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Date : 20121218

Dossier : T-1780-11

Référence : 2012 CF 1488

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2012

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

 

NASSER ALI KHAN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Le demandeur a plusieurs problèmes au regard de la présente demande de contrôle judiciaire visant la délivrance d’une ordonnance de mandamus, l’un d’eux, et non le moindre, étant que s’il revient au Canada il perdra officiellement son statut de résident permanent. S’il le perd, il ne peut devenir un citoyen – l’objectif même de la présente demande de mandamus. Cette situation nous rappelle la vieille ritournelle « Oh quelle toile enchevêtrée nous tissons, quand nous nous mettons à pratiquer le mensonge ». Il s’agit en l’espèce d’une demande de contrôle judiciaire en vue d’obtenir  une ordonnance de mandamus enjoignant au défendeur d’approuver la demande de citoyenneté présentée par le demandeur.

II.        CONTEXTE

[2]                Le demandeur, citoyen de l’Arabie saoudite où il réside actuellement, est devenu résident permanent du Canada le 7 janvier 2001. Sa carte de résident permanent a expiré en avril 2008.

 

[3]               Il a demandé la citoyenneté canadienne le 15 août 2004, et il a quitté le pays peu de temps après. Il n’y est pas encore revenu.

 

[4]               Le défendeur a signalé la présence d’un problème avec la demande de citoyenneté du demandeur parce que son adresse résidentielle était celle du bureau d’affaires du consultant en immigration qui s’occupe de la demande du demandeur. Ce fait a soulevé un doute quant à son véritable lieu de résidence.

 

[5]               Le 17 janvier 2007, le défendeur a demandé au demandeur de remplir un questionnaire sur la résidence. Selon une allégation non confirmée, le consultant en immigration aurait transmis le questionnaire, mais Citoyenneté et Immigration l’aurait perdu à une étape ou l’autre du processus.  Ce dont nous sommes certains, c’est qu’il n’existe aucun accusé de réception du questionnaire et qu’il ne figure dans aucun dossier. 

 

[6]               En 2008, un avocat s’est occupé du dossier et a tenté de le faire avancer dans le dédale réglementaire. Il a été donné suite, en 2008, à une demande de renseignement sur le statut de la demande en précisant que Immigration, la GRC et le SCRS devaient procéder à des vérifications.

 

[7]               Une autre communication datée de 2008 indiquait que le demandeur avait rempli le questionnaire sur la résidence, une réponse transmise deux ans plus tard indiquait que ce questionnaire ne se trouvait pas au dossier du ministère. Un exemplaire du questionnaire a immédiatement été déposé. Des agents ont pris note de deux absences du Canada non déclarées.

 

[8]               En mai 2011, l’avocat du demandeur a été informé que le dossier avait été confié au bureau de Mississauga. Le 1er novembre 2011, le demandeur a introduit la présente demande de mandamus.

 

[9]               Le défendeur a fixé une date d’entrevue avec le demandeur qui devait être tenue au Canada au début de l’année 2012. Le demandeur a refusé de se présenter au Canada parce qu’il n’avait pas renouvelé sa carte de résident permanent. Lors de cette entrevue, la perte de sa résidence permanente aurait été confirmée. Le demandeur a proposé des solutions alternatives à une entrevue au Canada, mais le défendeur a continué d’insister pour qu’elle ait lieu au Canada. Une autre date d’entrevue a été fixée et le demandeur ne s’y est pas présenté.

 

[10]           Le nœud  du problème pour le demandeur est qu’il ne s’est pas conformé à l’obligation de résidence tel que l’exige le par. 28(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [la LIPP], et qu’un interrogatoire (une entrevue) mené en vertu du sous-alinéa 28(2)b)(ii) aurait confirmé son manquement à cette obligation.

28. (1) L’obligation de résidence est applicable à chaque période quinquennale.

 

 

(2) Les dispositions suivantes régissent l’obligation de résidence :

 

[…]

 

b) il suffit au résident permanent de prouver, lors du contrôle, qu’il se conformera à l’obligation pour la période quinquennale suivant l’acquisition de son statut, s’il est résident permanent depuis moins de cinq ans, et, dans le cas contraire, qu’il s’y est conformé pour la période quinquennale précédant le contrôle;

 

[…]

28. (1) A permanent resident must comply with a residency obligation with respect to every five-year period.

 

(2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1):

 

 

(b) it is sufficient for a permanent resident to demonstrate at examination

 

(i) if they have been a permanent resident for less than five years, that they will be able to meet the residency obligation in respect of the five-year period immediately after they became a permanent resident;

 

(ii) if they have been a permanent resident for five years or more, that they have met the residency obligation in respect of the five-year period immediately before the examination; and

 

 

III.       ANALYSE

[11]           Le paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté, LRC, 1985, ch C-29, énonce les conditions au regard desquelles le ministre attribue la citoyenneté, et la résidence permanente est l’une de ces conditions. 

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

[…]

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

[…]

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

 

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

 

 

Le paragraphe 2(1) de la LIPR définit le « résident permanent » comme une personne qui a le statut de résident permanent et « qui n’a pas perdu ce statut au titre de l’article 46 ». L’article 46 de la LIPR énonce qu’une personne perd le statut de résident permanent lors de « la confirmation en dernier ressort du constat, hors du Canada, de manquement à l’obligation de résidence ».

 

[12]           Les conditions d’octroi d’un mandamus sont énoncées dans Dragan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 211, [2003] 4 CF 189 (CF), au par. 39 :

1)         Il doit exister une obligation légale d’agir à caractère public.

 

2)         L’obligation doit exister envers le requérant.

 

3)         Il existe un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation, notamment :

 

a)      le requérant a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation;

 

b)      il y a eu (i) une demande d’exécution de l’obligation, (ii) un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle-ci n’ait été rejetée sur-le-champ et (iii) il y a eu refus ultérieur, express ou implicite, par exemple un délai déraisonnable.

 

4)         Le requérant n’a aucun autre recours adéquat.

 

5)         L’ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique.

 

6)         Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal estime que, sur le plan de l’équité, rien n’empêche d’obtenir le redressement demandé.

 

7)         Compte tenu de la « balance des inconvénients », une ordonnance de mandamus devrait être rendue.

 

[13]           Le demandeur soutient que le retard dans d’attribution de la citoyenneté a été causé par la faute du défendeur parce qu’il a perdu le questionnaire. Le demandeur n’a toutefois présenté aucun élément de preuve étayant, tel qu’il est allégué, la transmission du questionnaire par le consultant. La plus simple des preuves, soit un affidavit du consultant ou même une explication quant aux raisons pour lesquelles le consultant n’a pas produit d’affidavit, n’a pas été présentée.

 

[14]           En tentant de blâmer le défendeur pour le traitement tardif, le demandeur a passé sous silence : 

-           l’utilisation de l’adresse d’affaires du consultant comme étant son adresse de résidence était trompeuse, ou à tout le moins justifiait le défendeur d’enquêter et le demandeur de fournir une explication à cet égard. 

-           l’absence de preuve que le questionnaire nécessaire à la poursuite du traitement de la demande de citoyenneté présentée par le demandeur a été transmis, et encore moins reçu, par le défendeur en 2007.

-           le refus du demandeur de se présenter à un interrogatoire duquel aurait résulté, selon toute probabilité, la perte officielle de son statut de résident permanent.  

 

[15]           En ce qui a trait aux critères à respecter en vue de la délivrance d’une ordonnance de mandamus, les conclusions de la Cour au regard des faits sur chacun de ces critères sont les suivantes :

a)         Il existe une obligation légale à caractère public, mais elle est assujettie au respect de certaines conditions. Bien qu’il n’y ait pas eu perte du statut de résident permanent et que, par conséquent, le dossier du demandeur en l’espèce satisfait à ce critère, son bien-fondé est douteux compte tenu du manquement admis de se conformer aux obligations en matière de résidence permanente.

b)         L’obligation légale à caractère public existerait envers le demandeur dans la mesure où il pourrait remplir les conditions de citoyenneté.

c)         En ce qui a trait au droit clair à l’exécution de l’obligation sur le plan ministériel, le demandeur ne satisfait pas à ce critère. Il n’a pas rempli les conditions préalables à l’exécution de l’obligation.

d)         Bien qu’il y ait eu une demande d’exécution, le demandeur ne peut satisfaire au  facteur du délai raisonnable pour permettre au ministre d’y donner suite ni à celui du délai déraisonnable. Le délai raisonnable d’exécution ne commence à courir qu’à compter du moment où le demandeur remplit l’ensemble des conditions préalables. Par conséquent, le retard du ministre n’était pas déraisonnable.

e)         Le demandeur a raison de soutenir que le mandamus constitue le seul recours adéquat.

f)         Il est évident que si les autres conditions à la délivrance d’un mandamus avaient été remplies, l’ordonnance sollicitée aurait eu une incidence sur le plan pratique.

g)         Le demandeur ne remplit pas la condition selon laquelle, sur le plan de l’équité, rien n’empêche d’obtenir le redressement demandé. Le demandeur a contribué au retard en fournissant une adresse « résidentielle » douteuse; en ne démontrant pas que le questionnaire avait été soumis à temps; en refusant de se présenter à un interrogatoire où il aurait été question de la perte de sa résidence permanente.

h)         La balance des inconvénients joue en faveur du ministre pour les raisons exprimées à l’alinéa g) et parce qu’une personne qui présente une demande de citoyenneté doit être disposée à se soumettre à une enquête en bonne et due forme selon des modalités qui pourraient être raisonnablement exigées par le ministre. Le refus du demandeur de se soumettre à un interrogatoire au Canada est déraisonnable.

 

IV.       CONCLUSION

[16]           Par conséquent, pour tous ces motifs, la demande de mandamus est rejetée avec dépens en faveur du défendeur.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de mandamus soit rejetée avec dépens en faveur du défendeur.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme.

Jean-Jacques Goulet, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-1780-11

 

INTITULÉ :                                                  NASSER ALI KHAN

 

                                                                        et

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE  L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 20 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 ET JUGEMENT :                                       Le juge PHELAN

 

DATE :                                                          Le 18 décembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Matthew Jeffery

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Khatidja Moloo-Alam

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MATTHEW JEFFERY

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

WILLIAM F. PENTNEY

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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