

 

(5) If the sole ground for relief established on an application for judicial review is a defect in form or a technical irregularity, the Federal Court may

 

(a) refuse the relief if it finds that no substantial wrong or miscarriage of justice has occurred; and

 

(b) in the case of a defect in form or a technical irregularity in a decision or an order, make an order validating the decision or order, to have effect from any time and on any terms that it considers appropriate.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                  T‑402‑11

                                                                        T‑403‑11

 

INTITULÉ :                                                  GIUSEPPE AMOROSO
ANGELINA PERROTTI‑AMOROSO c
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 10 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT            

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 14 février 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Giuseppe Amoroso

Angelina Perrotti‑Amoroso

 

POUR LES DEMANDEURS

(POUR LEUR PROPRE COMPTE)

 

Mathieu Tanguay

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.