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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20121123

Dossier : IMM-11131-12

Référence : 2012 CF 1357

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 novembre 2012

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

ABDURAHMAN IBRAHIM HASSAN

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LA DEMANDE

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le demandeur), dans laquelle il demande à la Cour d’annuler la décision de la commissaire Funston (la commissaire Funston), datée du 30 octobre 2012 (la décision), par laquelle elle ordonnait la mise en liberté de M. Abdurahman Ibrahim Hassan (le défendeur), qui était détenu par les autorités de l’immigration.

 

LE CONTEXTE

 

[2]               Je crois que les observations du demandeur et du défendeur établissent correctement le contexte de la présente demande et je vais reproduire les aspects pertinents de leurs résumés dans les présents motifs.  

 

[3]               Le défendeur est venu au Canada en provenance de la Somalie en décembre 1992, accompagné par sa tante, Fadumo Osman, et a demandé l’asile. Il a obtenu l’asile en août 1993.

 

[4]               Le défendeur souffre de trouble bipolaire, ainsi que d’autres problèmes de santé, tels que l’asthme, le diabète insulinodépendant et l’hypertension, en plus d’avoir une dépendance à l’alcool et au crack.

 

[5]               Le défendeur a un historique de treize ans de crime violents au Canada, qui a commencé en 1999 :

a)                  Le 13 avril 1999, le défendeur a été déclaré coupable de voies de fait et condamné à une période de probation de 12 mois.

b)                  Deux accusations subséquentes de voies de fait ont été retirées, sous réserve de conditions. Le 5 mai 2000, le défendeur a été déclaré coupable de défaut de se conformer à ces conditions et s’est vu imposer une peine de 12 mois avec sursis.

c)                  Le 4 avril 2001, le défendeur a une fois de plus été déclaré coupable de voies de fait. Sa victime était son frère. Le défendeur était entré dans la chambre de son frère et avait tenté de le réveiller. Vu que celui‑ci ne se réveillait pas, le défendeur lui avait lancé une bouteille de verre à la tête, lui causant ainsi des blessures.

d)                 Le 6 septembre 2001, le défendeur a été déclaré coupable de voies de fait et d’avoir proféré des menaces. La victime des voies de fait était sa mère. Le défendeur avait menacé sa mère et son frère de les tuer s’ils ne lui donnaient pas d’argent. Au cours de cette altercation, le défendeur avait appelé sa tante et lui avait proféré la même menace.

e)                  Le 10 octobre 2001, le défendeur a été déclaré coupable d’avoir proféré des menaces et de méfait. Il s’était rendu à la maison de sa mère au milieu de la nuit et lui avait demandé s’il pouvait y rester. Après qu’elle avait refusé, il l’avait menacé d’incendier sa maison et de l’étrangler. La police avait été appelée, et le défendeur avait par la suite menacé de mort les policiers qui procédaient à son arrestation et avait donné un coup de pied dans la vitre arrière du véhicule de police.

f)                   Le 1er novembre 2004, le défendeur a été déclaré coupable de deux chefs d’accusation de vol qualifié et d’avoir proféré des menaces, chefs d’accusation liés à une série d’incidents. Le défendeur était entré en contact avec plusieurs personnes à différentes dates, et avait menacé de faire feu sur elles et les avait volées. Le défendeur avait aussi menacé un agent de sécurité privé ainsi que le policier qui procédait à son arrestation.

 

[6]               En décembre 2005, un rapport d’interdiction de territoire relativement aux déclarations de culpabilité pour vol qualifié prononcées en 2004 a été établi en vertu de l’article 44 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi). Une enquête a été tenue, à l’issue de laquelle on a délivré une mesure d’expulsion; cette mesure d’expulsion a été suspendue au titre du paragraphe 114(1) de la Loi.

 

[7]               Le défendeur a continué de commettre des crimes : en janvier 2007, il a abordé une personne dans la rue au centre‑ville de Toronto et lui a demandé de l’argent. Il a menacé de sortir une arme à feu et de tuer sa victime, et lui a asséné trois coups de poing à la tête. Le 7 septembre 2007, le défendeur a été déclaré coupable de vol qualifié et de défaut de se conformer à un engagement et à une ordonnance de probation. Un autre rapport d’interdiction de territoire, celui‑là relatif à cette dernière déclaration de culpabilité, a été établi au titre de l’article 44.

 

[8]               Le défendeur a reçu une lettre d’avertissement de l’ASFC en mai 2007, lettre qui indiquait que, s’il devait à nouveau être déclaré coupable d’une infraction, l’ASFC envisagerait de prendre des mesures pour exécuter la mesure d’expulsion. 

 

[9]               Le défendeur a, une fois de plus, commis d’autres crimes. Depuis la lettre de mai 2007, en plus de sa déclaration de culpabilité pour vol qualifié prononcée en septembre 2007, mentionnée ci‑dessus, le demandeur a fait l’objet des déclarations de culpabilité suivantes :

a)                  Le 17 mars 2009, le défendeur a été déclaré coupable de vol et de voies de fait dans l’intention de se soustraire à son arrestation ainsi que de défaut de se conformer à un engagement.

b)                  Le 26 novembre 2010, le défendeur a été déclaré coupable de vol qualifié et d’avoir proféré des menaces de mort; il a été condamné à une peine d’emprisonnement de quatre mois. Le défendeur, avec l’aide de deux complices, avait volé un homme et avait menacé de lui tirer dessus s’il ne leur donnait pas d’argent. Le défendeur avait frappé la victime à répétition contre un mur et avait menacé de tuer l’homme s’il signalait l’incident à la police.

c)                  Le 10 janvier 2012, le défendeur a été déclaré coupable de voies de fait causant des lésions corporelles et a été condamné à une peine d’emprisonnement de 18 mois. Il avait été accusé d’agression sexuelle grave, de vol qualifié et de manquement aux conditions de la probation. La victime avait accepté d’aller à l’appartement du défendeur afin d’y consommer des stupéfiants. Le défendeur, après avoir consommé les stupéfiants, avait exigé d’avoir des relations sexuelles, et, lorsque la victime avait exprimé son refus, il lui avait sauté dessus, l’avait étranglée et lui avait frappé la tête contre le plancher. La victime avait alors consenti à avoir des relations sexuelles, dans le but de mettre fin à l’agression, mais s’était par la suite rétractée et le défendeur avait continué son agression. Elle avait réussi à fuir en poussant un réfrigérateur sur le défendeur.

 

[10]           Le défendeur a été incarcéré à la suite de cet incident et est resté dans un établissement provincial jusqu’au 11 juin 2012, alors que, une fois sa peine complétée, il a été transféré à un centre de détention de l’immigration en vertu d’un mandat de renvoi. Le défendeur a donc été incarcéré sans interruption depuis le 28 février 2011 environ (il est sous la garde des autorités de l’immigration depuis juin 2012).

 

[11]           Au cours des années, le défendeur a fait défaut de se conformer à des engagements en matière de justice criminelle, mais il a affirmé, lors des contrôles des motifs de sa détention, que sa criminalité découlait de sa dépendance aux stupéfiants et à l’alcool.

 

[12]           En juillet 2009, l’ASFC avait, au titre de l’alinéa 115(2)a) de la Loi, demandé l’avis du Ministre quant à la question de savoir si le défendeur constituait un danger pour le public (l’avis quant au danger), dans le but de permettre que le défendeur soit expulsé du Canada.

 

[13]           Autant l’ASFC que le défendeur ont produit des observations au Ministre au sujet de l’avis quant au danger, et sont actuellement en attente d’une décision.

 

[14]           Le défendeur est resté sous la garde des autorités de l’immigration depuis le 11 juin 2012. On avait ordonné son maintien en détention lors des cinq premiers contrôles des motifs de sa détention.

 

[15]           Le 12 juin 2012, lors du contrôle des motifs de sa détention des 48 heures, le commissaire a conclu qu’il était peu probable que le défendeur, dans l’éventualité où il serait remis en liberté, puisse contrôler ses impulsions à avoir un comportement criminel violent. Le commissaire a relevé son passé de violence criminelle depuis 13 ans ainsi que ses échecs à contrôler les facteurs aggravant ce comportement, y compris ses dépendances et ses problèmes de santé mentale. Le commissaire a aussi conclu qu’il était peu probable qu’il se présente pour son renvoi, puisque sa famille est au Canada et qu’il a plusieurs antécédents en matière de non‑conformité aux directives données conformément à la législation. 

 

[16]           Lors de ce premier contrôle des motifs de détention, le commissaire a conclu que, si quelque solution de rechange à la détention devait être considérée, celle‑ci allait devoir assurer la protection du public et faire en sorte qu’il soit probable que le défendeur se présente pour son renvoi. Il devrait y avoir une preuve suffisante d’une possibilité de réhabilitation, de manière à ce que les problèmes de dépendance et de santé mentale du défendeur puissent être contrôlés, ainsi que des conditions qui feraient en sorte que le public ne serait pas en danger.

 

[17]           Le commissaire ayant procédé au deuxième contrôle des motifs de détention le 17 juillet 2012 a adopté les motifs de son prédécesseur. Le défendeur a indiqué qu’il avait une place au sein d’un programme de gestion du sevrage et qu’il assistait aux réunions des Alcooliques Anonymes. Le commissaire a toutefois conclu qu’il n’y avait pas une preuve suffisante pour démontrer que le défendeur avait atteint un point où il n’était plus vulnérable à ses impulsions à commettre des gestes de violence et à abuser des stupéfiants.

 

[18]           Lors du troisième contrôle des motifs de détention, qui a eu lieu le 14 août 2012, le commissaire a adopté les conclusions antérieures et a examiné le programme de gestion du sevrage en établissement proposé par le défendeur. Le commissaire a conclu que le défendeur ne réalisait pas de [traduction] « progrès importants dans [sa] réhabilitation », et il a fait mention d’une [traduction] « supervision stricte », pour garantir que le défendeur se conforme à toute condition, ainsi que pour contrebalancer l’important danger qu’il présentait pour le public. Le commissaire a encouragé le défendeur à poursuivre ses traitements contre ses dépendances, mais a conclu que son plan n’offrait rien pour faire contrepoids à son risque de fuite ou au danger qu’il présentait pour le public, compte tenu de l’absence de supervision dans le plan qu’il proposait.  

 

[19]           Lors du quatrième contrôle des motifs de détention, qui a eu lieu le 7 septembre 2012, le défendeur avait proposé un plan selon lequel il prendrait part à un programme de gestion du sevrage au Toronto East General Hospital et participerait ensuite à un programme de trois mois à Harbourlight. Le commissaire a ordonné le maintien de la détention du défendeur, en concluant que ce dernier avait participé par le passé à des programmes pour l’aider contre ses dépendances et que cela ne l’avait pas empêché d’avoir un comportement criminel. Le commissaire a adopté les motifs antérieurs et a déclaré que le fait que le défendeur participait à un programme de gestion du sevrage n’était pas suffisant.

 

[20]           Au moment du cinquième contrôle des motifs de détention, soit le 4 octobre 2012, l’avocat du défendeur a indiqué que lui et son client étaient à élaborer un plan détaillé de mise en liberté. Le commissaire souscrivait aux conclusions antérieures selon lesquelles le défendeur présentait un danger pour le public et qu’il était probable qu’il se soustraie à son renvoi, et a mentionné que, par le passé, on avait donné au défendeur des chances de modifier son comportement. On a de nouveau ordonné le maintien de la détention du défendeur.

 

[21]           Le défendeur est arrivé au centre de détention de l’immigration le 11 juin 2012 et a été détenu à la prison Don, au motif qu’il présentait un danger pour le public et qu’il était probable qu’il se soustraie à son renvoi du Canada. Une solution de rechange à la détention avait déjà été proposée le 19 juin 2012. Selon cette proposition, la mère du défendeur devait verser un dépôt de 3 000 $, et le défendeur devait suivre un programme de traitement du sevrage en établissement, par l’entremise du Toronto East General Hospital. Aucune information au sujet de ce programme de traitement n’avait été fournie à ce moment-là.

 

[22]           L’avocate du défendeur a présenté une solution de rechange à la détention lors du contrôle des motifs de détention du défendeur du 30 octobre 2012. La commissaire Funston a examiné la solution proposée comme rechange à la détention, y compris la communication, par le défendeur, de 12 pages décrivant le programme Turning Point de traitement en établissement contre les dépendances, dans lequel le défendeur avait été accepté sous conditions. Le défendeur a aussi proposé que sa tante agisse à titre de caution et que cette dernière verse un dépôt de 5 000 $ pour garantir que le défendeur se conforme aux exigences de l’immigration et aux conditions de sa mise en liberté.

 

[23]           Le défendeur a proposé qu’il soit non seulement obligé de suivre le programme Turning Point de traitement aux dépendances de 28 jours, mais aussi qu’on lui ordonne de participer par la suite aux autres programmes de traitement en établissement contre les dépendances offerts par l’Armée du Salut : le programme Habourlight, d’une durée de 3 mois et demi, ou le programme Hope Acres de traitement en établissement contre les dépendances, qui est dispensé à une ferme située à l’extérieur de Barrie, en Ontario, pendant 6 mois.

 

[24]           Le défendeur était aussi disposé à accepter une condition selon laquelle il devait continuer à suivre des traitements ou des thérapies de jour contre les dépendances après la fin des traitements en établissement contre les dépendances d’une durée d’environ 10 mois.

 

[25]           Lors du contrôle des motifs de détention du 30 octobre 2012, la commissaire Funston a ordonné la mise en liberté du défendeur, qui était assortie de plusieurs conditions, notamment :

a)                  se rapporter par téléphone à l’ASFC, au moins sur une base hebdomadaire;

b)                  aucun usage ou possession de stupéfiants;

c)                  aucune consommation d’alcool;

d)                 réussir le programme Turning Point de traitement en établissement;

e)                  présenter sa candidature pour le programme Harbourlight de traitement en établissement et réussir ce programme;

f)                   présenter sa candidature pour le programme Hope Acres de traitement en établissement et réussir ce programme;

g)                  fournir un avis à l’ASFC dans les 48 heures précédant la fin de l’une des étapes de son traitement et le début de l’étape suivante;

h)                  le versement, par sa tante, Fadumo Osman, d’un cautionnement en espèces de 5 000 $;

i)                    continuer son traitement/sa thérapie de jour contre les dépendances, après la fin du programme de réhabilitation en établissement à Hope Acres, et donner à l’ASFC, sur demande, une preuve de ce traitement;

 

[26]           À titre de condition de la mise en liberté, la commissaire Funston a ordonné que, à chaque étape du traitement en établissement, le défendeur fournisse un avis de 48 heures à l’ASFC, et ce, avant la fin d’une étape et avant le début de la suivante de son traitement en établissement contre les dépendances. La commissaire Funston a déclaré que le fait, pour le défendeur, de ne pas se présenter à chaque programme et de ne pas le suivre avec succès constituerait une violation de la caution et de l’ordonnance de mise en liberté.

 

[27]           Le 9 novembre 2012, la Cour a ordonné le sursis de l’ordonnance de mise en liberté du défendeur, jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue quant à la présente demande de contrôle judiciaire, ou jusqu’au prochain contrôle des motifs de détention.

 

LA QUESTION EN LITIGE

 

[28]           Le demandeur soulève la question suivante :

            1.         La décision est-elle raisonnable?

 

LA NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

 

[29]           Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité, et la Cour est de cet avis.

 

[30]           La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, a statué qu’il n’était pas toujours nécessaire de procéder à une analyse relative à la norme de contrôle. En effet, lorsque la norme de contrôle applicable à la question qui lui est soumise est bien arrêtée par la jurisprudence, la cour de révision peut l’adopter. Ce n’est que lorsque cette recherche s’avère infructueuse que la cour de révision doit entreprendre d’examiner les quatre facteurs que comporte l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[31]           Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, l’analyse tient principalement « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour devrait intervenir seulement si la décision n’est pas raisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

LES ARGUMENTS

[32]           Le demandeur affirme que la commissaire Funston :

a)                  a omis d’examiner la question de savoir s’il était probable que le défendeur se soustraie à son renvoi;

b)                  a commis une erreur en concluant que le défendeur ne représentait pas un danger pour le public;

c)                  A commis une erreur en décidant que la tante du défendeur était une caution appropriée.

 

[33]           Le défendeur affirme que la commissaire Funston :

a)                  a examiné de manière raisonnable la question de savoir s’il était probable qu’il se soustraie à son renvoi;

b)                  a conclu de manière raisonnable qu’il ne représentait pas un danger pour le public;

c)                  a conclu de manière raisonnable que sa tante était une caution appropriée.

 

ANALYSE

            Le danger pour le public

 

[34]           La justification qui sous-tend la décision quant à cette question est transparente et intelligible. La commissaire Funston a mentionné ceci : [traduction] « Aujourd’hui, je suis convaincue que votre tante est une caution appropriée et qu’il existe des traitements plus exhaustifs permettant de régler de manière adéquate le problème du danger pour le public. »

 

[35]           Cette conclusion repose sur les inférences de la commissaire Funston, selon lesquelles :

 

a)                  [traduction] « [I]l est plus probable qu’improbable que, si votre toxicomanie et vos problèmes liés à la toxicomanie étaient traités correctement, cela atténuerait les doutes concernant le danger, actuel et futur, que vous présentez pour autrui. Je suis convaincue que la question de la dépendance contribue de manière importante à votre criminalité et que cela concerne, bien entendu, la question du danger que vous présentez pour autrui »;

b)                  [traduction] « Votre tante s’est aussi portée volontaire pour offrir un cautionnement important d’un point de vue financier afin de garantir que vous vous conformiez aux exigences en matière d’immigration et elle a l’intention de maintenir un contact quotidien avec vous, dans le but de vous surveiller et de s’assurer que tout fonctionne bien dans votre cas; je suis convaincue que cela représente un changement dans votre situation ».  

 

[36]           Donc, la nouvelle information qui justifiait la rupture avec les ordonnances antérieures était les [traduction] « traitements plus exhaustifs » qui étaient proposés et le fait que ceux‑ci, conjugués à la supervision de la tante du défendeur, règlaient de manière adéquate le problème du danger que le défendeur présentait pour le public.

 

[37]           La question que la Cour doit trancher est de savoir si cette conclusion est raisonnable et si elle appartient aux issues décrites au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir.

 

[38]           Les contrôles des motifs de détention précédents mettaient l’accent sur [traduction] « les nombreux antécédents [du défendeur] en matière d’usage de violence sur autrui et son incapacité à contrôler son comportement » (commissaire Laut). Ces contrôles tenaient aussi compte du rôle des dépendances et de la santé mentale du défendeur quant à son dossier criminel, ainsi que des observations selon lesquelles le défendeur allait dorénavant prendre sa réhabilitation plus au sérieux, car il avait eu le temps de réfléchir (commissaire Laut). Le commissaire Laut avait conclu ceci :

[traduction]

Il est probablement vrai que ses dépendances et ses problèmes de santé mentale ont joué un rôle, mais il n’y a pas de preuve selon laquelle il peut les contrôler. Il a été mis en liberté sous supervision par le passé, y compris juste avant sa plus récente déclaration de culpabilité, qui concernait l’usage de stupéfiants et de violence. Au moment où il a commis cette infraction, le système de justice pénale tentait de le réhabiliter depuis plus d’une décennie. Il avait déjà reçu un avertissement de l’ASFC en 2007, qui n’avait eu aucun effet. Je conclus que son comportement de longue date a davantage de force probante que ses mots et qu’il continue de présenter un danger.  

 

 

[39]           Le commissaire McCabe avait adopté les conclusions du commissaire Laut et avait de plus conclu que le défendeur n’avait pas [traduction] « assimilé » les procédés de traitement et les thérapies qu’il avait essayé, mais qu’il l’encourageait à [traduction] « continuer dans cette voie ». Le commissaire McCabe avait conclu ceci :

[traduction]

[…] en raison de l’absence de véritable progrès dans votre réhabilitation, vous êtes une personne qui nécessite une certaine forme de supervision stricte pour garantir que vous pouvez vous conformer à des conditions, y compris à la date qui sera retenue pour votre renvoi […] y compris votre possible renvoi du Canada vers la Somalie, et aussi pour faire contrepoids au très grand danger que vous présentez pour le public.

 

 

[40]           Selon les appréciations antérieures, le défendeur est une personne qui présente un danger très important pour le public et dont les gestes posés au cours des années sont plus révélateurs que ses propos voulant qu’il ait changé.

 

[41]           Personne ne nie que les activités criminelles du défendeur sont liées à ses dépendances et à sa santé, mais les commissaires qui s’étaient précédemment penchés sur son cas ont mis en doute sa volonté ou sa capacité (en tant qu’homme très dangereux) de changer ou de s’engager vers la voie de la réhabilitation.

 

[42]           Mon examen du dossier donne à penser que cet élément n’a pas été raisonnablement pris en compte par la commissaire Funston. Elle croit que le régime de traitement plus complet qui est proposé remédierait à l’élément de danger pour le public, car elle a conclu que la criminalité du défendeur s’expliquait par ses dépendances ainsi que par ses problèmes de santé mentale. Il se pourrait bien que, à un certain moment dans l’avenir, après que le défendeur aura réussi avec succès sa réhabilitation, que le danger sera amoindri ou écarté. Cependant, à ce stade-ci, la preuve donne à penser que le défendeur est un homme très dangereux qui n’a pas assimilé les thérapies antérieures et dont les gestes qu’il a commis au fil du temps sont plus convaincants que ses dires.

 

[43]           Je n’affirme pas qu’un plan de traitement allant dans le sens de celui qui a été proposé ne constituerait pas ce que le commissaire McCabe avait en tête lorsqu’il parlait d’une [traduction] « certaine forme de supervision stricte ». Mais ce dernier a aussi adopté les raisons avancées par ses collègues lors des contrôles antérieurs des motifs de détention, et ces raisons comprenaient notamment une appréciation de la probabilité que le défendeur réagisse aux programmes de réhabilitation, compte tenu de la violence extrême dont il avait fait preuve et des gestes qu’il avait commis au cours des années. Il faut tenir compte de cela dans l’appréciation du danger que le défendeur présente pour le public, dans l’éventualité où il serait mis en liberté pour suivre un programme de réhabilitation en établissement. L’omission de la commissaire Funston de soupeser et d’apprécier ce facteur rend sa décision déraisonnable.

 

Le risque de fuite

 

[44]           Quant au risque de fuite, la commissaire Funston a conclu que celui-ci n’était pas une préoccupation immédiate, parce qu’aucune décision relative au danger n’était en vue, et que, même si celle‑ci devait s’avérer défavorable au défendeur, il fallait aussi tenir compte du délai d’obtention des documents de voyage :

[traduction]

La perspective que vous soyez renvoyé est, à mon avis, encore probable à un certain point dans l’avenir, de sorte qu’il y a un facteur qui justifie un examen sérieux, puisqu’il existe, à mon avis, une solution de rechange fiable qui est proposée.

 

 

 

[45]           La question que la Cour doit trancher est de savoir si cette conclusion est raisonnable et appartient aux issues décrites au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir.

 

[46]           Je suis d’avis que la commissaire Funston n’a pas traité adéquatement de la question du risque de fuite et que cela fait en sorte que la décision est déraisonnable.

 

[47]           Je peux comprendre que le temps passé en détention soit un facteur qui doit être considéré lorsqu’on examine des solutions de rechange à la détention. Ce n’est toutefois pas un facteur qui est suffisant en soi.

 

[48]           Chaque commissaire s’étant précédemment penché sur la détention du défendeur a conclu que ce dernier représentait un grand risque de fuite. À titre d’exemple, le commissaire Laut a analysé, avec considérablement de détails, certains des facteurs en jeu dans le cas en l’espèce, aux pages 86 et 87 du dossier certifié du tribunal.

 

[49]           La commissaire Funston n’a tout simplement pas repris ni analysé ces facteurs. En fait, je ne peux déceler aucune conclusion claire de sa part quant à cette question, et mon interprétation du dossier ne m’indique pas pourquoi elle croyait que ces circonstances avaient changé depuis, par exemple, l’analyse et la décision du commissaire Laut. De plus, certains facteurs pertinents prévus à l’article 245 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés ne sont ni mentionnés, ni examinés.

 

[50]           Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier, et la Cour est du même avis.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande est accueillie. La décision de la commissaire Funston est annulée, et l’affaire est renvoyée pour nouvel examen.

2.                  Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-11131-12

 

INTITULÉ :                                      LA MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

                                                            -   et   -

 

                                                              ABDURAHMAN IBRAHIM HASSAN

                                                          

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 23 novembre 2012

                                                           

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Russell

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 23 novembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :   

 

Manuel Mendelzon                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Rachel Hepburn-Craig

 

                                                                                                                   

Carole Simone Dahan                                                             POUR LE DÉFENDEUR                                 

 

                               

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :    

 

William F. Pentney                                                                            

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)                                                                    POUR LE DEMANDEUR

 

Bureau du droit des réfugiés

Toronto (Ontario)                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

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