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Date : 20121220

Dossier : T-1706-10

Référence : 2012 CF 1530

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2012

En présence de monsieur le juge Leonard J. Mandamin

 

ENTRE :

 

CONSEIL CANADIEN DE DÉVELOPPEMENT
SOCIAL, COMMUNITY SOCIAL
PLANNING COUNCIL OF TORONTO,
SOCIAL PLANNING COUNCIL OF
WINNIPEG, COMMUNITY DEVELOPMENT
HALTON, FÉDÉRATION CANADO-ARABE,
ONTARIO COUNCIL OF AGENCIES
SERVING IMMIGRANTS, COUNCIL OF
AGENCIES SERVING SOUTH ASIANS,
ASSOCIATION CANADIENNE POUR LA
SANTÉ MENTALE– TORONTO, AFRICAN
CANADIAN LEGAL CLINIC, ASSOCIATION
NATIONALE D’HABITATION AUTOCHTONE,
SOUTH ASIAN LEGAL CLINIC OF
ONTARIO, METRO TORONTO CHINESE &
SOUTHEAST ASIAN LEGAL CLINIC

 

demandeurs

 

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le Conseil canadien de développement social et onze autres organisations de la société civile sollicitent un jugement déclarant que [traduction] « l’omission dans le recensement de 2011 de questions sur la race, l’origine ethnique ou nationale, l’invalidité et l’ascendance autochtone contrevient au paragraphe 15(1) de la Charte et [que] cette violation n’est pas justifiée au sens de l’article premier ».

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande doit être rejetée.

 

[3]               Il convient de situer la demande dans son contexte juridique. L’obligation du gouvernement d’effectuer un recensement découle de la Constitution. En particulier, l’article 8 de la Loi constitutionnelle de 1867, (R.-U.), 30 et 31 Vict., c 3, reproduite dans LRC 1985, app II, no 5, proclame qu’un « recensement général de la population du Canada » doit avoir lieu en 1871 « et tous les dix ans ensuite », de telle sorte « [qu’]il sera fait une énumération distincte des populations respectives des quatre provinces [d’alors] ». Il n’est encore question du recensement dans la Constitution qu’au regard de la révision de la représentation des provinces à la Chambre des communes (Loi constitutionnelle de 1867, article 51), de la disposition obsolète et depuis longtemps abrogée suivant laquelle le Canada devait verser à chaque province certaines sommes, calculées entre autres en fonction du nombre d’habitants, « pour le maintien de leurs gouvernements et législatures » (Loi constitutionnelle de 1867, article 118), et dans la procédure de modification de la Constitution (Loi constitutionnelle de 1982, article 38, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11); toutes ces dispositions exigent seulement que le recensement fournisse un dénombrement géographique précis de la population. L’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 accorde au Parlement du Canada une compétence législative exclusive à l’égard « [du] recensement et [des] statistiques ».

 

[4]               En vertu du pouvoir qui lui est conféré par la Constitution, le Parlement a adopté la Loi sur la statistique, LRC 1985, c S‑19. Certaines dispositions sont pertinentes pour la présente demande :

19. (1) Le recensement de la population du Canada est fait par Statistique Canada à tous les cinq ans, à compter de juin 1971, dans le mois qui est fixé par le gouverneur en conseil.

 

 

(2) Le recensement de la population est fait de façon à veiller à ce que le dénombrement de la population soit établi pour chaque circonscription électorale fédérale du Canada, telle qu’elle est constituée lors du recensement.

 

(3) Lorsque, dans une loi fédérale ou dans une ordonnance, un décret, un arrêté, une règle, un règlement ou dans un contrat ou autre document qui en découle, il est fait mention d’un recensement décennal de la population, cette mention doit, sauf si le contexte s’y oppose, être interprétée comme désignant le recensement de la population fait par Statistique Canada en 1971 ou dans la dernière année de l’une des décennies subséquentes.

 

[…]

 

21. (1) Le gouverneur en conseil prescrit, par décret, les questions à poser lors d’un recensement fait en vertu des articles 19 ou 20.

 

 

(2) Chaque décret pris en vertu du paragraphe (1) est publié dans la Gazette du Canada au plus tard trente jours après qu’il a été pris.

19. (1) A census of population of Canada shall be taken by Statistics Canada in the month of June in the year 1971, and every fifth year thereafter in a month to be fixed by the Governor in Council.

 

(2) The census of population shall be taken in such a manner as to ensure that counts of the population are provided for each federal electoral district of Canada, as constituted at the time of each census of population.

 

 

(3) A reference in any Act of Parliament, in any order, rule or regulation or in any contract or other document made thereunder to a decennial census of population shall, unless the context otherwise requires, be construed to refer to the census of population taken by Statistics Canada in the year 1971 or in any tenth year thereafter.

 

 

 

 

 

[…]

 

21. (1) The Governor in Council shall, by order, prescribe the questions to be asked in any census taken by Statistics Canada under section 19 or 20.

 

(2) Every order made under subsection (1) shall be published in the Canada Gazette not later than thirty days after it is made.

 

 

[5]               Conformément aux paragraphes 19(1) et 21(1) de la Loi sur la statistique, le décret 2010‑1077 (le Décret), publié dans la Gazette du Canada le 21 août 2010, prévoyait le mois au cours duquel le recensement de 2011 devait avoir lieu et les questions qu’il devait contenir. Dérogeant à la pratique récente, le Décret ne prévoyait qu’un seul type de questionnaire, par opposition aux questionnaires « complet » et « abrégé ». Le questionnaire complet avait été distribué à moins de foyers au Canada et permettait de sonder la population en utilisant un plus large éventail de caractéristiques démographiques que le questionnaire abrégé. Le recensement de 2011 contient des questions sur l’âge, le sexe et l’état matrimonial, mais ne s’intéresse pas, comme le faisait jusque-là le questionnaire complet, à la race, l’origine ethnique ou nationale, l’invalidité ou l’ascendance autochtone. Ces caractéristiques seront étudiées par le gouvernement dans un sondage distinct et non obligatoire appelé Enquête auprès des ménages, autorisé en vertu de l’article 8 de la Loi sur la statistique.

 

[6]               L’inclusion de questions sur l’âge, le sexe et l’état matrimonial a amené les présents demandeurs à solliciter un jugement déclarant, comme nous l’indiquions plus haut, que [traduction] « l’omission dans le recensement de 2011 de questions sur la race, l’origine ethnique ou nationale, l’invalidité et l’ascendance autochtone contrevient au paragraphe 15(1) de la Charte et [que] cette violation n’est pas justifiée au sens de l’article premier ». Malgré quelques incohérences, les demandeurs ont fini par préciser lors de l’audition de la présente demande que la discrimination qu’ils invoquent découle du Décret et qu’il n’est pas question ici d’une « discrimination par suite d’un effet préjudiciable » résultant par exemple de la faillibilité de la méthode de collecte de données établie par la nouvelle procédure sommairement décrite plus haut, comme on l’a plaidé sans succès dans Native Council of Nova Scotia c Canada (Procureur général), 2011 CF 72 [Native Council of Nova Scotia] et Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada c Canada (Procureur général), 2010 CF 999 :

[traduction] Avocat des demandeurs : « Ceux-ci [les arguments soulevés dans ces deux affaires] portaient sur la discrimination par suite d’un effet préjudiciable, monsieur le juge. Ce n’est pas l’argument que nous avançons. Je tiens à le dire très clairement. Nous invoquons une discrimination directe. »

 

 

Discrimination au sens du paragraphe 15(1)

 

[7]               Les parties conviennent que le critère de discrimination au sens du paragraphe 15(1) de la Charte a été récemment confirmé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c Kapp, 2008 CSC 41, au paragraphe 41, en ces termes :

1.                  La loi crée-t-elle une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue?

2.                  La distinction crée-t-elle un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de stéréotypes?

 

[8]               En ce qui concerne le premier volet du critère, les demandeurs s’appuient sur l’arrêt Vriend c Alberta, [1998] 1 RCS 493 [Vriend] et font valoir ce qui suit :

[traduction] « En somme, parce qu’il est limitatif, le recensement de 2011 crée une distinction explicite entre l’âge, le statut matrimonial et le sexe d’une part, et l’origine ethnique, l’ascendance autochtone et l’invalidité, de l’autre. Même si elle ne prive pas totalement ces groupes de tous les avantages au titre de la Loi sur la statistique, cette distinction empêche leur dénombrement selon la race, l’invalidité et l’ascendance autochtone. À ce titre, les demandeurs ont satisfait au premier volet de l’analyse sur l’égalité.»  

 

 

[9]               Au-delà des prémisses erronées qui ressortent de cet extrait, la faille évidente et fatale dans l’argument des demandeurs tient à ce qu’il assimile une distinction entre des motifs protégés ou analogues à une distinction fondée sur de tels motifs.

 

[10]           Dans l’arrêt Vriend, il a été établi que l’exclusion de l’« orientation sexuelle » comme motif justifiant une plainte au titre de la législation albertaine sur les droits de la personne avait un effet disproportionné sur les homosexuels par rapport aux hétérosexuels : voir le paragraphe 82. Même si dans cette affaire la législation contestée était neutre en apparence, ses effets créaient une distinction fondée sur un motif analogue ou protégé, à savoir l’orientation sexuelle : voir les paragraphes 86 et 88. L’arrêt Eldridge c Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 RCS 624 [Eldridge], également invoqué par les demandeurs, concernait les effets discriminatoires, entre personnes entendantes et sourdes, des services de traduction offerts par les hôpitaux en Colombie-Britannique, et portait donc, là encore, sur une distinction fondée sur un motif analogue ou protégé, à savoir l’invalidité physique : voir les paragraphes 55 et 60.

 

[11]           En l’espèce, le Décret n’établit tout simplement aucune distinction explicite fondée sur un motif analogue ou protégé. C’est la distinction créée par les motifs, et non celle qui existe entre eux, qui importe. Un règlement sur les permis de conduire prescrivant que la date de naissance des conducteurs (c’est-à-dire leur âge) doit figurer sur les permis, et non leur religion, n’établit pas de distinction explicite fondée sur un motif énuméré ou analogue; la distinction s’opère plutôt entre les motifs et dès lors ne viole pas le droit à l’égalité garanti par l’article 15 de la Charte. Par contre, si le même règlement prévoyait que l’appartenance à une religion précise doit être révélée, il s’agirait alors d’une distinction explicite fondée sur un motif énuméré ou analogue, à savoir la religion. Dans Native Council of Nova Scotia, le juge Zinn est lui aussi parvenu rapidement à la conclusion que le Décret n’établissait aucune distinction explicite fondée sur un motif énuméré ou analogue : voir le paragraphe 46.

 

[12]           Bien entendu, même si le Décret n’établit à première vue aucune distinction explicite fondée sur un motif énuméré ou analogue, celle-ci peut très bien découler de ses effets, comme c’était le cas dans les arrêts Vriend et Eldridge. Cependant, comme je m’efforçais de le souligner plus haut, les demandeurs ont très clairement renoncé à tout argument suivant lequel le Décret était discriminatoire au vu de ses effets préjudiciables. Aucune distinction découlant des effets du Décret n’a donc été plaidée, ni encore moins prouvée dans le cadre de la présente demande.

 

[13]           Par conséquent, la présente demande ne remplit pas le premier volet du critère relatif au paragraphe 15(1) et sera rejetée pour ce motif.

 

La demande est également hors délai

 

[14]           Le défendeur (le procureur général) a soulevé l’argument préliminaire selon lequel la présente demande a été introduite après le délai de trente jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, et qu’elle devait donc être rejetée pour avoir été présentée hors délai.

 

[15]           Le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales prévoit :

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[16]           Le défendeur a soulevé la question du délai de prescription dans son mémoire déposé le 9 mai 2011. Les demandeurs n’ont pas exercé leur droit de réponse. À l’audition de la demande, le 23 novembre 2011, ils ont d’abord soutenu que [traduction] « compte tenu de la manière dont [ils avaient] qualifié la demande, il ne [leur] était pas nécessaire de présenter une requête en prorogation ». Plus précisément, ils estimaient que la jurisprudence invoquée par le défendeur comportait [traduction] « certaines décisions administratives » défavorables aux parties à ces instances, mais que leur demande portait quant à elle sur [traduction] « l’exercice d’un pouvoir administratif général, ce qui n’est pas la même chose ».

 

[17]           Si j’ai bien compris l’observation des demandeurs sur cette question, ils soutiennent que, parce que le Décret 2010-1077 n’était pas une ordonnance les visant directement, ou les désignant expressément, le délai de prescription prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales ne s’appliquait pas à la demande de contrôle judiciaire qu’ils ont présentée à l’encontre de ce décret.

 

[18]           Il n’y a tout simplement rien qui appuie cette proposition. Au contraire, suivant les termes clairs du paragraphe 18.1(2), le délai de trente jours commence à courir au moment où « l’office fédéral [communique sa décision ou son ordonnance] […] à la partie concernée » [non souligné dans l’original]. Les demandeurs doivent être des parties « concernées » par le Décret, sans quoi ils n’auraient pas la qualité nécessaire au titre de la Loi sur les Cours fédérales pour introduire la présente demande :

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

[Non souligné dans l’original.]

 

[19]           Comme je l’ai déjà mentionné, le Décret a été publié dans la Gazette du Canada le 21 août 2010 et la présente demande n’a été introduite que deux mois plus tard (soit le double du délai autorisé).

 

[20]           Je ne suis pas convaincu que la décision rendue dans Krause c Canada, [1999] ACF no 179, 86 ACWS (3d) 4 (CA), invoquée par les demandeurs, s’oppose à l’application du délai de prescription à la présente demande, telle qu’elle a été soumise. Fait crucial, la Cour d’appel fédérale a estimé dans cet arrêt que les demandeurs n’avaient contesté aucune « décision ou une ordonnance » particulière : voir les paragraphes 20 et 23. En l’espèce, les demandeurs ne cherchent qu’à contester, par voie de déclaration, une ordonnance particulière – le Décret – au motif qu’elle est à première vue discriminatoire. Si la présente demande concernait plutôt la discrimination par suite d’un effet préjudiciable, l’arrêt Krause aurait pu être plus utile puisque la preuve d’un quelconque effet préjudiciable aurait pu n’être disponible, et du coup la demande n’aurait pas été prescrite, que bien après la publication du Décret et le délai de trente jours consécutif. En l’espèce, cependant, comme nous l’avons mentionné, il est allégué que le Décret est discriminatoire à première vue. En pareil cas, et pour plus de certitude, la demande doit être présentée rapidement, dans les délais prévus par la Loi sur les Cours fédérales.

 

[21]           Le Décret, pris en vertu des paragraphes 19(1) et 21(1) de la Loi sur la statistique, est indubitablement une « ordonnance » prise « par l’office fédéral » aux termes du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales, lequel prévoit :

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

“federal board, commission or other tribunal” means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made pursuant to a prerogative of the Crown, other than the Tax Court of Canada or any of its judges, any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867;

 

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[22]           Pour plus de certitude, la Cour d’appel fédérale a récemment confirmé dans Procureur général (Canada) c Larkman, 2012 CAF 204 [Larkman] que « [l]es demandes de contrôle judiciaire visant à annuler un décret » « pris en vertu d’un régime législatif » « doivent être présentées dans un délai de trente jours » : voir les paragraphes 2 et 11. Bien que la réparation demandée dans cette affaire fût un bref de certiorari (c’est-à-dire une annulation), le bref de certiorari et le « jugement déclaratoire » sont cités indistinctement à l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur les Cours fédérales, et le paragraphe 18(3) précise que tous les recours prévus au paragraphe 18(1) de la Loi « sont exercés par présentation d’une demande de contrôle judiciaire » [non souligné dans l’original]. Comme l’indiquait l’extrait cité plus haut, le délai de prescription s’applique à toutes les « demande[s] de contrôle judiciaire [visant] [une] décision ou [une] ordonnance » [non souligné dans l’original]. Le sens clair de la Loi sur les Cours fédérales est que, pour savoir si le délai de prescription prévu au paragraphe 18.1(2) s’applique, il faut se demander si la réparation demandée concerne « [une] décision ou [une] ordonnance », et non quel type de réparation est demandé.

 

[23]           Par conséquent, je suis convaincu que le délai de prescription prévu au paragraphe 18.1(2) s’applique à la présente demande telle qu’elle a été présentée. Cela étant dit, je dois préciser que la Cour jouit néanmoins d’un large pouvoir discrétionnaire pour autoriser une prorogation avant ou après l’expiration du délai, conformément au critère bien établi suivant :

1) Le requérant a‑t‑il manifesté une intention constante de poursuivre sa demande?

2) La demande a-t-elle un certain fondement?

3) La Couronne a-t-elle subi un préjudice en raison du retard?

4) Le requérant a‑t‑il une explication raisonnable pour justifier le retard?

Voir : Larkman, précité, au paragraphe 61; Muckenheim c Canada (Commission de l’assurance‑emploi), 2008 CAF 249.

 

[24]           C’est aux demandeurs qu’il revenait, et qu’il revient encore, de satisfaire à ce critère. Comme nous l’avons mentionné, le défendeur (le procureur général) a fait valoir dans son mémoire ainsi qu’à l’audience que le délai de prescription s’appliquait en l’espèce. Il avait raison. Cependant, sans doute parce qu’ils soutenaient qu’il [traduction] « ne [leur] était pas nécessaire de présenter une requête en prorogation », les demandeurs s’en sont abstenus et n’ont pas produit en l’espèce le moindre élément de preuve pour satisfaire au critère discrétionnaire susmentionné, que ce soit avant ou après l’instruction de la présente demande.

 

[25]           Comme les demandeurs n’ont pas demandé de prorogation de délai et qu’ils n’ont pas produit la preuve nécessaire pour satisfaire au critère susmentionné, je conclus que la présente demande est prescrite.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La présente demande est rejetée.

2.                  Le défendeur a droit aux dépens, établis à 1 500 $, y compris les honoraires, les débours et les taxes.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-1706-11

 

INTITULÉ :                                                  CONSEIL CANADIEN DE DÉVELOPPEMENT SOCIAL et al c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         LE 23 NOVEMBRE 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE MANDAMIN

 

DATE DES MOTIFS :                                 LE xx DÉCEMBRE 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul Champ

Anne Levesque

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Robert MacKinnon

Tatiana Sandler

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Champ & Associates

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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