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Date : 20121206

Dossier : IMM‑3551‑12

Référence : 2012 CF 1432

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 6 décembre 2012

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

SWINDER KAUR LOHAT

 

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Introduction

[1]               La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent d’immigration [l’agent] a rejeté sa demande présentée au titre de la catégorie « Immigration économique » et fondée sur sa capacité à réussir son établissement économique au Canada, aux termes du paragraphe 12(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. La demanderesse soutient qu’elle aurait dû obtenir cinq points de plus au titre de l’alinéa 83(1)d) et du sous‑alinéa 83(5)a)(v) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, en sa version modifiée LC 2002, c 8, alinéa 182(3)a) [le Règlement], en raison de la présence au Canada d’une personne qui lui est apparentée.

 

II. Procédure judiciaire

[2]               La Cour est saisie d’une demande fondée sur le paragraphe 72(1) de la LIPR, visant à obtenir le contrôle judiciaire de la décision de l’agent datée du 7 février 2012.

 

III. Contexte

[3]               La demanderesse, Mme Swinder Kaur Lohat, est une citoyenne indienne. Née en 1975, elle est mariée à un certain Parminder Singh depuis le 8 mars 2004.

 

[4]               La demanderesse a fait dix‑huit ans de formation scolaire à temps plein, et a obtenu un diplôme d’infirmière et de sage‑femme au terme de trois années d’études à l’école publique de sciences infirmières du SGTB Hospital, ainsi qu’un baccalauréat en arts.

 

[5]               La demanderesse a exercé pendant plusieurs années un emploi relevant de la catégorie « infirmiers autorisés/infirmières autorisées », code 3152 de la Classification nationale des professions [CNP 3152].

 

[6]               Le 25 février 2010, la demanderesse a présenté une demande de résidence permanente au Canada [la demande RP] au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés, faisant valoir son expérience professionnelle.

 

[7]               À l’annexe 3 de sa demande RP, la demanderesse a indiqué que son époux qui l’accompagnait avait un frère ou une sœur vivant au Canada ou qui était résident permanent de ce pays.

 

[8]               Le 30 avril 2010, le Bureau de réception centralisée – Travailleurs qualifiés fédéral informait la demanderesse que sa demande RP serait favorablement recommandée au bureau des visas compte tenu de son expérience professionnelle au titre du CNP 3152; le Bureau lui demandait de remplir et de soumettre un formulaire de demande au bureau des visas de New Delhi [la lettre d’approbation du BRC].

 

[9]               Le 24 août 2010, la demanderesse a soumis des observations en réponse à cette lettre, indiquant que la demi‑sœur biologique de son époux qui l’accompagnait était Jaspreet Kaur Duggal [Jaspreet Duggal], une citoyenne canadienne vivant au Canada [la réponse à la lettre du BRC].

 

[10]           En réponse à la lettre du BRC, la demanderesse a inclus les documents suivants afin de démontrer que Jaspreet Duggal était bel et bien la demi‑sœur de son époux : (i) son passeport indien ainsi que celui de Parminder Singh et de Jaspreet Kaur; (ii) le certificat attestant son mariage avec Parminder Singh; (iii) ses relevés d’emploi; (iv) une pièce attestant le niveau d’études de Parminder Singh; (v) un affidavit de Parminder Singh; (vi) la carte de citoyenneté canadienne de Jaspreet Duggal; (vii) le permis de conduire de Colombie‑Britannique de Jaspreet Duggal.

 

IV. La décision contrôlée

[11]           L’agent a rejeté la demande RP de la demanderesse, celle‑ci n’ayant pas obtenu suffisamment de points pour avoir droit à un visa de résident permanent aux termes du paragraphe 12(2) de la LIPR. L’agent a appliqué les critères de sélection énoncés au paragraphe 76(2) du Règlement pour déterminer si elle satisfaisait aux exigences minimales du paragraphe 75(2).

 

[12]           La demanderesse a obtenu dix points pour l’âge, vingt‑deux pour les études, six pour la compétence dans l’une des langues officielles, vingt et un pour l’expérience, aucun pour l’exercice d’un emploi réservé et quatre pour la capacité d’adaptation. En tout, cela faisait soixante‑trois points, soit trois de moins que les soixante‑sept minimaux requis par le ministre aux termes du paragraphe 76(3) du Règlement à l’endroit des travailleurs qualifiés.

 

[13]           Suivant l’alinéa 83(1)d) et le sous‑alinéa 83(5)a)(v) du Règlement, le travailleur qualifié obtiendra cinq points si lui‑même ou l’époux qui l’accompagne a un frère ou une sœur vivant au Canada. L’agent n’a pas accordé ces points à la demanderesse parce qu’elle n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve établissant que son époux qui l’accompagnait était le demi‑frère de Jaspreet Duggal, une citoyenne canadienne vivant actuellement au Canada. En particulier, les documents et l’affidavit fournis par la demanderesse étaient insuffisants pour prouver l’existence d’un lien de parenté.

 

V. Questions en litige

[14]           1)   L’agent a‑t‑il raisonnablement conclu que la demanderesse ne pouvait obtenir cinq points au titre de l’alinéa 83(1)d) du Règlement, s’agissant du fait que son époux qui l’accompagne est le demi‑frère de Jaspreet Duggal?

2)   L’agent était‑il tenu en vertu de l’équité procédurale de donner à la demanderesse la possibilité de répondre?

 

VI. Dispositions législatives pertinentes

[15]           Veuillez consulter l’annexe A qui contient les dispositions législatives pertinentes de la LIPR et du Règlement.

 

VII. La position des parties

[16]           La demanderesse soutient que l’agent a déraisonnablement refusé de lui accorder cinq points pour la capacité d’adaptation au titre de l’alinéa 83(1)d) et du sous‑alinéa 83(5)a)(v) du Règlement, s’agissant du fait que son époux qui l’accompagne est lié par le sang à une citoyenne canadienne vivant au Canada, soit la fille de sa mère.

 

[17]           La demanderesse prétend avoir soumis suffisamment de documents pour établir que son époux qui l’accompagne, Parminder Singh, est le fils d’Ujjagar Singh et de Jaswant Kaur; parmi ces documents figuraient des copies de son passeport indien et la lettre d’un ancien proviseur.

 

[18]           La demanderesse soutient également avoir soumis suffisamment de documents pour établir que son époux qui l’accompagne, Parminder Singh, est le demi‑frère de Jaspreet Duggal, née du second mariage de Jaswant Kaur. Elle a en effet fourni le passeport indien et la carte de citoyenneté de Jaspreet Duggal ainsi qu’un affidavit de Parminder Singh.

 

[19]           D’après la demanderesse, il est difficile de documenter le nom des mères en Inde, car la plupart des registres indiens privilégient la paternité au détriment de la maternité. Toujours d’après elle, la tenue d’un registre de certificats de naissance, de mariage et de décès [les documents essentiels] est une chose tout aussi inusitée, l’exigence législative en la matière n’étant devenue effective que dans les années 1970 et n’étant pas toujours respectée. Par conséquent, le dossier de naissance de la demanderesse et les dossiers de mariage de Jaswant Kaur n’étaient pas disponibles.

 

[20]           Citant la décision Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 58, 217 FTR 193, la demanderesse soutient que la norme de contrôle applicable à l’examen de sa demande RP est celle de la prépondérance des probabilités. Elle ajoute, s’appuyant sur l’arrêt R c Layton, 2009 CSC 36, [2009] 2 RCS 540, que cette norme l’oblige à établir qu’il est plus probable que le contraire que Jaspreet Duggal soit la demi‑sœur de son époux qui l’accompagne, Parminder Singh.

 

[21]           La demanderesse soutient qu’il était plus probable que le contraire, compte tenu des documents décrits plus haut, que Parminder Singh et Jaspreet Duggal soient tous deux les enfants de Jaswant Kaur, et que les exigences de l’alinéa 83(1)d) et du sous‑alinéa 83(5)a)(v) du Règlement ont été remplies. Elle affirme qu’elle n’est pas tenue d’établir l’existence d’un lien de parenté sur la base de documents essentiels exclusivement, et qu’en l’absence de tels documents, elle a produit la meilleure preuve disponible.

 

[22]           De l’avis de la demanderesse, l’agent a manqué à l’équité procédurale en ne motivant pas suffisamment sa décision et en ne lui donnant pas la possibilité de répondre. Elle n’a reçu aucun avis l’informant que les documents qu’elle avait soumis étaient insuffisants pour établir que son époux qui l’accompagne, Parminder Singh, et Jaspreet Duggal étaient tous deux les enfants de Jaswant Kaur.

 

[23]           La demanderesse soutient que son incapacité à obtenir le certificat de naissance de Parminder Singh ou les certificats de mariage de Jaswant Kaur la plaçait dans une situation particulière. La preuve qu’elle a fournie en lieu et place de ces documents obligeait l’agent à lui faire part des inquiétudes que cette preuve lui inspirait. Une lettre du 7 septembre 2010 l’ayant avisée qu’elle recevrait un préavis d’un mois si une entrevue se révélait nécessaire, la demanderesse soutient qu’elle s’attendait légitimement à ce que l’agent lui fasse part de toute préoccupation concernant sa demande RP.

 

[24]           De plus, elle fait valoir que le rejet par l’agent de la déclaration solennelle de Parminder Singh revenait à tirer une inférence défavorable quant à sa crédibilité, ce à quoi elle aurait dû avoir la possibilité de répondre.

 

[25]           Le défendeur soutient que l’agent a raisonnablement conclu que la demanderesse n’avait pas établi que son époux qui l’accompagne, Parminder Singh, était le demi‑frère de Jaspreet Duggal et qu’elle ne pouvait donc satisfaire aux exigences de l’alinéa 83(1)d) et du sous‑alinéa 83(5)a)(v) du Règlement. Citant la décision Kniazeva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 268, 288 FTR 282, il soutient que l’examen d’une demande fondée sur le paragraphe 12(2) de la LIPR est un exercice discrétionnaire qui commande la déférence, ajoutant que si la décision est prise de bonne foi, qu’elle respecte l’équité procédurale et ne repose pas sur des considérations extrinsèques ou dépourvues de pertinence, la Cour ne doit pas intervenir.

 

[26]           Le défendeur affirme en particulier que la conclusion de l’agent était raisonnable puisque la demanderesse n’avait pas produit suffisamment de documents établissant que son époux qui l’accompagne était le demi‑frère de Jaspreet Duggal. Il estime que la demanderesse a été clairement informée du type de documents qu’elle devait soumettre lorsqu’elle a été orientée vers un site Web décrivant les documents nécessaires pour établir l’existence d’un lien de parenté. Par ailleurs, l’affidavit de Parminder Singh n’a pas été considéré parce qu’il a été rédigé par une partie concernée et qu’il s’agit donc d’un document intéressé et sujet à caution.

 

[27]           Le défendeur soutient que la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse revient dans les faits à réclamer de la Cour qu’elle apprécie de nouveau la preuve.

 

[28]           Citant l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, le défendeur soutient que l’insuffisance des motifs ne justifie pas à elle seule le contrôle judiciaire.

 

[29]           Enfin, le défendeur fait valoir que l’agent n’était pas tenu d’accorder à la demanderesse la possibilité de répondre puisqu’il incombait à cette dernière de fournir suffisamment de documents établissant que l’alinéa 83(1)d) et que le sous‑alinéa 83(5)a)(v) du Règlement trouvaient à s’appliquer. Citant la décision Hussain c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 468, il affirme que l’équité procédurale n’obligeait pas l’agent à faire part à la demanderesse de ses préoccupations quant au caractère suffisant de la preuve. Il invoque en outre la décision Hassani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, [2007] 3 RCF 501, pour faire valoir que les demandeurs au titre du paragraphe 12(2) de la LIPR doivent établir qu’ils remplissent les exigences législatives et que « lorsque les réserves découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre » (paragraphe 24).

 

VIII. Analyse

Norme de contrôle

[30]           La décision d’accorder des points au titre de la capacité d’adaptation en raison d’un lien avec une personne vivant au Canada est une question de fait et de droit soumise à la norme de la raisonnabilité (Lee c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 617, 390 FTR 166). Les questions d’équité procédurale appellent quant à elles la norme de la décision correcte (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 129). La contenu de l’obligation d’équité procédurale variera toutefois selon les circonstances et le contexte législatif et administratif de la décision (Mavi c Canada (Procureur général), 2011 CSC 30, [2011] 2 RCS 504).

 

[31]           Lorsque la norme de la raisonnabilité trouve à s’appliquer, la Cour ne peut intervenir que si les motifs de la Commission ne sont pas « justifiables, transparents ou intelligibles ». Pour satisfaire à cette norme, la décision doit également appartenir « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

[32]           Même si la demanderesse a contesté le caractère adéquat des motifs de l’agent, la Cour suprême du Canada a estimé que lorsque des motifs ont été fournis, l’issue ou le raisonnement qu’ils sous‑tendent peuvent être mis en question dans le cadre de l’analyse de la raisonnabilité. D’après l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses Union, précité, « les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles » (paragraphe 14). Une cour de révision ne peut « substituer ses propres motifs » à ceux de la décision à l’examen, mais peut « examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat » (paragraphe 15).

 

1)   L’agent a‑t‑il raisonnablement conclu que la demanderesse ne pouvait obtenir cinq points au titre de l’alinéa 83(1)d) du Règlement, s’agissant du fait que son époux qui l’accompagne est le demi‑frère de Jaspreet Duggal?

 

[33]           L’agent a raisonnablement conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse ne pouvait obtenir cinq points au titre de l’alinéa 83(1)d) du Règlement, s’agissant du fait que son époux qui l’accompagne est le demi‑frère de Jaspreet Duggal.

 

[34]           Le décideur détermine, selon la prépondérance des probabilités, si un demandeur donné est lié à une personne vivant au Canada (Dhillon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1049). D’après l’arrêt Layton, précité, cela obligeait l’agent à se demander s’il était plus probable que le contraire que Jaspreet Duggal soit la demi‑sœur de l’époux de la demanderesse qui l’accompagnait et si l’alinéa 83(1)d) et le sous‑alinéa 83(5)a)(v) du Règlement devaient s’appliquer.

 

[35]           D’après le dossier certifié du tribunal [DCT] divulgué en vertu des articles 15 et 17 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, en sa version modifiée DORS/98‑235, articles 1 à 6, 7 (F), la demanderesse a présenté les documents suivants pour prouver qu’elle était mariée à Parminder Singh, que ce dernier était le fils de Jaswant Kaur et que Jaspreet Duggal était la fille de cette dernière :

•     une copie de son passeport indien, délivré le 29 août 2010, et la désignant comme l’épouse de Parminder Singh Lohat (DCT, à la page 47);

•     une copie du passeport indien de Parminder Singh Lohat, délivré le 10 octobre 2002, et le désignant comme le fils d’Ujjager Singh et de Jaswant Kaur (DCT, à la page 66);

•     une copie traduite de son certificat de mariage avec Parminder Singh, daté du 8 mars 2004, et désignant le père de ce dernier comme Ujjager Singh (DCT, à la page 86);

•     une copie traduite du certificat de naissance de son fils désignant la demanderesse comme sa mère, Parminder Kaur comme son père et Ujjagar Singh Lohat comme son grand‑père paternel; ce document est daté du 18 avril 2006 (DCT, à la page 91);

•     la copie de lettres d’attestation d’emploi, datées du 17 et du 19 août 2010, adressées à la demanderesse et la désignant comme l’épouse de Parminder Singh Lohat, (DCT, aux pages 92, 94 et 98);

•     la copie des registres de formation d’inspecteur sanitaire de Parminder Singh, désignant Ujjager Singh comme son père (DCT, aux pages 128 à 130);

•     la copie du diplôme de baccalauréat en arts de Parminder Singh, daté du 18 octobre 1988 et désignant Ujjager Singh comme son père (DCT, à la page 118);

•     des copies, d’avril 1986, avril 1987 et du 18 octobre 1988, du dossier scolaire de Parminder Singh de la Guru Nanak Dev University et désignant Ujjager Singh comme son père (DCT, aux pages 119, 120 et 121);

•     la copie du dossier scolaire de niveau secondaire de Parminder Singh, daté du mars 1985 et désignant Ujjager Singh comme son père (DCT, à la page 122);

•     la copie d’une lettre datée du 25 août 2010 et rédigée par le proviseur du Khalsa College Senior Secondary School, attestant que Parminder Singh a fréquenté cette école, et qu’il était le fils d’Ujjager Singh et de Jaswant Kaur (DCT, à la page 124);

•     l’affidavit de Parminder Singh daté du 26 août 2010 dans lequel il se présente comme le fils d’Ujjager Singh et de Jaswant Kaur, allègue que cette dernière s’est remariée avec Surjit Singh après le décès d’Ujjager Singh, et que Jaspreet Duggal est née de ce second mariage (DCT, à la page 137);

•     la copie du passeport indien de Jaspreet Kaur, émis le 6 avril 1999, indiquant qu’elle est née le 23 mai 1975 et qu’elle est la fille de Surjit Singh et de Jaswant Kaur (DCT, à la page 140);

•     la copie de la carte de citoyenneté canadienne de Jaspreet Duggal, indiquant qu’elle est née le 23 mai 1975 (DCT, à la page 142);

•     la copie du permis de conduire de Colombie‑Britannique de Jaspreet Duggal, indiquant qu’elle est née le 23 mai 1975 (DCT, à la page 142).

 

[36]           Le DCT contient également la copie traduite d’une déclaration de l’officier de l’état civil de Ludhiane attestant que Jaswant Kaur a tenté d’obtenir le dossier de naissance de Parminder Singh, qui n’était toutefois pas disponible (DCT, à la page 90).

 

[37]           Avant de trancher cette question, la Cour aimerait souligner deux principes.

 

[38]           Premièrement, le demandeur n’est pas nécessairement tenu de se limiter à une liste établie de documents (documents essentiels) pour établir l’existence d’un lien de parenté pour l’application de l’alinéa 83(1)d) et du sous‑alinéa 83(5)a)(v) du Règlement. Dans la décision Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 855, le juge John O’Keefe a rejeté les passeports canadiens et les cartes de résidence permanente qu’on lui avait présentés, car ces documents ne permettaient pas réellement d’expliquer comment le demandeur était lié aux personnes avec lesquelles il prétendait avoir un lien de parenté. L’affaire Singh portait sur des documents qui ne contenaient pas suffisamment de renseignements généalogiques et n’appuie guère la proposition voulant que seuls des documents essentiels (à l’exclusion de tout autre contenant des renseignements généalogiques) puissent établir l’existence d’un lien de parenté pour l’application de la LIPR et du Règlement. Certains documents contenant des renseignements généalogiques peuvent établir de manière probante l’existence d’un lien de parenté dans certaines circonstances, même s’il ne s’agit pas de documents essentiels.

 

[39]           Deuxièmement, la valeur probante d’un affidavit non corroboré par la preuve est limitée lorsqu’il s’agit de déterminer si un demandeur remplit les exigences de l’alinéa 83(1)d) et du sous‑alinéa 83(5)a)(vi) du Règlement. Dans la décision Singh, le juge O’Keefe a estimé que les affidavits de personnes intéressées qui ne sont pas étayés par des éléments de preuve corroborants pourraient ne pas suffire à établir qu’un demandeur est lié à une personne vivant au Canada (paragraphe 30).

 

[40]           S’agissant de la présente demande RP, il serait alors raisonnable de conclure à la lumière de ces principes que Jaspreet Duggal et Parminder Singh n’étaient pas, selon la prépondérance des probabilités, les enfants de la même Jaswant Kaur.

 

[41]           Parminder Singh est désigné comme l’époux de la demanderesse sur le passeport indien et les relevés d’emploi de cette dernière, de même que sur son certificat de mariage et le certificat de naissance de son fils.

 

[42]           Le certificat de naissance du fils de la demanderesse, le certificat de mariage de cette dernière, le passeport indien de Parminder Singh de même que les dossiers scolaires et les registres de formation d’inspecteur sanitaire de ce dernier suffisent à établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’époux de la demanderesse, Parminder Singh, est le fils d’Ujjager Singh et de Jaswant Kaur.

 

[43]           Il est raisonnable de conclure que la preuve documentaire ne permet pas toutefois d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que Jaswant Kaur, épouse d’Ujjager Singh et mère de Parminder Singh, était aussi l’épouse de Surjit Singh et la mère de Jaspreet Duggal. Le passeport indien de cette dernière désigne Surjit Singh et Jaswant Kaur comme ses parents et la preuve documentaire n’établit pas que Jaswant Kaur était également mariée à Ujjager Singh. Compte tenu de la preuve documentaire dont disposait l’agent, il était raisonnable de conclure que Jaswant Kaur, la mère de Parminder Singh, n’était pas la même personne ayant donné naissance à Jaspreet Duggal. En introduisant le nom de Surjit Singh dans l’équation, il devenait raisonnable de conclure à partir de la preuve documentaire qu’il était plus probable que le contraire qu’il y ait deux Jaswant Kaur; une qui avait épousé Ujjager Singh et qui avait eu un fils nommé Parminder Singh, et une autre qui s’était mariée avec Surjit Singh et avait donné naissance à une fille nommée Jaspreet Duggal. Il était possible, mais non probable, que les deux Jaswant Kaur désignent la même personne.

 

[44]           Dans les circonstances, d’autres éléments étaient nécessaires pour établir qu’il ne serait pas raisonnable de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que Jaswant Kaur était à la fois la mère de Parminder Singh et de Jaspreet Duggal. Dans le cas des demi‑frères ou demi‑sœurs, des renseignements additionnels sont sans doute indispensables pour faire pencher la balance en faveur de la demanderesse. Comme les documents essentiels indiens présentés à la Cour semblent privilégier la filiation paternelle, et que ce type de documents n’est généralement pas disponible, il ne serait pas raisonnable d’exiger de les produire pour prouver ce lien familial. Une preuve documentaire démontrant, par exemple, que la Jaswant Kaur qui était la mère de Jaspreet Duggal vivait à la même adresse que Parminder Singh aurait pu suffire à établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y avait une seule Jaswant Kaur et qu’elle était la mère et de Parminder Singh et de Jaspreet Duggal.

 

[45]           L’affidavit de Parminder Singh ne suffisait pas toutefois à établir que la Jaswant Kaur décrite dans la preuve documentaire était une seule et même personne. L’auteur de l’affidavit était une personne intéressée et n’avait fourni aucune preuve corroborant que la Jaswant Kaur qui avait épousé Surjit Singh avait déjà été mariée à Ujjager Singh.

 

2)   L’équité procédurale obligeait-elle l’agent à donner à la demanderesse la possibilité de répondre?

 

[46]           La jurisprudence de la Cour rappelle avec constance que les décideurs ne sont pas tenus de notifier aux travailleurs qualifiés qui demandent un visa au titre du paragraphe 12(2) de la LIPR que les documents qu’ils ont produits sont insuffisants (Malik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1283, au paragraphe 26).

 

[47]           Dans la décision Chowdhury c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1315, le juge James Russell a estimé que l’équité procédurale n’obligeait pas l’agente d’immigration à donner à la demanderesse la possibilité de dissiper ses doutes sur le lien de parenté allégué si les doutes en question « découlaient directement des documents – ou de l’absence de documents – produits par la demanderesse » (paragraphe 45). Citant la décision Oladipo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 366, le juge Russell a estimé qu’il incombait à la demanderesse de préparer et de produire une demande accompagnée de documents justificatifs pertinents, suffisants et crédibles.

 

[48]           L’argument de la demanderesse selon lequel le rejet par l’agent de l’affidavit de Parminder Singh revient à tirer une inférence défavorable quant à sa crédibilité doit également être rejeté. Selon la décision Singh, précitée, il était loisible à l’agent de n’accorder que peu d’importance à l’affidavit s’il n’était pas étayé par des éléments de preuve confirmant que la Jaswant Kaur mariée à Ujjagar Singh et mère de Parminder Singh avait aussi épousé Surjit Singh et donné naissance à Jaspreet Duggal. Comme il ne disposait pas de tels éléments de preuve corroborants, l’agent n’a pas tiré d’inférence défavorable quant à sa crédibilité. En bref, il n’était pas convaincu par la preuve (sans la tenir pour douteuse).

 

X. Conclusion

[49]           Pour tous les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse soit rejetée. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


ANNEXE A

 

 

Disposition législative pertinente de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 :

12.       (2) La sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

12.       (2) A foreign national may be selected as a member of the economic class on the basis of their ability to become economically established in Canada.

 

Dispositions législatives pertinentes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, en sa version modifiée LC 2002, c 8, al. 182(3)a) :

75. [...]

 

(2) Est un travailleur qualifié l’étranger qui satisfait aux exigences suivantes :

 

a) il a accumulé au moins une année continue d’expérience de travail à temps plein au sens du paragraphe 80(7), ou l’équivalent s’il travaille à temps partiel de façon continue, au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de la demande de visa de résident permanent, dans au moins une des professions appartenant aux genre de compétence 0 Gestion ou niveaux de compétences A ou B de la matrice de la Classification nationale des professions — exception faite des professions d’accès limité;

 

b) pendant cette période d’emploi, il a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession dans les descriptions des professions de cette classification;

 

 

c) pendant cette période d’emploi, il a exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession figurant dans les descriptions des professions de cette classification, notamment toutes les fonctions essentielles.

 

76.       (1) Les critères ci‑après indiquent que le travailleur qualifié peut réussir son établissement économique au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) :

 

 

 

a) le travailleur qualifié accumule le nombre minimum de points visé au paragraphe (2), au titre des facteurs suivants :

 

 

 

(i) les études, aux termes de l’article 78,

 

 

(ii) la compétence dans les langues officielles du Canada, aux termes de l’article 79,

 

(iii) l’expérience, aux termes de l’article 80,

 

 

(iv) l’âge, aux termes de l’article 81,

 

(v) l’exercice d’un emploi réservé, aux termes de l’article 82,

 

 

(vi) la capacité d’adaptation, aux termes de l’article 83;

 

b) le travailleur qualifié :

 

(i) soit dispose de fonds transférables — non grevés de dettes ou d’autres obligations financières — d’un montant égal à la moitié du revenu vital minimum qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille,

 

 

(ii) soit s’est vu attribuer le nombre de points prévu au paragraphe 82(2) pour un emploi réservé au Canada au sens du paragraphe 82(1).

 

(2) Le ministre établit le nombre minimum de points que doit obtenir le travailleur qualifié en se fondant sur les éléments ci‑après et en informe le public :

 

a) le nombre de demandes, au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), déjà en cours de traitement;

 

b) le nombre de travailleurs qualifiés qui devraient devenir résidents permanents selon le rapport présenté au Parlement conformément à l’article 94 de la Loi;

 

c) les perspectives d’établissement des travailleurs qualifiés au Canada, compte tenu des facteurs économiques et autres facteurs pertinents.

 

83.       (1) Un maximum de 10 points d’appréciation sont attribués au travailleur qualifié au titre de la capacité d’adaptation pour toute combinaison des éléments ci‑après, selon le nombre indiqué :

 

a) pour les diplômes de l’époux ou du conjoint de fait, 3, 4 ou 5 points conformément au paragraphe (2);

 

 

 

 

b) pour des études antérieures faites par le travailleur qualifié ou son époux ou conjoint de fait au Canada, 5 points;

 

 

c) pour du travail antérieur effectué par le travailleur qualifié ou son époux ou conjoint de fait au Canada, 5 points;

 

 

d) pour la présence au Canada de l’une ou l’autre des personnes visées au paragraphe (5), 5 points;

 

 

e) pour avoir obtenu des points pour un emploi réservé au Canada en vertu du paragraphe 82(2), 5 points.

 

[...]

 

(5) Pour l’application de l’alinéa (1)d), le travailleur qualifié obtient 5 points dans les cas suivants :

 

a) l’une des personnes ci‑après qui est un citoyen canadien ou un résident permanent et qui vit au Canada lui est unie par les liens du sang ou de l’adoption ou par mariage ou union de fait ou, dans le cas où il l’accompagne, est ainsi unie à son époux ou conjoint de fait :

 

(i) l’un de leurs parents,

 

(ii) l’un des parents de leurs parents,

 

(iii) leur enfant,

 

(iv) un enfant de leur enfant,

 

(v) un enfant de l’un de leurs parents,

 

(vi) un enfant de l’un des parents de l’un de leurs parents, autre que l’un de leurs parents,

 

(vii) un enfant de l’enfant de l’un de leurs parents;

 

 

b) son époux ou conjoint de fait ne l’accompagne pas et est citoyen canadien ou un résident permanent qui vit au Canada.

 

75.

 

(2) A foreign national is a skilled worker if

 

 

(a) within the 10 years preceding the date of their application for a permanent resident visa, they have at least one year of continuous full‑time employment experience, as described in subsection 80(7), or the equivalent in continuous part‑time employment in one or more occupations, other than a restricted occupation, that are listed in Skill Type 0 Management Occupations or Skill Level A or B of the National Occupational Classification matrix;

 

 

 

 

 

(b) during that period of employment they performed the actions described in the lead statement for the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification; and

 

(c) during that period of employment they performed a substantial number of the main duties of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, including all of the essential duties.

 

76.       (1) For the purpose of determining whether a skilled worker, as a member of the federal skilled worker class, will be able to become economically established in Canada, they must be assessed on the basis of the following criteria :

 

(a) the skilled worker must be awarded not less than the minimum number of required points referred to in subsection (2) on the basis of the following factors, namely,

 

(i) education, in accordance with section 78,

 

(ii) proficiency in the official languages of Canada, in accordance with section 79,

 

(iii) experience, in accordance with section 80,

 

(iv) age, in accordance with section 81,

 

(v) arranged employment, in accordance with section 82, and

 

(vi) adaptability, in accordance with section 83; and

 

(b) the skilled worker must

 

(i) have in the form of transferable and available funds, unencumbered by debts or other obligations, an amount equal to half the minimum necessary income applicable in respect of the group of persons consisting of the skilled worker and their family members, or

 

(ii) be awarded the number of points referred to in subsection 82(2) for arranged employment in Canada within the meaning of subsection 82(1).

 

(2) The Minister shall fix and make available to the public the minimum number of points required of a skilled worker, on the basis of

 

 

(a) the number of applications by skilled workers as members of the federal skilled worker class currently being processed;

 

(b) the number of skilled workers projected to become permanent residents according to the report to Parliament referred to in section 94 of the Act; and

 

(c) the potential, taking into account economic and other relevant factors, for the establishment of skilled workers in Canada.

 

 

83.       (1) A maximum of 10 points for adaptability shall be awarded to a skilled worker on the basis of any combination of the following elements :

 

 

 

 

(a) for the educational credentials of the skilled worker’s accompanying spouse or accompanying common‑law partner, 3, 4 or 5 points determined in accordance with subsection (2);

 

(b) for any previous period of study in Canada by the skilled worker or the skilled worker’s spouse or common‑law partner, 5 points;

 

(c) for any previous period of work in Canada by the skilled worker or the skilled worker’s spouse or common‑law partner, 5 points;

 

(d) for being related to a person living in Canada who is described in subsection (5), 5 points; and

 

(e) for being awarded points for arranged employment in Canada under subsection 82(2), 5 po1ints.

 

 

(5) For the purposes of paragraph (1)(d), a skilled worker shall be awarded 5 points if

 

(a) the skilled worker or the skilled worker’s accompanying spouse or accompanying common‑law partner is related by blood, marriage, common‑law partnership or adoption to a person who is a Canadian citizen or permanent resident living in Canada and who is

 

(i) their father or mother,

 

(ii) the father or mother of their father or mother,

 

(iii) their child,

 

(iv) a child of their child,

 

 

(v) a child of their father or mother,

 

(vi) a child of the father or mother of their father or mother, other than their father or mother, or

 

(vii) a child of the child of their father or mother; or

 

(b) the skilled worker has a spouse or common‑law partner who is not accompanying the skilled worker and is a Canadian citizen or permanent resident living in Canada.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑3551‑12

 

INTITULÉ :                                                  SWINDER KAUR LOHAT c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 5 décembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 6 décembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Puneet Khaira

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Mary E. Murray

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lindsay Kenney, LLP

Langley (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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