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Date : 20130107

Dossier : DES‑7‑08

Référence : 2013 CF 10

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

 

AFFAIRE INTÉRESSANT UN CERTIFICAT SIGNÉ EN VERTU DU PARAGRAPHE 77(1) DE LA LOI SUR L’IMMIGRATION ET LA

PROTECTION DES RÉFUGIÉS (LIPR)

 

 

 

 

 

ET LE DÉPÔT DE CE CERTIFICAT À LA COUR FÉDÉRALE EN APPLICATION DU PARAGRAPHE 77(1) DE LA LIPR

 

 

 

 

 

 

ET MOHAMED ZEKI MAHJOUB

 

 

 

 

          MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

[1]               Dans sa [traduction] « requête de mise en liberté, suppression et modification des conditions » datée du 5 octobre 2012, M. Mahjoub sollicite les réparations suivantes :

 

[traduction]

1. Une ordonnance supprimant l’ensemble des conditions auxquelles il est soumis (à l’exception des  exigences usuelles consistant à ne pas troubler l’ordre public et à signaler les changements d’adresse, sur la base des cautions et cautionnements existants déjà approuvés par la Cour) en application du paragraphe 82(5) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte);

 

2. Une ordonnance de mise en liberté et l’annulation du certificat par un jugement déclaratoire fondé sur l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 et l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, au motif que le régime législatif de la section 9 de la LIPR, conjugué aux articles 2, 12 et 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (la LSCRS) et aux politiques afférentes, est inconstitutionnel et invalide.

 

[reproduction intégrale d’un extrait de l’avis de requête de M. Mahjoub.]

 

[2]               Dans son avis de requête, M. Mahjoub invoque les motifs suivants :

 

[traduction]

1.      Le dernier contrôle des motifs de détention et/ou des conditions de la mise en liberté a eu lieu le 1er février 2012.

 

2.      Dans son ordonnance du 1er février 2012, la Cour a maintenu les conditions de la mise en liberté, quoiqu’elle en ait supprimé certaines et considérablement allégé d’autres après avoir conclu que « la menace que représente M. Mahjoub pour la sécurité du Canada est maintenant sensiblement inférieure » (2012 CF 125, au paragraphe 90).

 

3.      Plus de six mois se sont écoulés depuis le dernier contrôle des motifs de détention de M. Mahjoub.

 

4.      Aux termes du paragraphe 82(4) et de l’alinéa 82(5)b) de la LIPR, ainsi que des articles 1, 7, 8 et 12 de la Charte, c’est aux ministres qu’il incombe de justifier les conditions suivant le critère de l’arrêt Oakes (R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103).

 

5.      Le demandeur fait valoir qu’à ce jour, la preuve, s’il en existe, est insuffisante pour justifier les atteintes à ses droits constitutionnels protégés par les articles 2, 7, 8 et 9 de la Charte.

 

6.      Le 19 juin 2012, à la suite du prononcé du jugement Harkat c. Canada 2012 CAF 122 (Harkat), la Cour a ordonné que soit exclus de la preuve tous les résumés des conversations dont les enregistrements originaux ont été détruits et auxquelles le demandeur n’avait pas participé.

 

7.      Le demandeur soumet un nouveau rapport d’expert du professeur Leman‑Langlois concernant la méthode employée pour produire le RRS public et ses lacunes. La preuve permet d’établir que le résumé public omet des considérations fondamentales et ne confirme pas l’existence d’un danger.

 

8.      Plusieurs nouveaux éléments de preuve présentés à la Cour, notamment le témoignage de l’avocat égyptien Magdy Salem et des pièces déposées pour l’instruction sur le fond et émanant du témoin no 3 du SCRS, établissent que le RRS ne repose pas sur des éléments de preuve importants et valides, ou n’a pas été préparé avec la diligence voulue ni en tenant dûment compte des faits pertinents.

 

9.      Les retards excessifs que la négligence du ministère de la Justice a entraînés dans la présente instance, notamment en raison de la saisie, de l’amalgame et de l’examen de documents confidentiels du demandeur, justifient par ailleurs la suppression de toutes les conditions qui lui sont imposées.

 

10.    Les retards excessifs et injustifiés dans la présente instance sont attribuables aux ministres qui ont systématiquement omis de divulguer en temps opportun tous les documents au demandeur, notamment les enregistrements de ses conversations interceptées.

 

11.    Le demandeur fait également valoir que les conditions actuelles sont inadéquates, qu’elles lui ont causé des dommages psychologiques irréparables et ont aggravé ces dommages et qu’elles constituent un traitement inusité au sens de l’article 12 de la Charte et une violation de l’article 7 de la Charte.

 

12.    Si des conditions doivent lui être imposées, elles doivent porter le moins possible atteinte à ses droits, à la manière de celles qui accompagnent généralement les engagements, c.‑à‑d. ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite. Les conditions doivent également être modifiées de façon à éviter tout contact superflu entre le demandeur et les agents de l’ASFC en ce qui regarde les violations alléguées dans les circonstances de la présente affaire.

 

13.    Finalement, le demandeur fait valoir que sa détention, les conditions de sa mise en liberté et le certificat de sécurité sont inconstitutionnels et illégaux.

 

14.    Le demandeur soutient que le régime législatif de la section 9 de la LIPR, conjugué aux articles 2, 12 et 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (la LSCRS) et aux politiques afférentes, est inconstitutionnel et invalide, et sollicite un jugement déclaratoire sous la forme d’une ordonnance déclarant inconstitutionnels et invalides aux termes de l’article 52 de la Loi constitutionnelle, du paragraphe 24(1) de la Charte ainsi que de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales :

 

‑        l’article 33 et la section 9 (articles 77 à 87.2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27) (la LIPR);

 

‑        l’article 4.6 et le paragraphe 7(3) de la Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (certificat et avocat spécial) et une autre loi en conséquence;

 

seuls ou conjointement avec les articles 2, 12 et 21 de la LSCRS et les politiques ou directives du SCRS adoptées en vertu de l’article 6 de cette loi.

 

15.    Le demandeur soutient que les effets de la législation, à savoir l’article 33 et la section 9 de la LIPR, conjointement avec les articles 2, 12 et 21 de la LSCRS et les politiques du SCRS (ci‑après désignés comme la « législation ») sont inconstitutionnels et rendent illégaux et arbitraires le certificat, le processus et sa détention.

 

16.    La « législation » viole la Charte en ce qui touche :

 

a)   le droit d’être entendu par un tribunal indépendant et impartial (article 7 de la Charte);

 

b)   le droit de bénéficier d’une audience publique (al. 2b), art. 7 et 11 de la Charte);

 

c)   le droit d’être représenté par l’avocat de son choix (art. 7 et al. 10b) de la Charte), notamment dans les séances à huis clos;

 

d)   le droit d’être protégé adéquatement contre l’emploi de renseignements/preuves obtenus par la torture;

 

e)   le droit d’être équitablement entendu :

 

i.    droit de recevoir une divulgation (art. 7 de la Charte);

ii.   droit de connaître la nature, le contenu et tous les autres détails pertinents de la preuve invoquée, pour pouvoir la contester le cas échéant (art. 7 de la Charte);

 

iii.  droit de présenter une défense pleine et entière (art. 7 de la Charte);

 

iv. droit à une norme de preuve équitable et adaptée eu égard aux conséquences de la procédure, et droit à l’application régulière de la loi (art. 7 de la Charte);

 

v.   droit se rapportant à la présomption d’irrecevabilité de la preuve par ouï‑dire (art. 7 de la Charte);

 

f)   le droit de garder le silence (art. 7 et 13 de la Charte);

 

g)   le droit à la protection contre les saisies abusives et illégales (art. 8 de la Charte);

 

h)   le droit à la protection contre la détention arbitraire et les traitements ou peines cruels et inusités (art. 9 et 12 de la Charte).

 

[reproduction intégrale d’un extrait de l’avis de requête de M. Mahjoub.

Renvois omis; souligné dans l’original.]

 

 

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

[3]               Je commencerai par statuer sur deux questions touchant les réparations demandées par M. Mahjoub. Tout d’abord, ce dernier s’appuie encore une fois sur l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, comme il l’avait fait lors du précédent contrôle des conditions de sa mise en liberté. J’ai conclu, dans les motifs de l’ordonnance rendue le 1er février 2012 (Mahjoub (Re), 2012 CF 125, au paragraphe 4) que l’article 18 n’avait pas lieu de s’appliquer à un contrôle des motifs de détention au titre de la section 9 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Mon opinion sur la question n’a pas changé. Par conséquent, j’estime que l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales ne s’applique pas au présent contrôle.

 

[4]               Par ailleurs, la réparation constitutionnelle demandée dans le cadre du présent contrôle est essentiellement la même que celle qui est sollicitée dans les requêtes de nature constitutionnelle en instance. Ces requêtes ont été entendues et je les ai mises en délibéré. Par conséquent, je ne traiterai pas dans les présents motifs de la réparation constitutionnelle demandée.

 

CONTEXTE

[5]               Le 1er février 2012, la Cour a rendu les motifs de l’ordonnance se rapportant au dernier contrôle des conditions de la mise en liberté de M. Mahjoub. L’historique procédural de l’instance jusqu’à cette date est exposé dans ces motifs ainsi que dans les précédents contrôles des motifs de détention (voir en particulier Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Mahjoub, 2009 CF 248 et Mahjoub (Re), 2009 CF 1220) et ne sera pas répété ici.

 

[6]               Depuis le dernier contrôle des conditions de la mise en liberté de M. Mahjoub, les événements suivants sont survenus.

 

[7]               Le 31 mai 2012, la Cour a rendu une décision sur la requête par laquelle M. Mahjoub demandait une suspension permanente des procédures intentées le 16 septembre 2011 (Mahjoub (Re), 2012 CF 669). Cette requête reposait sur l’amalgame des documents de M. Mahjoub avec ceux des ministres après que ces derniers eurent saisi par inadvertance, quoique négligemment, certaines pièces dans la salle de conférence de M. Mahjoub adjacente à la salle d’audience du tribunal de la Cour fédérale à Toronto. J’avais conclu « que l’atteinte au franc jeu et à la décence causée par la saisie et par l’amalgame, par les ministres, des documents confidentiels de M. Mahjoub, n’est pas disproportionnée par rapport à l’intérêt de la société de faire en sorte que l’instance sous‑jacente se poursuive et qu’une décision définitive soit rendue sur le fond » (au paragraphe 147). J’ai donc ordonné, à titre de réparation, que onze membres de l’équipe des plaideurs des ministres se retirent définitivement du dossier Mahjoub (au paragraphe 155).

 

[8]               Le 19 juin 2012, conformément à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Harkat (Re), 2012 CAF 122, la Cour a rendu une ordonnance portant que les ministres ne pouvaient s’appuyer sur aucun résumé de conversations interceptées ou d’entrevues du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) dont les enregistrements ou les transcriptions originaux avaient été détruits et auxquels M. Mahjoub n’avait pas été partie. Les ministres ont identifié les éléments de preuve en question et les ont retirés du dossier.

 

[9]               Conformément à l’ordonnance rendue le 28 juin 2012 qui fixait le calendrier de l’instance, l’audience sur le caractère raisonnable a repris à l’été 2012, et la Cour a entendu la preuve des témoins restants. M. Mahjoub a clos sa preuve le 14 septembre 2012 avec le témoignage de M. Magdy Salem. Les ministres ont quant à eux terminé la présentation de leur preuve à huis clos le 12 octobre 2012 avec la déposition du témoin no 1 du SCRS.

 

[10]           Depuis l’ordonnance du 28 juin 2012 qui fixait le calendrier, M. Mahjoub a déposé des requêtes additionnelles dans le cadre de la présente instance, notamment celle du 1er octobre 2012, dans laquelle il demandait une suspension permanente de l’instance pour abus de procédure. Il a également produit, le 8 novembre 2012, un dossier de requête mis en état à l’appui de sa contestation constitutionnelle de la LIPR et de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. 1985, ch. C‑23.

 

[11]           Le présent contrôle des conditions de la mise en liberté devait initialement avoir lieu les 6 et 7 septembre 2012. Un certain nombre d’événements survenus entre‑temps, comme le changement de la date de comparution de certains témoins, la notification par l’avocat représentant M. Mahjoub pour l’audience publique de l’intention de son client de présenter une demande Rowbotham et une divulgation tardive, ont entraîné un report.

 

[12]           Dans une ordonnance datée du 18 octobre 2012, les dates du contrôle ont été fixées aux 11 et 13 décembre 2012, après la conclusion des derniers débats publics sur les requêtes de nature constitutionnelle en instance et la question du caractère raisonnable. Sur consentement des parties, le contrôle a été instruit le 11 décembre 2012 et s’est terminé le même jour.

 

LE CADRE LÉGISLATIF

[13]           L’alinéa 82(5)b) de la LIPR dispose :

(5) Lors du contrôle, le juge :

 

[...]

 

b) dans les autres cas, ordonne ou confirme sa mise en liberté et assortit celle‑ci des conditions qu’il estime indiquées.

(5) On review, the judge

 

...

 

(b) in any other case, shall order or confirm the person’s release from detention and set any conditions that the judge considers appropriate.

 

 

[14]           Comme je l’ai déclaré au paragraphe 14 des motifs de l’ordonnance rendue le 1er février 2012, il incombe aux ministres, dans le cadre d’un contrôle des motifs de la mise en liberté, d’établir, selon la norme des « motifs raisonnables de croire », qu’il est nécessaire de maintenir des conditions rigoureuses de mise en liberté (voir également Charkaoui c. Canada, 2007 CSC 9, au paragraphe 39 (Charkaoui I)). Cette norme oblige le juge à se demander s’il existe « un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi » à l’idée que M. Mahjoub constitue une menace pour la sécurité du Canada (Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, au paragraphe 114, [2005] 2 R.C.S. 100). C’est la norme qui m’a guidé lors des précédents contrôles des conditions de mise en liberté de M. Mahjoub, et elle permet d’en effectuer un examen sérieux, comme l’exige l’arrêt Charkaoui I au paragraphe 107. En suivant les facteurs énumérés dans Charkaoui I, j’ai présenté mon approche au paragraphe 24 des motifs de l’ordonnance du 2 mai 2011 :

 

[traduction] Dans le cadre du contrôle, je tiendrai compte de l’ensemble des facteurs, notamment les motifs de la détention initiale; les conditions de mise en liberté imposées lors du dernier contrôle des motifs de détention; la période durant laquelle les conditions rigoureuses étaient en vigueur; la durée anticipée de leur maintien et l’existence de conditions de rechange, le cas échéant; tout changement concernant la menace que représente M. Mahjoub depuis le dernier contrôle. Ces facteurs seront examinés au regard du contexte et des circonstances propres au cas de M. Mahjoub.

 

[15]           M. Mahjoub fait valoir que l’arrêt de la Cour suprême du Canada Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, introduit des notions de R c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, dans l’analyse relative au contrôle des motifs de détention découlant d’un certificat de sécurité. Dans sa plaidoirie, il a d’ailleurs précisé que cela [traduction] « ne voulait pas dire que Doré a changé le droit ou infirmé Charkaoui, mais simplement qu’il faut évaluer la proportionnalité [...] même lorsque la Cour rend une ordonnance, et pas seulement lorsque la loi est inconstitutionnelle [...] ».

 

[16]           À mon avis, l’arrêt Doré n’a pas pour effet de modifier le droit en matière de contrôle des motifs de détention au titre de la LIPR. Dans ce contexte, je dois décider s’il existe des motifs raisonnables de croire que M. Mahjoub constitue une menace pour la sécurité du Canada et, le cas échéant, quelles conditions de mise en liberté seraient une réponse proportionnelle à la nature de cette menace, compte tenu de l’ensemble des circonstances (Charkaoui I, au paragraphe 116). Je crois que l’arrêt Doré ne rajoute pas grand‑chose à cette analyse. L’arrêt Charkaoui I oblige déjà à tenir compte des valeurs consacrées par la Charte, notamment la proportionnalité, lors du contrôle des conditions de mise en liberté.

 

LA POSITION DE M. MAHJOUB

[17]           M. Mahjoub soutient que sa mise en liberté n’a pas besoin d’être assortie de conditions pour neutraliser la menace qu’il représente pour la sécurité du Canada puisque les ministres n’ont pas établi qu’il existait des motifs raisonnables de croire qu’il représente une menace. Il note que ceux‑ci n’ont pas fait valoir qu’il était susceptible de se soustraire à une éventuelle procédure de renvoi.

 

[18]           M. Mahjoub soutient subsidiairement que les « conditions normales de mise en liberté » requises pour le bon fonctionnement du système de cautionnement, à savoir ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite, ne pas récupérer ses titres de voyage et maintenir les cautions et cautionnements actuels, sont les seules qu’il soit nécessaire de lui imposer. M. Mahjoub s’appuie sur la preuve d’expert du professeur Leman‑Langlois, de M. Barrett et du Dr Payne, dont il sera question plus loin.

 

LA POSITION DES MINISTRES

[19]           Les ministres maintiennent que M. Mahjoub représente aujourd’hui le même danger pour la sécurité du Canada que lorsque le certificat de sécurité a été délivré. Dans leurs observations écrites, ils soutiennent que le dossier de requête et les éléments de preuve déposés par M. Mahjoub à l’appui du contrôle des conditions

 

[traduction] ne constituent pas un fondement probatoire ou juridique justifiant l’abolition des conditions actuelles de sa mise en liberté. Il n’a proposé aucune solution de rechange réaliste ni fait de suggestions précises pour ce qui est de l’allègement de ses conditions. La suppression de toutes les conditions poserait un danger du point de vue de la sécurité nationale. En ce moment, il est soumis à des conditions soigneusement conçues pour assurer un équilibre entre sa liberté et la nécessité d’atténuer la menace qu’il représente pour la sécurité nationale. Les circonstances n’ont pas changé de façon importante depuis que la Cour a rendu son ordonnance en février 2012 et assoupli le régime de surveillance.

 

[20]           De plus, les ministres demandent que le nom de M. Aly Hindy, un imam à la tête du Centre islamique Salaheddin de Scarborough, soit ajouté à la liste des personnes avec qui M. Mahjoub ne peut avoir de contacts. Il est actuellement interdit à Mahmoud Jaballah d’avoir des contacts avec ce dernier, et deux juges de la Cour fédérale ont estimé que M. Hindy ne pouvait agir à titre de caution à l’égard d’individus faisant face à des accusations de terrorisme, car certaines de ses [traduction] « déclarations qui ont été publiées donnent à penser qu’il soutient, ou à tout le moins qu’il défend, les menaces posées par le terrorisme islamique. »

 

[21]           Je note que les ministres n’allèguent pas directement que M. Mahjoub a violé les conditions de sa mise en liberté en se mettant en rapport avec M. Aly Hindy le 10 juillet 2012; ils demandent néanmoins que ce dernier soit considéré comme un contact interdit parce qu’il s’agit d’un individu [traduction] « dont M. Mahjoub sait, ou devrait savoir, qu’il soutient le terrorisme ou le Jihad violent, ou qu’il s’est trouvé dans un camp d’entraînement ou dans un gite exploité par une entité qui soutient le terrorisme ou le Jihad violent. »

 

PREUVE ET TÉMOINS

[22]           La Cour n’a pas entendu de preuve de vive voix lors de l’audience relative au contrôle des conditions qui s’est déroulée le 11 décembre 2012. Sur consentement des parties, M. Mahjoub a déposé les rapports d’expert du professeur Stéphane Leman‑Langlois (3 octobre 2012) et de M. Vaughan Barrett (2 octobre 2012), ainsi que la transcription des contre‑interrogatoires du premier lors du précédent contrôle des conditions et du second dans l’affaire Jaballah. M. Barrett n’a jamais comparu devant la Cour. M. Mahjoub a également déposé le rapport d’expert de M. Donald Payne qui avait été produit lors du contrôle précédent. L’expertise du professeur Stéphane Leman‑Langlois et de M. Donald Payne est décrite brièvement aux paragraphes 27 à 31 des motifs de l’ordonnance du 1er février 2012.

 

[23]           M. Vaughan Barrett détient un baccalauréat en droit de l’Université de Victoria. De 1988 à 2003, il a dirigé un cabinet d’avocats de manière intermittente, ce qui l’a notamment amené à siéger comme directeur du Victoria Prison Project et directeur adjoint du programme de clinique pour les étudiants de la Faculté de droit de l’Université de Victoria. Entre 2003 et 2008, il a travaillé à l’étranger comme commissaire à l’examen des plaintes de détenus à Édimbourg, en Écosse. En 2008, il a été nommé à son poste actuel de directeur général de Prison Consultants International.

 

[24]           Les ministres reconnaissent que le rapport est recevable, mais font valoir qu’il est de peu d’utilité à la Cour, et que l’opinion de M. Barrett ne devrait pas être considérée comme autre chose qu’un avis reposant sur son expérience professionnelle entre 1998 et 2003.

 

[25]           Dans son rapport, M. Barrett explique qu’il est très rare que des conditions de mise en liberté comparables à celles de M. Mahjoub soient imposées au Canada, en fournit les raisons, et traite des éventuelles répercussions négatives du maintien prolongé de ces conditions sur l’intéressé. M. Barrett fait observer :

 

1.         [traduction] « [à] mon avis, il est extrêmement rare que les organismes canadiens chargés de se prononcer sur des mises en liberté imposent, pour une période donnée, des conditions de mise en liberté comparables à celles auxquelles M. Mahjoub est soumis » (à la page 3 du rapport);

2.         de telles conditions ne sont pas imposées par les organismes chargés de se prononcer sur des mises en liberté pour les raisons suivantes : ils sont conscients de leurs répercussions négatives sur la personne remise en liberté; il ne les jugent ni nécessaires ni raisonnables au regard de la protection du public; la surveillance électronique peut s’avérer peu fiable et inefficace ou [traduction] « soulever des préoccupations en matière de droits de la personne » si elle est maintenue pendant de longues périodes (page 6 du rapport);

3.         [traduction] « on peut raisonnablement s’attendre à ce que le maintien prolongé des conditions de mise en liberté ait un effet négatif, et plus ces conditions sont rigoureuses, plus elles sont susceptibles d’être préjudiciables » (à la page 9 du rapport).

 

[26]           L’examen du rapport de M. Barrett révèle qu’il n’a aucune expertise en ce qui a trait aux procédures de détention liées aux certificats de sécurité. Sa seule expérience professionnelle pertinente concerne son rôle d’assistant dans le cadre de quelques audiences de libération conditionnelle avant 2003. Les opinions exprimées dans le rapport de M. Barrett ne s’appuient ni sur une entrevue avec M. Mahjoub ni sur quelque connaissance de sa situation particulière.

 

[27]           Dans l’affaire Jaballah, la juge Hansen a eu la possibilité d’entendre M. Barrett, qu’elle a jugé apte à fournir un avis d’expert [traduction] « relativement aux mesures de contrôle et aux conditions de mise en liberté imposées dans le système de justice pénale canadien aux délinquants purgeant une peine de longue durée, [notamment] les délinquants dangereux, les délinquants purgeant une peine [d’incarcération] de longue durée, ceux qui s’exposent manifestement à des mesures de contrôle et sans doute à des conditions de mise en liberté plus rigoureuses ». La juge a circonscrit l’expertise de M. Barrett à la période durant laquelle il l’a acquise, c’est‑à‑dire avant 2003, puisque rien n’indiquait que son expérience lui avait permis de continuer à l’augmenter par la suite. La juge Hansen a estimé en outre que l’expertise de M. Barrett ne s’étendait qu’aux mesures de contrôle et aux conditions de mise en liberté touchant les libérations conditionnelles et excluait les probations et les mises en liberté provisoires. Je souscris à l’évaluation de la juge Hansen sur ce point et je l’adopte aux fins du présent contrôle. J’estime également que l’opinion d’expert de M. Barrett est peu pertinente en l’espèce puisqu’il n’a pas été établi que son expertise dépassée était applicable aux circonstances actuelles. Par ailleurs, son opinion ne repose pas sur une analyse de la situation de M. Mahjoub en ce qui touche aux questions soulevées dans la présente instance. J’estime que la preuve de M. Barrett n’est pas indispensable à la Cour. Par conséquent, je ne lui accorderai que peu de poids.

 

[28]           Dans les motifs de l’ordonnance faisant suite au dernier contrôle des motifs de détention, j’ai estimé que le professeur Leman‑Langlois était un témoin crédible. Comme son opinion sur la menace que M. Mahjoub était censé représenter ne reposait que sur une partie du dossier sur lequel se fondent les ministres, je n’ai accordé que peu de poids à sa conclusion. Dans son rapport d’expert mis à jour et déposé dans le cadre du présent contrôle, le professeur Leman‑Langlois a tenu compte du résumé public du Rapport sur le renseignement de sécurité (RRS) et des résumés des documents classifiés, auxquels il a eu aussi accès. Cela étant dit, il ne prétend pas évaluer dans son rapport la [traduction] « menace objective et véritable posée par M. Mahjoub », mais se concentre plutôt sur la méthodologie du RRS. Par conséquent, son opinion sur la menace que représente M. Mahjoub n’est pas vraiment utile à la Cour et recevra peu de poids. Je reste néanmoins d’avis que l’opinion du professeur Leman‑Langlois sur la méthodologie employée pour préparer le RRS est utile.

 

[29]           En ce qui concerne la procédure liée au caractère raisonnable, les ministres s’appuient sur le dossier ainsi que sur la preuve qu’ils avaient produite lors des précédents contrôles des motifs de détention et des conditions. Ils citent notamment les commentaires de M. Michel Guay et de M. Daniel Byman ayant trait à la menace que M. Mahjoub représenterait pour la sécurité du Canada.

 

[30]           J’ai également pu prendre connaissance des observations écrites et orales des parties. Elles n’ont pas présenté d’éléments de preuve confidentiels ni d’observations touchant le présent contrôle des conditions.

 

ANALYSE

Principes de justice fondamentale

[31]           Dans les motifs de l’ordonnance rendue le 1er février 2012 à l’issue du dernier contrôle des motifs de détention, j’ai passé en revue le processus codifié de détention et de mise en liberté des personnes visées par des certificats de sécurité, y compris l’état du droit en matière de principes de justice fondamentale applicables au contrôle des conditions de mise en liberté au titre des paragraphes 82(4) et 82(5) de la LIPR. J’ai écrit, aux paragraphes 39 et 40 de mes motifs :

 

[traduction

[39]      Le Parlement a ensuite institué, à la section 9 de la LIPR, un processus codifié de détention et de mise en liberté des personnes visées par des certificats de sécurité, notamment des dispositions relatives au contrôle des motifs de détention et aux conditions de mise en liberté. Dans ce processus, le fardeau incombe aux ministres. Dans la présente instance, ces derniers doivent établir, selon la norme des « motifs raisonnables de croire », que le maintien des conditions actuelles de mise en liberté est justifié. M. Mahjoub soutient que la présomption d’innocence, le droit à un cautionnement raisonnable et certaines, sinon toutes les mesures de protection juridique précises qui y sont associées, trouvent nécessairement application en l’espèce. [...]

 

[40]      La présomption d’innocence, en tant que principe positif de justice fondamentale, « a pour effet de sauvegarder la liberté fondamentale et la dignité humaine de toute personne que l’État accuse d’une conduite criminelle » (Pearson [R c. Pearson, [1992] 3 R.C.S. 665] à la page 683, citant R c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103). L’article 11 s’applique expressément à « tout inculpé ». Suivant le régime des certificats de sécurité, la personne visée n’est accusée d’aucune infraction, la présomption d’innocence et le système de justice criminelle ne sont pas engagés. Le processus codifié par le Parlement relativement au contrôle des motifs de détention et des conditions de mise en liberté prévoit ses propres mesures de protection légale. Je suis convaincu que ce processus permet un examen sérieux des motifs de détention et des conditions de mise en liberté, conformément aux exigences de la Cour suprême [dans Charkaoui I au paragraphe 107] et aux principes de justice fondamentale. Comme dans le cas des contrôles précédents, la Cour se demandera si les conditions sont proportionnelles et rationnellement liées à la menace que représente M. Mahjoub, puis pondérera ces considérations au regard de toute atteinte à sa liberté.

 

Les principes susmentionnés s’appliquent au présent contrôle.

 

[32]           Appliquant ces principes, je dois examiner les facteurs dont l’arrêt Charkaoui I m’oblige à tenir compte, qui incluent les raisons avancées par les ministres pour justifier les conditions de la mise en liberté, la période durant laquelle M. Mahjoub y a été soumis, et notamment les changements survenus depuis le dernier contrôle des conditions, les retards inexpliqués ou l’absence de diligence, la durée anticipée du maintien des conditions de mise en liberté, l’existence, l’efficacité et le caractère approprié des solutions de rechange.

 

Les facteurs de l’arrêt Charkaoui I

[33]           Les facteurs suivants seront entre autres pris en compte pour déterminer quelles conditions de mise en liberté, le cas échéant, conviennent à M. Mahjoub (Charkaoui I, aux paragraphes 111 à 116) :

a) les motifs de la détention;

b) le temps passé en détention;

c) les raisons qui retardent l’expulsion;

d) la durée anticipée du prolongement de la détention;

f) l’existence de solutions de rechange à la détention.

 

a)         Motifs des conditions de mise en liberté

[34]           Les ministres soutiennent que les conditions actuelles de mise en liberté doivent être maintenues, car la menace que M. Mahjoub est présumé représenter pour la sécurité du Canada demeure en grande partie inchangée. La menace alléguée est expliquée au paragraphe 20 du résumé public du RRS, reproduit au paragraphe 42 des motifs de l’ordonnance du 1er février 2012. Le danger actuel vient de ce que M. Mahjoub pourrait se livrer à nouveau à des activités qui constituent une menace pour la sécurité du Canada. Les ministres avancent plus particulièrement, en s’appuyant sur les témoignages livrés par MM. Guay et Byman en octobre 2010, que M. Mahjoub est susceptible de radicaliser des individus ou des groupes d’individus ou de [traduction] « se réengager » dans le terrorisme en tant que partisan ou recruteur du fait de [traduction] « sa stature et de son ancienneté au sein du mouvement, des contacts et de l’entraînement au maniement des armes qu’il aurait peut‑être reçu », sans parler de la publicité qui a entouré l’instruction de l’affaire par la Cour. Les ministres n’ont pas déposé d’évaluation à jour de la menace aux fins du présent contrôle.

 

[35]           Toute la preuve m’a été soumise et les débats publics des parties sont terminés. Cependant, je n’ai pas encore reçu les observations des avocats spéciaux et des ministres se rapportant à l’instance à huis clos. Par ailleurs, je n’ai pas encore examiné la requête des avocats spéciaux visant à faire exclure la preuve de source inconnue. Il serait donc inopportun à ce stade‑ci de rendre une décision définitive sur la preuve contestée concernant la menace présumée. Je suis convaincu, aux fins du présent contrôle, qu’il existe un fondement de nature à confirmer que M. Mahjoub représente une menace pour la sécurité du Canada, comme je l’ai indiqué au paragraphe 89 des motifs de l’ordonnance du 1er février 2012 faisant suite au dernier contrôle des motifs de détention. Cependant, compte tenu des changements survenus depuis le dernier contrôle, auxquels nous reviendrons plus tard, je suis également convaincu que cette menace est maintenant sensiblement inférieure.

 

b)         Le temps pendant lequel il a été soumis aux conditions

[36]           Plus la détention se prolonge, moins l’individu concerné sera susceptible de représenter encore un danger pour la sécurité, et plus le fardeau de prouver la menace qui incombe aux ministres sera important (Charkaoui I, paragraphes 112 et 113). Comme pour les contrôles précédents, j’estime que la détention prolongée de M. Mahjoub et les conditions rigoureuses de sa mise en liberté ont entravé sa capacité de mener des activités dangereuses; dans ces circonstances, ce facteur milite en sa faveur.

 

c)         Les changements survenus depuis le dernier contrôle des conditions

[37]           Depuis le dernier contrôle, le fondement probatoire sur lequel reposent les allégations des ministres contre M. Mahjoub a été significativement ébranlé. L’ordonnance datée du 19 juin 2012 obligeait les ministres à se plier à l’arrêt Harkat de la Cour d’appel fédérale (2012 CAF 122) et à retirer de la preuve tous les résumés de conversations interceptées ou d’entrevues qui n’étaient pas étayés par des notes ou des transcriptions originales et auxquelles M. Mahjoub n’avait pas eu accès. La suppression de ces documents, que les ministres ont invoquée à l’appui de certaines allégations contenues dans le RRS, a affaibli la preuve des ministres contre M. Mahjoub et à la thèse selon laquelle il constitue une menace pour la sécurité nationale.

 

[38]           Même si la preuve de M. Payne ne contient pas d’évaluation de l’état psychologique de M. Mahjoub au regard des conditions qui lui sont actuellement imposées, je suis convaincu, sur la foi de son rapport, que celles‑ci peuvent nuire à sa santé psychologique. Aux termes des conditions restrictives actuelles, les activités quotidiennes de M. Mahjoub sont constamment surveillées.

 

[39]           Près de onze mois se sont écoulés depuis le dernier contrôle des conditions de mise en liberté de M. Mahjoub. Depuis, les ministres n’ont soumis ni nouvelle allégation ni nouvel élément de preuve en ce qui a trait à la menace. Comme je l’ai indiqué précédemment, aucune évaluation à jour de la menace ou du risque n’a été déposée dans le cadre du présent contrôle. La dernière évaluation de ce type ne divulguait aucun nouveau renseignement quant à l’implication de M. Mahjoub dans des activités dangereuses, et concernait le risque qu’il représentait alors, c’est‑à‑dire la « possibilité » qu’il reprenne lesdites activités. La preuve sur laquelle les ministres s’appuient remonte à 2010 et 2011.

 

[40]           Par ailleurs, au cours des onze mois qui se sont écoulés depuis le dernier contrôle, les ministres n’ont fait valoir aucune violation des conditions de la mise en liberté et rien de tel n’a été porté à l’attention de la Cour. Il convient d’ailleurs de noter que durant toute la période de sa mise en liberté, M. Mahjoub n’a pas commis d’infraction significative aux conditions dont elle était assortie. Dans les circonstances, j’estime que ce respect soutenu des conditions joue grandement en sa faveur dans le cadre du présent contrôle.

 

d)         Retard inexpliqué ou manque de diligence

[41]           La question du retard sera traitée exhaustivement lorsque nous examinerons la requête en abus de procédure. Aux fins du présent contrôle, il convient d’examiner la question du retard causé par le manque de diligence des ministres en raison des conclusions auxquelles je suis parvenu dans l’ordonnance de la Cour du 31 mai 2012. Celle‑ci statuait sur la requête de M. Mahjoub en suspension permanente des procédures après l’amalgame par les ministres de ses documents se rapportant au litige. Je n’ai pas accordé la suspension demandée, mais j’ai conclu que les ministres avaient fait preuve d’un manque de diligence et retardé ainsi la procédure de plus de neuf mois, ce qui n’est pas négligeable. En ce qui a trait au présent contrôle des conditions, les conclusions sont extrêmement favorables à M. Mahjoub.

 

e)         Durée anticipée du maintien des conditions de mise en liberté

[42]           Même si les plaidoiries publiques ont pris fin et que les derniers arguments confidentiels seront présentés en janvier 2013, je m’attends à ce que M. Mahjoub soit encore soumis à des conditions de mise en liberté pendant plusieurs mois avant que la Cour ne rende une décision définitive à son égard.

 

f)          L’existence, l’efficacité et le caractère approprié de solutions de rechange aux conditions actuelles

[43]           Les parties ont adopté des positions antagonistes qui n’ont pas aidé la Cour à évaluer l’existence, l’efficacité et le caractère approprié de solutions de rechange aux conditions de mise en liberté actuellement imposées à M. Mahjoub. Les ministres ne m’ont pas fourni une analyse de chaque condition ou ensemble de conditions pour expliquer en quoi elles restent nécessaires ou proportionnelles à la menace posée. Ils n’en ont signalé aucune qui leur paraisse particulièrement essentielle, sinon en rappelant indirectement, en demandant d’interdire toute communication avec M. Aly Hindy, que M. Mahjoub ne doit pas pouvoir contacter des individus dont il sait ou devrait savoir qu’ils soutiennent le terrorisme ou le Jihad violent.

 

[44]           M. Mahjoub soutient subsidiairement que les « conditions normales » liées aux engagements seraient une solution de rechange efficace aux conditions actuelles.

 

[45]           À mon avis, les « conditions normales » liées aux engagements, combinées aux conditions additionnelles prévues plus loin (les conditions proposées), constituent une solution de rechange efficace et appropriée aux conditions de mise en liberté actuelles de M. Mahjoub. Ces nouvelles conditions remplaceront les présentes; elles seront proportionnelles à la menace posée par M. Mahjoub et suffiront à la contrer.

 

[46]           Les conditions de cautionnement liées à la bonne conduite et au respect de l’ordre public répondent aux allégations selon lesquelles M. Mahjoub radicalisera des individus ou des groupes en incitant à la violence, qu’il « se livrera à nouveau » à des activités terroristes et qu’il appuiera ou enrôlera des individus dans la cause terroriste. Le maintien des cautionnements permettra également de s’assurer que les cautions de M. Mahjoub restent enclines à superviser ses activités et à signaler toute violation des conditions.

 

[47]           Par ailleurs, le maintien de la condition interdisant à M. Mahjoub de communiquer directement ou indirectement avec tout individu dont il sait ou devrait savoir qu’il soutient le terrorisme ou le Jihad violent, ou qu’il s’est trouvé dans un camp d’entraînement ou dans un gite exploité par une entité qui soutient le terrorisme ou le Jihad violent, devrait l’empêcher de se lier ou de renouer avec des contacts terroristes. Pour s’en assurer, M. Mahjoub devra limiter ses moyens de communications à un téléphone cellulaire personnel et/ou une ligne de terre, sauf en cas d’urgence, et à un seul ordinateur personnel pourvu d’une connexion Internet. L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) peut continuer à surveiller ses factures de téléphone, et elle sera autorisée à effectuer des vérifications sans préavis sur son ordinateur connecté à Internet s’il souhaite en avoir un. L’ASFC pourra également contrôler les adresses ou adresses de retour figurant sur les lettres ou les paquets reçus ou envoyés par M. Mahjoub par courrier ou par service de messagerie. Le courrier ou les paquets ne pourront être inspectés plus minutieusement que s’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils sont envoyés ou reçus au mépris d’une condition applicable de la mise en liberté.

 

[48]           M. Mahjoub ne risque pas de prendre la fuite. Ce fait n’est pas contesté. Compte tenu de ses antécédents en matière de respect des conditions de sa mise en liberté et des autres facteurs favorables évoqués précédemment, j’estime que la condition liée à la surveillance GPS lorsqu’il sort de chez lui n’est plus proportionnelle à la menace posée. Cette mesure n’est donc plus autorisée. Toute surveillance exercée sur M. Mahjoub sera soumise à Opérations, politiques et procédures du SCRS.

 

[49]           Après avoir examiné les cinq facteurs obligatoires énoncés dans Charkaoui I et toutes les circonstances relatives à la présente affaire, j’estime que les conditions actuelles de mise en liberté ne sont plus appropriées ni proportionnelles à la menace que M. Mahjoub représente. Les ministres n’ont pas produit de nouvel élément de preuve ni d’évaluation à jour du risque pour étayer leurs allégations selon lesquelles M. Mahjoub pose une menace pour la sécurité nationale. Ils n’ont pas invoqué non plus de violation des conditions de la mise en liberté depuis le dernier contrôle. Compte tenu du temps écoulé et de la période prolongée durant laquelle M. Mahjoub a été soumis à des conditions rigoureuses de mise en liberté, je conclus qu’il représente maintenant une moindre menace pour la sécurité du Canada.

 

[50]           Étant donné les changements de circonstances dont il a été question précédemment, en particulier le retrait du dossier d’éléments de preuve invoqués par les ministres, du retard de l’instance attribuable à leur manque de diligence et du fait que M. Mahjoub s’est jusqu’à présent conformé aux conditions de sa mise en liberté, je conclus que les conditions actuelles ne sont plus proportionnelles à la menace qu’il représente. Je suis convaincu que les conditions proposées offrent une solution de rechange efficace et qu’elles sont suffisantes et appropriées pour neutraliser la menace posée, conformément au paragraphe 82(5) de la LIPR.

 

M. Aly Hindy

[51]           Les ministres allèguent que M. Aly Hindy devrait être considéré comme un individu dont M. Mahjoub sait ou devrait savoir qu’il soutient le terrorisme ou le Jihad violent et qu’il devrait lui être interdit de communiquer directement ou indirectement avec lui. Ils invoquent à cet égard certains propos de M. Hindy rendus publics, le fait qu’il a été désigné comme un contact interdit dans Jaballah, et les commentaires du juge Mosley, confirmés par la juge Layden‑Stevenson dans la présente instance, voulant que M. Hindy ne soit pas une caution convenable, car [traduction] « ses déclarations qui ont été publiées permettent d’inférer qu’il approuve, ou à tout le moins qu’il défend, les menaces posées par le terrorisme islamique pour le Canada »

 

[52]           Je commencerai par faire observer que le contact qui a eu lieu par messagerie vocale entre MM. Mahjoub et Hindy le 10 juillet 2012 semblait avoir un but licite. M. Mahjoub tentait apparemment de trouver, par l’entremise de M. Hindy, d’autres cautions prêtes à le superviser.

 

[53]           Deuxièmement, je note que les déclarations imputées à M. Hindy sur lesquelles les ministres s’appuient sont peu concluantes. Il aurait qualifié les attaques du 11 septembre [traduction] « [d’]opération conjointe de la CIA », déclaré au sujet d’Ahmed Khadr [traduction] « Je ne suis pas convaincu qu’il soit coupable », décrit Hassan Farhat comme [traduction] « un Iraquien se battant dans son pays natal contre un ennemi étranger », insinué que la violence des salafistes était montée de toutes pièces par les autorités américaines pour les discréditer, émis l’avis que les accusations portées contre les 18 personnes de Toronto servaient [traduction] « à faire plaisir à George Bush », et déclaré lors d’une réunion avec l’ancienne ministre de la Sécurité publique, Anne McLellan, que le gouvernement devait cesser de [traduction] « terroriser » les musulmans canadiens, sans quoi [traduction] « je ne peux garantir ce qui va se passer, nos jeunes, nous ne pouvons pas les contrôler », commentaire qu’il a qualifié de [traduction] « sorte de menace ».

 

[54]           Bien qu’il s’agisse d’opinions radicales reposant sur des faits douteux, cela ne prouve pas directement que M. Hindy soutient le terrorisme ou le Jihad violent, notamment si l’on tient compte des condamnations de la violence ([traduction] « [l]a religion ne dit pas de se battre et de tuer ») et des efforts qu’il aurait déployés pour inciter les jeunes à mener un Jihad non violent plutôt que d’aller se battre en Iraq. Il a aussi déclaré : [traduction] « J’aime ce pays comme n’importe qui » et s’est exprimé contre les terroristes qui ont l’intention d’attaquer le Canada : [traduction] « Si mon fils fait quoi que ce soit pour détruire ce pays, il devrait être pendu, pas juste emprisonné ». Même son refus de signer le décret contre le terrorisme entériné par des imams du monde entier après les attentats à la bombe de Londres en 2005 ne permet pas nécessairement d’inférer qu’il est partisan du terrorisme. Ni le décret ni la raison pour laquelle M. Hindy ne l’a pas signé ne m’ont été présentés, bien que l’une comme l’autre m’aurait permis de déterminer si ce refus peut être interprété comme un soutien au terrorisme.

 

[55]           Même si Hassan Farhat, qui a joint les rangs d’Al‑Qaïda, la famille d’Ahmed Khadr, les membres du groupe terroriste des 18 de Toronto, et un membre aspirant des Al Shabab, priaient tous au Centre islamique Salaheddin de M. Hindy, et que le rapport de 2009 de la GRC sur la radicalisation le désigne comme un « point de contact pour des radicaux islamistes de la région de Toronto », je ne dispose d’aucune preuve sur l’étendue des contacts de M. Hindy avec des terroristes avérés ou des partisans du terrorisme ou du soutien qu’il leur accorde. Je suis conforté dans ma conclusion par celle du juge Trotter dans United States of America v. Khadr (2008), 234 C.C.C. (3d) 129, au paragraphe 62, selon laquelle même si des individus [traduction] « aux associations douteuses » et [traduction] « mêlés à des activités discutables » ont fréquenté le Centre islamique Salaheddin, la preuve est insuffisante pour incriminer le centre lui‑même et [traduction] « aucune personne raisonnable ne peut déduire que le Centre islamique Salaheddin est impliqué dans le terrorisme ».

 

[56]           Troisièmement, dans l’affaire Jaballah, les contacts avec M. Hindy ont été interdits avec le consentement des parties, contrairement à la présente affaire.

 

[57]           Enfin, les commentaires du juge Mosley, repris par la juge Layden‑Stevenson, concernaient la question de savoir si M. Hindy était une caution appropriée pour M. Mahjoub. La caution est tenue de signaler aux autorités canadiennes les comportements prohibés de ce dernier. Compte tenu de cette obligation de coopérer avec les autorités, j’estime qu’il était loisible au juge Mosley de rejeter le choix de M. Hindy comme caution. Il faut établir un lien plus rigoureux entre M. Hindy et le soutien au terrorisme ou au Jihad violent pour interdire toute communication entre lui et M. Mahjoub et porter ainsi totalement atteinte à leur liberté d’expression et d’association. Les ministres ne l’ont pas fait.

 

[58]           Si les ministres avaient produit une preuve directe qui démontrait que M. Hindy était un partisan du terrorisme ou du Jihad violent, la Cour l’aurait trouvée préoccupante et l’issue aurait pu être différente.

 

[59]           Compte tenu de l’ensemble de la preuve dont je dispose, et notamment des droits en jeu tant pour M. Mahjoub que pour M. Hindy, et du fait que ce dernier n’a pas eu la possibilité d’expliquer ses déclarations versées en preuve, je ne puis conclure qu’il est une personne dont M. Mahjoub savait ou aurait dû savoir qu’il soutenait le terrorisme ou le Jihad violent. Par conséquent, la demande des ministres pour que le nom de M. Aly Hindy soit inscrit sur la liste des contacts interdits est rejetée.

 

CONCLUSION

[60]           Lors d’un contrôle des conditions de mise en liberté d’une personne tombant sous le coup du paragraphe 82(5) de la LIPR, il incombe aux ministres de démontrer que la personne visée constitue un danger pour la sécurité du Canada et que des mesures particulières, en vigueur ou proposées, sont nécessaires pour y parer. Les ministres n’ont démontré la nécessité d’aucune mesure particulière. Ils plaident plutôt pour le statu quo, mais sans avoir établi que la prétendue menace restait la même.

 

[61]           Pour les besoins du présent contrôle des conditions de mise en liberté, j’admets que M. Mahjoub continue de représenter un danger pour la sécurité du Canada. J’estime toutefois que cette menace a considérablement diminué dans les onze mois ou presque qui se sont écoulés depuis le dernier contrôle et durant desquels M. Mahjoub s’est conformé avec diligence aux conditions qui lui étaient imposées. De plus, certaines allégations contenues dans le dossier des ministres ont perdu de leur poids en raison de la suppression des éléments de preuve ordonnée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Harkat. Par ailleurs, j’estime que les ministres sont responsables d’un retard important causé par leur manque de diligence dans l’amalgame des documents.

 

[62]           Je suis convaincu que les conditions rigoureuses actuellement en vigueur ne sont plus nécessaires pour neutraliser la menace moindre que représente M. Mahjoub. Une nouvelle série de conditions doivent être définies conformément aux directives suivantes.

a.                   M. Mahjoub doit se présenter aux bureaux de l’ASFC toutes les semaines, aux lieux et aux dates convenus.

b.                  M. Mahjoub doit avoir une bonne conduite et ne pas troubler l’ordre public.

c.                   Le passeport et tous les documents de voyage de M. Mahjoub, le cas échéant, devront demeurer en possession de l’ASFC. Les restrictions actuelles touchant les passeports et titres de voyage restent en vigueur.

d.                  Si son renvoi du Canada est ordonné, M. Mahjoub devra se présenter en vue de son renvoi conformément aux instructions reçues. Il devra aussi se présenter à l’occasion devant la Cour lorsque celle‑ci l’exigera.

e.                   M. Mahjoub doit signaler tout changement d’adresse à l’ASFC.

f.                   M. Mahjoub ne pourra pas posséder d’arme, d’imitation d’arme, de substances nocives ou d’explosifs, ou de quelque composant de ceux‑ci.

g.                  M. Mahjoub ne doit pas communiquer directement ou indirectement avec toute personne dont il sait, ou devrait savoir, qu’elle soutient le terrorisme ou le Jihad violent, ou qu’elle s’est trouvée dans un camp d’entraînement ou dans un gite exploité par une entité qui soutient le terrorisme ou le Jihad violent, ou avec toute personne dont il sait ou devrait savoir qu’elle a un casier judiciaire.

h.                  M. Mahjoub peut avoir un téléphone cellulaire et/ou une ligne de terre. Il ne peut se servir d’aucun autre téléphone sauf en cas d’urgence. L’ASFC ou toute personne qu’elle désignera peut surveiller les factures de téléphone émises par le ou les fournisseurs de services de téléphone cellulaire et/ou de ligne de terre de M. Mahjoub. À cette fin, ce dernier devra communiquer à l’ASFC le ou les numéros de téléphone correspondants ainsi que le nom du ou des fournisseurs de services.

i.                    M. Mahjoub pourra utiliser un seul ordinateur pourvu d’une connexion Internet à sa résidence. S’il décide d’utiliser un tel ordinateur, il devra autoriser un employé de l’ASFC ou toute personne désignée par l’Agence à examiner son ordinateur, notamment le disque dur et les modules périphériques, sans avis préalable. M. Mahjoub ne peut, directement ou indirectement, utiliser tout autre dispositif capable de se connecter à Internet ou d’envoyer des signaux sans fil.

j.                    L’ASFC est autorisée à contrôler toute adresse ou adresse de retour figurant sur les lettres ou les paquets reçus ou envoyés par M. Mahjoub par la poste ou par service de messagerie. Le courrier ou les paquets ne pourront être inspectés plus minutieusement que s’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils sont envoyés ou reçus en violation d’une condition applicable de la mise en liberté.

k.                  Les exigences actuelles touchant les cautions et les cautionnements sont maintenues.

l.                    Si M. Mahjoub sort de la région du Grand Toronto, telle qu’elle est définie dans les conditions actuelles, il devra transmettre à l’ASFC un préavis de sept jours auquel il joindra son itinéraire de voyage, en incluant son mode de transport.

m.                La condition actuelle qui interdit à M. Mahjoub d’enregistrer par des moyens audio et vidéo le personnel de l’ASFC est maintenue.

n.                  La condition actuelle obligeant l’ASFC à sauvegarder les photographies prises dans l’accomplissement de ses devoirs se rapportant à M. Mahjoub est maintenue.

o.                  Tout manquement à la présente ordonnance constitue une infraction au sens de l’article 127 du Code criminel et de l’alinéa 124(1)a) de la LIPR.

p.                  Les conditions secondaires ou nécessaires pour donner effet à celles qui découlent des précédentes directives peuvent être proposées par les parties par écrit.

q.                  Si des questions liées à l’applicabilité d’une des conditions n’ont pas été expressément abordées dans les précédentes directives, les parties peuvent s’adresser à la Cour.

 

[63]           Toutes les autres conditions actuellement en vigueur et qui ne sont pas expressément mentionnées dans les présents motifs sont supprimées.

 

[64]           Je suis convaincu que les conditions qui devront être rédigées conformément aux directives susmentionnées constitueront une réponse rationnelle et proportionnée correspondant à la nature de la menace que représente M. Mahjoub (ainsi que l’exige l’arrêt Charkaoui I, au paragraphe 116).

 

[65]           Les ministres doivent, dans les dix (10) jours de la signature des présents motifs, préparer une ébauche de l’« annexe des conditions relatives à la mise en liberté de M. Mahjoub » conformément aux motifs qui précèdent.

 

[66]           Cette ébauche devra être signifiée à M. Mahjoub et à son avocat, qui disposeront de cinq jours à partir de la date de réception pour soumettre des observations écrites sur la seule question de la conformité de l’ébauche aux motifs qui précèdent. Une fois l’ébauche et les observations de M. Mahjoub reçues et examinées, le cas échéant, une ordonnance confirmant la mise en liberté de M. Mahjoub et les conditions modifiées sera rendue.

 

[67]           Les conditions prendront effet à la signature de l’ordonnance confirmant les conditions modifiées. Les ministres prendront dès que possible les mesures requises pour retirer l’équipement de surveillance de la résidence de M. Mahjoub et pour donner effet aux nouvelles conditions de sa mise en liberté.

 

[68]           M. Mahjoub devra, moyennant un préavis raisonnable, permettre l’accès à sa résidence de manière à ce que l’ASFC puisse retirer l’équipement de surveillance.

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

Ottawa (Ontario)

Le 7 janvier 2013

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    DES‑7‑08

 

INTITULÉ :                                                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE c.
MOHAMED ZEKI MAHJOUB

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 11 décembre 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :             LE JUGE BLANCHARD

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 7 janvier 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Peter Southey

Bernard Assan

Mahan Keramati

Christopher Ezrin

Balqees Mihirig

Philippe Lacasse

Proja Filipovich

 

POUR LES MINISTRES DEMANDEURS

Paul Slansky

Johanne Doyon

Yavar Hameed

 

POUR LE DÉFENDEUR

Anil Kapoor

 

AVOCATS SPÉCIAUX

 

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous‑ministre et sous‑procureur général du Canada

 

POUR LES MINISTRES DEMANDEURS

Doyon & Associés

Montréal (Québec)

 

Slansky Law Professional Corp.

Toronto (Ontario)

 

Hameed & Farrokhad

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

Gordon Cameron

Ottawa (Ontario)

 

Anil Kapoor

Toronto (Ontario)

AVOCATS SPÉCIAUX

 

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