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Date : 20121123

Dossier : IMM‑1582‑12

Référence : 2012 CF 1354

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 23 novembre 2012

En présence de monsieur le juge Manson

 

ENTRE :

 

ONOME JOSEPH IKEDE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Monsieur Onome Joseph Ikede [le demandeur] sollicite, conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], le contrôle judiciaire de la décision datée du 12 décembre 2011 par laquelle Mark Giralt, conseiller en immigration de la Section de l’immigration du Haut‑commissariat du Canada au Ghana [l’agent], a refusé la demande de résidence permanente au Canada du demandeur pour cause d’interdiction de territoire pendant une période de deux ans, en raison d’une présentation erronée dans sa demande de visa quant au fait qu’il était le père de deux enfants. Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision de l’agent.

 

I.          Contexte

[2]               Le demandeur, citoyen du Nigéria, a présenté en mai 2008 une demande de résidence permanente à titre de candidat provincial. Il a alors payé les frais de traitement de sa demande qui portait sur lui‑même, son épouse au moment de la demande et ses deux enfants à charge nés en 1985 et en 1986. L’épouse et les deux enfants vivent au Canada.

 

[3]               En janvier 2009, le demandeur a informé le bureau d’immigration qu’il était séparé de son épouse depuis juillet 2008. Celle‑ci a été retirée de la demande du demandeur en juin 2010.

 

[4]               En mars 2011, le demandeur a demandé que ses deux enfants vivant au Canada soient retirés de sa demande. Le bureau d’immigration a demandé des renseignements à jour pour vérifier la situation du demandeur à ce moment‑là.

 

[5]               En avril 2011, le bureau d’immigration a reçu une demande mise à jour qui faisait état de la séparation du demandeur et de son ancienne épouse et du retrait de ses deux enfants de sa demande.

 

[6]               En juin 2011, le demandeur a demandé que ses deux filles en bas âge, Onanefe et Oniefe, nées respectivement le 14 septembre 2008 et le 5 avril 2010, ainsi que sa conjointe Enite (la mère des filles), née le 8 février 1983, l’accompagnent au Canada.

 

[7]               L’agent qui a examiné le dossier a constaté certaines anomalies dans le dossier du demandeur et a envoyé à celui‑ci une lettre d’équité procédurale le 13 juin 2011, demandant des éclaircissements quant à l’omission de mentionner ses deux filles en bas âge jusqu’à ce moment‑là.

 

[8]               L’agent a examiné la réponse du demandeur, reçue en août 2011, et a estimé que l’explication n’était pas crédible, car elle était incompatible avec le message que le demandeur avait envoyé dans sa correspondance de juin 2011. Plus précisément, le demandeur ne mentionnait alors aucune préoccupation en matière de paternité relativement à Onanefe Miriam Ikede et à Oniefe Lisa Marie Ikede. Or, dans la réponse qu’il a présentée au mois d’août 2011, le demandeur a indiqué qu’il n’avait pas inclus les enfants à cause d’une telle préoccupation.

 

[9]               L’affaire a été renvoyée pour examen en vue d’un refus en raison de la présentation erronée concernant les enfants, et la demande a été rejetée le 12 décembre 2011. L’agent a déclaré que la fausse déclaration ou la réticence sur ce fait a entraîné ou a risqué d’entraîner des erreurs dans l’application de la LIPR. En effet, le fait de s’appuyer sur ces renseignements aurait pu mener les autorités à conclure que le demandeur avait déclaré tous les membres de sa famille, comme il était tenu de le faire pour que son admissibilité à la résidence permanente puisse être évaluée.

 

[10]           La décision portait sur l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, qui prévoit que la résidence permanente est refusée, pour cause d’interdiction de territoire, pour fausses déclarations s’il fait, directement ou indirectement, une présentation erronée sur un fait important, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR.

 

II.        Questions en litige

[11]           Le demandeur soulève les questions suivantes dans la demande de contrôle judiciaire :

a.                   L’agent a‑t‑il commis une erreur dans son évaluation de l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et le statut de réfugié [le Règlement]?

b.                  L’agent a‑t‑il tiré une conclusion avant d’avoir examiné au complet la demande de résidence permanente du demandeur?

c.                   L’agent a‑t‑il porté atteinte au droit du demandeur à une audience équitable ou a‑t‑il manqué aux principes de justice naturelle?

d.                  L’agent a‑t‑il omis de prendre en compte l’objectif énoncé dans la LIPR?

 

[12]           Après avoir lu le mémoire du demandeur, je reformule comme suit les deux questions principales :

a.                   L’agent a‑t‑il commis une erreur dans son appréciation de la preuve, particulièrement en ce qui a trait à sa conclusion quant à l’absence de crédibilité?

b.                  L’agent a‑t‑il porté atteinte au droit du demandeur à une audience équitable et a‑t‑il manqué aux principes de justice naturelle?

 

III.       Norme de contrôle

[13]           Les avocats des deux parties conviennent que la norme de contrôle applicable à la question relative à l’appréciation de la preuve par la Commission est celle de la raisonnabilité (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47 [arrêt Dunsmuir]) et qu’en ce qui a trait à la question de l’équité procédurale, la norme applicable est celle de la décision correcte (Malik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1283, [2009] ACF no 1643, au paragraphe 23; Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 302, [2009] ACF no 676, au paragraphe 11).

 

[14]           La Cour doit, lorsqu’elle contrôle une décision en fonction de la norme de la raisonnabilité, s’attacher « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59). La Cour ne devrait intervenir que si elle conclut que la décision contestée est déraisonnable et n’appartient pas aux issues possibles acceptables.

 

IV.       Analyse

A.        L’agent a‑t‑il commis une erreur dans son appréciation de la preuve?

[15]           Le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en déclarant que les renseignements fournis par le demandeur étaient susceptibles d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR, étant donné qu’ils ne contenaient pas la mise à jour concernant le fait qu’il était le père de deux enfants et vu le moment où le bureau a finalement informé de cette mise à jour, et que l’explication du demandeur n’était donc pas crédible.

 

[16]           Les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration [les notes du STIDI] indiquent que le demandeur n’a inclus ni ses enfants Onanefe Miriam Ikede et Oniefe Lisa Ikede ni leur mère dans le formulaire IMM008 qu’il a rempli en avril 2011, nonobstant le fait que l’une des enfants est née le 14 septembre 2008 et l’autre, en 2010. Le demandeur a reconnu pour la première fois les enfants et leur mère dans une lettre datée du 11 juin 2011, après avoir reçu une lettre d’équité procédurale.

 

[17]           Dans un courriel daté du 1er août 2011, le demandeur a expliqué qu’il n’avait pas communiqué plus tôt l’existence des deux enfants et de sa conjointe parce que la mère des enfants et lui n’étaient pas mariés. De plus, il n’a pas reconnu la filiation des enfants à leur naissance parce qu’il avait des doutes sur sa paternité, car la mère et lui ne résidaient pas ensemble (même s’ils avaient des relations sexuelles). L’agent a également estimé que le demandeur semblait avoir fait une présentation erronée de la composition de sa famille en omettant de déclarer sa fille aînée Miriam Ikede dans le formulaire intitulé « Informations sur la famille » qu’il a présenté et qui est daté du 8 avril 2009, alors que sa fille était déjà née, son année de naissance étant 2008.

 

[18]           L’agent a conclu que ces renseignements étaient importants, car ils auraient pu entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. En effet, sans la connaissance de l’existence des deux filles, il n’aurait pas effectué un contrôle de tous les membres de la famille dans le cadre de la demande et n’aurait pas été en mesure de prendre une décision exacte quant à l’interdiction de territoire.

 

[19]           Les avocats conviennent que l’expression « à l’époque où cette demande […] a été faite » figurant à l’alinéa 117(9)d) du Règlement renvoie au moment où le demandeur présente sa demande de visa et se poursuit jusqu’au moment où le demandeur obtient le droit d’entrée au Canada comme résident permanent au point d’entrée (voir dela Fuente c Canada (MCI), 2006 CAF 186, [2006] ACF no 774). Les modifications que le demandeur a apportées à la composition de sa famille ont donc été fournies au cours de cette période, et non après l’obtention du statut de résident permanent par le demandeur. L’avocat du demandeur a essentiellement soutenu que les conclusions de l’agent en matière de crédibilité étaient erronées parce qu’il a omis de prendre en compte les explications raisonnables du demandeur quant au retard à reconnaître ses deux enfants et sa conjointe. Il a également fait valoir que, même si la crédibilité du demandeur était minée, l’agent avait l’obligation de lui permettre de fournir des explications supplémentaires concernant la reconnaissance tardive de ses enfants et de leur mère dans le cadre d’une audience.

 

[20]           Comme cela a été indiqué, les conclusions de l’agent en matière de crédibilité sont assujetties à la norme de contrôle qui commande la plus grande de déférence, soit la norme de la raisonnabilité. En effet, la Cour a conclu que la Commission avait une expertise bien établie pour trancher les questions de fait, particulièrement en ce qui concerne l’appréciation de la crédibilité (voir Rahaman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 1800, 101 ACWS (3d) 140, au paragraphe 38 (QL) (1re inst); Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425, 157 FTR 35, au paragraphe 14). En l’espèce, les conclusions de l’agent en matière de crédibilité étaient étayées par la preuve qui lui avait été présentée et étaient par conséquent raisonnables. De plus, il est loisible à l’agent de rejeter les explications du demandeur. Comme je l’ai mentionné précédemment, l’omission du demandeur de faire valoir ses meilleurs arguments lorsqu’il en avait la possibilité, en ne se contentant pas de reconnaître ses enfants, mais en expliquant également la raison pour laquelle il ne les a pas incluses plus tôt dans sa demande, rend raisonnables les conclusions de l’agent.

 

[21]           En outre, comme l’énonce Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, [1999] ACS no 39, une audience n’est pas toujours nécessaire et, même aux termes de l’obligation d’équité procédurale, il n’existe pas de droit absolu à une audience, et l’omission d’en tenir une ne constitue pas nécessairement un problème au regard de l’équité procédurale. La question est de savoir si une audience est nécessaire pour fournir aux parties une possibilité raisonnable de faire valoir leur cause de façon efficace. En l’espèce, l’audience n’était pas nécessaire.

 

B.        L’agent a‑t‑il porté atteinte au droit du demandeur à une audience équitable ou a‑t‑il manqué aux principes de justice naturelle?

[22]           Le demandeur soutient que l’agent a agi de façon inéquitable ou déraisonnable en ne l’informant pas des réserves ou des préoccupations qu’il avait au sujet de son dossier, en concluant que le demandeur n’était pas crédible en ce qui a trait à ses deux enfants et à sa conjointe, étant donné le moment choisi pour divulguer ces renseignements. Personne ne conteste qu’un agent devrait accorder à un demandeur la possibilité de répondre à des doutes quant à la crédibilité, soit en menant une entrevue ou en envoyant au demandeur une lettre exprimant ses préoccupations pour que celles‑ci puissent être abordées, mais, en l’espèce, l’agent a effectivement donné une telle possibilité au demandeur.

 

[23]           Compte tenu du fait que l’explication fournie a été considérée comme non crédible, l’agent n’avait pas l’obligation d’offrir au demandeur une autre possibilité de donner des explications ou de répondre à ses préoccupations. Il incombe au demandeur d’établir qu’il n’était pas interdit de territoire (voir Shi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1224, [2005] ACF no 1490, au paragraphe 16). Puisque le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve convaincant en réponse à la lettre d’équité procédurale, l’agent n’a commis aucun manquement à l’équité procédurale.

 

[24]           Aucune partie n’a proposé de question aux fins de certification, bien que l’avocat du demandeur ait demandé à la Cour d’examiner une question possible formulée sous réserve, à savoir :

[traduction] Dans le cas où une question de crédibilité est soulevée à l’égard d’une demande de visa présentée par un demandeur, ce dernier a‑t‑il droit à une audience?

 

 

[25]           Dans plusieurs décisions, la Cour a répondu à cette question par la négative et, par conséquent, j’estime qu’il n’est pas approprié de la certifier.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur est rejetée.

 

 

« Michael D. Manson »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑1582‑12

 

INTITULÉ :                                                  Onome Joseph Ikede c MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 20 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 23 novembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kingsley Jesuorobo

 

Pour lE DEMANDEUR

 

Alexis Singer

 

Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kingsley I. Jesuorobo

Avocat

North York (Ontario)

 

Pour lE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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