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Date : 20121126

Dossier : IMM-581-12

Référence : 2012 CF 1361

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 novembre 2012

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

ROBERT TAMAS; DANIEL TAMAS; LORETTA TAMAS; ROBERT TAMAS

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

 

[1]               Les demandeurs sollicitent, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, datée du 21 décembre 2011 (la décision), qui leur a refusé la qualité de réfugiés au sens de la Convention et la qualité de personnes à protéger, aux termes des articles 96 et 97 de la Loi.

CONTEXTE

[2]               Les demandeurs sont des Hongrois d’origine rom. Ils voudraient obtenir au Canada une protection contre la persécution qu’ils subissent en raison de leur origine. Le demandeur principal est Robert Tamas (Robert) et les demandeurs secondaires sont ses enfants, Daniel Tamas, Loretta Tamas et Robert Tamas.

[3]               Les demandeurs, ainsi que la conjointe de fait de Robert, Eva Molnar, sont arrivés au Canada le 15 décembre 2009 et y ont demandé l’asile. Au soutien de leur demande, Robert a joint à son Formulaire de renseignements personnels (FRP) un exposé circonstancié, ainsi que des documents décrivant les conditions de vie des Roms en Hongrie.

[4]               Dans son FRP, Robert écrit qu’il a été traité comme un paria tout au long de sa vie parce que les gens en Hongrie sont très racistes envers les Roms. Quand son fils David est né, les médecins à l’hôpital criaient à son épouse de rester tranquille parce qu’elle faisait trop de bruit. Robert avait tenté d’en parler aux médecins, mais ils avaient appelé la police et l’avaient chassé de l’hôpital. Robert n’a pu continuer ses études au-delà de l’école primaire parce qu’il ne pouvait pas se le permettre, et il a toujours été humilié à l’école. C’est tout juste s’il pouvait trouver du travail parce que les Roms sont constamment victimes de discrimination. Ils ne sont même pas autorisés à entrer dans les clubs et les cafés. Robert se sentait désespéré au point d’avoir déjà songé au suicide. Il avait appris que d’autres familles roms avaient été liquidées, et sa famille vivait constamment dans la crainte en Hongrie. Robert a été à même de travailler à la campagne, mais sa famille avait eu trop peur de le voir partir de sorte qu’il n’avait pas pu accepter l’emploi qu’on lui proposait. Quand il en avait parlé à la police, celle-ci s’était moquée de lui. Robert a décidé de venir au Canada avec sa famille pour échapper à son destin en Hongrie, c’est-à-dire chômage et la faim.

[5]               En plus de son FRP, Robert a produit des documents, venant d’une diversité de sources, qui décrivaient la situation en Hongrie. Aucune autre preuve n’a été présentée.

[6]               Après deux ajournements antérieurs, une audience a été fixée au 20 décembre 2011. Robert a présenté un certificat médical où l’on pouvait lire qu’Eva Molnar avait des ennuis de santé depuis septembre 2011 et qu’il lui serait impossible de se présenter à une audience durant une période de trois à six mois. La SPR a décidé de séparer sa demande de celles des autres demandeurs et a procédé à l’audience. Au cours de l’audience, une avocate du nom de Diane Younes était présente. Elle a déclaré qu’elle se trouvait là au nom de Victor Hohots, avocat des demandeurs.

[7]               Au début de l’audience, les propos suivants ont été échangés :

            [traduction]

 

            La SPR :           Bon, j’ai entre les mains une lettre que le demandeur d’asile principal m’a remise et qui mentionne que... que son épouse reçoit des soins médicaux depuis septembre 2011. La lettre précise aussi qu’il lui serait difficile de se présenter à une audience durant une période de trois à six mois.

                                      Et bien que je compatisse énormément aux ennuis cardiaques de votre épouse, je voudrais vous faire observer que vous êtes dans ce pays depuis deux ans et que votre premier contact avec la Commission remonte à janvier 2010; si votre épouse reçoit des soins médicaux depuis septembre, il n’est pas acceptable que vous attendiez le jour de l’audience pour faire savoir à la Commission qu’il lui est impossible d’endurer une audience.

                                      La Commission a pour habitude de joindre les demandes des membres d’une même famille, mais elle peut aussi décider la disjonction des demandes si les circonstances sont telles qu’un ajournement plutôt qu’une disjonction retardera la procédure.

                                      Madame la conseil, avez-vous des observations à faire?

            La conseil :        Non, Madame la commissaire, je voudrais simplement faire savoir au client que... que, s’il obtient satisfaction aujourd’hui, il pourra parrainer son épouse, c’est là l’une des options.

            La SPR :           Bon, je pense que vous pourrez faire cela; vous lui en parlerez en privé.

La conseil :        Et je pense que c’est la raison pour laquelle nous sommes... s’agissant des ennuis cardiaques de son épouse...

La SPR :           Et c’est lui... le demandeur d’asile principal?

La conseil :        Oui. Et vous êtes le demandeur d’asile principal et c’est là votre version des faits.

La SPR :           Ce n’est pas la version de votre épouse; ce qu’elle affirme repose sur ce que vous affirmez.

Ainsi, comme je l’ai déjà dit, puisque cette demande d’asile a été déposée il y a déjà deux ans et que vous avez fait valoir vos moyens lors d’une audience à cet effet, je dois dire, Monsieur, qu’il est un peu irresponsable de votre part de présenter un certificat à la Commission le jour de l’audience alors que votre épouse reçoit des soins médicaux depuis septembre.

Le demandeur : C’est inexact parce que je me trouvais en fait au bureau de l’avocat un mois avant la date d’aujourd’hui; plus d’un mois avant la date d’aujourd’hui.

 

La SPR :           Soit, mais vous venez à l’instant de me remettre ce document. Votre épouse reçoit des soins médicaux depuis septembre, et nous sommes en décembre.

 

Le demandeur : Oui, j’ai envoyé une lettre également à l’avocat, mais le médecin vient de nous remettre ce document parce que mon épouse avait besoin de nouveaux examens.

 

SPR :                 Très bien, je comprends, mais je n’accepte pas... Je n’accepte pas de repousser l’audience durant trois à six mois, je prononce la disjonction de la demande d’asile de votre épouse... Cela n’aura aucune conséquence pour vous en ce qui concerne... Le résultat ne devrait pas... Ses allégations sont fondées sur les vôtres, et il existe d’ailleurs, comme votre conseil l’a indiqué, d’autres possibilités qu’elle pourra examiner en dehors de la salle d’audience.

 

                                      [...]

 

[8]               Après l’audition de la demande d’asile des demandeurs, la SPR a décidé le 21 décembre 2011 de rejeter celle‑ci.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[9]               La SPR a estimé que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger parce que Robert n’était pas crédible et n’avait pas réfuté la présomption d’existence d’une protection de l’État en Hongrie. Elle a conclu aussi que Robert avait été victime de discrimination, mais que cela n’équivalait pas à de la persécution au sens de l’article 96 de la Loi.

La protection de l’État

[10]           La SPR a estimé que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption d’existence d’une protection de l’État comme ils devaient le faire suivant l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689. Elle a fait observer que la Hongrie exerce un contrôle réel sur son territoire et qu’elle dispose d’autorités militaires, policières et civiles chargées de faire respecter ses lois et sa constitution. La SPR a aussi conclu que la Hongrie est une démocratie qui fonctionne et où sont tenues des élections libres et équitables. Comme l’obligation pour un demandeur d’asile de prouver l’absence de protection dans son pays d’origine est directement proportionnelle au niveau de démocratie dans ce pays, la tâche des demandeurs dans le cas présent de réfuter la présomption d’existence d’une protection de l’État était d’autant plus ardue. La SPR a par ailleurs relevé que l’échec occasionnel des autorités à fournir une protection ne signifiait pas que l’État tout entier est incapable de protéger ses citoyens, à moins que tel échec ne soit le symptôme d’une incapacité ou d’un refus de fournir une protection.

[11]           La SPR a fait observer que, bien que l’efficacité de la protection offerte par l’État soit un facteur pertinent, il ressort de la jurisprudence que le critère de l’existence d’une protection de l’État consiste à se demander si la protection est adéquate, plutôt qu’efficace en tant que telle. Les demandeurs doivent montrer qu’ils ont pris toutes les mesures raisonnables, eu égard aux circonstances, pour obtenir une protection, compte tenu de facteurs contextuels tels que leurs interactions avec les autorités.

[12]           La SPR a estimé que les demandeurs n’avaient pas fait des efforts suffisants pour obtenir de l’État une protection. Selon le témoignage de Robert, l’unique fois où il était allé voir la police remontait à 1995. Comme la police s’était moquée de lui, il n’avait pas répété l’expérience. Le FRP de Robert parlait d’agressions répétées commises par des individus et par la police, mais, prié durant l’audience de la SPR d’en dire davantage sur telles agressions, il n’avait pu répondre. Quand la SPR lui avait demandé si, à sa connaissance, des Roms avaient eu recours à la police récemment, il avait répondu qu’[traduction] « on les priait de fournir une preuve substantielle de l’identité de leurs agresseurs – pas tous les policiers, mais la plupart d’entre eux vous envoient promener ».

[13]           La SPR a estimé que Robert n’avait pas été diligent dans sa quête d’une protection de l’État, et elle n’a pas accepté les explications qu’il avait données pour se justifier. Robert avait été interrogé sur ses déclarations où il disait craindre d’autres agressions. Il avait répondu qu’il présumait que ce qui était arrivé à d’autres lui arriverait à lui. Il n’avait pas apporté une preuve « claire et convaincante » de l’incapacité de l’État de le protéger et n’avait donc pas réfuté la présomption d’existence d’une protection de l’État.

[14]           La SPR a aussi évalué la preuve produite par les demandeurs à propos de la situation ayant cours dans leur pays. Elle a relevé que la constitution et la loi hongroises interdisent les arrestations et détentions arbitraires et que le gouvernement hongrois respecte en général ces interdictions. Il est attesté que la corruption demeure problématique, mais la Commission indépendante chargée des plaintes contre la police (la CIPP) a été instituée pour enquêter sur les atteintes aux droits fondamentaux commises par la police. Les Roms sont à même de saisir la CIPP et de lui demander d’enquêter sur leurs plaintes. La SPR a relevé qu’il existe aussi des programmes de formation destinés aux jeunes Roms. Elle écrit que la discrimination contre les Roms demeure endémique en Hongrie, mais que, selon la preuve documentaire, la Hongrie a à cœur de résoudre les difficultés que connaissent les Roms.

La crédibilité

[15]           La SPR a estimé que le FRP de Robert contenait très peu de détails ou de renseignements se rapportant à Robert lui-même. Son témoignage présentait les mêmes lacunes; pour l’essentiel, il n’y exposait que des opinions. La SPR a conclu que Robert était préoccupé par son avenir en raison de ce qu’il avait pu entendre ou lire mais qu’il ne pouvait apporter la preuve d’agressions personnelles dirigées contre lui. Cela fragilisait sa demande d’asile, puisqu’il n’était pas établi qu’il avait été victime de mauvais traitements assimilables à de la persécution.

            La discrimination et la persécution

[16]           La SPR a jugé aussi que les demandeurs n’avaient pas été victimes de persécution en Hongrie et qu’aucun droit fondamental ne leur avait été nié. Robert a témoigné qu’il avait été contraint de quitter l’école de métiers faute de moyens financiers. Cela était regrettable, mais il avait pu la fréquenter durant un mois. Il ne s’agit pas là de persécution. Selon la SPR, les épreuves que Robert disait avoir subies n’équivalaient pas à de la persécution. Cet aspect, combiné à la conclusion qu’elle a tirée relativement à la protection étatique, a conduit la SPR à conclure que les demandeurs n’étaient pas véritablement exposés à un risque de persécution en Hongrie, ni à une menace à leur vie, au risque de subir des peines cruelles et inusitées, ou au risque d’être soumis à la torture. La demande d’asile de Robert a donc été rejetée. Comme les demandes d’asile des demandeurs secondaires étaient fondées sur celle de Robert, elles aussi ont été rejetées.

POINTS LITIGIEUX

[17]           Les demandeurs soulèvent ici les points suivants :

1.                  La SPR a-t-elle manqué à l’équité procédurale en refusant d’ajourner l’audience et en décidant la disjonction de la demande d’asile de l’épouse?

2.                  La conclusion tirée par la SPR relativement à la crédibilité était-elle raisonnable?

3.                  La SPR a-t-elle interprété erronément le sens du mot « persécution »?

4.                  La conclusion tirée par la SPR relativement à la protection étatique était-elle raisonnable?

 

NORME DE CONTRÔLE

[18]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a jugé qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse relative à la norme de contrôle. Lorsque la norme de contrôle applicable à la question qui lui est soumise est bien arrêtée par la jurisprudence, la cour chargée du contrôle peut adopter cette norme. C’est seulement si cette quête se révèle infructueuse que la cour chargée du contrôle doit entreprendre l’examen des quatre facteurs de l’analyse relative à la norme de contrôle.

[19]           Les demandeurs font valoir qu’il y a eu atteinte à leurs droits procéduraux quand la SPR a refusé d’ajourner l’audience. Comme l’écrivait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 22, l’équité procédurale englobe le droit pour l’administré de se faire entendre par le décideur. Par ailleurs, dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29 (QL), la Cour suprême du Canada écrivait, au paragraphe 100, qu’«  [i]l appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale ». La Cour d’appel fédérale écrivait quant à elle, dans l’arrêt Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 53, que « [l]a question de l’équité procédurale est une question de droit. Aucune déférence n’est nécessaire. Soit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation. » La norme de contrôle applicable au premier point en litige est celle de la décision correcte.

[20]           Dans l’arrêt Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF n° 732 (CAF), la Cour d’appel fédérale écrivait, au paragraphe 4, que la norme de contrôle applicable à une conclusion touchant la crédibilité est celle de la décision raisonnable. Par ailleurs, dans la décision Elmi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 773, au paragraphe 21, le juge Max Teitelbaum écrivait que les conclusions relatives à la crédibilité se situent au cœur même de la conclusion de fait que tire la SPR et qu’il convient donc de les évaluer selon la norme de la décision raisonnable. Finalement, dans la décision Wu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 929, le juge Michael Kelen écrivait au paragraphe 17 que la norme de contrôle applicable à une conclusion touchant la crédibilité est celle de la décision raisonnable. La norme de contrôle applicable au second point en litige est celle de la décision raisonnable.

[21]           La manière dont la SPR interprète le mot « persécution » est une question mixte de fait et de droit qui requiert de sa part une interprétation de sa loi habilitante (voir la décision Sow c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1313, aux paragraphes 17 à 21). La Cour suprême du Canada affirmait, dans l’arrêt Alliance Pipeline Ltd c Smith, 2011 CSC 7, aux paragraphes 26 à 34, qu’une telle question doit être revue selon la norme de la décision raisonnable. La manière dont la SPR analyse la question de la persécution intéresse d’ailleurs l’interprétation de la preuve. Le troisième point en litige sera revu d’après la norme de la décision raisonnable (décision Alhayek c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1126, au paragraphe 49).

[22]           La norme de la décision raisonnable est également la norme de contrôle applicable à la conclusion de la SPR relative à la protection de l’État. Dans l’arrêt Carrillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, la Cour d’appel fédérale disait, au paragraphe 36, que la norme de contrôle applicable à une conclusion touchant la protection de l’État est celle de la décision raisonnable. Le juge Leonard Mandamin a suivi cette approche dans la décision Lozada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 397, au paragraphe 17. Par ailleurs, dans la décision Chaves c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, la juge Danièle Tremblay-Lamer écrivait, au paragraphe 11, que la norme de contrôle applicable à une conclusion touchant la protection de l’État est celle de la décision raisonnable.

[23]           Lorsqu’elle examine une décision selon la norme de la décision raisonnable, la Cour s’attachera « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour n’interviendra que si la décision était déraisonnable, c’est-à-dire si elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

DISPOSITIONS APPLICABLES

[24]           Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables à la présente instance :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa  nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

[...]

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au  sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou  occasionnés par elles,

 

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

[...]

 

 

 

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political

opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries;

 

[...]

 

Person in Need of Protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning ­ of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or  incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care

 

 

[...]

ARGUMENTS

Les demandeurs

            Requête en ajournement

[25]           L’épouse de Robert, Eva Molnar, n’était pas en mesure d’assister à l’audience en raison d’ennuis cardiaques. La SPR a refusé d’ajourner l’audience et a décidé de statuer séparément sur sa demande d’asile. Selon les demandeurs, la décision de reporter ou non une audience fait intervenir une question d’équité procédurale, qui ne commande aucune retenue (arrêt Centre hospitalier Mont‑Sinaï c Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), 2001 CSC 41; décision Madoui c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 106).

[26]           Selon les demandeurs, la SPR n’a pas examiné dans sa décision la requête en ajournement, et les motifs de son refus d’ajourner l’audience sont donc inconnus. Il s’ensuit qu’il est impossible de savoir si la SPR a observé ses propres règles de procédure. La SPR est censée tenir compte de tous les facteurs pertinents lorsqu’elle s’interroge sur l’opportunité d’un ajournement (décision Madoui, précitée), et elle doit montrer dans sa décision qu’elle a tenu compte de ces facteurs (Sandy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1468, au paragraphe 54; Modeste c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1027, au paragraphe 21; Golbom c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 640, au paragraphe 11; Perez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1275).

[27]           Selon les demandeurs, la maladie, si elle est étayée par un certificat médical, constitue une raison légitime d’ajourner une audience, et c’est un facteur que la SPR aurait dû prendre en considération (décision Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 22). Le témoignage d’Eva Molnar pouvait peser sur les conclusions de la SPR en matière de crédibilité et donc aurait pu infléchir sa décision. Les demandeurs disent qu’il y a donc eu négation de leur droit à l’équité procédurale et que l’affaire devrait être renvoyée à la SPR pour nouvelle décision.

            Crédibilité

[28]           Les demandeurs soutiennent que la SPR n’a exprimé des doutes sur la crédibilité de Robert qu’à la fin de sa décision, quand elle a dit que des doutes en la matière fragilisaient sa demande d’asile. Ils ajoutent que, dans la décision Griffith c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF n° 1142 (1re inst.), la Cour a jugé qu’il y avait eu manquement aux principes de justice naturelle parce que la Commission avait affirmé durant l’audience que la crédibilité de la demanderesse ne posait pas de difficulté et avait ensuite rejeté sa demande d’asile, notamment pour des raisons de crédibilité. Selon les demandeurs, ce précédent est assimilable à la présente affaire.

[29]           Les demandeurs font également valoir qu’il n’y avait pas d’omissions, de contradictions ou d’incohérences à propos desquelles ils n’avaient pas apporté une explication raisonnable. Il y a donc présomption de sincérité de la preuve produite par Robert, et toute conclusion de non-crédibilité doit être tirée en des termes clairs et non équivoques (décision Pinzon c Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2010 FC 1138). Robert affirme donc que son témoignage aurait dû être tenu pour crédible.

            Persécution

[30]           Les demandeurs affirment que la SPR a conclu à tort que la preuve produite par Robert ne représentait que des opinions personnelles. Il était déraisonnable pour la SPR de trouver cette preuve non convaincante si elle ne se rapportait pas à des « attaques personnelles ». La SPR a de ce fait interprété erronément la notion de persécution en affirmant que, si Robert n’était pas personnellement attaqué, il n’était pas persécuté. La SPR n’a pas expliqué pourquoi les épreuves subies par Robert ne « mena[çaient pas] de façon importante ses droits fondamentaux de la personne », et elle avait l’obligation de donner une telle explication (décision Tetik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1240, aux paragraphes 27 et 29).

[31]           Selon les demandeurs, la SPR n’a pas non plus cherché à savoir si les épreuves subies par Robert équivalaient à une persécution cumulée. La SPR a l’obligation de considérer cet aspect, surtout lorsqu’un groupe de personnes est de longue date victime de discrimination, comme c’est le cas des Roms (Hegedüs c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1366; Munderere c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 84; J.B. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 210, au paragraphe 37; Rahman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 768, au paragraphe 67; Kaleja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 252, au paragraphe 25; Mete c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 840). La Cour a aussi jugé, dans la décision Bashta c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 563, que le fait que la SPR n’ait pas fait référence à une preuve pertinente attestant une crainte objective de persécution constituait une erreur susceptible de contrôle.

            Protection offerte par l’État

[32]           Selon les demandeurs, la SPR s’est livrée à une analyse microscopique des démarches faites par Robert pour obtenir de l’État une protection, et ils ajoutent que la Cour fédérale a jugé que la SPR ne doit pas s’attarder sur quelques erreurs ponctuelles lorsqu’elle analyse la preuve pour savoir si l’intéressé a cherché à obtenir la protection de l’État (Attakora c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 99 NR 168 (CAF); Huang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 346, au paragraphe 10; Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 270, au paragraphe 16; Dong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 55).

[33]           La SPR a commis une erreur en assimilant à une protection adéquate de l’État l’« activisme considérable » et les « mesures sérieuses » du gouvernement hongrois pour lutter contre la discrimination. Elle a cité des textes qui ont été adoptés en 1993, de sorte que l’on serait en droit de penser qu’ils auraient montré en 2012 leur efficacité. La SPR a évoqué l’« efficacité » de ces mesures en tant que facteur pertinent, pour ensuite ne faire aucun cas de leur inefficacité.

[34]           S’agissant des mesures de lutte contre la discrimination adoptées par la Hongrie, la SPR ne s’est pas réellement livrée à une quelconque analyse, se limitant à rappeler les efforts faits par le gouvernement, sans évaluer le moindrement leur efficacité. Elle a accordé peu d’attention à la preuve qui montrait une possible absence de protection, tout en concluant que le gouvernement « prend des mesures » pour lutter contre la discrimination, et que cela équivaut à une protection adéquate de l’État. Ce type d’analyse a été jugé déraisonnable dans la décision Cervenakova c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 525 [Cervenakova].

[35]           La notion de protection « adéquate » a été examinée dans la décision Gomez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1041. La juge Marie-Josée Bédard a conclu que la SPR doit fournir une « indication sur l’efficacité des mécanismes de protection », et s’est exprimée ainsi au paragraphe 28 :

 

J’estime qu’en l’espèce, les documents sur lesquels la Commission s’appuie n’offrent aucune indication sur l’efficacité des mécanismes de protection et n’étaient pas suffisants pour conclure que le demandeur n’avait pas renversé la présomption de protection de l’État compte tenu de la preuve qui allait en sens inverse. La Commission n’a pas mentionné, et encore moins traité dans sa décision, la preuve soumise par le demandeur qui tendait à appuyer son allégation quant à l’incapacité des autorités de le protéger contre les Maras. La Commission n’avait pas à retenir cette preuve, mais cette preuve était pertinente et elle tendait à contredire la conclusion que l’État est en mesure de protéger ses citoyens contre la violence des Maras. La déclaration générale de la Commission sur l’existence des problèmes de corruption au Guatemala n’était pas, en l’espèce, suffisante. La Commission devait mentionner ces éléments de preuve et expliquer pourquoi elle ne la retenait pas (voir au même effet : Khakim c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 909; Sanchez c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1336, [2008] A.C.F. no 1673; Aguirre c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 916, [2010] F.C.J. No. 1116).

 

 

 

[36]           Les demandeurs signalent aussi la décision Banya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 686, où le juge Douglas Campbell s’exprimait ainsi, aux paragraphes 2 et 3 :

[...]

 

L’élément essentiel de la demande des demandeurs est le fait que la caractéristique personnelle immuable sur laquelle leur demande est fondée est leur appartenance ethnique. Le dossier ne contient absolument aucune preuve permettant de douter de ce fait. Néanmoins, comme il est indiqué ci‑dessus, l’agent d’ERAR a estimé que le fondement même de leur demande de prise en compte du risque, à savoir leur appartenance ethnique, était douteux. Je suis d’avis que cette suspicion non confirmée et non justifiée, qui constitue en fait une conclusion défavorable et non étayée quant à la crédibilité, explique pourquoi la décision défavorable d’ERAR a pu être rendue sans une analyse contextuelle complète de la preuve des souffrances horribles auxquelles seraient probablement exposés les demandeurs s’ils étaient obligés de retourner en Hongrie. La preuve se trouve dans 24 articles du dossier du tribunal portant sur la situation en Hongrie, dont une source de premier plan est constituée par les rapports de 2008 du Département d’État des États‑Unis sur les pratiques en matière de droits de la personne (25 février 2009) intitulés « Country Reports on Human Rights Practices for 2008 » dont l’introduction est rédigée de la façon suivante :

 

[traduction] 

Le gouvernement respectait en général les droits fondamentaux de ses citoyens; toutefois, les problèmes ont subsisté et ont empiré notamment dans les domaines suivants : témoignages selon lesquels la police appliquait une force excessive contre les suspects, en particulier les Roms; parti pris favorable au gouvernement dans les médias appartenant à l’État; violence extrémiste et propagande contre des groupes minoritaires ethniques et religieux; et corruption au sein du gouvernement et de la société. Parmi les autres atteintes aux droits de la personne, citons la violence contre les femmes et les enfants au sein de la société, le harcèlement sexuel des femmes et le trafic d’êtres humains. Les extrémistes s’en prennent de plus en plus aux Roms et aux autres personnes à la peau foncée. Une série d’attaques violentes contre les Roms ont entraîné quatre décès et de nombreuses blessures. La discrimination envers les Roms dans l’éducation, le logement, l’emploi et l’accès aux services sociaux s’est poursuivie. Les violences et les abus envers les homosexuels demeurent problématiques.

Je suis donc d’avis que la décision contestée est déraisonnable.

[37]           Le juge Michel Shore s’exprimait ainsi, quant à lui, dans la décision Bors c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1004, aux paragraphes 61 à 64 :

Dans un contexte similaire traitant de la situation des Roms en Hongrie, le juge Yvon Pinard, dans la décision Balogh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 809, 221 F.T.R. 203, a souligné que la preuve de l’amélioration et des progrès réalisés par l’État ne constitue pas une preuve que les mesures actuelles équivalent à une protection efficace :

 

[37] [...] je suis d’avis que le tribunal a commis une erreur lorsqu’il a donné à entendre que la volonté de régler la situation de la minorité rome en Hongrie pouvait être assimilée à une protection d’État [...]

 

Dans la décision Avila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 359, 295 F.T.R. 35, le juge Luc Martineau s’est également exprimé sur la question de la protection de l’État :

[27] Pour déterminer si le revendicateur d’asile a rempli son fardeau de preuve, la Commission doit procéder à une véritable analyse de la situation du pays et des raisons particulières pour lesquelles le revendicateur d’asile soutient qu’il « ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection » de son pays de citoyenneté ou de résidence habituelle (alinéas 96a) et b) et sous‑alinéa 97(1)b)(i) de la Loi). La Commission doit considérer non seulement la capacité effective de protection de l’État mais également sa volonté d’agir. À cet égard, les lois et les mécanismes auxquels le demandeur peut avoir recours pour obtenir la protection de l’État peuvent constituer des éléments qui reflètent la volonté de l’État. Cependant, ceux-ci ne sont pas en eux-mêmes suffisants pour établir l’existence d’une protection à moins qu’ils ne soient mis en œuvre dans la pratique : voir Molnar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1081, [2003] 2 C.F. 339 (C.F. 1re inst.); Mohacsi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 429, [2003] 4 C.F. 771 (C.F. 1re inst.). [...]

Ainsi, il ne suffit pas de démontrer les changements et les améliorations contenues dans l’État hongrois, notamment l’existence de plusieurs recours et la possibilité d’obtenir une protection de l’État hongrois. Encore faut-il prouver que les changements sont mis en œuvre de façon efficace dans la pratique. La preuve d’une volonté d’amélioration et des progrès tentés par l’État ne devrait pas constituer, pour le décideur, un indice décisif à l’effet que les mesures potentielles équivalent à une protection efficace dans le pays sous étude. Comme la jurisprudence ci-dessus le démontre, la volonté, aussi bonne qu’elle pourrait l’être, n’équivaut pas à l’action.

 

Dans l’affaire Babai c. Canada (Ministère de l’Immigration et de la Citoyenneté), 2004 CF 1341, 2004 CarswellNat 3439, le décideur devait apprécier la preuve documentaire contradictoire indiquant un risque pour le demandeur :

[22] Le demandeur affirme qu’il était loisible à l’agente d’ERAR de faire sa propre analyse de la protection offerte par l’État. Toutefois, elle a commis une erreur en ne tenant pas compte d’une preuve documentaire volumineuse qui corrobore fortement l’allégation selon laquelle le demandeur sera exposé à de la persécution sans espoir de se voir protéger par l’État, si on le force à retourner en Hongrie [...]

[Soulignement dans l’original.]

[38]           Les demandeurs affirment que, si un demandeur d’asile a déployé de grands efforts pour obtenir de l’État une protection, sans réussir pour autant à obtenir une protection suffisante, alors il n’est pas nécessaire d’en faire davantage (Mora c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 235). La Cour a jugé que la SPR doit considérer ce qu’était la situation dans le pays à l’époque, plutôt que ce que l’État s’appliquait à mettre en place; plus exactement, la SPR doit considérer la réalité de la protection offerte par l’État, au lieu de s’en tenir aux efforts sérieux faits par l’État pour fournir une telle protection (R.A.F.A. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 173, au paragraphe 27).

[39]           Selon les demandeurs, une protection « adéquate » de l’État s’entend d’une protection efficace. Les mesures adoptées par un État pour améliorer la protection qu’il offre n’équivalent pas à une protection adéquate ou efficace, L’accent ne doit pas être mis sur les efforts entrepris pour corriger une situation, mais sur les efforts qui ont « véritablement engendré une protection adéquate de l’État » (Jaroslav c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 634, au paragraphe 75; Gilvaja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 598, au paragraphe 39; E.Y.M.V. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1364, aux paragraphes 14 à 17; Salamanca c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 780; Olahova c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 806; Lopez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1022; et décision Cervenakova, précitée). Le demandeur affirme qu’il a apporté la preuve de l’absence d’une protection adéquate de l’État, preuve dont la SPR n’a pas tenu compte, et que la décision de la SPR devrait donc être renvoyée pour nouvel examen.

Le défendeur

            Requête en ajournement

[40]           Le défendeur fait observer que, selon la transcription, le certificat médical avait été discuté au cours de l’audience, puis admis comme preuve. La SPR a alors raisonnablement refusé l’ajournement parce que l’épouse de Robert était soignée par le médecin depuis septembre 2011, or le certificat a été présenté à la SPR le jour de l’audience, en décembre 2011. La demande d’asile de l’épouse de Robert a été séparée des autres demandes d’asile. Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale dans l’attitude de la SPR, et la SPR n’est nullement tenue de motiver par écrit son refus d’accorder un ajournement.

            Crédibilité

[41]           Selon le défendeur, il n’y a aucun manquement à la justice naturelle dans la conclusion de non-crédibilité tirée par la SPR, celle-ci ayant expressément dit que la crédibilité était l’un des aspects déterminants de la demande d’asile et explicité la raison pour laquelle, selon elle, Robert n’était pas crédible.

[42]           La Cour d’appel fédérale a jugé que la SPR tire validement ses conclusions en matière de crédibilité dans la mesure où elle les motive « en termes clairs et explicites » (arrêt Hilo c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 130 NR 236 (CAF)). Autrement dit, les conclusions doivent être appuyées par des exemples. Ici, la SPR a explicitement exprimé ses doutes sur la crédibilité de Robert parce que son exposé circonstancié manquait cruellement de détails et parce que son témoignage se limitait pour l’essentiel à des opinions personnelles.

[43]           Dans sa décision, la SPR a donné des exemples précis des raisons pour lesquelles elle doutait de la crédibilité de la preuve produite par Robert. Elle a écrit explicitement que ses conclusions de non-crédibilité résultaient de contradictions et d’omissions décelées dans la preuve. Ainsi, Robert évoquait dans son FRP des attaques répétées menées par des individus et par la police, mais, prié d’en dire davantage, il n’avait pu répondre. La SPR a conclu que le FRP et le témoignage de Robert manquaient de détails et qu’il n’avait formulé que des opinions sur l’avenir, en se fondant sur ce qu’il avait pu entendre ou lire. Ainsi, contrairement à ce qu’affirment les demandeurs, la SPR trouvait manifestement que la crédibilité était problématique. Elle a commencé d’ailleurs sa décision en affirmant que « [l]es questions déterminantes à trancher sont celles de la crédibilité, de la discrimination par rapport à la persécution et de la protection de l’État ».

            Persécution

[44]           Selon le défendeur, l’existence d’une persécution en raison de faits de discrimination soulève une question mixte de droit et de fait, qui appelle donc une retenue envers les conclusions de la SPR (Sagharichi c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF n° 796, au paragraphe 3; Al-Mahamud c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 521, au paragraphe 8). Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait persécution, les mauvais traitements subis doivent être sérieux, et les épreuves doivent être infligées d’une manière répétitive ou persistante, ou d’une manière systémique. Un épisode donné de mauvais traitements peut constituer une discrimination, sans pour autant être assez grave pour être vu comme une persécution (Valdes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 47 Imm LR (2d) 125 (CFPI); Moudrak c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF n° 419 (1re inst.)).

[45]           Les demandeurs avaient la charge de convaincre la SPR qu’ils avaient une crainte fondée de persécution en Hongrie; ils n’y sont pas parvenus parce que Robert n’a pu établir qu’il avait une crainte subjective de persécution (arrêt Munderere c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), précité, au paragraphe 42). Il était raisonnable aussi pour la SPR de dire que Robert n’avait pas été privé de ses droits fondamentaux. L’impossibilité pour Robert de payer sa formation à l’école de métiers n’équivaut pas à de la persécution. Selon la SPR, cela était regrettable, mais il avait pu fréquenter l’école durant un mois.

[46]           Selon le défendeur, la SPR a bel et bien pris en considération la preuve se rapportant aux Roms dans la même situation que les demandeurs. Robert avait été prié de dire s’il avait connaissance d’autres Roms qui s’étaient adressés à la police récemment et de décrire leurs expériences. Il avait répondu qu’[traduction] « on les priait de fournir une preuve substantielle de l’identité de leurs agresseurs – pas tous les policiers, mais la plupart d’entre eux vous envoient promener ». La SPR a raisonnablement fait remarquer que cette réponse était trop générale, pas assez précise, et qu’elle n’apportait aucune information utile sur le cas de personnes se trouvant dans la même situation. Le défendeur dit que, sur ce point, la décision de la SPR était raisonnable.

            Protection offerte par l’État

[47]           Selon le défendeur, les conclusions de la SPR sur la protection offerte par l’État étaient raisonnables parce que la SPR a relevé à juste titre que, bien que l’efficacité de la protection offerte soit un facteur pertinent, il ressort de la jurisprudence dominante que la question est de savoir si la protection est adéquate.

[48]           Le défendeur dit que les demandeurs n’avaient rien fait d’autre qu’affirmer simplement que Robert était allé trouver la police une fois, sans succès (Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Villafranca, 99 DLR (4th) 334, à la page 337). Dans l’arrêt Carrillo, précité, la Cour d’appel fédérale a jugé que la demandeure d’asile n’avait pu réfuter la présomption d’existence d’une protection de l’État en invoquant une tentative unique et infructueuse d’obtenir de la police locale une protection.

[49]           Il est en outre possible d’obtenir de l’État une protection en s’adressant à des organismes gérés ou financés par l’État, et pas uniquement à la police (Nagy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 281, aux paragraphes 12 et 15; Szucs c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF n° 1614, au paragraphe 28). La SPR était consciente de cette possibilité et a fait état de plusieurs organisations qui apportaient soutien et assistance aux Roms relativement au dépôt et à l’examen de plaintes.

[50]           Le défendeur fait observer que la SPR a tenu compte d’aspects tels que les peines imposées aux fonctionnaires de police déclarés coupables d’actes répréhensibles, le mandat de l’Association des agents de police roms, auprès de laquelle les Roms peuvent porter plainte, outre le fait que les jeunes Roms peuvent obtenir formation et éducation en vue d’un emploi dans la police ou l’armée. Robert se plaignait explicitement aussi d’avoir été victime de discrimination parce qu’il n’avait pu fréquenter l’école de métiers, en raison de ses faibles moyens financiers, et la SPR a donc analysé l’efficacité des mesures mises en place par le gouvernement hongrois pour améliorer les perspectives d’emploi des Roms. Elle a noté en particulier qu’un programme de formation professionnelle avait permis l’embauche de 14 700 personnes durant la seule année 2009 et que les programmes de travail appliqués par le gouvernement avaient aidé entre 15 000 et 19 000 Roms à trouver des emplois chaque année, de 2004 à 2006.

[51]           Le défendeur affirme que la SPR a convenablement examiné et analysé la preuve qui lui avait été soumise et, selon lui, la décision de la SPR était raisonnable.

ANALYSE

[52]           Les demandeurs ont invoqué plusieurs moyens à l’appui de leur demande de contrôle judiciaire, et j’examinerai chacun d’eux successivement.

            Équité procédurale

[53]           Les demandeurs disent que la SPR ne traite pas de leur requête en ajournement dans sa décision, de sorte que les motifs de son refus restent inconnus. Ils disent aussi que, en raison des conclusions de non-crédibilité tirées par la SPR, il est impossible d’affirmer que le refus de la SPR d’ajourner l’audience pour permettre à l’épouse de Robert de témoigner n’a pas influé sur sa décision.

[54]           Un examen du dossier certifié du tribunal montre que la requête en ajournement a pleinement été examinée par la SPR, que les facteurs importants intéressant la requête ont été évalués, et que, après un échange de vues entre la SPR, Robert et sa conseil, les demandeurs ont été pleinement informés par la SPR des motifs qu’elle avait de refuser la requête. Les demandeurs étaient représentés par une conseil, qui a été invitée à s’exprimer. La conseil fait clairement savoir à Robert que [traduction] « vous êtes le demandeur d’asile principal et c’est là votre version des faits ». Autrement dit, ainsi qu’il ressort de la demande d’asile, la demande de l’épouse est fondée sur celle de Robert, de sorte que les intérêts de Robert ne sont pas lésés par l’absence de son épouse à l’audience. Lorsqu’est présentée la requête en ajournement, Robert et sa conseil ne disent pas qu’il est nécessaire qu’elle témoigne. En outre, une lecture intégrale de la décision de la SPR montre que le facteur déterminant était la faiblesse de la preuve, et non la crédibilité. S’agissant de l’épouse de Robert, je n’ai pas non plus la preuve qu’elle aurait pu ajouter quoi que ce soit qui n’ait pas déjà été exprimé par Robert lui-même.

[55]           Les demandeurs affirment aujourd’hui que la SPR n’a pas motivé son refus d’ajourner l’audience et que le témoignage de l’épouse de Robert aurait pu modifier l’issue de leur cas, mais cela ne me convainc pas, vu la teneur du dossier certifié du tribunal. La maladie de l’épouse de Robert a été prise en compte par la SPR, de même que le possible préjudice pour les demandeurs, et la requête en ajournement a été pleinement examinée.

[56]           Ma lecture du dossier certifié du tribunal me conduit également à conclure que Robert n’est pas fondé à prétendre qu’il a été d’une certaine manière empêché par la SPR d’exposer dans les moindres détails, comme le voulait la SPR, la persécution dont il se disait victime. Les détails que Robert voulait donner auraient pu être donnés au moyen de questions posées par sa conseil s’il estimait que la SPR, par ses propres questions, ne lui avait pas accordé suffisamment de temps ou de latitude pour établir le bien-fondé de ses affirmations.

            Crédibilité

[57]           Les demandeurs disent qu’[traduction] « il n’y a pas eu d’omissions, de contradictions ni d’incohérences » et que Robert [traduction] « a expliqué raisonnablement tout ce qu’il y avait à expliquer ».

[58]           Une lecture du dossier certifié du tribunal et de la décision de la SPR montre que cette affirmation n’est pas exacte. La difficulté décelée par la SPR était le fait que Robert n’avait pu donner de détails sur les violences répétées que lui avaient fait subir, disait-il, des individus et des policiers. En outre, il n’était allé voir la police qu’une seule fois, et cela remontait à 1995. Robert n’avait tout simplement pas été en mesure d’apporter une preuve convaincante des événements pénibles qu’il disait avoir vécus. C’est pourquoi la SPR s’est concentrée sur l’avenir et sur l’appréhension de Robert que d’autres attaques ne surviennent dans l’avenir et que ce qui était arrivé à d’autres Roms ne lui arrive à lui et à sa famille s’ils devaient retourner en Hongrie.

[59]           Les questions de crédibilité dans la présente affaire s’expliquaient par l’échec de Robert à étayer ses allégations selon lesquelles il avait été persécuté dans le passé. Il n’avait pu donner de détails sur les violences dont il prétendait avoir été victime, et il avait reconnu n’être allé trouver la police qu’une seule fois, en 1995, et cela rendait douteuse aux yeux de la SPR la persécution qu’il disait avoir subie. Tout cela est clairement expliqué dans la décision de la SPR, et l’explication était raisonnable. Nulle conclusion formelle de non-crédibilité ou de non-vraisemblance n’est tirée par la SPR, parce que le point décisif, aux yeux de la SPR, est le fait que « le demandeur d’asile principal n’a pas produit d’éléments de preuve permettant de conclure qu’il a été victime de persécution ». La SPR n’a pas douté que Robert soit allé trouver la police en 1995, ou qu’il n’ait pas pu se permettre de fréquenter l’école de métiers en 1993. La SPR examine pleinement ces aspects dans sa décision. La réelle difficulté était que Robert n’avait pas pu donner de détails sur les violences que lui auraient fait subir des individus et la police.

            Analyse microscopique de la persécution

[60]           Les demandeurs disent, dans leurs observations écrites, que [traduction] « la Commission s’est livrée à une analyse microscopique des démarches faites par le demandeur pour tenter d’obtenir de l’État une protection ».

[61]           Cette question a été retirée durant l’audience. Cela peut se comprendre parce qu’il est difficile de savoir ce que les demandeurs entendent par là. En fait de preuve, Robert a apporté très peu d’éléments que la SPR aurait pu examiner, d’une manière microscopique ou autrement. Ainsi que l’écrit la SPR :

a.       La Commission estime que l’exposé circonstancié modifié du demandeur d’asile principal présenté à l’audience n’est pas suffisamment précis. En effet, celui‑ci contient très peu d’information sur les demandeurs d’asile eux‑mêmes. Les quelques renseignements fournis sont de nature générale et ne précisent pas les dates, les circonstances des incidents, l’intervention ou l’absence d’intervention des policiers, etc.

 

b.      Il en va de même du témoignage du demandeur d’asile principal. Ce dernier n’a émis que des opinions. Il ne se serait adressé aux policiers qu’une seule fois, il y a 16 ans. Par conséquent, il n’a pas présenté de preuve « claire et convaincante » de l’incapacité de l’État à assurer sa protection et n’a donc pas réfuté la présomption de protection de l’État.

 

c.       La Commission conclut que le demandeur d’asile principal n’a pas fait preuve de diligence au moment de demander la protection de l’État. En outre, nous n’acceptons pas ses explications à cet égard. Les exemples qu’il a donnés en réponse aux questions de la conseil étaient, encore une fois, de nature générale et ne se rapportaient pas à des situations particulières. La Commission n’a donc pas pu obtenir de renseignements sur des personnes se trouvant dans une situation comparable.

 

 

 

[62]           À mon avis, on n’a nullement affaire ici à une analyse microscopique. Outre la minceur de la preuve les concernant personnellement, les demandeurs n’ont pas produit une preuve convaincante sur des personnes se trouvant dans une situation comparable à la leur. La conclusion de la SPR selon laquelle « la preuve présentée ne suffit pas à convaincre la Commission que les demandeurs d’asile ont été privés de leurs droits fondamentaux » s’expliquait par le fait que Robert n’avait pas donné de détails appuyant ses affirmations générales.

 

            Discrimination et persécution

 

[63]           Les demandeurs disent aussi que la SPR aurait dû prendre en considération la [traduction] « la nature cumulée des circonstances » dans son examen de la question de la persécution, mais c’est précisément ce qu’a fait la SPR, et elle a conclu, raisonnablement, que les demandeurs n’avaient pas, au soutien de la persécution qu’ils disaient avoir subie, apporté une preuve suffisante de ce qui leur était arrivé au fil du temps.

            Protection offerte par l’État

 

[64]           Essentiellement, la plainte des demandeurs est que la SPR n’a pas considéré ce que le juge Mosley appelait le « caractère satisfaisant » de la protection offerte par l’État en Hongrie. Voir la décision E.Y.M.V., précitée, au paragraphe 16.

[65]           Ils invoquent aussi la décision Cervenakova, rendue par moi-même. Cependant, dans ce précédent, l’analyse faite par la SPR à propos de la protection de l’État était bien éloignée de celle qu’a faite la SPR dans la présente espèce. Ici, la SPR reconnaît que « [l]a discrimination généralisée, la marginalisation et les préjugés dont [les Roms] sont victimes demeurent une grande source d’inquiétude en Hongrie ». La SPR examine ensuite ce que le gouvernement a mis en œuvre pour corriger la situation. Elle donne des détails, et elle évalue soigneusement le succès, ou l’échec, de diverses initiatives. Elle conclut ensuite, se fondant sur la preuve, « que les efforts de l’État sont sérieux, que les progrès sont lents, mais qu’il y a des effets positifs et des signes de réussite ».

[66]           Les demandeurs n’avaient pas non plus prouvé que l’État n’était pas disposé ou apte à les protéger. Le fait qu’ils soient allés trouver la police en 1995 ne dit rien de la situation qui a cours aujourd’hui en Hongrie. Il appartient aux demandeurs de réfuter la présomption d’existence d’une protection adéquate de l’État; ce n’est pas à la SPR de prouver qu’une protection adéquate peut être obtenue de l’État.

[67]           On peut être en désaccord avec l’analyse et les conclusions de la SPR, mais il m’est impossible de dire que la SPR a rendu une décision déraisonnable ou que ses conclusions touchant la protection offerte par l’État ne satisfont pas à la norme définie dans l’arrêt Dunsmuir.

 

            Conclusions

 

[68]           En l’espèce, les demandeurs n’ont pas apporté une preuve personnelle suffisante montrant qu’ils ont été victimes de persécution. Ils se sont fondés sur la situation générale de la population rom en Hongrie. Comme la Cour l’a dit à plusieurs reprises, il ne suffit pas de pointer les problèmes généraux de respect des droits de la personne dans un pays, il faut aussi montrer en quoi ces problèmes ont touché, ou toucheront, les demandeurs d’asile.

 

[69]           Dans la décision Csonka c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1056, le juge Shore s’exprimait ainsi, au paragraphe 3 :

Le fait que la preuve montre la violation systématique ou généralisée des droits de la personne ne suffit pas à établir « la crainte de persécution spécifique et individualisée chez [un] défendeur en particulier » (Ahmad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 808, au paragraphe 22).

 

 

 

[70]           Dans la décision Jarada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 409, le juge Yves de Montigny avait tenu les propos suivants, au paragraphe 28 :

Ceci étant dit, l’appréciation du risque que pourrait courir le demandeur d’être persécuté s’il devait être retourné dans son pays doit être personnalisée. Ce n’est pas parce que la preuve documentaire démontre que la situation dans un pays est problématique du point de vue du respect des droits de la personne que l’on doit nécessairement en déduire un risque pour un individu donné (Ahmad c. M.C.I., [2004] A.C.F. no. 995 (C.F.); Gonulcan c. M.C.I., [2004] A.C.F. no. 486 (C.F.); Rahim c. M.C.I., [2005] A.C.F. no. 18 (C.F.).

 

 

 

[71]           On trouve les mêmes propos dans la décision Ahmad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 808, où le juge Paul Rouleau écrivait ce qui suit, au paragraphe 22 :

Ainsi l’appréciation de la crainte chez le défendeur doit se faire in concreto, plutôt que dans une perspective abstraite et générale. Le fait que la preuve documentaire illustre de façon inéquivoque la violation systématique et généralisée des droits humains au Pakistan ne suffit absolument pas pour établir la crainte de persécution spécifique et individualisée chez le défendeur en particulier. En l’absence de la moindre preuve pouvant lier la preuve documentaire générale à la situation spécifique du demandeur, je conclus que la Commission n’a pas erré dans sa façon d’analyser la revendication du demandeur sous l’article 97.

 

 

 

[72]           Il y a aussi les observations de la juge Tremblay-Lamer dans la décision Prophète c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 331, au paragraphe 17 :

Par conséquent, des éléments de preuve documentaire qui illustrent la violation systématique et généralisée des droits de la personne dans un pays donné ne seront pas suffisants pour appuyer une demande fondée sur l’article 97 en l’absence de preuve pouvant établir un lien entre ces éléments de preuve documentaire de nature générale et la situation particulière du demandeur (Ould c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 83, [2007] A.C.F. no 103 (QL), au paragraphe 21; Jarada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 409, [2005] A.C.F. no 506 (QL), au paragraphe 28; Ahmad, précitée, au paragraphe 22).

 

[73]           Je ne puis voir, dans la décision de la SPR, aucune erreur susceptible de contrôle.

 

[74]           Les avocats s’accordent pour dire qu’il n’y a aucune question à certifier, et la Cour partage leur point de vue.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-581-12

 

 

INTITULÉ :                                      ROBERT TAMAS; DANIEL TAMAS; LORETTA TAMAS; ROBERT TAMAS

 

                                                            -   et   -

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 7 novembre 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RUSSELL

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 26 novembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :   

 

Mieszko J. Wlodarczk                                                             POUR LES DEMANDEURS

 

Teresa Ramnarine                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rochon Genova LLP                                                              POUR LES DEMANDEURS

Avocats

Toronto (Ontario)

 

William F. Pentney                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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