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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20121121

Dossier : T-412-11

Référence : 2012 CF 1344

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 novembre 2012

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

CONSEIL CANADIEN DES INGÉNIEURS

 

demandeur

 

et

 

KELLY PROPERTIES, LLC

 

défenderesse

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le présent appel est fondé sur l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi), et vise la décision du 23 décembre 2010 par laquelle une agente d’audience du Bureau du registraire des marques de commerce (l’agente) a rejeté l’opposition formée par le Conseil canadien des ingénieurs à l’encontre de la demande no 1 220 370, présentée par la défenderesse relativement à la marque de commerce KELLY ENGINEERING RESOURCES (la marque de commerce). Cette décision reposait sur la conclusion de l’agente suivant laquelle aucun des motifs d’opposition soulevés par l’appelant à l’encontre de l’enregistrement de la marque de commerce ne pouvait être retenu.

 

[2]               Dans son avis de demande, le Conseil canadien des ingénieurs a demandé les mesures de réparation suivantes :

1.         une ordonnance rendue à l’issue de l’appel, conformément à l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, annulant la décision par laquelle le registraire des marques de commerce a rejeté l’opposition du Conseil canadien des ingénieurs à la demande no 1 220 370;

2.         les dépens qu’il a engagés dans la présente demande;

3.         toute autre réparation que la Cour jugera opportun d’accorder.

 

[3]               Dans son mémoire des faits et du droit, le Conseil canadien des ingénieurs a demandé les mesures de réparation suivantes :

1.         un jugement déclarant que le registraire des marques de commerce a eu tort de rejeter l’opposition du Conseil à la demande no 1 220 370 concernant la marque de commerce KELLY ENGINEERING RESOURCES;

2.         une ordonnance infirmant la décision du registraire des marques de commerce et portant que la marque de commerce KELLY ENGINEERING RESOURCES n’était pas employée au Canada à la date de premier emploi revendiquée dans la demande de marque de commerce, que Kelly Properties, LLC n’a pas établi la validité de sa demande au titre de l’article 14 de la Loi sur les marques de commerce, que la marque de commerce visée donne une description fausse et trompeuse et donc n’est pas enregistrable, et que la marque de commerce KELLY ENGINEERING RESOURCES n’était pas distinctive des services de Kelly Properties, LLC à la date pertinente;

3.         une ordonnance rejetant la demande d’enregistrement no 1 220 370 produite en liaison avec la marque de commerce KELLY ENGINEERING RESOURCES;

4.         les dépens afférents à la présente demande.

 

Contexte

[4]               Dans le présent appel, l’appelant est le Conseil canadien des ingénieurs (le CCI, l’appelant ou le demandeur). Le CCI représente les associations provinciales et territoriales d’ingénieurs (les associations constituantes) légalement habilitées à délivrer des licences d’ingénieurs et à réglementer cette profession au Canada. Dans onze de ces provinces ou territoires, les entreprises qui offrent des services d’ingénierie doivent être autorisées à cet effet (au moyen de certificats ou de permis).

 

[5]               Au nom de ses associations constituantes, l’appelant s’oppose aux demandes de marques de commerce dans lesquelles des individus ou des sociétés, qui ne sont pas qualifiés pour pratiquer la profession d’ingénieur, sont pourtant désignés comme tels. L’appelant le fait afin d’empêcher l’utilisation d’un nom, d’un titre, d’une description ou d’une désignation qui pourrait amener le public à penser que le titulaire de la marque de commerce est autorisé à pratiquer la profession d’ingénieur au Canada ou qu’il est qualifié pour ce faire, alors que ce n’est pas le cas, et protéger ainsi la sécurité et le bien‑être du public.

 

[6]               La défenderesse, Kelly Properties LLC, est une filiale en propriété exclusive de Kelly Services, une entreprise américaine offrant des services de placement de personnel. Pour répondre à des besoins en personnel spécialisé, la défenderesse a créé des divisions pour divers domaines d’emploi, lesquelles offrent aux entreprises de recruter des [traduction] « ingénieurs, des concepteurs, des dessinateurs et des techniciens qualifiés », d’où la marque de commerce en cause dans la présente affaire. La défenderesse n’est autorisée à pratiquer la profession d’ingénieur au Canada.

 

[7]               Les parties à la présente demande ont déjà comparu devant la Commission des oppositions des marques de commerce (COMC) relativement à la même marque de commerce (voir Conseil canadien des ingénieurs c Kelly Properties Inc, [2004] COMC no 68, 37 CPR (4th) 537). Cette affaire concernait la demande d’enregistrement de la marque de commerce présentée par la défenderesse en janvier 1999, sur la base d’un emploi projeté au Canada. Le CCI s’est opposé à la demande en vertu des articles 10 et 30, du sous-alinéa 9(1)n)(iii) et des alinéas 12(1)a) et 12(1)b) de la Loi. La COMC a rejeté ces motifs d’opposition, mais a conclu néanmoins que la marque de commerce n’était pas distinctive. La décision n’a pas été portée en appel et la marque de commerce n’a donc pas été enregistrée.

 

[8]               Le 15 juin 2004, la défenderesse a produit une nouvelle demande d’enregistrement de sa marque de commerce fondée sur son emploi au Canada depuis avril 1999, ainsi que sur l’emploi et l’enregistrement de la marque aux États-Unis. Les services associés à la marque de commerce ont été décrits comme suit (les services énumérés) :

Services de placement, nommément fourniture d’employés temporaires, d’employés occasionnels jusqu’à temps plein et d’employés à temps plein possédant des compétences, une éducation et/ou une formation techniques spécialisées.

 

 

 

[9]               Le 6 décembre 2005, la défenderesse a modifié sa demande en y ajoutant un motif d’enregistrement fondé sur l’article 14 de la Loi (la demande et la modification étant appelées ci-après « la demande »).

 

[10]           La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 29 décembre 2004. Le 24 février 2005, l’appelant a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande. Le 21 décembre 2007, il a demandé l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition pour y ajouter un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi. Cette demande a été acceptée le 10 mars 2008.

 

[11]           Les motifs d’opposition invoqués par l’appelant sont tous résumés ci-après. La marque de commerce :

- ne respecte pas l’alinéa 30i) de la Loi;

- ne respecte pas l’alinéa 30b) étant donné qu’elle n’était pas été utilisée au Canada en liaison avec les services énumérés à la date de premier emploi revendiquée.

- n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa 12(1)b) de la Loi étant donné qu’elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse;

- n’est pas enregistrable en raison de l’article 14 étant donné qu’elle est dépourvue de caractère distinctif, qu’elle est contraire à l’ordre public et qu’elle est de nature à tromper le public;

- n’est pas enregistrable et son adoption est interdite aux termes de l’alinéa 12(1)e) et de l’article 10 de la Loi;

- n’est pas distinctive au sens de l’alinéa 38(2)d) et de l’article 2 de la Loi.

 

[12]           La défenderesse a produit une contre-déclaration le 6 avril 2005, et une contre-déclaration modifiée le 16 janvier 2009.

 

La décision de l’agente

[13]           L’agente a rendu sa décision le 23 décembre 2010.

 

[14]           Après avoir brièvement rappelé la chronologie des actes de procédures produits par les parties et résumé les motifs d’opposition, l’agente a abordé la question du fardeau de la preuve. Elle a noté qu’il incombait d’abord à l’opposant (l’appelant dans le présent appel) de produire assez d’éléments de preuve admissibles permettant raisonnablement de conclure que les faits invoqués à l’appui de chaque motif d’opposition existent. Une fois ce fardeau acquitté, la requérante (la défenderesse dans le présent appel) devait alors prouver selon la prépondérance des probabilités que les motifs d’opposition ne faisaient pas obstacle à l’enregistrement de sa marque de commerce.

 

[15]           L’agente a précisé les dates pertinentes pour la demande :

- la date de production de la demande, pour l’application des alinéas 12(1)b) et 30i) de la Loi : 15 juin 2004;

- la date de premier emploi revendiquée dans la demande, pour l’application de l’alinéa 30b) de la Loi : avril 1999;

- la date de la décision, pour l’application de l’alinéa 12(1)e) et de l’article 14 de la Loi : 23 décembre 2010;

- la date de production de la déclaration d’opposition relativement au motif lié à l’absence de caractère distinctif : 10 mars 2005.

 

Examen de la prevue

 

[16]           L’agente a ensuite résumé les affidavits déposés par les deux parties, et formulé quelques observations à leur sujet. S’agissant d’abord de la preuve de l’appelant, elle a noté que la défenderesse contestait l’essentiel du contenu de l’affidavit no 2 de Deborah Eatherley. L’agente a toutefois estimé que les sites Web de l’université devaient être considérés comme des sources de renseignements dignes de foi pour ce qui était de ses listes de cours. Elle a donc accordé un certain poids à cet élément de preuve, mais a conclu en définitive qu’il n’était pas déterminant.

 

[17]           L’agente a ensuite examiné l’affidavit de John Kizas. En ce qui concerne les lois relatives à la profession d’ingénieur au Canada citées par M. Kizas, elle a fait observer que les dispositions pertinentes interdisent aux individus de pratiquer l’ingénierie ou d’employer un terme susceptible de faire croire au public que les services offerts relèvent de la pratique de l’ingénierie. Elle a toutefois noté qu’aucune disposition ne semble interdire l’utilisation du mot « engineering » dans une marque de commerce lorsque celle-ci n’amène pas le consommateur à penser que les services qui y sont associés sont des services d’ingénierie ou des services exécutés par un ingénieur. En ce qui a trait à la législation régissant les dénominations sociales et les noms commerciaux, l’agente signale que les dispositions pertinentes n’établissent pas de règles à l’égard des marques de commerce.

 

[18]           Passant à la preuve de la défenderesse, l’agente a ensuite examiné l’affidavit de John W. Lichtenberg qui présentait l’historique de la défenderesse et de ses activités. L’agente a noté que la date d’enregistrement du droit d’auteur du matériel promotionnel arborant la marque de commerce était 2002, mais qu’aucune preuve ne permettait de conclure que ce matériel ait jamais été distribué au Canada. Elle a également mentionné les extraits de quatre magazines, publiés en avril 1999 et diffusés au Canada d’après M. Lichtenberg, et a fait observer qu’il s’agissait apparemment de revues américaines.

 

[19]           L’agente a souligné que lorsqu’on lui a demandé durant le contre-interrogatoire de produire une preuve établissant que la défenderesse avait effectivement fourni les services énumérés dans la demande en date d’avril 1999, et que la marque de commerce était utilisée au Canada en date du mois d’avril 1999 et du 15 juin 2004, M. Lichtenberg a refusé de répondre à ces questions au motif qu’elles n’étaient pas pertinentes étant donné qu’à cette époque, la déclaration d’opposition ne renfermait aucun motif fondé sur l’alinéa 30b). Il a soumis des exemples d’annonces publicitaires employant la marque de commerce, parues dans des publications diffusées au Canada en 2004. Bien que l’appelant ait contesté les renseignements produits par l’agence de publicité de la défenderesse quant au tirage canadien approximatif de ces magazines, l’agente leur a accordé un certain poids, estimant qu’il était raisonnable de présumer que les agences de ce type pouvaient les obtenir dans le cours normal de leurs activités, et qu’ils relevaient de la compétence de M. Lichtenberg en tant que vice-président de la gestion du marketing.

 

[20]           L’agente a pris acte de la preuve de M. Lichtenberg touchant l’utilisation de la marque de commerce sur des sites Web de tierces parties annonçant des occasions d’emploi, signalant toutefois que ces sites n’annonçaient aucun poste au Canada. De même, un échantillon de brochure diffusée par publipostage et affichant la marque de commerce, et des articles de tierces parties qui y faisaient référence, ne prouvaient pas qu’ils avaient été distribués au Canada. Quant aux rapports annuels joints à l’affidavit de M. Lichtenberg, l’agente a noté qu’ils ne mentionnaient pas expressément les services fournis en liaison avec la marque de commerce, mais qu’ils faisaient état de l’ouverture d’un bureau à Toronto en 1998.

 

[21]           L’agente s’est ensuite penchée sur les affidavits (nos 1 et 2) de Karin French. Le second affidavit de Mme French a été produit en réponse à l’ajout du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b). Pour l’agente, la preuve de Mme French se rapportait davantage à des faits survenus au Canada que celle de M. Lichtenberg. Mme French a déclaré que les services de placement de la marque Kelly sont offerts au Canada depuis au moins 1968 et que la défenderesse détenait seize enregistrements de marque de commerce au Canada en liaison avec de tels services. Elle a ajouté que les usagers canadiens y avaient accès à partir du site Web de la défenderesse depuis au moins 1999. Bien que les appels de fichier effectués par des usagers au Canada n’aient été compilés qu’à partir de 2003, Mme French a indiqué qu’ils s’élevaient à 110 947 en 2003, à 92 955 en 2004 et à plus de 60 000 par an de 2005 à 2008.

 

[22]           L’agente a également examiné l’affidavit de Julianne Norris, une adjointe juridique ayant obtenu des copies certifiées conformes des enregistrements canadiens de diverses marques de commerce Kelly. L’agente a noté que ces enregistrements se rapportaient tous à des services de placement de personnel. Dans certains cas, les services étaient décrits de manière plus distinctive et ciblaient un domaine d’emploi particulier. Par ailleurs, Lisa Saltzman, directrice du service d’information sur les marques de commerce d’une entreprise spécialisée dans la recherche de dénominations sociales, a expliqué dans son affidavit que le terme Kelly avait un sens technique dans le secteur minier, qu’il renvoyait à un nom de lieu au Canada, et qu’il était abondamment employé comme prénom. Jane Griffith a également effectué des recherches sur le sens du mot Kelly. Le contenu de son affidavit était comparable à celui de Mme Saltzman. Mme Griffith y relevait des définitions techniques de « kelly », et le fait que le terme est utilisé comme prénom et pour désigner des endroits.

 

[23]           L’agente a ensuite abordé la preuve de l’appelant soumise en vertu des articles 43 et 44 du Règlement. L’affidavit de Leslie Kirk était accompagné de versions archivées du site Web www.kellyengineering.com. L’agente a mentionné qu’il avait été reconnu par la jurisprudence que la source des documents ainsi obtenus par Mme Kirk était généralement fiable. Les versions archivées du site Web couvrant la période allant du 29 mai 2002 au 28 avril 2007 affichaient toutes bien en évidence la marque de commerce. Cependant, le Canada n’apparaissait pas dans le menu déroulant des pays où les services étaient proposés aux usagers. L’agente a néanmoins déclaré que les renseignements sur les services indiquaient que la défenderesse les offrait dans le monde entier. L’agente a également relevé la preuve de Mme Kirk concernant les inscriptions figurant dans la catégorie emploi des Pages jaunes de Toronto, pour les années 1998-1999 jusqu’à 2007-2008. Chaque version annuelle contenait au moins une référence aux services Kelly, mais la marque de commerce n’apparaissait sur aucune de ces pages.

 

[24]           Après avoir examiné la preuve des parties, l’agente a analysé les motifs d’opposition avancés par l’appelant.

 

Opposition fondée sur l’alinéa 30i) de la Loi

[25]           L’agente a rejeté le motif d’opposition de l’appelant fondé sur les alinéas 38(2)a) et 30i) de la Loi, estimant que les faits et la preuve susceptibles de corroborer la mauvaise foi de la défenderesse étaient insuffisants. Elle a accepté l’argument de cette dernière voulant que les allégations d’infractions à des lois provinciales ne puissent constituer des motifs au titre de l’alinéa 30i). L’agente a également estimé que l’appelant n’avait présenté aucune preuve tendant à indiquer que la défenderesse prétendait pratiquer la profession d’ingénieur, et a rappelé que ce motif avait déjà été rejeté par la COMC dans Kelly Properties (2004), précitée.

 

Opposition fondée sur l’alinéa 30b) de la Loi

[26]           L’agente a noté que les alinéas 38(2)a) et 30b) de la Loi exigent de la requérante qu’elle ait employé de façon continue sa marque de commerce en liaison avec les services décrits dans sa demande, depuis la date de premier emploi revendiquée jusqu’à celle du dépôt de la demande de marque de commerce. Elle a cité la jurisprudence concernant le fardeau de preuve lié à ces dispositions, et fait observer qu’une partie qui s’oppose à une marque de commerce peut s’appuyer sur sa propre preuve comme sur celle de la requérante pour établir la non-conformité à l’alinéa 30b) de la Loi. Dans ce dernier cas, toutefois, l’opposante doit établir que la preuve de la requérante est nettement incompatible avec les allégations qu’elle formule.

 

[27]           L’agente a pris note des observations de l’appelant selon lesquelles le Canada n’apparaissait pas dans le menu déroulant des pays sur le site Web de la défenderesse, estimant toutefois que cela n’était pas nettement incompatible avec la date de premier emploi revendiquée par celle-ci étant donné que sa demande se fondait sur l’usage fait dans des publications. L’agente n’était pas davantage convaincue que l’absence du Canada dans le menu déroulant prouvait catégoriquement que les services n’étaient pas offerts aux usagers de ce pays. Compte tenu des annonces parues dans la presse écrite, de la déclaration de Mme French et de l’existence du bureau à Toronto, l’agente ne disposait pas d’éléments manifestement incompatibles avec la prétention que la défenderesse était en mesure d’offrir ses services en liaison avec la marque de commerce au mois d’avril 1999 et, par la suite, de façon continue. L’agente a donc également rejeté ce motif d’opposition.

 

Opposition fondée sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi

[28]           L’appelant a fait valoir en l’occurrence que la marque de commerce donnait une description claire ou une description fausse et trompeuse des services d’ingénierie. L’agente a indiqué que cette question devait être examinée du point de vue de l’acheteur ordinaire des marchandises associées à la marque. Elle a de plus précisé qu’il ne s’agissait pas de scruter chacun des éléments constitutifs de la marque, celle‑ci devant plutôt être considérée dans son ensemble et sous l’angle de la première impression qui s’en dégage en liaison avec les services énumérés.

 

[29]           L’agente a conclu que la marque de commerce ne possédait pas un caractère distinctif très marqué, mais qu’elle ne contrevenait pas pour autant à l’alinéa 12(1)b) de la Loi. Elle a estimé que la marque n’indiquait pas de façon claire ni de façon fausse ou trompeuse que la défenderesse était une firme d’ingénieurs ou qu’elle offrait des services d’ingénierie. D’après elle, la marque donnait à penser que Kelly propose des ressources à ceux qui cherchent un emploi dans le domaine de l’ingénierie, ou bien à des firmes d’ingénierie cherchant à recruter du personnel, pouvant être, mais pas nécessairement, des ingénieurs.

 

[30]           L’agente a établi une distinction entre les faits de la présente affaire et ceux de l’affaire Conseil canadien des ingénieurs c Krebs Engineers, [1996] COMC no 93, 69 CPR (3d) 267. Dans ce dernier cas, il a été établi que la marque de commerce donnait une description claire ou une description trompeuse des personnes employées en vue de la production des marchandises visées par la demande. En distinguant les deux affaires, l’agente a mentionné que la marque de commerce en cause en l’espèce se rapportait à des services et non à des marchandises, et que les services concernés n’étaient pas propres aux ingénieurs. De plus, l’élément contesté de la marque de commerce ne décrit pas les personnes chargées d’exécuter ou de fournir les services.

 

[31]           L’agente a également établi une distinction avec l’affaire Conseil canadien des ingénieurs c John Brooks Co, 2004 CF 586, [2004] ACF no 720, dans laquelle la marque de commerce contestée contenait le terme engineers, ce qui rendait plus probable qu’un consommateur présume que les services en cause étaient offerts par des ingénieurs. L’agente a noté que dans le cas présent, la marque de commerce ne contenait que le terme engineering, et que les services de placement de personnel n’étaient pas le type de services techniques que l’on s’attendait que des ingénieurs fournissent. Par ailleurs, le mot resources était aussi important que celui d’engineering dans la marque de commerce. L’agente a donc conclu que celle‑ci ne contrevenait pas à l’alinéa 12(1)b) de la Loi. C’est pourquoi elle a jugé qu’il n’y avait pas lieu de se demander si la marque de commerce était enregistrable aux termes de l’article 14 de la Loi.

 

Opposition fondée sur l’alinéa 12(1)e) et sur l’article 10 de la Loi

[32]           S’agissant de ce motif d’opposition, l’appelant alléguait que le terme engineering était reconnu au Canada comme désignant des services fournis par des ingénieurs. L’agente a fait remarquer, cependant, que le terme engineering contenu dans la marque de commerce était employé en liaison avec des services de placement de personnel, plutôt qu’avec des services relevant de la même catégorie générale que ceux qui sont offerts par des ingénieurs autorisés. Elle a rappelé que l’emploi des termes engineering et resources dans le contexte des services de placement ne risquait pas de porter à confusion, et a ajouté que rien ne démontrait que le terme engineering était devenu connu au Canada comme désignant le genre, la qualité ou la valeur de services de placement de personnel. L’agente a donc également rejeté ce motif d’opposition.

 

Opposition fondée sur l’alinéa 38(2)d) et sur l’article 2 de la Loi

[33]           En ce qui concerne ce dernier motif, l’agente a noté que la date pertinente était celle de la production de l’opposition, à savoir le 22 février 2005. En l’occurrence, c’est à la partie opposante qu’il incombe habituellement de démontrer que la marque ne saurait avoir un caractère distinctif compte tenu de l’usage qu’elle ou un tiers en a fait. Or, la demande reposait sur l’argument voulant que la marque de commerce ne possède aucun caractère distinctif et qu’elle ne permette pas de distinguer les services fournis en liaison avec le nom Kelly de ceux offerts par d’autres personnes qui pourraient avoir le même nom.

 

[34]           L’agente a jugé important que la défenderesse ait produit une preuve concernant la promotion et la vente de services sous le nom de Kelly au Canada et dans le monde. Elle a également estimé que le nombre important d’appels de fichier faits sur le site Web de la défenderesse par des usagers au Canada était un élément concluant. Eu égard à la preuve établissant que Kelly Services était une grande entreprise de placement internationale, l’agente a conclu que le terme Kelly avait acquis un caractère distinctif tel que la marque de commerce, dans son ensemble, permettait de distinguer les services de la défenderesse des services comparables offerts par d’autres personnes. L’agente a donc conclu que ce motif d’opposition devait également être rejeté.

 

[35]           N’ayant retenu aucun des motifs d’opposition soulevés à l’encontre de l’enregistrement de la marque de commerce, l’agente a rejeté l’opposition de l’appelant en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

Les questions en litige

[36]           L’appelant soumet les points litigieux suivants :

1.         Il a produit dans la présente instance de nouveaux éléments de preuve quant au fond, contrairement à la défenderesse. Compte tenu de ces nouveaux éléments, qui n’ont pas été contestés au moyen d’un contre-interrogatoire ou d’une contre-preuve, quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de l’agente?

2.         Motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30b) de la Loi :

a)         L’appelant a produit des éléments de preuve, devant l’agente et devant la Cour, pour contester la date de premier emploi revendiquée dans la demande. S’est-il acquitté du fardeau qui lui incombait de mettre en jeu l’exactitude de la date de premier emploi revendiquée?

b)         La défenderesse s’est-elle acquittée de son fardeau d’établir la date de premier emploi revendiquée au Canada?

c)         La défenderesse a-t-elle établi que sa marque de commerce possède un caractère distinctif suffisant au Canada pour lui permettre d’invoquer l’alinéa 14(1)b) de la Loi?

3.         Motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi :

a)         Compte tenu de la preuve, la marque de commerce est-elle non enregistrable au motif qu’elle donne une description fausse et trompeuse?

4.         Motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 38(2)d) de la Loi :

a)         Compte tenu de la preuve, la marque de commerce donne-t-elle une description fausse et trompeuse et, par conséquent, est-elle dépourvue de caractère distinctif?

b)         La défenderesse s’est-elle acquittée de son fardeau d’établir que sa marque de commerce est distinctive au Canada?

 

[37]           Je reformulerais les questions comme suit :

1.         Quelle est la norme de contrôle appropriée?

2.         L’agente a-t-elle commis une erreur en ce qui a trait à la date de premier emploi de la marque de commerce au titre de l’alinéa 30b) de la Loi?

3.         L’agente a-t-elle commis une erreur en ce qui a trait à la question de savoir si la marque de commerce donnait une description claire ou une description fausse et trompeuse au titre de l’alinéa 12(1)b) de la Loi?

4.         L’agente a-t-elle commis une erreur en ce qui a trait à la question de savoir si la marque de commerce était distinctive au titre de l’alinéa 38(2)d) et de l’article 2 de la Loi?

 

Les observations écrites de l’appelant

[38]           L’appelant fait valoir que la demande de la défenderesse contrevient aux alinéas 30b), 12(1)b) et 38(2)b) ainsi qu’aux articles 14 et 2 de la Loi.

 

Nouveaux éléments de preuve produits dans le cadre de l’appel

[39]           Dans le cadre du présent appel, l’appelant a déposé en preuve de nouveaux affidavits, soit ceux de Michael H. Neth, Kenneth C. McMartin, Stephen Haddock, Paul Barbeau et D. Jill Roberts. Il a mis l’accent sur les renseignements suivants.

 

[40]           Michael H. Neth est le directeur de la conformité de l’Association of Professional Engineers Geologists and Geophysicists of Alberta [Association des ingénieurs, géologues et géophysiciens de l’Alberta (APEGGA) ]. Il signale qu’en Alberta, les entreprises qui offrent des services professionnels d’ingénierie et font affaire sous un nom incluant le terme engineering, doivent détenir un permis d’exercice. M. Neth fait observer que la défenderesse ne détient pas un tel permis en Alberta.

 

[41]           M. Neth joint également à son affidavit les Lignes directrices sur la conformité de l’APEGGA à l’intention des agences de ressources humaines ou de placement (la politique de l’APEGGA). Cette politique permet de déterminer, à l’aide des indications suivantes, si les agences de ressources humaines ou de placement offrent des services professionnels d’ingénierie :

[traduction] Si les quatre critères suivants sont remplis, l’APEGGA estime que l’agence offre des services professionnels d’ingénierie, de géologie ou de géophysique en Alberta :

 

(i)         l’agence place un employé dans de telles conditions qu’une partie de son travail s’effectue en Alberta;

 

(ii)        les activités de l’employé (en Alberta) répondent à la définition de services professionnels d’ingénierie, de géologie ou de géophysique à l’article 1 de la EGGP Act [The Engineering, Geological and Geophysical Professions Act (loi régissant les professions d’ingénieur, de géologue et de géophysicien)];

 

(iii)       l’employé est un ingénieur, un géologue ou un géophysicien professionnel;

 

(iv)       le bénéficiaire des services professionnels (le client) verse à l’agence des honoraires pour les services, tandis que l’agence rémunère l’employé pour son travail.

 

 

 

[42]           M. Neth note que l’APEGGA a intenté deux actions contre des entreprises offrant des services dans le domaine des ressources humaines et du placement. L’une d’elles, Randstad Engineering, a obtenu en conséquence un permis valide d’exercice de la profession d’ingénieur en 2010. Quant à la deuxième, la défenderesse dans le présent appel, le dossier a été ouvert en octobre 2009. Cependant, comme il est difficile d’obtenir des non-membres des éléments de preuve convaincants, le dossier reste ouvert et non résolu. M. Neth indique aussi que les entreprises internationales provenant de pays qui ne protègent pas le titre d’ingénieur posent souvent problème. Il précise toutefois que les précédents établis ailleurs n’influencent pas l’application par l’APEGGA de sa loi en Alberta.

 

[43]           Kenneth C. McMartin est le directeur des affaires professionnelles et internationales de l’appelant. Il fait observer que les entreprises étrangères offrant des services d’ingénierie dans une province ou un territoire au Canada doivent obéir aux mêmes exigences légales fixées par les associations constituantes que les entreprises canadiennes.

 

[44]           Stephen Haddock est l’agent chargé de la conformité réglementaire de l’Ordre des ingénieurs de l’Ontario (OIO). Il indique que le nom de la défenderesse n’est pas inscrit comme dénomination sociale en Ontario et que la défenderesse n’a jamais obtenu de certificat l’autorisant à proposer ou à fournir des services professionnels d’ingénierie en Ontario.

 

[45]           Paul Barbeau est le président d’hyperNet Inc., une entreprise établie à Ottawa qui offre des services en liaison avec des sites Web régis par des bases de données et des applications Web personnalisées. Il a expliqué qu’un appel de fichier sur un site Web correspond au téléchargement d’un élément de logiciel ou d’un code du site. Chaque page visionnée implique de multiples appels de fichier. Ainsi, un appel ne représente pas une visite unique et isolée sur le site Web. Par ailleurs, de nombreux appels de fichier sont probablement attribuables à des programmes informatiques spécialisés autonomes connus sous le nom de robots ou d’araignées de recherche. Il n’est pas toujours possible de distinguer les visiteurs humains de ces programmes.

 

[46]           Compte tenu de la nature de la page Web de la défenderesse qui permet à un seul usager de consulter des annonces d’emploi récentes et mises à jour, M. Barbeau déclare que plus de mille appels de fichier peuvent être enregistrés pour un seul usager ayant effectué cinq visites sur le site. À cet égard, M. Barbeau joint un rapport des données téléchargées en une seule visite effectuée par lui sur le site Web de la défenderesse en 2011. On peut y voir que 44 appels de fichier provenaient de son adresse.

 

[47]           M. Barbeau explique qu’il a procédé à deux types de recherche concernant le site Web www.kellyengineeringresources.com. Une recherche sur le bottin Internet a révélé que ce nom de domaine avait été enregistré le 4 août 2003. La deuxième recherche, réalisée sur des bases de données non identifiées, indiquait que ce site Web a été visité pour la première fois par un robot de recherche le 7 février 2005.

 

[48]           Enfin, M. Barbeau déclare que le menu déroulant des pays sur un site Web est expressément conçu pour n’inclure que ceux dans lesquels les services sont offerts. Ainsi, si un pays ne figure pas sur cette liste, il est probable que les services n’y soient pas offerts.

 

[49]           Le 5 juillet 2011, D. Jill Roberts a découvert à l’issue d’une recherche que le nom de la défenderesse n’était pas inscrit comme dénomination sociale en Ontario.

Norme de contrôle

[50]           L’appelant soutient que dans le cadre d’un appel fondé sur l’article 56 de la Loi, le dossier de la Cour se compose de la preuve soumise à l’agent aussi bien que de tout nouvel élément déposé à la Cour. Il affirme que, dans ce contexte, la norme de contrôle applicable doit être déterminée ab initio. Ainsi, bien que les décisions des agents soient généralement soumises à la norme de la raisonnabilité, c’est la norme de la décision correcte qui s’applique lorsqu’il s’avère que les nouveaux éléments de preuve auraient sensiblement influé sur les conclusions de fait de l’agent ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. L’appelant prétend que les nouveaux éléments de preuve présentés dans le cadre du présent appel contiennent des renseignements inconnus de l’agente, et s’attachent à des questions juridiques et factuelles dont elle n’a pas tenu compte et qui auraient sensiblement influé sur sa décision.

 

[51]           L’appelant fait valoir en particulier que l’affidavit de M. Neth établit que les activités mentionnées dans la demande entrent dans la catégorie des services d’ingénierie pour lesquels la loi albertaine exige un permis d’exercice. L’affidavit de M. Neth établit également que la défenderesse ne détient pas de permis, et que la question de savoir si elle a enfreint la loi en se présentant comme une entreprise offrant des services d’ingénierie reste ouverte et non résolue. L’appelant ajoute que cet affidavit répond aux questions de l’agente pour ce qui est de savoir si la défenderesse peut être perçue comme un fournisseur de services d’ingénierie en proposant des services de placement dans ce secteur aux chercheurs d’emploi ou aux employeurs désireux d’engager des ingénieurs. L’appelant soutient donc que si l’agente avait disposé de l’affidavit de M. Neth, son analyse au titre de l’alinéa 12(1)b) de la Loi aurait été différente.

 

[52]           S’agissant de l’affidavit de M. Barbeau, l’appelant soutient qu’il confirme qu’un appel de fichier sur un site Web ne correspond pas à une visite unique et isolée sur ce site. Cet élément de preuve indique que les 100 000 appels de fichier annuels mentionnés dans la preuve de la défenderesse, et sur la base desquels le registraire a conclu que la marque de commerce était distinctive, pourrait en fait représenter aussi peu que 90 personnes et robots de recherche ayant accédé au site à partir du Canada. Selon l’appelant, cette preuve contredit directement le postulat énoncé dans la décision de l’agente quant au « nombre important d’appels de fichier faits sur le site Web [...] par des usagers canadiens ». En outre, l’appelant fait valoir que l’affidavit de M. Barbeau prouve l’importance du menu déroulant des pays sur un site Web lorsqu’il s’agit établir si des activités commerciales ont effectivement lieu dans un pays donné.

 

[53]           En résumé, l’appelant prétend que les nouveaux éléments de preuve, et en particulier les affidavits de MM. Neth et Barbeau, auraient sensiblement influé sur la décision de l’agente. Ces éléments répondaient directement aux préoccupations exprimées dans la décision et auraient donc mérité analyse et réflexion. La décision doit donc être contrôlée selon la norme de la décision correcte et la Cour doit procéder à sa propre analyse plutôt que de s’en remettre aux conclusions de l’agente.

 

[54]           Avant de passer aux autres questions, l’appelant signale qu’il convient d’ajouter foi aux nouveaux éléments de preuve puisqu’ils n’ont pas fait l’objet d’un contre-interrogatoire ou d’une contre-preuve par la défenderesse. Il ajoute que l’on peut tirer une inférence défavorable du fait que la défenderesse n’a pas mené de contre-interrogatoire ni présenté de nouveaux éléments de preuve visant à réfuter ceux de l’appelant.

 

Opposition fondée sur l’alinéa 30b) de la Loi

[55]           L’appelant soutient que l’agente a commis une erreur de fait et de droit en concluant que la défenderesse avait fourni la date de premier emploi de sa marque de commerce. La preuve produite par les deux parties dément l’allégation selon laquelle elle aurait employé la marque de commerce au Canada de manière continue depuis avril 1999. L’appelant note que l’emploi au sens du paragraphe 4(2) de la Loi signifie que les services doivent être rendus au Canada et que les services annoncés au pays doivent être exécutés ou à tout le moins offerts et prêts à être exécutés au Canada.

 

[56]           S’appuyant sur l’affidavit de M. Barbeau, l’appelant soutient qu’il est probable que les entreprises n’offrent pas leurs services dans les pays qui ne figurent pas sur la liste déroulante de leur site Web. Il note que le Canada n’est apparu sur le menu déroulant du site Web de la défenderesse qu’en avril 2007, bien après la date de premier emploi alléguée. D’après lui, cet élément de preuve satisfait au léger fardeau qui lui incombe d’établir les faits au titre de l’alinéa 30b) de la Loi lorsque l’opposante se sert de sa propre preuve pour contester la marque de commerce.

 

[57]           L’appelant fait aussi valoir qu’une opposante à une marque de commerce peut s’appuyer sur la preuve de la requérante pour s’acquitter du fardeau minimal qui lui incombe à cet égard. Ainsi, il note que les documents internes de la défenderesse ne mentionnent pas le Canada en liaison avec la marque de commerce. Il souligne également que la défenderesse a refusé, durant le contre-interrogatoire, d’acquiescer à la demande expresse de produire une preuve confirmant qu’elle avait fourni les services énumérés dans sa demande en date du mois d’avril 1999. Pour l’appelant, le refus d’obtempérer à des demandes légitimes ou d’honorer des engagements peut autoriser des inférences défavorables. En l’occurrence, il soutient que l’agente a eu tort de ne pas tirer une inférence défavorable du refus de la défenderesse de répondre à ces questions.

 

[58]           Par ailleurs, l’appelant fait valoir que l’agente a eu tort de retenir l’argument de la défenderesse selon lequel ces demandes étaient non pertinentes étant donné que la déclaration d’opposition ne renfermait aucun motif fondé sur l’alinéa 30b) au moment du contre-interrogatoire. L’appelant note que les refus de produire une réponse ont été déposés le 28 mars 2008, trois mois après le dépôt de la demande de modification de la déclaration d’opposition et deux semaines après que l’agente eut accepté cette déclaration modifiée (10 mars 2008). L’appelant indique que la défenderesse n’a fourni aucune preuve concluante de l’emploi de sa marque de commerce en date du mois d’avril 1999 dans le second affidavit de Karen French, souscrit le 22 décembre 2008. Par ailleurs, l’appelant soutient que la défenderesse est constamment tenue, en vertu de l’article 245 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, de répondre aux questions touchant la date de son premier emploi revendiquée lors du contre-interrogatoire.

 

[59]           L’appelant avance que l’agente a commis une erreur de droit en ne concluant pas que les allégations de la défenderesse voulant que quatre périodiques aient circulé au Canada entre 1999 et 2004 constituaient une preuve par ouï-dire irrecevable. L’appelant note que les témoins de la défenderesse ignoraient personnellement si les publications, qui contenaient les publicités, avaient été diffusées au Canada. La production de ce renseignement par leurs agences de publicité constituait donc du ouï-dire. Les témoins de la défenderesse n’ont d’ailleurs pas été en mesure de confirmer si le numéro de téléphone figurant sur les annonces était actif au Canada. L’appelant rappelle que la COMC a conclu plusieurs fois que l’estimation non vérifiée du tirage d’un magazine était une preuve par ouï-dire irrecevable. Quoi qu’il en soit, l’appelant fait valoir que la publicité de la marque de commerce parue dans des magazines américains, même s’ils étaient diffusés au Canada, ne prouve pas que les services étaient effectivement offerts ici. Cela indique simplement qu’ils l’étaient aux États-Unis.

 

[60]           Enfin, l’appelant s’appuie sur la décision McDonald’s Corp c Canada (Registraire des marques de commerce), [1989] 3 CF 267, [1989] ACF no 410, pour affirmer que la défenderesse ne peut invoquer l’emploi et l’enregistrement de sa marque à l’étranger pour maintenir sa demande si elle fait une fausse déclaration quant à la date de premier emploi revendiquée. À l’audience, l’appelant a expliqué que le requérant d’une marque de commerce ne devrait pas pouvoir formuler plusieurs allégations pour ensuite ne se fonder que sur celles qui n’ont pas été rejetées. Il estime donc que, lorsqu’une demande de marque de commerce fondée sur une date de premier emploi au Canada est rejetée, le requérant ne peut prétendre que l’argument est théorique, et passer simplement à une autre de ses allégations, telles que l’emploi et l’enregistrement de la marque de commerce aux États-Unis.

 

Opposition fondée sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi

[61]           L’appelant soutient qu’en se désistant du droit à l’usage exclusif des termes engineering et resources, la défenderesse admet qu’ils ne sont pas enregistrables en liaison avec les services énumérés dans sa demande.

 

[62]           Toujours d’après l’appelant, la preuve démontre que les services offerts par la défenderesse en liaison avec la marque de commerce s’adressent aux firmes d’ingénieurs ou aux entreprises ayant besoin des services d’ingénieurs, et que la défenderesse propose des services d’ingénierie au Canada. Pour étayer ses dires, il souligne que la défenderesse :

- fait de la publicité dans des revues d’ingénierie;

- envoie des représentants faire de la publicité dans des salons professionnels d’ingénierie;

- est présente sur les campus universitaires pour des raisons publicitaires et pour attirer des diplômés en ingénierie;

- prétend dans sa publicité qu’elle [traduction] « se spécialise dans le placement d’ingénieurs, de concepteurs, de dessinateurs et de techniciens qualifiés dans des entreprises du monde entier»;

- emploie des ingénieurs aux États-Unis et au Canada;

- est l’employeur de certains des ingénieurs qu’elle place dans d’autres entreprises;

- a reconnu que l’expression engineering resources donne une idée de la nature des services fournis.

 

[63]           L’appelant note également que la mention du terme engineering dans un titre professionnel renvoie inévitablement à la profession d’ingénieur.

 

[64]           À son avis, la preuve indique clairement que les services offerts par la défenderesse relèvent de l’organisation de la gestion. L’organisation de la gestion ou le génie industriel est une sous-branche de l’ingénierie qui s’intéresse à la conception, à l’amélioration et à la mise en place de systèmes intégrés de personnes, de ressources et d’équipement. Des universités canadiennes proposent des programmes conjoints combinant des études d’ingénierie et de commerce, et la Société canadienne de gestion en ingénierie représente les ingénieurs dont les principales fonctions requièrent des aptitudes de gestion.

 

[65]           L’appelant fait remarquer que les agences de placement sont considérées comme offrant des services d’ingénierie si elles remplissent les critères de la politique de l’APEGGA. Il ajoute que la défenderesse se consacre surtout au recrutement et au placement d’individus détenant une expertise en ingénierie, et que sa division des ressources en ingénierie emploie ordinairement près de 4 000 professionnels de ce secteur. Il ne fait donc aucun doute que les activités de la défenderesse relèvent carrément de la pratique de l’ingénierie.

 

[66]           À l’audience, l’appelant a axé ses observations sur le fait que la marque de commerce donnait une description fausse et trompeuse; il n’a pas soutenu qu’elle était clairement descriptive.

 

[67]           L’appelant soutient que les termes engineering et resources employés dans la marque de commerce et ayant fait l’objet d’un désistement donnent une description fausse et trompeuse des services de la défenderesse. Par ailleurs, comme le mot Kelly n’est pas descriptif, ces termes sont un élément dominant de la marque de commerce. L’appelant note à cet égard que :

- Kelly est un nom bien connu;

- plusieurs personnes autorisées à pratiquer la profession d’ingénieur au Canada se nomment Kelly;

- il est courant que les firmes d’ingénieurs exercent leurs activités en utilisant une dénomination formée du nom d’un des associés, suivi d’un terme descriptif ayant rapport avec l’ingénierie;

- la preuve de la défenderesse indique que Kelly a plusieurs sens, et que ce terme désigne notamment un nom, des lieux géographiques et divers outils.

 

[68]           L’appelant soutient en outre qu’en acceptant l’argument de la défenderesse voulant que le terme Kelly soit exclusivement associé à ses services de placement de personnel, l’agente a notamment tenu compte du nombre soi-disant élevé d’appels de fichier enregistrés sur le site Web de la défenderesse au Canada. Or, d’après l’affidavit de M. Barbeau, l’appel de fichier sur un site Web ne représente pas une visite unique et isolée, et celui de la défenderesse est configuré de telle manière que plusieurs appels de fichier seront enregistrés pour un même usager. De plus, certains de ces usagers ne sont pas des personnes mais des robots de recherche. Ainsi, il est possible que les 100 000 appels de fichier dont il est question dans la preuve de la défenderesse ne correspondent en fait qu’à moins de 100 visiteurs annuels.

 

[69]           L’appelant soutient qu’il est de jurisprudence constante qu’en présence d’un élément trompeur, les termes visés par un désistement ne peuvent servir à défendre l’enregistrabilité d’une marque composite autrement non enregistrable, lorsque son élément principal donne une description trompeuse au point de rendre l’ensemble de la marque non enregistrable. Par ailleurs, un élément faible ne peut rendre une marque enregistrable. Ainsi, il est probable qu’une marque de commerce ne soit pas enregistrable dans son ensemble si elle contient un élément trompeur. L’appelant avance que la marque de commerce amènerait le consommateur moyen à présumer que la défenderesse est une firme inscrite auprès d’au moins une association constituante, alors qu’elle n’est autorisée à pratiquer l’ingénierie nulle part au Canada. La marque de commerce donne donc une description fausse et trompeuse et elle n’est pas enregistrable.

 

[70]           À l’audience, l’appelant a également fait remarquer que les services énumérés ne précisent pas que les ingénieurs correspondent au type d’employés visés par la marque de commerce. Cependant, le contre-interrogatoire du témoin de la défenderesse, M. Lichtenberg, donne à penser que celle-ci voulait créer plusieurs créneaux d’agents de placement en mettant sur pied les différentes divisions, telles que KELLY SCIENTIFIC RESOURCES et KELLY HEALTHCARE RESOURCES. Ainsi, KELLY SCIENTIFIC RESOURCES offre des services de placement de professionnels scientifiques et KELLY HEALTHCARE RESOURCES place des professionnels de la santé. KELLY ENGINEERING RESOURCES fait de même avec les professionnels en ingénierie. L’appelant se sert de ce témoignage pour étayer l’argument selon lequel l’engineering est un élément dominant de la marque de commerce, qui influe sur la première impression du consommateur des services de la défenderesse. Comme les ingénieurs ne figurent pas parmi les personnes dont les services sont offerts en liaison avec la marque de commerce, l’appelant soutient que celle-ci donne une description fausse et trompeuse.

 

[71]           À l’audience, l’appelant a avancé que l’agente a commis une erreur en déclarant que le consommateur ordinaire des services de la défenderesse était un membre du public ou un Canadien moyen. Comme en fait foi le type de magazines techniques étrangers dans lesquels la marque de commerce a été annoncée, les entreprises d’ingénierie seraient plutôt les consommateurs moyens des services offerts par la défenderesse en liaison avec la marque de commerce. L’emploi du terme engineering dans la marque de commerce, et ses connaissances du droit de l’ingénierie, feraient plutôt présumer au consommateur moyen que la défenderesse était autorisée à offrir les services d’ingénieurs plutôt que de simples « employés possédant des compétences, une éducation et/ou une formation techniques spécialisées ». Selon l’appelant, cela prouve encore que la marque de commerce donne une description fausse et trompeuse.

 

[72]           Enfin, l’appelant note que l’alinéa 14(1)b) prévoit une exception à l’enregistrement de marques de commerce descriptives qui ne sont pas enregistrables en vertu de l’article 12. La date pertinente au regard de cette disposition est celle du dépôt de la demande, en l’occurrence le 15 juin 2004. L’appelant soutient que la défenderesse n’a pas établi que sa marque de commerce possédait un caractère distinctif à cette date. Celle-ci ne peut donc pas être considérée comme étant distinctive depuis cette date antérieure. Par ailleurs, l’appelant a fait observer à l’audience que l’expression « ni de nature à tromper le public » employée à l’alinéa 14(1)c) de la Loi vise à empêcher l’exemption de marques de commerce dont il a été établi qu’elles donnaient une description fausse et trompeuse. Par conséquent, la marque de commerce ne peut échapper à l’application de l’article 12 en raison de l’article 14 de la Loi.

 

Opposition fondée sur l’alinéa 38(2)d) et l’article 2 de la Loi

[73]           L’appelant note que dans le cadre de la procédure d’opposition et en appel, il incombe à la requérante de la marque de commerce de démontrer que celle-ci est adaptée à distinguer ou qu’elle distingue véritablement ses services de ceux d’autres propriétaires au Canada. L’opposante à une marque de commerce doit seulement s’acquitter du fardeau initial de formuler les allégations factuelles à l’appui du motif d’opposition relatif à l’absence de caractère distinctif.

 

[74]           Selon l’appelant, comme la marque de commerce donne une description fausse et trompeuse, elle ne peut être considérée comme ayant un caractère distinctif et ne peut servir à différencier les services de la défenderesse de ceux d’autres propriétaires de marques. Même si elle ne donnait pas une description fausse et trompeuse, la marque de commerce n’en serait pas pour autant distinctive puisque le caractère distinctif doit être examiné de manière indépendante.

 

[75]           À l’audience, l’appelant a noté que, dans la présente demande, l’agente disposait de la même preuve que celle qui avait été soumise à la COMC dans Kelly Services (2004), précitée, et que sur la foi de ce dossier, la COMC avait conclu que la marque de commerce n’était pas distinctive.

 

[76]           L’appelant attire l’attention sur les éléments de preuve suivants, qui établissent d’après lui que la marque de commerce n’est pas distinctive :

1.         un grand nombre d’ingénieurs nommés Kelly pratiquaient au Canada à la date pertinente;

2.         les archives du site Web de la défenderesse allant jusqu’au 18 mai 2011 inclusivement n’étaient pas accessibles au public;

3.         les archives du site Web de la défenderesse pour la période allant de 2002 à 2007 ne contenaient aucune référence au Canada dans le menu déroulant des pays, et le site ne pouvait donc pas se prêter à la recherche d’emplois au Canada avant 2007;

4.         le nom de domaine www.kellyengineeringresources.com a été enregistré le 4 août 2003 et consulté pour la première fois le 7 février 2005;

5.         la dénomination sociale d’un certain nombre de firmes d’ingénierie agréées au Canada comporte le terme resources;

6.         le permis d’exercice de trois détenteurs en Alberta indique que leurs dénominations sociales incluent à la fois les termes engineering et resources.

 

[77]           Pour conclure que la marque de commerce était distinctive, l’agente s’est fondée sur les annonces parues dans des magazines étrangers d’ingénierie, et au nombre important d’appels de fichier d’usagers au Canada sur le site Web de la défenderesse à compter de la date pertinente. L’appelant fait observer que, hormis de simples déclarations, aucune preuve ne se rapporte au tirage des magazines étrangers au Canada. Ainsi, il s’agit d’une preuve par ouï-dire irrecevable et l’agente a eu tort d’en tenir compte.

 

[78]           En ce qui concerne les appels de fichier sur le site Web, l’appelant cite la preuve de M. Barbeau selon laquelle les 100 000 appels de fichier ne représentent possiblement que 88 visites réelles. Cet élément de preuve, combiné au fait que le Canada n’est apparu sur le menu déroulant des pays qu’en avril 2007, indique à son avis que la défenderesse n’avait pas de présence notable sur le marché canadien avant 2007 au moins. Il fait valoir que la nouvelle preuve fournie par M. Barbeau est importante puisque l’agente n’avait pas compris qu’un appel de fichier sur le site Web n’équivalait pas à une visite. Il s’agit plutôt du téléchargement d’un élément de code de logiciel, et l’affidavit de M. Barbeau démontre qu’une visite sur la page d’accueil de la défenderesse s’est traduite par 45 appels de fichier ou téléchargements d’éléments de code. Cette information est pertinente compte tenu de la conclusion de l’agente suivant laquelle le nombre d’appels de fichier sur le site Web était une preuve convaincante du caractère distinctif de la marque de commerce.

 

[79]           L’appelant note également que la défenderesse n’a déposé aucune preuve démontrant que sa marque de commerce a acquis un caractère distinctif au Canada. Elle souligne à cet égard le refus de la défenderesse de :

- fournir des renseignements quant à la date à laquelle les services visés par la marque de commerce ont été offerts pour la première fois au Canada;

- produire des éléments de preuve établissant qu’elle offrait les services au Canada à l’une des dates pertinentes;

- indiquer à quelle date le Canada est apparu pour la première fois sur le menu déroulant des pays sur son site Web.

 

[80]           L’appelant estime que les réponses vagues et le refus d’obtempérer à certaines demandes durant le contre-interrogatoire trahissent également la pauvreté de la preuve de la défenderesse en ce qui a trait au caractère distinctif de la marque de commerce au Canada à la date pertinente. Il signale notamment que :

- la marque de commerce ne figurait pas dans les Pages jaunes au Canada avant 2007, et le témoin de la défenderesse n’a pas pu confirmer si elle se trouvait plus tôt dans les Pages blanches;

- la défenderesse n’a commencé à assister à des foires universitaires et à offrir des commandites qu’en 2007 et 2008;

- même si des brochures étaient soi-disant disponibles à partir d’avril 1999, rien n’indique que la défenderesse les ait jamais commandées au Canada;

- les témoins n’ont pas été en mesure de confirmer le nombre d’ingénieurs qui ont été placés au Canada depuis 2007;

- le site Web de la défenderesse n’est accessible au Canada que depuis février 2007;

- la défenderesse n’a pas précisé la nature de ses activités de commandite au Canada à la date pertinente;

- le Canada ne figurait pas dans le communiqué de presse publié en 2005;

- les rapports annuels publiés par la défenderesse entre 1997 et 2006 ne comportaient aucun renseignement sur le Canada.

[81]           L’appelant soutient en outre que le refus de répondre à des questions devrait entraîner une inférence défavorable. Il prétend qu’en l’espèce, il conviendrait de tirer une telle inférence, en ce qui concerne le caractère distinctif, étant donné que la défenderesse n’exerçait aucune activité au Canada à la date pertinente. Il ajoute que la défenderesse ne peut avancer que l’emploi de la marque de commerce à l’étranger lui a conféré un caractère distinctif. Il fait donc valoir que la défenderesse ne s’est pas acquittée du fardeau d’établir que sa marque de commerce était distinctive au Canada.

 

[82]           En résumé, l’appelant prétend qu’il s’est acquitté de tous les fardeaux qui lui incombaient à titre d’opposant à la marque de commerce. En revanche, la défenderesse n’a pas réussi à établir que la marque de commerce était employée à la date de premier emploi revendiquée, qu’elle est enregistrable et distinctive, comme il le lui incombait à titre de requérante de la marque de commerce.

 

Les observations écrites de la défenderesse

Norme de contrôle

[83]           La défenderesse soutient que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la raisonnabilité.

 

[84]           Elle avance que la Cour ne peut former sa propre conclusion sur le bien-fondé de la décision que lorsque de nouveaux éléments de preuve sont présentés en appel et qu’il s’avère qu’ils auraient sensiblement influé sur la décision de l’agente. Lorsque de nouveaux éléments de preuve sont soumis en appel, il convient d’abord de déterminer leur portée et leur valeur probante. Une preuve qui vient seulement compléter ou confirmer les conclusions précédentes ne suffit pas à écarter la norme déférente de la raisonnabilité.

 

[85]           La défenderesse prétend que les nouveaux éléments de preuve produits par l’appelant dans le présent appel n’auraient pas sensiblement influé sur la décision de l’agente, et qu’ils n’ont pas une portée ou une valeur probante suffisante pour écarter la norme déférente de la raisonnabilité.

 

Nouveaux éléments de preuve produits en appel

[86]           La défenderesse indique d’emblée que M. Barbeau n’a pas été reconnu comme témoin-expert, et que son affidavit est une preuve sous forme d’opinion non corroborée et fondée sur des suppositions. Cet élément n’a donc aucun poids et ne devrait pas être reçu en preuve. Elle ajoute que l’affidavit de M. Barbeau fournit des renseignements généraux, qui ne sont appuyés ni par des faits ni par des documents sous-jacents. La déclaration de M. Barbeau voulant que plusieurs appels de fichier sur un site Web puissent être attribués à la même personne repose sur une estimation hypothétique et relève de la pure conjecture. M. Barbeau n’a pas tenu compte du contexte dans lequel le témoin qui a déposé devant l’agente a parlé des appels de fichier, et en quoi cela différait de sa propre compréhension du sujet.

 

[87]           La défenderesse soutient également que M. Barbeau n’a pas précisé de quelle base de données il s’était servi pour déterminer que son site Web avait été visité par un robot de recherche et à partir de quel jour. D’ailleurs, ces renseignements se rapportaient au site Web www.kellyengineeringresources.com et non www.kellyengineering.com. La défenderesse en déduit que les conclusions de M. Barbeau sont hypothétiques et qu’elles procèdent de suppositions infondées ou de simples opinions.

 

[88]           La défenderesse avance en outre que l’affirmation de M. Barbeau concernant l’importance des menus déroulants de pays n’est étayée par aucune preuve. Quand bien même cette preuve serait fournie, elle ne saurait démontrer comment la défenderesse et ses licenciés menaient leurs affaires. Cette déclaration doit également être tenue pour une hypothèse, reposant sur des suppositions infondées ou de simples opinions. Même en prêtant foi à l’affidavit de M. Barbeau, ce dernier ne conteste pas l’emploi de la marque de commerce, mais la portée de cette utilisation.

 

[89]           S’agissant de l’affidavit de M. Haddock, la défenderesse affirme n’avoir jamais fourni de services d’ingénierie, que cet affidavit n’a pas de portée ni de force probante au regard des questions en litige en l’espèce, et qu’il n’a donc aucun poids.

 

[90]           En ce qui concerne l’affidavit de M. McMartin, la défenderesse fait valoir qu’aucun des détails qu’il fournit sur l’historique, la gouvernance et les objectifs globaux de l’appelant n’est pertinent au regard de la marque de commerce ou des enjeux du présent appel. De plus, comme la plus grande partie de cette preuve reprend celle que John Kizas a produite devant l’agente, elle n’apporte aucune information nouvelle. La défenderesse estime qu’il en va de même de l’affidavit de M. Neth.

 

[91]           À l’audience, la défenderesse a pris acte des critères de la politique de l’APEGGA mentionnés dans l’affidavit de M. Neth. Elle soutient cependant que même si le premier et le troisième critères étaient remplis (l’agence place un employé dans de telles conditions qu’une partie du travail se déroule en Alberta, et l’employé est un ingénieur, un géologue ou un géophysicien, respectivement), rien ne prouve que ce serait aussi le cas des deux autres critères (à savoir que les activités de l’employé (en Alberta) répondent à la définition de services professionnels d’’ingénierie, de géologie et de géophysique à l’article 1 de la EGGP Act, et que le bénéficiaire des services professionnels (le client) verse à l’agence des honoraires pour les services, tandis que l’agence rémunère l’employé pour son travail).

 

[92]           Enfin, en ce qui a trait à l’affidavit de Mme Roberts, la défenderesse soutient que ses recherches sur les dénominations sociales n’ont ni portée ni force probante au regard de l’enregistrabilité d’une marque de commerce. Les résultats de ces recherches n’auraient donc pas sensiblement influencé la décision de l’agente, et ils ne concernent aucun des motifs pertinents dont il est question dans le présent appel.

 

[93]           En résumé, la défenderesse fait valoir qu’aucun des éléments de preuve supplémentaires produits par l’appelant n’a une portée ou une force probante suffisante pour écarter la norme de contrôle de la raisonnabilité au profit de celle de la décision correcte.

 

Opposition fondée sur l’alinéa 30b) de la Loi

[94]           La défenderesse soutient que l’agente a conclu à bon droit que la marque de commerce avait été utilisée de façon continue depuis la date de premier emploi revendiquée. D’après elle, la preuve établit que la marque de commerce était affichée sur son site Web depuis au moins 1999 et que ses publicités ont paru dans des périodiques diffusés au Canada en avril de cette même année. Elle offrait alors également des services de placement aux ingénieurs et à d’autres fournisseurs de services techniques au Canada. La défenderesse fait valoir que tout cela est conforme à la définition de l’emploi aux fins du paragraphe 4(2) de la Loi.

 

[95]           Quant à l’observation de l’appelant concernant l’absence du Canada dans le menu déroulant des pays, la défenderesse soutient que l’agente a raisonnablement conclu que ce fait n’était pas nettement incompatible avec sa date de premier emploi revendiquée. Bien que M. Barbeau, qui n’est pas un expert, ait estimé que les services n’étaient probablement pas offerts dans un pays absent du menu déroulant, la défenderesse note qu’il n’a fourni aucun exemple de site Web pour étayer sa théorie. M. Barbeau se fie plutôt à son opinion personnelle, qui est irrecevable et dépourvue de pertinence.

 

[96]           Quoi qu’il en soit, la défenderesse soutient que la preuve établit clairement que :

- la marque de commerce était employée sur son site Web;

- le site Web était accessible au Canada dès la date revendiquée;

- les services énumérés étaient fournis au Canada.

 

[97]           La défenderesse note que la propre preuve de l’appelant, une copie des Pages jaunes en circulation à Toronto entre juin 1998 et juin 1999, montre clairement qu’elle offrait alors aux ingénieurs du Canada des services de placement. Quant à l’observation de l’appelant selon laquelle il faut tirer une inférence défavorable de son refus de répondre à certaines questions durant le contre-interrogatoire, la défenderesse signale que la déclaration d’opposition n’avait pas encore été modifiée de manière à y inclure un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi. Ces refus étaient donc légitimes.

 

[98]           Enfin, en ce qui concerne la décision McDonald’s, citée par l’appelant, la défenderesse estime qu’elle n’appuie pas la proposition voulant que l’emploi et l’enregistrement d’une marque à l’étranger ne puissent servir à fonder la demande si la date de premier emploi revendiquée est erronée. Toujours est-il qu’une distinction s’impose puisque la requérante dans cette affaire cherchait à modifier sa date de premier emploi revendiquée après que la marque eut fait l’objet d’une annonce à des fins d’opposition. En l’espèce, la défenderesse n’a pas présenté une telle demande, et a démontré que la date de premier emploi revendiquée était exacte. À l’audience, elle a invoqué l’article 16 de la Loi à l’appui de l’argument voulant que sa demande soit restée valide puisque l’emploi et l’enregistrement à l’étranger n’ont pas été contestés.

 

Opposition au titre de l’alinéa 12(1)b) de la Loi

[99]           La défenderesse soutient que l’agente a raisonnablement conclu que la marque de commerce ne donnait pas une description claire ou une description fausse et trompeuse des services énumérés. Elle affirme qu’elle ne s’occupe pas et ne s’est jamais occupée de services techniques d’ingénierie : elle propose plutôt des services de placement de personnel. Elle répète qu’elle ne se mêle pas de la profession d’ingénieur et qu’elle n’est ni dirigée ni exploitée par des ingénieurs.

 

[100]       La défenderesse ajoute que l’élément principal Kelly domine la marque de commerce de telle sorte que, dans l’ensemble, celle-ci ne peut donner une description fausse et trompeuse. Elle souligne à cet égard que :

- la marque de commerce ne donne pas une description claire du caractère ou de la qualité des services énumérés;

- la marque de commerce doit être considérée dans son ensemble et sous l’angle de la première impression qui s’en dégage en liaison avec les services énumérés;

- Kelly n’est pas nécessairement un nom et a plusieurs définitions;

- la marque Kelly est associée à des services de placement de personnel depuis plus de quarante ans;

- les consommateurs exposés à la marque de commerce employée en liaison avec les services énumérés sont en mesure de comprendre que la défenderesse aide des ingénieurs à trouver du travail.

 

[101]       Si la Cour devait se pencher sur l’article 14 de la Loi, la défenderesse fait valoir que les critères d’enregistrement d’une marque de commerce prévus par cette disposition ont été remplis. Elle souligne à cet égard que :

- la marque de commerce a été enregistrée aux États-Unis;

- elle ne crée pas de confusion avec une marque de commerce déposée, et la défenderesse est propriétaire d’une famille de marques de commerce Kelly associées à des services de placement de personnel;

- elle n’est pas dépourvue de caractère distinctif;

- elle n’est pas contraire à la moralité, ni de nature à tromper le public;

- son adoption comme marque de commerce n’est pas interdite par l’article 9 ou 10 de la Loi.

 

[102]       Par conséquent, la défenderesse fait valoir que même si la Cour estime que la marque de commerce donne une description claire ou une description fausse et trompeuse des services énumérés, sa demande doit être maintenue en vertu de l’article 14 de la Loi.

 

Opposition fondée sur l’alinéa 38(2)d) et l’article 2 de la Loi

[103]       La défenderesse note que l’appelant ne s’est pas référé dans ses observations à ses propres marques de commerce ou à celles de tiers pour expliquer en quoi la marque n’était pas distinctive. Il ne s’est donc pas acquitté de son fardeau de preuve.

 

[104]       Cependant, si la Cour arrivait à la conclusion contraire, la défenderesse soutient qu’elle a produit de nombreux éléments de preuve visant à établir le caractère distinctif de la marque de commerce. À l’audience, elle a mentionné que l’agente ne disposait pas du même dossier de preuve que la COMC dans Kelly Properties (2004), précitée, où la demande d’enregistrement de la marque de commerce reposait sur l’emploi projeté plutôt que réel.

 

[105]       Par conséquent, le dossier de la preuve ne contenait pas la plupart des éléments suivants, qui appuient le caractère distinctif acquis par Kelly :

- l’utilisation de Kelly en tant que prénom, nom de lieu et nom technique (et pas seulement comme nom de famille);

- l’emploi de la marque Kelly depuis 1946;

- Kelly Services, ses filiales et sociétés affiliées exercent des activités dans plus de trente pays et emploient plus de 700 000 personnes;

- la marque Kelly comprend de nombreuses marques de commerce évoquant des services de placement spécialisés;

- les nombreuses publicités des marques Kelly et KELLY ENGINEERING RESOURCES au Canada;

- l’emploi de la marque de commerce en liaison avec des services de placement de personnel au Canada et dans plusieurs autres pays;

- le recrutement quotidien de plus de 4 000 professionnels;

- les 400 000 appels de fichier et plus effectués par des usagers au Canada sur le site Web de la défenderesse entre 2003 et 2008.

 

[106]       En réponse aux allégations de l’appelant selon lesquelles l’affidavit de M. Barbeau vient affaiblir certains de ces éléments de preuve, la défenderesse répète que ce document ne devrait pas être pris en compte. Cependant, s’il devait l’être, elle rappelle que cet affidavit ne contient que des observations hypothétiques et des opinions infondées. La défenderesse soutient par ailleurs qu’aucun des autres nouveaux éléments de preuve produits par l’appelant en l’espèce ne se rapporte au caractère distinctif de la marque de commerce, ou ne contredit ou n’affaiblit la preuve qu’elle a présentée à ce sujet.

 

[107]       De même, en réponse aux allégations de l’appelant voulant que la preuve de la défenderesse quant aux annonces parues dans des périodiques diffusés au Canada constitue du ouï-dire irrecevable, la défenderesse fait valoir qu’elle n’essaye pas de s’appuyer sur des données non vérifiées concernant le tirage véritable de ces publications. Ces renseignements ont plutôt été avancés à titre factuel, et des copies des pages couverture de ces périodiques et des publicités contenues à l’intérieur ont été présentées à l’agente. Il était donc raisonnable que cette dernière tienne compte de cet élément de preuve.

 

[108]       Enfin, au sujet des inférences défavorables que l’appelant nous demande de tirer des refus d’obtempérer durant le contre-interrogatoire, la défenderesse répète que ces refus se rapportaient à un motif d’opposition non encore soulevé par l’appelant. Ces questions n’étaient donc pas pertinentes pour les points en litige et ne devraient pas entraîner d’inférences défavorables. Quoi qu’il en soit, la défenderesse soutient qu’elle a plus que démontré le caractère distinctif de sa marque de commerce.

 

Analyse et décision

[109]       Question 1

            Quelle est la norme de contrôle appropriée?

            Lorsque la jurisprudence a établi la norme de contrôle applicable à une question particulière dont la Cour est saisie, le tribunal de révision peut adopter cette norme (voir Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 57).

 

[110]       Il est bien établi que la norme de contrôle appropriée en cas d’appel fondé sur l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce est fonction de la question de savoir si les nouveaux éléments de preuve auraient eu un incidence importante sur les conclusions de l’agent (voir Brasseries Molson c John Labatt Ltée, [2000] 3 CF 145, [2000] ACF no 159, au paragraphe 51). En l’absence de tels éléments, la norme de contrôle est celle de la raisonnabilité. Lorsqu’elle l’applique, la Cour ne doit intervenir que si l’agent a tiré une conclusion qui n’est pas transparente, justifiable et intelligible, et qui n’appartient pas aux issues acceptables au regard de la preuve dont il disposait (voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59). La cour de révision ne peut substituer à la décision l’issue qui serait à son avis préférable, pas plus qu’il n’entre dans ses attributions de soupeser à nouveau les éléments de preuve (voir l’arrêt Khosa, précité, aux paragraphes 59 et 61).

 

[111]       À l’inverse, en présence de nouveaux éléments de preuve qui auraient eu une incidence importante sur les conclusions de l’agent, la Cour doit tirer sa propre conclusion quant au bien-fondé de la décision après les avoir examinés (voir Brasseries Molson, précitée, au paragraphe 51; Prince c Orange Cove-Sanger Citrus Association, 2007 CF 1229, [2007] ACF no 1697, au paragraphe 9; et 1459243 Ontario Inc c Eva Gabor International Ltd, 2011 CF 18, [2011] ACF no 27, au paragraphe 2).

 

[112]       Ainsi, le choix de la norme de contrôle appropriée nous amène à comparer la preuve dont disposait l’agente avec les nouveaux éléments produits en appel. Nous procéderons à cette analyse en abordant séparément chaque question en litige.

 

[113]       Question 2

            L’agente a-t-elle commis une erreur en ce qui a trait à la date de premier emploi de la marque de commerce au titre de l’alinéa 30b) de la Loi?

            Les motifs d’opposition autorisés sont énumérés au paragraphe 38(2) de la Loi. L’alinéa 38(2)a) prévoit qu’une demande d’enregistrement de marque de commerce non conforme à l’article 30 peut fonder un motif d’opposition. En l’espèce, l’appelant a fondé l’un de ses motifs sur l’alinéa 30b).

 

[114]       Comme je l’ai déjà indiqué, la date pertinente est celle du premier emploi de la marque de commerce. Dans sa demande, la défenderesse a indiqué qu’elle employait sa marque de commerce au Canada depuis avril 1999. L’agente a estimé que la preuve suffisait à corroborer cette date.

 

[115]       En tirant cette conclusion, l’agente a noté que l’appelant s’était largement appuyé sur l’absence du Canada dans le menu déroulant des pays sur le site Web de la défenderesse, dont faisait foi l’affidavit de Mme Kirk qui lui a été présenté. Mme Kirk avait consulté diverses versions archivées du site Web de la défenderesse se rapportant à la période comprise entre le 18 mai 2001 et le 5 février 2007. La version du site Web du 20 juillet 2001 contenait cette mention :

[traduction] Kelly Engineering Resources, présente dans 42 grandes villes, offre des services d’ingénierie dans tous les États-Unis.

 

 

 

[116]       La fonction de recherche d’emploi sur cette page permettait aux visiteurs d’effectuer une recherche selon le lieu, mais toujours limitée aux États américains. Les versions archivées du site Web correspondant aux dates suivantes précisaient que la défenderesse disposait d’un [traduction] « réseau mondial de succursales »; cependant, le menu déroulant se limitait aux pays suivants :

- 29 mai 2002 : Australie, États-Unis, France;

- 22 novembre 2002 : Australie, États-Unis, France;

- 23 juin 2004 : Allemagne, Australie, États-Unis, France, Royaume-Uni;

- 4 avril 2005 : Allemagne, Australie, États-Unis, France, Nouvelle-Zélande, Porto Rico, Royaume-Uni;

- 26 juin 2005 : Allemagne, Australie, États-Unis, France, Nouvelle-Zélande, Porto Rico, Royaume-Uni, Russie.

 

[117]       Les versions archivées du site correspondant à la période allant du 26 juin 2005 au 28 avril 2007 énuméraient les pays suivants sous les catégories de recherches d’emploi et de demandes de personnel dans le monde entier : Allemagne, Australie, États-Unis, France, Nouvelle-Zélande, Porto Rico, Royaume-Uni et Russie. D’autres pays ont été ajoutés durant cette période : Singapour le 6 février 2005; la Malaysie et l’Espagne le 19 mars 2007; et l’Italie le 28 avril 2007. Le Canada est apparu pour la première fois sur la liste dans la version archivée du 28 avril 2007.

 

[118]       En l’espèce, l’appelant a présenté l’affidavit de M. Barbeau en tant que nouvel élément de preuve. S’appuyant sur ses vingt-cinq années d’expérience dans la création de logiciels et de pages Web, M. Barbeau expliquait en ces termes la portée des menus déroulants des pays qu’on trouve sur les sites Web d’entreprises :

[traduction] [...] Le menu déroulant (ou la sélection) des pays sur un site Web est diligemment programmé pour n’inclure que les pays où les services sont offerts, et exclure ceux où ils ne le sont pas.

 

[...]

 

D’après mon expérience, si le menu déroulant des pays sur le site Web d’une entreprise qui offre des services au public omet un pays, les services ne sont alors probablement pas offerts dans ce pays.

 

 

 

[119]       M. Barbeau ne reprend pas le contenu de la preuve qui avait été soumise à l’agente. Son témoignage vient plutôt illustrer l’importance des renseignements contenus dans l’affidavit de Mme Kirk, une explication dont n’a pas profité l’agente. La défenderesse y voit l’expression d’une opinion personnelle infondée et refuse à M. Barbeau la qualité d’expert. Ce sont là des critiques valides. Par ailleurs, je remarque que la défenderesse n’a pas tenté de contre-interroger M. Barbeau et qu’elle n’a pas soumis la moindre preuve pour contredire ses déclarations.

 

[120]       Néanmoins, comme l’agente a finalement conclu, sur la foi des annonces parues dans la presse écrite, de la déclaration de Mme French et de l’existence du bureau à Toronto, que l’absence du Canada dans le menu déroulant des pays n’était pas nettement incompatible avec la date de premier emploi revendiquée par la défenderesse, j’estime que l’explication de M. Barbeau n’avait pas la force probante nécessaire pour influer de manière importante sur ses conclusions de fait à cet égard. De même, j’estime que les renseignements de M. Barbeau concernant l’enregistrement et la date à laquelle le site Web www.kellyengineeringresources.com a été visité par un robot de recherche pour la première fois sont dénués de pertinence, puisque la preuve à cet égard ne se rapportait pas à ce site, mais plutôt au www.kellyengineering.com. Par conséquent, j’estime que la norme de contrôle appropriée relativement à cette question est celle de la raisonnabilité.

 

[121]       Il s’agit donc de déterminer si la décision de l’agente ayant trait au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) était raisonnable. D’après elle, comme l’appelant s’appuyait sur la preuve de la défenderesse, celle-ci devait être nettement incompatible avec les allégations contenues dans la demande. L’agente a eu tort d’imposer ce fardeau à l’appelant. Le droit applicable en la matière a été succinctement énoncé dans Ivy Lea Shirt Co Ltd c 1227624 Ontario Ltd, [1999] COMC no 182, 2 CPR (4th) 562, [2001] ACF no 468, confirmée par 2001 CFPI 253 (au paragraphe 6) :

[traduction] Bien qu’il incombe à la requérante d’établir que sa demande est conforme à l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, l’opposante a le fardeau initial de prouver les faits qu’elle invoque pour appuyer le motif fondé sur l’article 30 [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et at c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330; et John Labatt Ltd. c. Les Compagnies Molson Ltée, 30 C.P.R.(3d) 293]. Toutefois, le fardeau de preuve de l’opposante concernant la question de l’inobservation de l’alinéa 30b) de la Loi par la requérante n’est pas très lourd (voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune, 10 C.P.R. (3d) 84, à la page 89). De plus, l’opposante peut se servir de l’affidavit de la requérante pour s’acquitter de son fardeau de preuve concernant ce motif. Dans ce cas, cependant, l’opposante doit établir que la preuve de la requérante est « nettement » incompatible avec les déclarations énoncées dans sa demande. (Non souligné dans l’original)

 

 

 

[122]       La preuve relative au menu déroulant des pays sur le site Web de la défenderesse a été produite par l’appelant, et non par la défenderesse. Comme l’appelant ne se servait pas de l’affidavit de la défenderesse, l’agente a donc eu tort d’exiger qu’il s’acquitte du fardeau plus strict d’établir une nette incompatibilité. Il faudra en tenir compte au moment d’examiner l’importance que l’agente a accordée aux publicités parues dans la presse, à l’existence du bureau de Toronto et à la déclaration de Mme French pour rejeter le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b).

 

[123]       L’agente a examiné diverses pièces jointes à l’affidavit de M. Lichtenberg. Elle a noté qu’aucune preuve n’avait été produite en ce qui concerne la diffusion au Canada des éléments suivants :

- un exemplaire de brochure arborant la marque de commerce et portant la date de droit d’auteur de 2002;

- des documents utilisés à des fins publicitaires dans les universités;

- des modèles de commandite de bourses, d’activités communautaires et de communiqués de presse;

- un échantillon de publipostage arborant la marque de commerce et portant la date de droit d’auteur de 2002.

 

[124]       L’agente a également noté qu’aucune information n’a été fournie relativement à la disponibilité au Canada d’articles de tiers affichant la marque de commerce.

 

[125]       Quant aux magazines soumis par les témoins de la défenderesse, l’agente a fait observer que ceux qui ont été publiés en avril 1999 étaient apparemment des revues américaines. Elle a pris acte de la déclaration de M. Lichtenberg concernant le tirage canadien approximatif de deux magazines, mais ceux-ci ont été publiés en 2004, et non en avril 1999, la date de premier emploi alléguée.

 

[126]       L’agente a également considéré les rapports annuels joints à l’affidavit de M. Lichtenberg. Elle a observé que les renseignements qu’ils contenaient se rapportaient à toutes les entreprises Kelly, mais qu’ils ne mentionnaient pas précisément les services offerts sous la marque de commerce. Cela dit, l’agente a relevé dans ces documents qu’un bureau avait ouvert à Toronto en 1998. C’est ce qu’indique le rapport annuel de 2000, avec cette mention (en page 8) : [traduction] « Janvier 1998 : La première succursale de KSR à l’extérieur des États-Unis ouvre à Toronto ». Je note que ces rapports annuels ne précisent pas qu’une succursale faisant affaire sous la marque de commerce avait été inaugurée au Canada.

 

[127]       En ce qui concerne le premier affidavit de Mme French, l’agente a pris acte des échantillons de listes d’emploi, mais elle a noté que la date à laquelle ces listes avaient été affichées n’était pas certaine. Il semblait que ce soit 2006 dans un cas. Elle a d’ailleurs observé que les mêmes annonces parues dans les magazines de 1999 avaient été jointes à l’affidavit de M. Lichtenberg et à celui de Mme French. Encore une fois, l’agente a signalé qu’aucune information n’avait été produite relativement à leur diffusion au Canada.

 

[128]       Par ailleurs, bien que Mme French ait déclaré que la défenderesse était régulièrement représentée dans des salons professionnels et des conférences au Canada, l’agente a noté que parmi les événements énumérés, l’un avait eu lieu en 2004 et trois autres en 2006. La preuve concernant la publicité dans les transports en commun datait de 2005 et 2006. Les renseignements touchant les publipostages se rapportaient à ceux de 2005. Enfin, pour ce qui est des brochures et des feuillets d’information arborant la marque de commerce, l’agente a noté qu’aucun détail n’avait été fourni quant aux dates ou aux nombres effectivement distribués au Canada, et que la brochure jointe à l’affidavit de Mme French portait la date de droit d’auteur de 2006.

 

[129]       Dans son second affidavit, présenté en réponse au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b), Mme French a déclaré que les services étaient offerts aux usagers du Canada sur le site Web de la défenderesse depuis aussi tôt que 1999. Cependant, les statistiques concernant le nombre d’appels de fichier par les usagers au Canada n’étaient pas disponibles avant 2003. Le nombre d’appels de fichier annuels entre 2003 et 2008 va de 60 000 à 110 497. Il est intéressant de constater qu’aucune source n’a été mentionnée à l’appui de cette information, surtout si l’on tient compte de l’objection déjà évoquée de la défenderesse à l’encontre du contenu non corroboré de l’affidavit de M. Barbeau.

 

[130]       Enfin, la défenderesse fait valoir que la propre preuve de l’appelant, à savoir la copie des Pages jaunes en circulation à Toronto entre juin 1998 et juin 1999, montre clairement qu’elle offrait des services de placement aux ingénieurs du Canada durant la période pertinente. D’ailleurs, cette copie des Pages jaunes contient une annonce dans la section des emplois, qui énumère différents postes, notamment destinés aux ingénieurs. Or, cette annonce a été publiée par Kelly Services, sous le droit d’auteur de Kelly Services (Canada), Ltd., 1998, et elle n’affiche pas la marque de commerce.

 

[131]       Les autres copies des Pages jaunes sont elles aussi dignes de mention. KELLY SCIENTIFIC RESOURCES est inscrite dans l’édition des Pages jaunes de Toronto de 1999-2000. KELLY TECHNICAL SERVICES et KELLY FINANCIAL SERVICES apparaissent pour la première fois dans les Pages jaunes de Toronto de 2001-2002 et de 2002-2003, respectivement. Cependant, la marque de commerce n’apparaît nulle part dans les listes d’emplois ou les publicités connexes figurant dans les extraits des Pages jaunes en circulation à Toronto entre juin 1998 et juin 2008, joints à l’affidavit de Mme Kirk.

 

[132]       Compte tenu de ce qui précède, je n’arrive pas à comprendre comment l’agente a pu rejeter le motif d’opposition de l’appelant fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi sur la foi des publicités de la défenderesse parues dans la presse écrite, de l’existence du bureau de Toronto et des déclarations de Mme French. Comme je l’ai déjà indiqué, l’agente a relevé, dans sa propre analyse, l’absence de preuve concernant la diffusion canadienne des annonces parues dans la presse et d’autres pièces documentaires antérieures à avril 1999. Les seuls éléments de preuve se rapportant à la diffusion canadienne étaient postérieurs à avril 1999. Le choix de l’agente de s’appuyer ensuite sur la même preuve pour conclure à l’emploi de la marque à compter d’avril 1999, compte tenu surtout de la preuve – soigneusement documentée – de l’appelant, n’est ni transparent, ni justifiable ni intelligible. J’estime par conséquent que la décision de l’agente ayant trait à ce motif n’était pas raisonnable eu égard à la preuve dont elle disposait et à l’évaluation qu’elle en a faite. J’infirmerai donc sa décision à ce chapitre et conclurai que le motif d’opposition de l’appelant fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi est valide.

 

[133]       Cependant, la demande d’enregistrement de la marque de commerce de la défenderesse ne reposait pas uniquement sur l’emploi au Canada, mais aussi sur l’emploi et l’enregistrement aux États-Unis. L’appelant n’a pas soulevé de motif d’opposition sur ce point et le registraire n’a donc pas eu à s’y intéresser. Cependant, il soutient que dans le cas où il serait fait droit à son motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi, la demande devrait alors être rejetée, et ce, peu importe que la défenderesse ait invoqué d’autres dispositions. À l’inverse, la défenderesse soutient que si son motif lié à la date de premier emploi au Canada est rejeté, sa demande peut encore être accueillie sur la base de l’emploi et de l’enregistrement aux États-Unis.

 

[134]       À l’appui de son argument, l’appelant invoque la décision McDonald’s précitée. Or, comme l’a mentionné la défenderesse à l’audience, cette affaire concernait une requête visant à modifier la demande de façon à ce qu’elle repose non plus sur l’emploi réel, mais sur l’emploi projeté. Un tel changement était interdit par la loi. Ce cas est différent de celui qui nous occupe, où la défenderesse a fondé sa demande sur deux motifs. Il est courant de prévoir des motifs subsidiaires dans les procédures judiciaires, et j’estime que l’appelant n’a fait valoir aucune règle de droit ou disposition législative pour étayer sa thèse.

 

[135]       En revanche, la défenderesse a attiré notre attention sur certaines décisions de la COMC reposant sur la jurisprudence de la Cour. Par exemple, dans Aetna Life Insurance Co of Canada c SNJ Associates Inc, [2001] COMC no 57, 13 CPR (4th) 539, la COMC déclarait (au paragraphe 13) :

[...] J’aimerais ajouter, cependant, que le fait de ne pas avoir réussi à démontrer l’emploi fondant la présente demande à l’égard des marchandises énumérées à (1) n’entraîne pas le rejet de la demande dans sa totalité. À cet égard, je m’estime lié par la décision rendue dans McCabe c. Yamamoto & Co. (America) Inc., (1989) 23 C.P.R. (3d) 498 (C.F. 1re inst.), dans laquelle la demande fut accordée sur la base de l’usage et de l’enregistrement de la marque aux É.-U. malgré l’échec de la demande fondée sur son usage au Canada.

 

 

 

[136]       Par conséquent, bien que j’estime que le motif d’opposition de l’appelant fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi est valide, je ne pense pas que ce soit suffisant pour rejeter la demande d’enregistrement, puisque le motif lié à l’emploi et à l’enregistrement de la marque de commerce aux États-Unis sur lequel est fondée la demande n’a pas été contesté.

 

[137]       Question 3

L’agente a-t-elle commis une erreur en ce qui a trait à la question de savoir si la marque de commerce donnait une description claire ou une description fausse et trompeuse au titre de l’alinéa 12(1)b) de la Loi?

            L’alinéa 12(1)b) de la Loi interdit l’adoption de marques de commerce qui donnent une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer. À cet égard, le test applicable est celui de la première impression créée dans l’esprit de la personne normale ou raisonnable faisant quotidiennement usage des marchandises ou des services associés à la marque (voir Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario c Canada (Procureur général), 2012 CAF 60, [2012] ACF no 278, au paragraphe 29; et College of Traditional Chinese Medicine Practitioners and Acupuncturists of British Columbia c Council of Natural Medicine College of Canada, 2009 CF 1110, [2009] ACF no 1381, au paragraphe 212). Ainsi, il ne faut pas considérer la marque de commerce de façon isolée ni scruter chacun de ses éléments constitutifs; il faut plutôt l’examiner en fonction du contexte général des marchandises ou des services (voir Conseil du régime de retraite des enseignants et enseignants de l’Ontario, précitée, au paragraphe 29). Il en va de même lorsque des parties de la marque de commerce ont fait l’objet d’un désistement (voir College of Traditional Chinese Medicine, précitée, au paragraphe 212).

 

[138]       Si la marque de commerce suggère un sens autre qu’un sens qui décrit les marchandises ou services qui lui sont associés, alors elle ne donne pas une description claire et son adoption n’est pas interdite en vertu de l’alinéa 12(1)b) de la Loi (voir Conseil du régime de retraite des enseignants et enseignants de l’Ontario, précitée, au paragraphe 29). Inversement, si la marque de commerce induit le public en erreur en l’amenant à croire que les marchandises ou les services associés ont un lien avec un terme ou un nom contenu dans la marque, elle donne alors probablement une description fausse et trompeuse et ne peut pas être adoptée aux termes de l’alinéa 12(1)b) de la Loi (voir Ron Matusalem & Matusa of Florida Inc c Havana Club Holding Inc SA, 2010 CF 786, [2010] ACF no 1006, au paragraphe 15; confirmée par 2011 CAF 244).

 

[139]       En l’espèce, l’appelant a fait valoir que la marque décrit clairement, ou de façon fausse et trompeuse, des services d’ingénierie, y compris des services offerts par un ingénieur dont le nom de famille est Kelly. La preuve pertinente soumise à l’agente comprenait les affidavits de M. Kizas et Mme Eatherly produits par l’appelant.

 

[140]       M. Kizas a présenté des copies de lois régissant la profession d’ingénieur au Canada, et il a souligné les dispositions régissant l’emploi du titre d’ingénieur. Il a également fourni une attestation certifiée par toutes les associations constituantes suivant laquelle la défenderesse n’était pas autorisée à offrir des services d’ingénierie. Mme Eatherly a soumis les résultats de diverses recherches concernant le nom de famille Kelly et les entreprises dans tout le Canada dont la dénomination incluait le nom Kelly suivi du terme engineer.

 

[141]       Après avoir examiné cette preuve, l’agente a conclu que la marque de commerce ne donnait pas une description claire, fausse ou trompeuse. Au chapitre de la description claire, l’agente a noté que même si le consommateur de services d’emploi pourrait s’imaginer que l’entreprise appartient à quelqu’un nommé Kelly, la marque de commerce n’est pas pour autant clairement descriptive de services de placement de personnel. J’estime que l’appelant n’a pas présenté en l’espèce de nouveaux éléments de preuve dont la valeur probante excède celle des documents dont l’agente disposait pour rendre sa décision. Compte tenu de la preuve disponible, j’estime que l’agente a raisonnablement conclu que la marque de commerce n’était pas clairement descriptive.

 

[142]       Cependant, en ce qui concerne la description fausse et trompeuse, j’estime que l’appelant a présenté de nouveaux éléments de preuve dont la valeur probante excède celle des documents soumis à l’agente. Les affidavits de MM. Neth et McMartin sont particulièrement importants à cet égard.

 

[143]       M. Net et M. McMartin ont tous deux déclaré que les entreprises dont les activités consistent à placer des ingénieurs ou à leur trouver un emploi pour qu’ils fournissent des services d’ingénierie peuvent elles-mêmes être tenues de s’inscrire auprès des associations constituantes compétentes. M. Neth a joint à son affidavit la politique de l’APEGGA (susmentionnée) qui sert à déterminer si un service ou une agence de ressources humaines ou de placement offre des services d’ingénierie en Alberta. L’agente ne disposait pas de cet élément de preuve. M. Neth a expliqué en ces termes la raison d’être de cette politique :

[traduction] L’APEGGA croit résolument qu’il y va de l’intérêt public, attendu que le client peut créer des conditions et/ou des politiques qui rendent l’existence de normes de pratique professionnelle adéquates improbable, en particulier dans le cas des employés contractuels ayant affaire à un client par ailleurs ignorant des normes professionnelles [...]

 

 

 

[144]       Si les critères énumérés dans la politique de l’APEGGA sont remplis, l’entreprise doit obtenir un permis d’exercice en Alberta. M. Neth a mentionné qu’il connaissait trois entreprises offrant des services dans le secteur de la dotation en ressources humaines qui satisfaisaient à ces critères et qui ont obtenu de l’APEGGA des permis pour pratiquer l’ingénierie. Après avoir appliqué les critères aux activités de la défenderesse, telles qu’elles sont décrites dans l’affidavit de M. Lichtenberg, M. Neth a conclu que celle-ci devait obtenir un permis d’exercice en Alberta. Bien qu’elle ait soutenu à l’audience que la preuve au dossier était insuffisante pour appuyer une telle conclusion, la défenderesse n’a produit aucune preuve à l’effet contraire. Fait à remarquer, la défenderesse est la seule partie à l’instance qui avait les moyens de le faire.

 

[145]       L’agente a conclu que la marque de commerce ne donnait pas une description fausse et trompeuse parce qu’elle n’était pas convaincue que les services de placement de personnel étaient en soi un domaine spécialisé de l’ingénierie. Cependant, les témoignages de MM. Neth et McMartin démontrent qu’il est important de réglementer les entreprises offrant des services de placement, et ont fait ressortir l’existence d’une politique propre à déterminer quelles entreprises de ressources humaines et de placement tombent sous le coup du cadre législatif de la profession d’ingénieur. Il ressort également de ces témoignages que certaines entreprises de services de placement sont actuellement régies par la loi albertaine relative à l’ingénierie, et que les activités de la défenderesse, telles que les décrivent les pièces disponibles, sont visées par ce cadre réglementaire.

 

[146]       L’agente a également tenu compte de l’emploi du terme resources dans la marque de commerce, estimant qu’il était tout aussi important que celui d’engineering. Cependant, dans son affidavit, M. Neth a noté que le terme resources, tel qu’il est utilisé dans la marque de commerce, ne dispenserait pas les firmes de se conformer à la loi albertaine. En fait, les noms de 113 compagnies détenant des permis d’exercice valides délivrés par l’APEGGA incluent le terme resources; les dénominations de trois d’entre elles comportent à la fois les mots engineering et resources. Bien que cet élément de preuve ne soit pas aussi déterminant que la politique de l’APEGGA, il a d’importantes implications au regard de l’analyse de l’agente et de sa conclusion finale quant à la question de la description fausse et trompeuse.

 

[147]       J’estime également que la déclaration de M. Neth voulant que la marque de commerce donne une description trompeuse des services offerts par la défenderesse est importante. M. Neth a renvoyé à l’explication de M. Lichtenberg selon laquelle la défenderesse place des [traduction] « ingénieurs, concepteurs, dessinateurs et techniciens qualifiés ». Il a indiqué que le terme descriptif engineering figurant dans la marque de commerce ne peut que signifier que les personnes recrutées par la défenderesse sont autorisées à pratiquer l’ingénierie. Cependant, les concepteurs, dessinateurs et techniciens n’ont pas le droit de pratiquer cette profession au Canada et ne sont pas des ressources en ingénierie au sens de la marque de commerce. M. Neth considère que, dans la mesure où la défenderesse place des techniciens, et notamment des ingénieurs, KELLY TECHNICAL RESOURCES serait un nom plus approprié et moins trompeur. Dans sa décision, l’agente n’a pas beaucoup réfléchi aux implications du fait que la défenderesse utilise sa marque de commerce pour placer du personnel autre que des ingénieurs.

 

[148]       En résumé, j’estime que cette nouvelle preuve a une valeur probante au regard de la question de la description fausse et trompeuse. La conclusion de l’agente à ce sujet doit donc être examinée selon la norme de la décision correcte.

 

[149]       Envisagée en liaison avec les services énumérés, la marque de commerce laisse entendre que la défenderesse a le droit de fournir des services de placement dans le domaine de l’ingénierie, à des ingénieurs et à des entreprises cherchant à engager de tels professionnels. Cependant, comme l’indique la politique de l’APEGGA et l’affidavit de M. Neth, les entreprises de placement et de ressources humaines offrant des services comparables à ceux de la défenderesse doivent détenir un permis d’exercice en Alberta. La défenderesse ne détient pas ce permis, ce qui tend à indiquer que la marque de commerce donne une description fausse et trompeuse des services fournis sous ce nom. C’est aussi ce que confirme la preuve selon laquelle cette marque sert à annoncer des emplois de concepteurs, de dessinateurs et de techniciens qualifiés. Comme le souligne M. Neth, seuls les ingénieurs autorisés ont le droit de pratiquer l’ingénierie au Canada, et ce type d’annonces amène les consommateurs à croire erronément que les concepteurs, les dessinateurs et les techniciens placés par la défenderesse possèdent les compétences nécessaires pour pratiquer l’ingénierie.

 

[150]       Comme je l’ai indiqué plus haut, l’agente a également tenu compte de l’importance du mot resources dans la marque de commerce. Cependant, M. Neth signale que ce terme est utilisé couramment dans les noms d’entreprises d’ingénierie autorisées. Il convient également de mentionner que la présence d’un élément offrant une description fausse, comme celui d’engineering dans la marque de commerce, a probablement pour effet de la rendre non enregistrable. En outre, bien que les termes engineering et resources aient fait l’objet d’un désistement de la part de la défenderesse, la jurisprudence établit clairement que [traduction] « les désistements ne peuvent pas se rapporter à des éléments faux et trompeurs de manière à rendre la marque de commerce globalement enregistrable, lorsque l’élément non enregistrable est la caractéristique dominante d’une marque composite » (voir TG Bright & Co c Institut national des appellations d’origine des vins et eaux-de-vie, 9 CPR (3d) 239, [1986] ACF no 220, à la page 243).

 

[151]       Par ailleurs, je prends acte du contre-interrogatoire de M. Lichtenberg sur lequel l’appelant a attiré l’attention. Comme nous l’avons mentionné, la défenderesse a mis sur pied ses différentes divisions, comme KELLY SCIENTIFIC RESOURCES et KELLY HEALTHCARE RESOURCES, avec l’intention d’établir un créneau de fournisseurs de services de placement. Comme les mots Kelly et Resources reviennent dans chaque division, j’estime que les termes Scientific, Healthcare et Engineering, tels qu’employés dans la marque de commerce, sont des composantes dominantes du nom des divisions, susceptibles d’influer fortement sur la première impression du consommateur à l’égard des services offerts par la défenderesse sous les différentes divisions.

 

[152]       La défenderesse a tenu compte de la présence du nom Kelly dans la marque de commerce. Cependant, comme l’a noté l’appelant, ce terme a de nombreux emplois et j’estime que son importance en est relativement affaiblie, comparativement aux termes visés par le désistement. Il convient également d’établir une distinction avec l’affaire Conseil canadien des ingénieurs c Comsol AB, 2011 COMC 3, [2011] COMC no 5003, invoquée par la défenderesse. Dans cette affaire, la COMC a établi que rien n’indiquait que le vocable COMSOL était un nom de personne. Elle a conclu qu’il était très distinctif en tant que première partie de la marque, et qu’il en était l’élément dominant (voir Comsol, précitée, aux paragraphes 25 et 38). Inversement, en l’espèce, un nombre considérable d’éléments de preuve indiquent que le mot Kelly est couramment utilisé, seul ou accompagné du terme engineering. J’estime donc que ce terme n’est pas aussi distinctif que le vocable COMSOL figurant dans la marque de commerce en cause dans la décision Comsol, précitée.

 

[153]       Pour toutes ces raisons, et en gardant à l’esprit que la finalité de cette partie de l’alinéa 12(1)b) est d’empêcher que les consommateurs soient induits en erreur, je conclus que la marque de commerce donne une description fausse et trompeuse de la nature et de la qualité des services énumérés. Son adoption est donc interdite aux termes de l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

 

[154]       La défenderesse soutient que si la Cour conclut que l’adoption de la marque de commerce est interdite aux termes de l’alinéa 12(1)b) de la Loi, elle peut néanmoins être maintenue en vertu du paragraphe 14(1).

 

[155]       Je relève d’emblée la référence faite par l’appelant à l’expression « ni de nature à tromper le public » figurant à l’alinéa 14(1)c). L’analyse qui précède confirme que la marque de commerce tromperait le public; la marque ne peut donc pas être sauvegardée par l’application du paragraphe 14(1) de la Loi.

 

[156]       Je renvoie également à la raison d’être de la politique de l’APEGGA, telle qu’expliquée par M. Neth. Cette politique entend protéger les consommateurs étrangers à la pratique de l’ingénierie. Le risque qu’un consommateur désireux d’engager un ingénieur qualifié, comme l’annonce la défenderesse, embauche, à cause de sa marque de commerce, un ingénieur qui peut être qualifié dans un autre pays, mais n’est pas autorisé à pratiquer l’ingénierie au Canada, me semble particulièrement indésirable. Cela contrevient aux objectifs déclarés de plusieurs lois canadiennes se rapportant à l’ingénierie. Par exemple, l’alinéa 5c) de la Engineering Profession Act, RSNS 1989, c 148 (incluse dans l’affidavit de M. Kizas) déclare précisément :

[traduction] Les objectifs de l’association sont les suivants : [...] garantir au public la compétence des ingénieurs dans la pratique de l’ingénierie [...]

 

 

 

[157]       Permettre l’adoption de la demande de marque de commerce risque à mon sens d’ouvrir la porte aux abus, ce qui nuirait à l’intérêt du public que la réglementation canadienne de la profession d’ingénieur a pour vocation de protéger. Il est alors d’autant plus important qu’une marque de commerce employée dans un domaine lié à l’ingénierie ne donne pas une description fausse et trompeuse, ou qu’elle ne soit pas de nature à tromper le public d’une manière finalement contraire à l’ordre public. Par conséquent, la marque de commerce n’est pas enregistrable en vertu du paragraphe 14(1) de la Loi.

 

[158]       Question 4

L’agente relative a-t-elle commis une erreur en ce qui a trait à la question de savoir si la marque de commerce était distinctive au titre de l’alinéa 38(2)d) et de l’article 2 de la Loi?

            Compte tenu de ma conclusion concernant le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b), je n’aborderai pas la question du caractère distinctif.

 

[159]       La demande de l’appelant est accueillie de la façon suivante :

1.         un jugement déclarera que le registraire des marques de commerce a eu tort de rejeter le motif d’opposition du CCI fondé sur l’alinéa 12(1)b) à l’égard de la demande no 1 220 370 pour la marque de commerce KELLY ENGINEERING RESOURCES;

2.         une ordonnance infirmant la décision du registraire des marques de commerce sera rendue au motif que la défenderesse n’a pas établi le bien‑fondé de sa demande en vertu de l’article 14 de la Loi sur les marques de commerce, et que la marque en cause donne une description fausse et trompeuse et qu’elle n’est donc pas enregistrable;

3.         une ordonnance rejetant la demande d’enregistrement no 1 220 370 pour la marque de commerce KELLY ENGINEERING RESOURCES sera rendue;

4.         les dépens de la demande seront adjugés à l’appelant.

 

JUGEMENT

IL EST DÉCLARÉ que le registraire des marques de commerce a eu tort de rejeter le motif d’opposition du CCI fondé sur l’alinéa 12(1)b) à l’égard de la demande d’enregistrement no 1 220 370 pour la marque de commerce KELLY ENGINEERING RESOURCES.

LA COUR ORDONNE que :

1.         la décision du registraire des marques de commerce soit infirmée au motif que la défenderesse n’a pas établi le bien‑fondé de sa demande en vertu de l’article 14 de la Loi sur les marques de commerce, et que la marque en cause donne une description fausse et trompeuse et qu’elle n’est donc pas enregistrable;

2.         la demande d’enregistrement no 1 220 370 pour la marque de commerce KELLY ENGINEERING RESOURCES soit rejetée;

3.         les dépens de la demande soient adjugés à l’appelant.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13

 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi. . . .

 

« distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

 

4. (2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

 

12. (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

. . .

 

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d’origine de ces marchandises ou services;

 

14. (1) Nonobstant l’article 12, une marque de commerce que le requérant ou son prédécesseur en titre a fait dûment déposer dans son pays d’origine, ou pour son pays d’origine, est enregistrable si, au Canada, selon le cas :

 

a) elle ne crée pas de confusion avec une marque de commerce déposée;

 

b) elle n’est pas dépourvue de caractère distinctif, eu égard aux circonstances, y compris la durée de l’emploi qui en a été fait dans tout pays;

 

c) elle n’est pas contraire à la moralité ou à l’ordre public, ni de nature à tromper le public;

 

d) son adoption comme marque de commerce n’est pas interdite par l’article 9 ou 10.

 

(2) Une marque de commerce qui diffère de la marque de commerce déposée dans le pays d’origine seulement par des éléments qui ne changent pas son caractère distinctif ou qui ne touchent pas à son identité dans la forme sous laquelle elle est déposée au pays d’origine, est considérée, pour l’application du paragraphe (1), comme la marque de commerce ainsi déposée.

 

30. Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

 

. . .

 

b) dans le cas d’une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande;

 

38.(2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants :

 

. . .

b) la marque de commerce n’est pas enregistrable;

 

. . .

 

d) la marque de commerce n’est pas distinctive.

 

56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l’expiration des deux mois.

 

 

(2) L’appel est interjeté au moyen d’un avis d’appel produit au bureau du registraire et à la Cour fédérale.

 

(3) L’appelant envoie, dans le délai établi ou accordé par le paragraphe (1), par courrier recommandé, une copie de l’avis au propriétaire inscrit de toute marque de commerce que le registraire a mentionnée dans la décision sur laquelle porte la plainte et à toute autre personne qui avait droit à un avis de cette décision.

 

(4) Le tribunal peut ordonner qu’un avis public de l’audition de l’appel et des matières en litige dans cet appel soit donné de la manière qu’il juge opportune.

 

 

(5) Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

 

2. In this Act, . . .

 

 

 “distinctive”, in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them;

 

 

4. (2) A trade-mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

 

12. (1) Subject to section 13, a trade-mark is registrable if it is not

 

 

. . .

 

(b) whether depicted, written or sounded, either clearly descriptive or deceptively misdescriptive in the English or French language of the character or quality of the wares or services in association with which it is used or proposed to be used or of the conditions of or the persons employed in their production or of their place of origin;

 

 

 

 

14. (1) Notwithstanding section 12, a trade-mark that the applicant or the applicant’s predecessor in title has caused to be duly registered in or for the country of origin of the applicant is registrable if, in Canada,

 

(a) it is not confusing with a registered trade-mark;

 

(b) it is not without distinctive character, having regard to all the circumstances of the case including the length of time during which it has been used in any country;

 

(c) it is not contrary to morality or public order or of such a nature as to deceive the public; or

 

(d) it is not a trade-mark of which the adoption is prohibited by section 9 or 10.

 

 

(2) A trade-mark that differs from the trade-mark registered in the country of origin only by elements that do not alter its distinctive character or affect its identity in the form under which it is registered in the country of origin shall be regarded for the purpose of subsection (1) as the trade-mark so registered.

 

 

 

30. An applicant for the registration of a trade-mark shall file with the Registrar an application containing

 

 

. . .

 

(b) in the case of a trade-mark that has been used in Canada, the date from which the applicant or his named predecessors in title, if any, have so used the trade-mark in association with each of the general classes of wares or services described in the application;

 

 

38.(2) A statement of opposition may be based on any of the following grounds:

 

. . .

 (b) that the trade-mark is not registrable;

 

 

. . .

 

(d) that the trade-mark is not distinctive.

 

 

56. (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

 

 

(2) An appeal under subsection (1) shall be made by way of notice of appeal filed with the Registrar and in the Federal Court.

 

(3) The appellant shall, within the time limited or allowed by subsection (1), send a copy of the notice by registered mail to the registered owner of any trade-mark that has been referred to by the Registrar in the decision complained of and to every other person who was entitled to notice of the decision.

 

(4) The Federal Court may direct that public notice of the hearing of an appeal under subsection (1) and of the matters at issue therein be given in such manner as it deems proper.

 

(5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.

 

 

 

 

 

Règles des cours fédérales, DORS/98-106

 

245. (1) La personne interrogée au préalable qui se rend compte par la suite que la réponse qu’elle a donnée à une question n’est plus exacte ou complète fournit sans délai, par écrit, les renseignements exacts ou complets à la partie qui l’a interrogée.

 

 

(2) Si une personne interrogée au préalable donne des renseignements en application du paragraphe (1), la partie qui l’a interrogée peut reprendre l’interrogatoire préalable à l’égard de ces renseignements.

 

(3) Les renseignements donnés aux termes du paragraphe (1) sont réputés faire partie de l’interrogatoire préalable.

 

245. (1) A person who was examined for discovery and who discovers that the answer to a question in the examination is no longer correct or complete shall, without delay, provide the examining party with the corrected or completed information in writing.

 

 

(2) An examining party may require a person providing information under subsection (1) to continue the examination for discovery in respect of that information.

 

(3) Information provided under subsection (1) is deemed to be part of the examination for discovery.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-412-11

 

INTITULÉ :                                      CONSEIL CANADIEN DES INGÉNIEURS et

 

                                                            KELLY PROPERTIES, LLC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 23 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 21 novembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John S. Macera

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Kevin Sartorio

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Macera & Jarzyna, LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Gowling Lafleur Henderson, s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

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