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Date : 20130116

Dossier : T-1984-11

Référence : 2013 CF 35

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 16 janvier 2013

En présence de monsieur le juge Martineau

 

 

ENTRE :

SEHER KHAN TAREEN

 

demanderesse

 

et

 

CANADA (MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION)

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Dans la présente demande de contrôle judiciaire, Mme Seher Khan Tareen [la demanderesse] demande à la Cour d’annuler le refus administratif, signifié par un agent non identifié de l’Unité de la citoyenneté de Citoyenneté et Immigration Canada [CIC], de rouvrir sa demande de citoyenneté après que celle-ci a été inscrite comme étant abandonnée, et d’ordonner au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [le défendeur] de la rouvrir.

 

[2]               Après avoir examiné avec soin le dossier et les observations des parties, je me dois de rejeter la présente demande. Pour dire les choses simplement, je ne suis pas convaincu qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale et que le défendeur est obligé de rouvrir la demande de citoyenneté de la demanderesse dans les circonstances particulières de l’espèce.

 

[3]               La demanderesse n’a produit aucun affidavit dans la présente affaire. J’accepte la preuve qu’a fournie Mme Amy Armstrong, superviseure de l’Unité de la citoyenneté de CIC, dans son affidavit daté du 14 février 2012.

 

[4]               La demanderesse a présenté sa demande de citoyenneté canadienne en juin 2008. Le 23 décembre de la même année, le défendeur lui a envoyé par la poste, à l’adresse qu’elle avait indiquée dans sa demande, un avis la convoquant le 13 janvier 2009 à un examen pour la citoyenneté.

 

[5]               La demanderesse ne s’y est pas présentée. Au lieu de cela, l’avocat qui la représentait à l’époque a écrit au défendeur une lettre datée du 12 janvier 2009 (soit le jour précédant l’examen) pour demander que l’examen pour la citoyenneté soit reporté au 15 mars 2009 au plus tôt, car sa cliente avait donné naissance à un fils le 27 septembre 2008, au Pakistan, et n’était pas encore revenue au pays.

 

[6]               En janvier 2009, le défendeur a envoyé par la poste à la demanderesse un questionnaire sur la résidence à remplir parce qu’elle avait moins de 900 jours de présence effective au Canada au cours de la période applicable de quatre ans. En février 2009, il lui a également envoyé par la poste un second avis de convocation à son examen pour la citoyenneté, fixé cette fois‑ci au 16 mars 2009, conformément à la demande susmentionnée de son avocat.

 

[7]               La demanderesse s’est présentée cette fois-ci à l’examen, et a réussi. Elle a également produit son questionnaire sur la résidence, assorti d’un certain nombre de documents à l’appui, quatre jours plus tard.

 

[8]               En juillet 2010, le dossier de la demanderesse a été étudié par un agent de citoyenneté. Se fondant sur les renseignements et les documents que la demanderesse avait fournis, cet agent a conclu qu’il allait être nécessaire de tenir une [traduction] « audience sur la résidence » devant un juge de la citoyenneté.

 

[9]               Le 29 octobre 2010, le défendeur a envoyé par la poste à la demanderesse, à la même adresse que celle à laquelle il avait transmis les avis antérieurs, un avis la convoquant à une audience sur la résidence le 3 décembre 2010, devant un juge de la citoyenneté. Il était expliqué dans cet avis que :

[traduction] Le juge de la citoyenneté a besoin de plus d’informations pour pouvoir se prononcer sur votre demande de citoyenneté et vous devez comparaître à une audience. À cette occasion, le juge décidera si vous répondez à toutes les exigences en matière de citoyenneté et il vous posera aussi des questions en vue de déterminer si vous avez une connaissance suffisante de l’anglais ou du français ainsi que du Canada. [Caractères gras dans l’original.]

 

 

[10]           La demanderesse ne s’est pas présentée.

 

[11]           Le 24 février 2011, le défendeur a envoyé à la demanderesse, toujours à la même adresse, un second avis de convocation à une audience sur la résidence, fixée cette fois-ci au 1er avril 2011. Dans ce second avis, il était dit à la demanderesse qu’il s’agissait du dernier avis envoyé et que si elle ne se présentait pas à l’audience sa demande serait fermée et il lui faudrait en présenter une nouvelle.

 

[12]           Là encore, la demanderesse ne s’y est pas présentée.

 

[13]           Comme l’indique le paragraphe 11(9) du Règlement sur la citoyenneté, DORS/93-246 [le Règlement], « [s]i le demandeur […] ne comparaît pas aux date, heure et lieu visés au paragraphe (8) [c.-à-d. le second avis décrit plus tôt], sa demande et les documents d’accompagnement sont transmis au greffier qui inscrit la demande comme étant abandonnée, après quoi il n’est plus donné suite à celle-ci ». Le Règlement prescrit donc que la demande de la demanderesse aurait dû être transmise au greffier pour qu’il l’inscrive comme étant abandonnée.

 

[14]           Cependant, le défendeur, même s’il n’a pas nécessairement à le faire, a décidé dans le cadre de sa politique opérationnelle de faire preuve d’encore plus de latitude et d’équité envers les demandeurs. Selon l’auteure de l’affidavit du défendeur, Mme Amy Armstrong, superviseure de l’Unité de la citoyenneté du défendeur, cette politique requiert que les dossiers tels que celui de la demanderesse soient tenus administrativement en suspens pendant trente jours avant d’être transmis au greffier pour être inscrits comme étant abandonnés. L’objet de ces trente jours additionnels est, d’après Mme Armstrong, de donner aux demandeurs une chance d’expliquer de manière raisonnable, éléments de preuve à l’appui, pourquoi ils ne se sont pas présentés aux audiences prévues pour eux.

 

[15]           Le délai de grâce administratif de trente jours s’est écoulé sans que l’on ait de nouvelles de la demanderesse.

 

[16]           Ce qui est arrivé ensuite au dossier de la demanderesse n’est pas clair. Il est vraisemblable qu’il a changé de mains sur le plan administratif à un certain stade entre ce moment-là et le 6 juin 2011, car, à cette date-là, le greffier a inscrit le dossier comme étant abandonné.

 

[17]           Comme je l’ai mentionné plus tôt, la demanderesse n’a pas souscrit d’affidavit en l’espèce, et cela pose problème. Il faut que la preuve produite soit crédible. Les allégations de manquement à l’équité procédurale sont tranchées selon la norme de la décision correcte. Vu la preuve non contestée selon laquelle des avis de convocation ont été envoyés par la poste à la demanderesse, il est important de savoir pourquoi celle-ci n’a pas avisé plus tôt CIC qu’elle ne pouvait pas se présenter et pourquoi il s’est écoulé plus de trente jours avant qu’elle retienne les services de son avocat. À strictement parler, la demanderesse n’a pas personnellement expliqué à la Cour pourquoi elle ne s’est pas présentée à l’une ou l’autre des audiences sur la résidence devant un juge de la citoyenneté.

 

[18]           On ne peut qu’entrevoir la raison pour laquelle la demanderesse ne s’y est pas présentée en consultant le dossier certifié du tribunal [DCT], qui contient les documents figurant dans le dossier de citoyenneté de la demanderesse que le défendeur a transmis à la Cour et aux parties conformément à l’article 318 des Règles des Cours fédérales.

 

[19]           En l’espèce, l’avocat de la demanderesse exprime l’avis que le défendeur était tenu, jusqu’à la fermeture officielle du dossier le 6 juin 2011, de prendre en considération l’explication donnée dans sa lettre datée du 25 mai 2011, de même que sa lettre ultérieure demandant que l’on rouvre le dossier, puisqu’il semble qu’à cause d’une erreur administrative on n’ait pas tenu compte de sa lettre du 25 mai 2011.

 

[20]           Dans le DCT, on trouve une série de lettres de l’avocat de la demanderesse, M. Christopher Roper, qui sont adressées à la Cour de la citoyenneté canadienne. Des lettres originales datées du 28 juillet, du 17 août, du 14 septembre, du 20 octobre et du 5 décembre 2011, se trouvent dans le dossier. Ces lettres font référence à une autre lettre, datée du 25 mai 2011, elle-même jointe à la lettre du 5 décembre 2011.

 

[21]           Je commencerai par la lettre du 25 mai 2011. Mme Armstrong affirme dans son affidavit que si la lettre du 25 mai 2011 a bel et bien été envoyée à son bureau (ce que semble confirmer un bordereau de messagerie joint par M. Roper), elle a fort probablement été égarée par son bureau parce que l’original ne se trouve pas dans le dossier.

 

[22]           La lettre du 25 mai 2011 indique tout d’abord que les services de son auteur (M. Roper) ont récemment été retenus par la demanderesse. On peut y lire ensuite :

[traduction] Nous croyons comprendre, selon notre cliente, que celle-ci était censée se présenter à des audiences sur la résidence, dans le cadre du traitement en cours de sa demande, les 3 décembre 2010 et 1er avril 2011. Malheureusement, ce n’est que récemment que notre cliente a été mise au courant des avis de convocation aux audiences sur la résidence et, à cause de cela, il lui a été impossible de s’y présenter.

 

À titre de contexte, notre cliente a été obligée de se rendre au Pakistan pour régler des questions personnelles urgentes, dont une action en divorce qui a été engagée dans ce pays-là. Malheureusement, lors de son absence les mesures qui avaient été prises pour que l’on récupère son courrier à son domicile, ici au Canada, n’ont pas été respectées. De ce fait, notre cliente n’a été mise au courant que des avis concernant les deux audiences. Si elle avait été mise au courant des avis de convocation aux deux audiences, elle s’y serait présentée ou aurait expliqué pourquoi il lui était impossible de le faire. La demanderesse est toutefois disponible pour assister à une nouvelle audience.

 

Nous notons, après avoir consulté le site Web de CIC, que la demande est toujours « en cours de traitement » et nous présumons donc que les procédures liées à l’abandon de la demande n’ont pas été engagées. Cela étant, nous saurions gré à CIC de ne pas mettre en œuvre les procédures d’abandon, car, d’après les renseignements que notre cliente nous a fournis, il existe une « explication raisonnable » quant à la raison pour laquelle il lui a été impossible de se présenter à l’une ou l’autre des audiences. Nous serions disposés à vous fournir des détails sur cette « explication raisonnable » de même qu’une preuve à l’appui de l’explication, ainsi qu’il est expressément envisagé à la section 6.5 du CP13 [le Guide] – Administration de façon à ce que le traitement de la demande puisse se poursuivre et que puisse être fixée une nouvelle audience sur la résidence. De plus amples détails sur la question vous seront envoyés sous peu. Vous trouverez également ci-joints des documents concernant l’action en divorce de Mme Tareen au Pakistan.

 

Il va sans dire que Mme Tareen est impatiente que l’on donne suite au traitement en cours de sa demande et que, n’eût été le fait regrettable qu’on ne lui a pas fourni en temps opportun les avis de convocation aux audiences, elle aurait été en mesure de se présenter à l’une ou l’autre des audiences ou, à tout le moins, d’expliquer pourquoi cela lui était impossible avant chaque date d’audience. Comme il a été dit plus tôt, Mme Tareen est en mesure de se présenter à une nouvelle audience dont la Cour fixera la date à sa convenance.

[…]

 

[23]           Il semble que les documents joints à la lettre soient un certificat de divorce, censément délivré par le [traduction] « gouvernement du Pendjab, Pakistan ». Ce certificat indique que les dates relatives à l’[traduction] « avis de divorce », à l’[traduction] « entrée en vigueur du divorce » et à la [traduction] « délivrance » sont toutes le 11 mars 2011. La seule autre date mentionnée en anglais est le 18 mai 2006. Il s’agit de la date du fait suivant : [traduction] « Échec de la conciliation ».

 

[24]           Quoi qu’il en soit, ainsi qu’il a été mentionné plus tôt, cette lettre et les pièces qui y sont jointes n’ont pas été livrées, ont été perdues ou, alors, ont été supprimées. La lettre suivante que la demanderesse a envoyée au défendeur par l’entremise de son avocat, c’est-à-dire le premier  des documents originaux figurant dans le dossier du défendeur et le DCT, porte la date du 28 juillet 2011. Cette lettre a été écrite plus de deux mois entiers après la première en vue de donner plus de détails sur l’« explication raisonnable » quant à la non-comparution de la demanderesse, et on peut y lire en partie ce qui suit :

[traduction] Nous avons maintenu reçu la confirmation « par un tiers » des circonstances qui ont obligé Mme Tareen à se trouver à l’étranger pendant la période visée par l’action en divorce au Pakistan. Plus précisément, une lettre de son avocat en droit de la famille au Pakistan […] confirme que Mme Tareen a été obligée de rester au Pakistan entre le mois de décembre 2010 et la date de son divorce en mars de la présente année et, de plus, pendant un certain temps par la suite afin de pouvoir régler certaines des procédures juridiques et certains dépôts de documents accessoires au divorce et à l’attribution de la garde de [son] unique enfant […].

 

[25]           La lettre de l’avocat étranger, elle-même datée du 11 juillet 2011, comporte essentiellement les mêmes détails que ceux que M. Roper a paraphrasés dans sa lettre reproduite plus tôt. En d’autres termes, l’avocat étranger ne fait mention d’aucune date précise à part les suivantes : [traduction] « décembre 2010 », [traduction] « 11 mars 2011 » et une [traduction] « période […] ultérieure au prononcé du divorce » non précisée.

 

[26]           La lettre de M. Roper du 28 juillet 2011 ne s’étend pas davantage sur la façon dont les [traduction] « mesures » que la demanderesse a prises pour que son courrier lui soit retransmis n’ont pas été [traduction] « respectées », ni même sur ce qu’étaient ces mesures. La lettre suivante de l’avocat de la demanderesse est datée du 17 août 2011. Ce document relativement court a pour objet d’obtenir une réponse aux lettres antérieures ainsi qu’une nouvelle date d’audience.

 

[27]           La lettre suivante de l’avocat de la demanderesse est datée du 14 septembre 2011. Dans cette lettre de cinq pages à simple interligne, l’avocat commence par exprimer son irritation face au fait qu’il n’a reçu aucune réponse aux lettres antérieures et que, malgré la lettre du 25 mai 2011, le site Web des services en ligne du défendeur indique que la demande de sa cliente a été inscrite comme étant abandonnée le 6 juin 2011. Il demande en terminant que le défendeur [traduction] « prenne des mesures immédiates pour que le dossier de [la demanderesse] soit ouvert sur-le-champ et, en tout état de cause, dans les dix jours suivants », à défaut de quoi il (M. Roper) a eu pour instruction de déposer une demande de contrôle judiciaire.

 

[28]           Cette lettre ne s’étend pas sur « l’explication raisonnable » de la demanderesse, mais, curieusement, le passage suivant semble revenir sur une explication donnée plus tôt :

[traduction] [N]ous notons, après avoir examiné le dossier de notre cliente, ainsi qu’après avoir consulté cette dernière, qu’elle n’a pas reçu le second avis de comparution à un entretien et qu’elle n’a peut-être pas reçu l’avis initial de comparution à un entretien. [Non souligné dans l’original.]

 

[29]           La lettre suivante de l’avocat de la demanderesse est datée du 20 octobre 2011. Il y demande une réponse dans les quatorze jours qui suivent au plus tard, à défaut de quoi il présentera une demande de contrôle judiciaire devant la Cour, et demandera les dépens sur la base avocat-client. Aucun autre détail sur « l’explication raisonnable » n’est donné.

 

[30]           La suivante et dernière lettre de l’avocat de la demanderesse porte la date du 5 décembre 2011. Elle donne au défendeur [traduction] « une dernière chance pour réactiver la demande de [la demanderesse] », faute de quoi ils déposeront une demande auprès de la Cour et solliciteront [traduction] « les dépens sur la base avocat-client, c.-à-d. au tarif horaire de 450 $ l’heure du soussigné ». Là encore, aucun autre détail n’est donné sur « l’explication raisonnable » de la demanderesse.

 

[31]           La demanderesse a mis à exécution son ultimatum; la présente demande de contrôle judiciaire a été engagée le 7 décembre 2011.

 

[32]           L’argument que la demanderesse a invoqué devant la Cour est relativement simple et direct.

 

[33]           L’avocat de la demanderesse a insisté devant moi sur le fait que la demande de citoyenneté n’a pas été inscrite comme étant abandonnée par le greffier avant le 6 juin 2011. Avant cette date, c’est-à-dire avant l’abandon de la demande, le défendeur a reçu une lettre – celle du 25 mai 2011 (livrée semble-t-il le lendemain) – qui disait qu’il y avait une explication raisonnable quant à la raison pour laquelle la demanderesse n’avait pas pu se présenter à l’une ou l’autre des audiences sur la résidence, et que des détails sur cette explication raisonnable suivraient dans une lettre distincte. Ces détails ont plus tard été fournis par l’avocat dans une lettre datée du 28 juillet 2011. Ce dernier soutient donc que le défendeur se trouvait dans l’obligation de prendre en considération « l’explication raisonnable » de la demanderesse. Par ailleurs, vu que l’explication de la demanderesse était tout à fait satisfaisante, le défendeur se trouvait aussi dans l’obligation de rouvrir son dossier. La Cour devrait donc annuler la décision de ne pas rouvrir la demande, et ordonner que le défendeur la rouvre.

 

[34]           Je souscris entièrement au point de vue du défendeur; ce dernier soutient qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale lorsqu’il a fermé le dossier et refusé de le rouvrir. À mon avis, l’argumentation de la demanderesse comporte de nombreuses lacunes, et chacune d’entre elles suffit pour justifier le rejet de la présente demande. La prémisse de base de la demanderesse est qu’une demande de citoyenneté n’est pas abandonnée tant que cette demande n’est pas transmise au greffier, aux termes du paragraphe 11(9) du Règlement :

 

(9) Si le demandeur ne se conforme pas à l’avis donné en application du paragraphe (4), ou ne comparaît pas aux date, heure et lieu visés au paragraphe (8), sa demande et les documents d’accompagnement sont transmis au greffier qui inscrit la demande comme étant

 

 

abandonnée, après quoi il n’est plus donné suite à celle-ci.

(9) Where an applicant fails to comply with a notice given pursuant to subsection (4) or fails to appear at the new date, time and place set pursuant to subsection (8), the applicant’s application and any materials relating to it shall be forwarded to the Registrar, who shall record the application as having been abandoned, and

 

no further action shall be taken with respect to the application.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[35]           D’une part, le paragraphe 11(9) du Règlement indique clairement que le fait qui déclenche l’abandon est le défaut du demandeur de ne pas comparaître à une seconde audience, et non le fait que le dossier soit inscrit comme étant abandonné dans le système informatique du greffier. Le passage « qui inscrit la demande comme étant abandonnée » [non souligné dans l’original], c’est-à-dire un fait passé, étaye cette interprétation. D’autre part, le bon sens veut que l’abandon soit lié à un fait pertinent qu’il est possible de vérifier à l’avance, comme une non‑comparution. Si, à cause d’un arriéré administratif, il y avait une file d’attente de dix mois dans les demandes que le greffier avait à traiter comme étant abandonnées, le défendeur serait-il tenu de prendre en considération une explication quelconque que l’on pourrait avancer au cours de cette période de dix mois? Évidemment que non.

 

[36]           Comme je l’ai mentionné plus tôt, le défendeur a aujourd’hui pour politique de tenir les demandes dites abandonnées en suspens d’un point de vue administratif pendant un délai de trente jours, délai au cours duquel il examine les explications que donnent les demandeurs, mais il s’avère en l’espèce que la lettre de l’avocat de la demanderesse (en présumant que cette lettre a été bel et bien reçue, et non tout simplement égarée) n’a pas été transmise avant le 26 mai 2011 et qu’elle se situe nettement en dehors de cette période. À l’audience tenue devant la Cour, l’avocat de la demanderesse a insisté sur le degré élevé d’équité procédurale qui s’applique aux affaires de citoyenneté ainsi que sur le préjudice causé à un demandeur – d’avoir à présenter une nouvelle demande de citoyenneté en cas d’abandon – car il est possible que ce demandeur ne réponde pas aux exigences en matière de résidence qui s’appliquent à la nouvelle période qui est prise en considération.

 

[37]           Le résultat d’un abandon est peut-être regrettable, mais, à mon humble avis, cela ne se traduit pas par un degré supérieur d’équité procédurale. En fait, bien que ce ne soit pas déterminant, il n’existe dans le dossier aucune preuve évidente que la demanderesse avait répondu aux exigences en matière de résidence au cours de la période précédente, car elle avait moins de 900 jours de présence effective au Canada. Il était donc nécessaire de tenir une [traduction] « audience sur la résidence ». L’équité procédurale a été amplement satisfaite en l’espèce par l’envoi à la demanderesse de deux lettres l’avisant de se présenter aux audiences sur la résidence et, dans le cas du second avis de convocation à l’audience du 1er avril 2011, l’informant que si elle ne se présentait pas à l’audience, le dossier serait fermé et il lui faudrait présenter une nouvelle demande.

 

[38]           Par ailleurs, je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans le refus administratif ultérieur de rouvrir le dossier. Il s’agissait certainement là d’une décision discrétionnaire; aucune demande de cette nature n’a été présentée dans le délai de trente jours qui est mentionné dans le Guide. Comme il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale, il faudrait me convaincre que le refus de rouvrir le dossier est déraisonnable. La demanderesse n’a pas produit d’affidavit, et les explications qu’aurait données son avocat suscitent de nombreux doutes. Après avoir examiné de près le dossier, je suis d’avis que le refus de rouvrir le dossier était certes un résultat acceptable au vu des faits et du droit.

 

[39]           En bref, aucune injustice n’a été causée et bien que ce soit peut-être irritant pour elle à ce stade, la demanderesse a toujours le choix de présenter une nouvelle demande de citoyenneté canadienne.

 

[40]           Pour les motifs qui précèdent, la demande sera rejetée. Je signale que dans le projet d’ordonnance de rejet mentionné dans son mémoire des arguments, le défendeur n’a pas demandé de dépens à l’encontre de la demanderesse.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

 

« Luc Martineau »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1984-11

 

INTITULÉ :                                      SEHER KHAN TAREEN c CANADA (MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 8 JANVIER 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     LE 16 JANVIER 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Christopher J. Roper

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Alison Engel-Yan

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cabinet de Christopher J. Roper

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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