Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 


Date : 20130130

Dossier : IMM‑8800‑11

Référence : 2013 CF 95

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 janvier 2013

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

 

FERENC HORVATH

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), de la décision datée du 4 novembre 2011 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger aux termes de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi.

 

[2]               Le demandeur souhaite que la décision de la Commission soit annulée et que la demande soit renvoyée à la Commission pour être examinée à nouveau par un tribunal différent.

 

Contexte

 

[3]               Le demandeur est un citoyen de la Hongrie d’origine ethnique rom. Il affirme être victime d’agressions verbales et physiques depuis l’enfance en Hongrie à cause de son origine ethnique. Adulte, il s’est vu refuser du travail pour la même raison.

 

[4]               Le demandeur a été agressé en 1991, 2005, 2007 et 2009. Chaque fois, des concitoyens l’avaient ciblé en raison de son origine ethnique. Après l’agression de 2007, le demandeur a voulu obtenir l’aide de la police, qui a répondu en proférant une insulte raciste à son endroit et en l’expulsant du poste de police. Le médecin du demandeur croit maintenant que celui‑ci a besoin d’un traitement en santé mentale à la suite de ces agressions. De nombreux membres de la famille élargie du demandeur ont aussi été agressés en raison de leur origine rom.

 

[5]               Après l’agression de 2007, le demandeur et son épouse ont déménagé à Budapest dans l’espoir d’y être plus en sécurité. Toutefois, en mars 2010, l’épouse du demandeur a été agressée et blessée au cou. Après cet incident, le demandeur a décidé de quitter la Hongrie.

 

[6]               Le demandeur est arrivé au Canada le 13 mars 2010 et a demandé l’asile le même jour. Sa demande a été entendue le 9 août 2011.

 

Décision de la Commission

 

[7]               La Commission a commencé par résumer les allégations du demandeur et a accepté son identité et sa citoyenneté.

 

[8]               En ce qui a trait à la crédibilité, la Commission a tiré des conclusions défavorables à l’endroit du demandeur parce qu’il avait omis de mentionner, dans son exposé circonstancié du Formulaire de renseignements personnels (FRP) et dans son témoignage initial, les agressions dont il avait été victime aux mains de la police en 1991 et en 2005. Les détails concernant l’utilisation de gaz lacrymogène et d’un bâton extensible au cours de l’agression de 2007 avaient également été omis. La Commission a rejeté l’explication donnée par le demandeur, à savoir qu’il avait reçu la consigne de rédiger un exposé court, en raison de l’importance de ces événements pour la demande d’asile du demandeur.

 

[9]               La Commission a aussi constaté que le rapport médical hongrois ne confirmait pas l’utilisation de gaz lacrymogène. La Commission a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur.

 

[10]           La Commission a rejeté l’allégation du demandeur selon laquelle la discrimination exercée contre les Roms en Hongrie constituait de la persécution, tout en faisant observer que la discrimination raciale marginalisait les Roms.

 

[11]           La Commission a établi que la protection de l’État était la question déterminante dans cette affaire. Selon elle, la présomption selon laquelle la Hongrie, en tant que démocratie qui fonctionne, était capable de protéger le demandeur n’était pas réfutée. La Commission a conclu que le demandeur n’avait pas fait d’effort concerté pour obtenir une protection, ayant omis de signaler les incidents de 1991, 2005, 2009 et 2010 à la police et ayant renoncé à porter plainte à propos de l’incident de 2007 après avoir été incapable d’obtenir de l’aide dans un poste de police secondaire.

 

[12]           La Commission a examiné les documents sur les conditions au pays. Elle a conclu que la Hongrie avait fait d’importants progrès pour assurer la protection des citoyens roms et que l’État n’approuvait généralement pas les comportements discriminatoires de la police, du public ou des groupes radicaux.

 

[13]           Étant donné l’existence de mécanismes permettant d’obtenir une protection contre la discrimination, le demandeur ne pouvait pas, a estimé la Commission, prétendre n’avoir jamais bénéficié de la protection de l’État pendant la période de dix‑huit ans en question. L’absence d’effort concerté de la part du demandeur a porté un coup fatal à sa demande d’asile. Comme le demandeur n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État, la Commission a rejeté sa demande d’asile.

 

Questions en litige

 

[14]           Le demandeur soulève les questions suivantes :

            1.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité?

            2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en omettant d’évaluer si la discrimination équivalait à de la persécution?

            3.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant à la disponibilité de la protection de l’État?

 

[15]           Je reformulerais les questions qui précèdent comme suit :

            1.         Quelle est la norme de contrôle appropriée?

            2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en rejetant la demande d’asile du demandeur?

 

Observations écrites du demandeur

 

[16]           Le demandeur soutient ne pas avoir mentionné les incidents de 1991 et de 2005 dans son FRP parce qu’il croyait que des détails lui seraient demandés plus tard et qu’il avait reçu en ligne la consigne de relater les événements survenus depuis 2007. Pour ce qui est du témoignage initial, il était raisonnable, selon le demandeur, de s’attendre à ce qu’il se contente de répondre aux questions posées par la Commission.

 

[17]           Le demandeur n’a pas mentionné le gaz lacrymogène ni le bâton parce qu’il avait reçu la consigne de faire un exposé circonstancié court. Le demandeur n’était pas représenté quand il a rempli son FRP, son niveau de scolarité est la huitième année et il parle mal l’anglais; on ne peut donc pas s’attendre à ce qu’il comprenne parfaitement les instructions.

 

[18]           La Commission n’ayant pas d’expertise médicale, son hypothèse selon laquelle l’utilisation de gaz lacrymogène aurait nécessité un traitement médical n’est pas fondée. La Commission a fait abstraction de la preuve corroborante fournie par des membres de la famille du demandeur.

 

[19]           La Commission avait l’obligation d’examiner la crédibilité du demandeur en tenant compte de l’évaluation psychologique de ce dernier. Rien dans les motifs de la Commission n’indique qu’elle ait même reconnu que le demandeur souffrait de troubles mentaux.

 

[20]           La Commission n’a pas semblé comprendre que la discrimination cumulative pouvait équivaloir à de la persécution, malgré les efforts déployés pas l’État pour atténuer cette discrimination. La question de savoir si la discrimination équivaut à de la persécution est distincte de celle de savoir si la demande d’asile du demandeur a un lien avec un des motifs prévus dans la Convention. Le lien de la demande d’asile du demandeur a manifestement trait à l’origine ethnique.

 

[21]           En ce qui concerne la protection de l’État, la Commission croit qu’un pays européen ne peut être une source de réfugiés parce qu’un certain degré de démocratie existe. La démocratie doit être évaluée dans un continuum, et la protection de l’État doit être appréciée en contexte.

 

[22]           En cas de plainte contre la police, tout organisme en Hongrie peut au mieux formuler une recommandation. Il ne s’agit pas d’une méthode de protection. Des rapports de police ne sont pas nécessaires quand ils n’auraient par ailleurs aucun effet.

 

[23]           La Commission a désigné les agressions commises contre le demandeur comme étant des crimes de droit commun, alors qu’il s’agissait de crimes haineux. Les documents sur les conditions au pays fournis par le demandeur montrent que la police ne qualifie pas ces agressions de crimes haineux.

 

[24]           La Commission a fait abstraction du plus important élément de preuve sur les conditions au pays, le résumé du rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation en Hongrie, qui conclut que la discrimination et la violence à l’endroit des Roms n’avaient pas diminué dans ce pays, mais s’étaient exacerbées. Bien que la Commission ne soit pas tenue de mentionner tous les éléments de preuve, son raisonnement doit montrer que la totalité de la preuve a été examinée.

 

[25]           La protection de l’État ne se limite pas aux recours après une agression, mais comprend aussi la prévention. La violence à l’endroit des Roms s’accroît, ce qui signifie que la protection est inadéquate.

 

Observations écrites du défendeur

 

[26]           Le défendeur soutient qu’il est raisonnable pour la Commission d’estimer que les omissions dans le FRP d’un demandeur d’asile minent sa crédibilité. La Commission est la mieux placée pour apprécier la preuve. La Commission a examiné les raisons données par le demandeur pour expliquer les omissions et les a rejetées.

 

[27]           Le défendeur affirme qu’une conclusion de protection de l’État raisonnable suffit pour trancher une demande de contrôle judiciaire. La Commission a scruté la preuve documentaire et conclu raisonnablement que l’État serait disposé à protéger le demandeur. Il était raisonnable pour la Commission de conclure que l’absence d’effort fait par le demandeur pour obtenir de l’aide portait un coup fatal à sa demande.

 

[28]           Rien ne montre que la Commission ait écarté le rapport des Nations Unies. Elle a reconnu que certains problèmes persistaient pour les Roms en Hongrie. Le demandeur demande à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve.

 

Analyse et décision

 

[29]           Question 1

      Quelle est la norme de contrôle appropriée?

            Lorsque la jurisprudence établit quelle norme de contrôle s’applique à une question particulière dont la cour est saisie, la cour de révision peut adopter cette norme‑là (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 57).

 

[30]           Il est établi dans la jurisprudence que les conclusions quant à la crédibilité, décrites comme l’« essentiel de la compétence de la Commission » sont fondamentalement de pures conclusions de fait qui sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, au paragraphe 7, [2003] ACF no 162; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 46, [2009] 1 RCS 339; Demirtas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 584, au paragraphe 23, [2011] ACF no 786, au paragraphe 23).

 

[31]           De même, les questions touchant la protection de l’État ainsi que la pondération, l’interprétation et l’appréciation de la preuve sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir Giovani Ipina Ipina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 733, au paragraphe 5, [2011] ACF no 924, et Oluwafemi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1045, au paragraphe 38, [2009] ACF no 1286).

 

[32]           Lorsqu’elle procède au contrôle d’une décision de la Commission selon la norme de la raisonnabilité, la Cour s’abstiendra d’intervenir, à moins que la Commission ne soit arrivée à une conclusion qui n’est pas transparente, justifiable et intelligible et qui n’appartient pas aux issues acceptables au regard de la preuve qui lui a été soumise (voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Khosa, précité, au paragraphe 59). Comme l’a statué la Cour suprême dans Khosa, précité, il n’appartient pas à la cour de révision de substituer la solution qu’elle juge elle‑même appropriée à celle qui a été retenue, pas plus qu’il n’entre dans ses attributions de soupeser à nouveau les éléments de preuve (au paragraphe 59).

 

[33]           Question 2

            La Commission a‑t‑elle commis une erreur en rejetant la demande d’asile du demandeur?

            Selon le demandeur, la Commission ne savait pas que la discrimination pouvait équivaloir à de la persécution au sens de l’article 96 de la Loi. Bien que la Commission ait peut‑être examiné ce point de manière superficielle, il est nettement question de l’argument du demandeur à ce sujet dans sa décision quand elle conclut que « ce comportement [la discrimination en Hongrie] ne constitue pas de la persécution » et que « le demandeur d’asile n’a pas été victime de discrimination constituant de la persécution ».

 

[34]           Je ne suis pas d’accord avec le demandeur pour dire que les notions du lien et de la persécution sont confondues dans la décision, même si elles sont analysées à la même rubrique. Je m’inquiète plutôt du fait que la Commission n’a fourni aucun motif à l’appui de sa conclusion d’absence de lien, se contentant de dire qu’elle « n’[était] pas d’accord ». Les paragraphes subséquents portent sur la persécution, et la question du lien n’est abordée nulle part ailleurs dans la décision. Cette opacité, conjuguée au fait que le demandeur a ouvertement et maintes fois allégué que son origine rom était à l’origine de la violence dont il avait été victime, rend cette conclusion déraisonnable.

 

[35]           En ce qui concerne la crédibilité, la Commission s’est inquiétée des incohérences relevées entre l’exposé circonstancié du FRP et le témoignage du demandeur quant aux dates et autres détails des divers actes de violence perpétrés contre lui. Si elle est valable, cette inquiétude aurait toutefois dû être analysée à la lumière de la preuve médicale produite par le demandeur relativement à son état mental, sous forme d’une lettre rédigée par son psychologue clinicien :

[traduction] M. Horvath est devenu distrait et étourdi (p. ex. il confond les dates et les détails d’événements passés, il oublie les noms, les numéros de téléphone et les adresses, il égare souvent ses clés). Les problèmes de concentration et de mémoire sont fréquents chez les personnes exposées à un stress traumatique et sont associés à la maladie mentale. Ces difficultés sont exacerbées sous la pression, comme celle qui se fait sentir dans le contexte de l’audition d’une demande d’asile, où l’enjeu est important. Les symptômes peuvent survenir à l’audience sous la forme d’une difficulté à saisir les questions posées, de demandes de répétition ou de reformulation de questions, d’une incapacité à se souvenir de détails précis du passé ou d’une incapacité apparente à formuler une réponse cohérente.

 

 

[36]           Il est présumé que la Commission a examiné la totalité de la preuve qui lui a été soumise, et elle n’a pas l’obligation de faire état de chacun des éléments de preuve (voir Oprysk c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 326, au paragraphe 33, [2008] ACF no 411). Cependant, plus les éléments de preuve non mentionnés sont importants, plus la cour sera disposée à inférer de ce silence que le tribunal administratif a tiré une conclusion de fait sans tenir compte de la preuve (voir Pinto Ponce c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 181, au paragraphe 35, [2012] ACF no 189).

 

[37]           La Commission n’a mentionné ni cette lettre, ni les problèmes de santé mentale du demandeur. Étant donné l’importance et la pertinence manifeste que ces éléments de preuve revêtent pour la crédibilité du demandeur et compte tenu de la capacité du demandeur de fournir de mémoire une description cohérence et détaillée de la persécution qu’il a subie, ce silence de la Commission équivaut à l’omission décrite dans Pinto Ponce, précitée. La conclusion quant à la crédibilité est donc déraisonnable et n’appartient pas aux issues acceptables.

 

[38]           Toutefois, même si le demandeur avait établi un lien et que ses allégations de persécution passée fondées sur un des motifs prévus dans la Convention avaient été jugées crédibles par la Commission, une conclusion concernant la disponibilité de la protection de l’État est suffisante à elle seule pour débouter un demandeur d’asile (voir Cienfuegos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1262, au paragraphe 39, [2009] ACF no 1591). Par conséquent, j’examinerai donc la question de la protection de l’État, définie comme étant déterminante par la Commission.

 

[39]           Il est bien établi qu’il incombe au demandeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités et en s’appuyant sur une preuve pertinente, digne de foi et convaincante, que son pays d’origine n’est pas en mesure de lui offrir une protection adéquate (voir Giovani Ipina Ipina, précitée, au paragraphe 5).

 

[40]           D’après le demandeur, la Commission s’est fondée sur l’hypothèse globale selon laquelle un pays européen ne peut être la source de réfugiés et a conclu que la tenue d’élections libres signifiait nécessairement que la protection de l’État était disponible, mais je n’accepte pas cette thèse. Dans sa décision, la Commission a reconnu que les Roms subissaient de la discrimination en Hongrie et a nommé certaines institutions pertinentes en ce qui touche la protection.

 

[41]           Le demandeur soutient que la Commission a omis de mentionner un des documents sur les conditions au pays, à savoir le rapport du rapporteur des Nations Unies, qui indiquait que la situation s’était dégradée en Hongrie pour les Roms.

 

[42]           Plus précisément, le demandeur ajoute que les institutions de l’État nommées par la Commission ne sont pas celles qui peuvent le protéger contre la menace de violence raciste infligée par de simples citoyens. En fait, bon nombre des institutions nommées par la Commission, comme l’Autorité pour l’égalité de traitement, la division de l’Intégration des Roms et le Réseau de service à la clientèle antidiscrimination pour les Roms, semblent avoir pour mission de combattre la discrimination exercée envers les Roms plutôt que la violence dirigée contre eux.

 

[43]           Le demandeur a fondé sa demande d’asile en partie sur la discrimination, de sorte qu’il était tout à fait approprié pour la Commission de tenir compte des institutions luttant contre la discrimination. Il faut toutefois se demander si la Commission a en outre traité adéquatement l’allégation du demandeur selon laquelle la Hongrie ne pouvait le protéger contre la violence pure.

 

[44]           À cet égard, le demandeur souligne que le rapporteur des Nations Unies indiquait dans son rapport que la violence raciale s’était aggravée; le demandeur renvoie aussi à un rapport d’Amnistie internationale dans lequel il est mentionné que la police hongroise ne qualifie pas ces agressions de crimes haineux, mais les désigne plutôt comme des crimes de droit commun. La Commission a bel et bien reconnu que la violence extrémiste s’était aggravée, prenant acte du fait que, « comme la conseil du demandeur d’asile l’a fait remarquer dans ses observations écrites, certains problèmes se sont aggravés, comme la violence extrémiste et la rhétorique publique contre les minorités ethniques et religieuses ».

 

[45]           La valeur de la justification mentionnée dans Dunsmuir, précité, est donc soulevée : la Commission a‑t‑elle raisonnablement justifié sa conclusion sur l’existence de la protection de l’État, étant donné qu’elle avait accepté les observations indiquant que la violence s’aggravait en Hongrie?

 

[46]           Selon la Commission, « la preuve documentaire montre que la Hongrie déploie tous les efforts possibles pour offrir une protection à ceux qui le demandent et [qu’]elle s’est beaucoup améliorée à ce chapitre ». S’il est vrai que certains des documents examinés par la Commission faisaient état des efforts déployés par le gouvernement hongrois, les efforts concrets n’apportent cependant pas toujours des résultats favorables. Cette conclusion distincte selon laquelle la Hongrie s’était beaucoup améliorée n’était pas suffisamment justifiée à la lumière des éléments de preuve sur les conditions au pays décrits ci‑dessus.

 

[47]           Ni les motifs de la Commission ni le dossier ne révèlent clairement pourquoi la conclusion du rapporteur des Nations Unies voulant que la violence se soit aggravée a été rejetée à la faveur de la conclusion voulant que les conditions se soient améliorées. Le fait que la Commission a attribué à la conseil du demandeur, plutôt qu’au rapporteur des Nations Unies, l’observation selon laquelle la violence s’était aggravée accentue ce manque de transparence, étant donné qu’on ne sait pas avec certitude si le document à l’origine de cette observation a été adéquatement examiné.

 

[48]           Ces omissions rendent déraisonnable la décision de la Commission sur la protection de l’État.

 

[49]           Vu mes conclusions, la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie, et la présente affaire est renvoyée à un tribunal différent de la Commission pour nouvelle décision.

 

[50]           Ni l’une ni l’autre des parties n’ont souhaité me soumettre une question grave de portée générale à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Commission est annulée, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différent de la Commission pour nouvelle décision.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

 

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure – décision, ordonnance, question ou affaire – prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention – le réfugié – la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes – sauf celles infligées au mépris des normes internationales – et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑8800‑11

 

INTITULÉ :                                      FERENC HORVATH

 

                                                            - et -

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 23 octobre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 30 janvier 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Maureen Silcoff

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Norah Dorcine

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Silcoff, Shacter

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.