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Date : 20121204

Dossier : T‑1144‑05

Référence : 2012 CF 1418

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Winnipeg (Manitoba), le 4 décembre 2012

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

 

APOTEX INC.

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

MERCK CANADA INC. ET MERCK FROSST CANADA & CO.

 

 

 

défenderesses

 

 

 

 

 

Motifs supplémentaires du jugement et jugement

 

[1]               Les présents motifs et le présent jugement font suite à ceux qui sont datés du 24 octobre 2012 (référence : 2012 CF 1235) où j’ai rendu un certain nombre de décisions sur des questions faisant l’objet du différend dans l’espoir que les parties, avec l’aide de leurs experts comptables, puissent calculer un montant final qui représente l’indemnité totale, avec les intérêts avant jugement, que la Cour accorderait à la demanderesse Apotex dans la présente action intentée en vertu de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133.

 

[2]               Dans mes motifs du mois d’octobre, j’ai relevé un certain nombre de points au sujet desquels les parties s’entendaient et j’ai tranché les questions qui semblaient demeurer en suspens. J’ai invité les parties, avec l’aide de leurs experts comptables au besoin, de calculer un montant final équivalant à l’indemnité et aux intérêts avant jugement; je les ai aussi invitées, au besoin, à se représenter devant moi afin que je puisse régler les problèmes qu’elles n’auraient pas pu régler elles‑mêmes. Il ne reste maintenant qu’un point sur lequel les parties ne s’entendent pas. Je les remercie de m’avoir fourni des données définitives qui représentent les diverses issues possibles de la présente instance, selon le sens dans lequel je trancherai le différend.

 

[3]               L’affaire encore en suspens est liée à la question des rabais, qui a été abordée aux paragraphes 92 à 101 de mes motifs du mois d’octobre. J’ai conclu au paragraphe 101 qu’un certain pourcentage du prix de vente devait être accordé pendant la période d’exclusivité et qu’un pourcentage plus grand devait l’être pendant la période de non‑exclusivité.

 

[4]               Les experts des parties, M. Rosen pour Apotex et M. Hamilton pour Merck, ne s’entendent pas sur la façon dont ces données doivent être utilisées. Monsieur Rosen a justifié son désaccord dans sa lettre tenant lieu de rapport datée du 26 novembre 2012. Je reprends une portion de cette lettre (en omettant les pourcentages) :

 

[traduction]

a.      Aux paragraphes 100 et 101 du jugement, la Cour a statué que, dans l’environnement concurrentiel, le pourcentage de XX % était celui qui convenait dans la réalité. Monsieur Hamilton estime que le rabais de XX % devrait être utilisé à partir de la première date à laquelle elle aurait vécu la concurrence n’eût été l’entrée en scène de Novopharm, soit la date de l’avis de conformité hypothétique de cette dernière le 7 janvier 2005.

 

b.      Par conséquent, M. Hamilton évalue le montant total des dommages‑intérêts, avec intérêts, à 54 168 579 $. À mon avis, ce calcul est inapproprié et est incompatible avec l’objectif de mon analyse des dommages‑intérêts, soit remettre la partie lésée dans la position où elle se serait trouvée n’eût été l’événement qui a entraîné le préjudice.

 

[5]               Les calculs de M. Hamilton sont fondés sur un rabais de YY % jusqu’à la date où Novopharm est entrée sur le marché, et de XX % par la suite. Monsieur Rosen défend une approche plus nuancée. Voici un extrait de sa lettre :

 

[traduction]

5.         Il faut d’abord s’intéresser à la façon dont a été calculé le rabais de XX %. Ce rabais représente le rabais moyen sur une période de 16 mois dans la réalité. À mon avis, se contenter d’utiliser le taux de XX % à l’égard d’une période plus brève (en l’espèce 5 mois à partir de la date d’obtention de l’avis de conformité) qui n’aurait jamais dû être accordé – soit le 7 janvier 2005, jusqu’au 26 mai 2005, date à laquelle la période des dommages a pris fin) ne serait pas conforme à la décision de la Cour selon laquelle ce sont les rabais offerts dans la réalité qui devraient être utilisés.

 

[6]               Au bout du compte, les différences entre l’approche de M. Rosen et celle de M. Hamilton entraînent un écart de quelque 10 p. 100. C’est l’approche de M. Rosen qui débouche sur les montants les plus élevés.

 

[7]               Je conclus que l’approche de M. Hamilton est celle qui est juste dans les circonstances. Je tire cette conclusion pour deux motifs. Premièrement, aucune des parties n’a défendu devant moi, au cours de l’instruction de la présente affaire, l’approche que défend maintenant M. Rosen. Au procès, les parties ont tenu pour acquis qu’un seul pourcentage représenterait les rabais dans un marché occupé par un seul générique et qu’un autre correspondrait à l’entrée d’un second générique.

 

[8]               Deuxièmement, M. Rosen considère le pourcentage de rabais dans un marché où se trouvent de nombreux génériques comme un pourcentage bien établi, puis applique des calculs complexes à ce pourcentage. Comme je l’ai souligné dans mes motifs du mois d’octobre, tout le domaine des rabais est très nébuleux. Il est impossible de fixer un chiffre exact ou absolu. Dans le meilleur des cas, nous pouvons simplement nous approcher de ce qui « se serait produit ». Ce n’est pas un domaine où l’exactitude ou les calculs complexes ont leur place. Comme certains juges l’ont déjà affirmé, il s’agit plus d’y aller à grands traits que d’entrer dans le détail.

 

[9]               Par conséquent, j’estime que le montant de l’indemnité à laquelle Apotex a droit, y compris les intérêts avant jugement jusqu’au 10 octobre 2012, est celui que M. Hamilton a calculé, soit 54 168 579 $.

 

[10]           Étant donné que le montant ci‑dessus comprend les intérêts avant jugement jusqu’au 10 octobre 2012, date de mon jugement précédent, Apotex a droit aux intérêts après jugement, du 10 octobre 2012 jusqu’à la date du paiement de la somme susmentionnée. L’article 37 de la Loi sur les cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, prévoit les intérêts après jugement. J’exercerai mon pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne le taux. Bien que les activités en cause se soient déroulées un peu partout au Canada, une bonne partie de ces activités ont pris place en Ontario. Apotex a son siège en Ontario. J’appliquerai donc le taux trimestriel de 3,0 % en vigueur en Ontario comme taux d’intérêt après jugement et, si la somme en question n’est pas payée immédiatement, les taux trimestriels rajustés publiés par la Direction des politiques et des programmes de la Division des services aux tribunaux du ministère du Procureur général de l’Ontario.

 

DÉPENS

[11]           Dans mes motifs du mois d’octobre, j’ai demandé aux parties de me fournir des observations quant aux dépens, je les ai reçues et j’en ai pris connaissance. Par conséquent, voici ce que j’ordonne en matière de dépens. Si les parties sont incapables de trancher entre elles la question des dépens, et j’espère sincèrement qu’elles le feront, Apotex devra remettre d’ici le 15 janvier 2013 un projet de mémoire de dépens de même que des observations sur les motifs de la répartition des dépens entre elle‑même et Merck. De son côté, Merck soumettra une réponse dans les cinq (5) jours. Toutes les observations doivent figurer sur cinq (5) pages au maximum. Je trancherai alors la question des dépens.

 

[12]           Les dépens sont adjugés à Apotex. Par contre, si une ordonnance antérieure adjuge les dépens autrement, elle l’emportera. Tous les dépens adjugés à Merck dans une ordonnance antérieure seront déduits des dépens adjugés à Apotex dans les présentes. Si une ordonnance antérieure ne mentionne pas les dépens, il n’y aura aucune adjudication.

 

[13]           Les dépens sont adjugés comme suit à Apotex :

 

1.                  Selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne IV pour tous les honoraires taxables jusqu’au 20 juin 2012.

 

2.                  Indemnisation complète du 20 juin 2012 jusqu’à l’ouverture du procès le 24 septembre 2012. En voici les éléments :

 

                     honoraires et débours supplémentaires relatifs à Mme Bacovsky et à M. Rosen;

                     préparation de tous les témoins, cités au procès ou non, qui ont été assignés à témoigner par Merck à compter du 20 juin 2012, en particulier les témoins Cheung, D’Cruz et Cohen;

                     aucuns dépens ne sont adjugés à l’égard de M. Hollis;

                     tous les honoraires et débours relatifs à M. Royanne.

 

3.                  Les honoraires pour la présence au procès de deux avocats principaux et d’un avocat adjoint à l’extrémité supérieure de la colonne V, plus cinquante (50) p. 100. Aucuns honoraires ne sont admissibles pour les autres avocats, stagiaires en droit ou étudiants.

 

4.                  Les honoraires de témoins experts pour Mme Bacovsky et M. Rosen ne dépasseront pas le taux horaire ou quotidien facturé par l’avocat principal d’Apotex. Les honoraires de M. Rosen pour les services offerts en attendant le débat animé entre experts (hot tubbing) et après le procès (une fois ce plafond atteint, le cas échéant) sont adjugés à cinquante (50) p. 100 de ses honoraires;

 

5.                  Tous les débours raisonnables pour les déplacements et l’hébergement des témoins.

 

6.                  Les frais de photocopie à vingt‑cinq (0,25 $) cents l’unité pour tous les documents déposés devant la Cour ou fournis à cette dernière et à l’avocat de la partie adverse et pour l’ensemble des documents raisonnablement requis dans le cadre de l’instruction de la présente action.

 

7.                  Tous les autres honoraires non mentionnés doivent être remboursés au milieu de la fourchette de la colonne IV.

 

8.                  Tous les autres débours sont limités à ceux qui étaient raisonnablement nécessaires pour l’instruction de la présente action.

 

 


JUGEMENT

 

POUr les motifs susmentionnés

La cour ordonne :

 

1.         La demanderesse Apotex est autorisée à recouvrer des défenderesses Merck, conjointement et solidairement, la somme de 54 168 579 $, ainsi que les intérêts après jugement postérieur au 10 octobre 2012, calculés au taux de 3 % par année, non composé; de plus, si cette somme n’est pas payée immédiatement, au taux publié chaque trimestre par la Direction des politiques et des programmes de la Division des services aux tribunaux du ministère du Procureur général de l’Ontario.

 

2.         Apotex a droit aux dépens, à moins d’entente à l’effet contraire, eu égard aux motifs fournis dans les présentes.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1144‑05

 

INTITULÉ :                                                  APOTEX INC. c
MERCK CANADA INC. et
MERCK FROSST CANADA & CO.

 

 

Lieu de l’audience :                          Toronto (Ontario)

 

DATES de l’audience :                      Les 24, 25, 27 et 28 septembre; le 1er octobre 2012

 

Motifs supplémentaires

du jugement et

jugement de la cour :                    LE JUGE HUGHES

 

DATE des motifs :                                 Le 4 décembre 2012

 

 

Comparutions :

 

Harry B. Radomski

Jerry Topolski

Ken Crofoot

Ben Hackett

 

Pour la demandeUre

 

Patrick E. Kierans

Allyson Whyte Nowak

Adam Haller

 

Pour les défenderesses

 

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour la demandeUre

 

Norton Rose

Toronto (Ontario)

 

Pour les défenderesses

 

 

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