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Date : 20130124

Dossier : IMM-4157-12

Référence : 2013 CF 69

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 janvier 2013

En présence de monsieur le juge Martineau

 

 

ENTRE :

 

TAMER EL SHERBINY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 11 mars 2012, par laquelle un agent des visas (l’agent) de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a rejeté la demande de visa de résident permanent (la demande de visa) du demandeur pour la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

[2]               Le demandeur, M. Tamer Mohamed Shawky Ahmad El Sherbiny, est citoyen égyptien. Il a présenté la demande de visa le 23 novembre 2009 pour la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), à titre de médecin spécialiste (code 3111 de la classification nationale des professions). L’agent a évalué la demande conformément aux critères de sélection et au système de points énoncé dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).

 

[3]               Plus précisément, pour le critère de la « capacité d’adaptation », le demandeur n’a pas obtenu les 5 points prévus pour la présence d’un membre de sa famille au Canada, et ce, malgré le fait qu’il ait indiqué avoir un frère qui est résident permanent et qui vit au Canada, M. Ahmed Mohamed Shawky Ahmed Ibrahim El Sherbiny (le frère prétendu).

 

[4]               Selon le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (le STIDI), l’agent a inscrit les notes suivantes le 8 mars 2012 :

         Les passeports n’ont pas été délivrés la même année, mais, selon la calligraphie, leurs pages semblent avoir été remplies par la même personne.

 

         Le certificat de naissance du candidat à l’immigration a été versé au dossier et rien ne permet de croire que son frère n’en a pas [je reformulerais cette note de la manière suivante : « le demandeur a fourni son certificat de naissance, mais pas celui de son frère »].

 

         Je ne suis pas convaincu que cela démontre l’existence d’un lien de parenté admissible.

 

[5]               En fin de compte, l’agent a accordé 63 points au demandeur. Pour qu’une demande de ce type soit accueillie, le ministre a fixé le seuil à 67 points. Par conséquent, l’agent a rejeté la demande de visa. Si l’agent avait conclu à l’existence d’un lien de parenté entre le demandeur et le frère prétendu vivant au Canada, il aurait vraisemblablement accordé les cinq points supplémentaires au demandeur, ce qui aurait été suffisant pour que la demande de visa soit accueillie.

 

[6]               D’une part, le demandeur doit fournir des éléments de preuve adéquats et suffisants à l’appui de sa demande de visa, ce qui signifie que l’agent d’immigration n’est pas tenu de demander des éclaircissements au demandeur s’il trouve que les éléments de preuve initiaux sont insuffisants. D’autre part, lorsque l’agent a des préoccupations quant à la crédibilité, à l’exactitude ou à l’authenticité des renseignements fournis par le demandeur, il doit donner l’occasion au demandeur de répondre à ces préoccupations, mais la question de la crédibilité doit être déterminante.

 

[7]               Puisque les exigences d’équité procédurale qui s’appliquent aux demandes de visa sont assez faibles, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale en l’espèce. De plus, dans les circonstances, la décision de l’agent n’est pas déraisonnable.

 

[8]               Les parties ne s’entendent pas sur l’interprétation qu’il faut donner aux motifs inscrits dans le STIDI. Je conclus que, prise dans son ensemble, la décision de l’agent quant aux 5 points en cause reposait sur la question de savoir, selon la prépondérance des probabilités, si le demandeur avait un lien de parenté avec le frère prétendu, qui vivait au Canada à titre de résident permanent. Plus précisément, je ne crois pas que les doutes notés dans le STIDI relativement à l’authenticité des passeports du demandeur et du frère prétendu, si doutes il y avait, étaient le seul facteur déterminant. Si tel avait été le cas, l’agent n’aurait pas aussi abordé l’absence de certificat de naissance du frère prétendu. À mon humble avis, l’agent a tout simplement conclu que le demandeur n’avait pas fourni des documents suffisants pour démontrer l’existence d’un lien de parenté admissible.

 

[9]               Le 2 décembre 2009, un bureau de réception centralisé de CIC a transmis un avis écrit au demandeur par courriel. Cet avis lui expliquait comment présenter une demande complète et donnait des instructions quant aux documents justificatifs qui devaient être joints à la demande. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que, dès lors, le demandeur était informé de l’importance de présenter des documents complets et à jour et du fait que sa demande allait être évaluée en fonction des documents fournis. Le courriel envoyé au demandeur comportait aussi un lien vers une page Web où étaient affichés les formulaires utilisés par ce bureau de visa ainsi qu’une liste des documents justificatifs exigés par le bureau (www.cic.gc.ca/francais/information/demandes/qualifie.asp).

 

[10]           En l’espèce, je conclus que l’agent a suivi la procédure normale et habituelle qui s’applique à ce genre de cas. Contrairement à ce que l’avocat du demandeur a soutenu à l’audience, j’estime que l’agent n’avait pas à tenir une entrevue. La procédure décrite dans la version du guide opérationnel OP 6A qui était alors en vigueur n’est qu’une ligne directrice suggérée; l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agente repose sur plusieurs facteurs. Chaque cas doit être évalué en fonction des circonstances qui lui sont propres. Ici, puisque la meilleure preuve du lien de parenté aurait été le certificat de naissance du frère prétendu, plutôt que son passeport, le demandeur ne pouvait pas légitimement s’attendre à ce qu’il soit nécessaire de tenir une entrevue.

 

[11]           Plus précisément, le défendeur a attiré l’attention de la Cour sur la Liste de contrôle des documents que le demandeur et son consultant en immigration pouvaient trouver sur le site Web de CIC à ce moment-là : Demande de résidence permanente – Travailleurs qualifiés – Directives propres au bureau des visas – Le Caire – IMM7011 F (10-2009). La section 5 de la liste de contrôle énumère les documents nécessaires pour faire la « Preuve des liens de parenté au Canada ». Cette liste est rédigée de la sorte :

5.   PREUVE DE LIENS DE PARENTÉ AU CANADA (S’IL Y A LIEU)

         Preuve de la parenté avec vos proches parents au Canada, comme des certificats de naissance, d’adoption ou de mariage.

         Si votre proche parent est résident permanent du Canada : une photocopie du visa d’immigrant (IMM 1000), du visa de résident permanent ou de la carte de résident permanent.

         Si votre proche parent est citoyen canadien : preuve de citoyenneté canadienne, comme une photocopie du passeport canadien ou de la carte de citoyenneté canadienne.

 

[12]           En l’espèce, pour faire la preuve du lien de parenté avec un proche parent au Canada, le demandeur a seulement joint à sa demande des copies de son passeport et de celui de son frère prétendu ainsi que de la carte de résident permanent de ce dernier. Selon ce que montrent les passeports, le demandeur et le frère prétendu semblent avoir le même nom de famille (El Sherbiny) et ils ont tous deux le même prénom que leur père (Mohamed Shawky Ahmed), bien que les éléments de ce prénom ne figurent pas nécessairement dans le même ordre dans leurs prénoms respectifs. Dans les circonstances, il était nécessaire de fournir des preuves corroborantes supplémentaires. Malheureusement, le demandeur n’a pas fourni de copie du certificat de naissance du frère prétendu.

 

[13]           Il était tout à fait loisible à l’agent de conclure que les éléments de preuve fournis par le demandeur n’étaient pas convaincants. Selon le demandeur, dans la culture arabe, c’est une coutume bien connue que le nom du père fasse partie du nom de ses enfants. Cela étant dit, rien dans le dossier ne permet de penser que cette coutume avait été portée à l’attention de l’agent, et je ne peux pas présumer que l’agent en avait connaissance. En outre, bien que le demandeur et le défendeur conviennent que la loi n’exigeait pas qu’un certificat de naissance soit présenté, les instructions envoyées au demandeur montrent clairement que CIC s’attendait à recevoir des éléments de preuve de cette qualité. C’est à l’agent qu’il revient d’évaluer les éléments de preuve. La Cour ne doit pas intervenir, à moins qu’il soit démontré que l’agent a agi arbitrairement en écartant des éléments de preuve ou en leur donnant un poids très faible.

 

[14]           Comme l’a soutenu le demandeur, l’analyse de la calligraphie dépassait clairement le domaine d’expertise spécialisée de l’agent. Cependant, je dois me rendre à l’argument du défendeur : l’agent n’a pas rejeté la demande parce qu’il aurait conclu que les deux passeports étaient des faux. L’agent n’a pas fait état explicitement d’une telle conclusion, même s’il a pu avoir des doutes. Si l’agent avait conclu que les deux passeports avaient bel et bien été falsifiés, il aurait clairement consigné cette conclusion dans le STIDI. Le cas échéant, l’agent n’aurait eu aucune raison de procéder à l’évaluation de la demande et d’accorder des points au demandeur.

 

[15]           Par ailleurs, en dernière analyse, les notes consignées dans le STIDI ne permettent pas de conclure que l’agent a rejeté la demande seulement parce qu’elle avait des préoccupations quant à l’authenticité des passeports fournis par le demandeur. Il ne fait aucun doute que le fait que le demandeur n’avait pas présenté de copie du certificat de naissance du frère prétendu – un document très important pour établir l’existence d’un lien de parenté – a été un facteur déterminant. Ainsi, compte tenu des circonstances, l’agent n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière déraisonnable, et ce, malgré le résultat malheureux que cela a entraîné pour le demandeur, qui devra présenter une nouvelle demande.

 

[16]           Pour ces motifs, la demande sera rejetée. Aucune question d’importance générale n’a été soulevée par les parties et la Cour ne certifiera aucune question.


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la demande. Aucune question n’est certifiée.

 

« Luc Martineau »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                             IMM-4157-12

 

INTITULÉ :                                      TAMER EL SHERBINY c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 16 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE MARTINEAU.

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 24 janvier 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Simon Gruda-Dolbec

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Suzanne Trudel

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GREY CASGRAIN, s.e.n.c.

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney,

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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