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Date : 20121030

Dossier : IMM-7115-11

Référence : 2012 CF 1266

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 30 octobre 2012

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

 

RAVINDRAN THANGAPPAN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Dans la présente demande, le demandeur conteste à la fois le refus, daté du 17 juin 2011, de sa demande visant à obtenir une prorogation de son permis de travail et le rétablissement de son statut de résident temporaire, ainsi que le rejet, le 13 septembre 2011, de sa demande de réexamen du refus. Même si le demandeur a mentionné uniquement le rejet de sa demande de réexamen comme décision visée par la demande de contrôle judiciaire, il est évident que celle-ci porte principalement sur le refus sous-jacent.  

 

[2]               L’avocate du défendeur soutient que, étant donné que seul le rejet de la demande de réexamen est mentionné dans la présente demande à titre de décision visée par le contrôle judiciaire, le bien-fondé du refus de la demande du demandeur en vue d’obtenir une prorogation de son permis de travail et le rétablissement de son statut de résident temporaire ne peut être examiné en l’espèce. Je ne souscris pas à cet argument. Voici le texte du paragraphe important de la décision de réexamen :

[traduction] Votre demande a été examinée au fond, notamment dans le cadre d’une nouvelle évaluation au titre de la section 5.30 du Guide FW1 (entrepreneurs et travailleurs autonomes). Étant donné que vous ne respectiez pas les critères applicables à la dispense d’avis relatif au marché du travail C11 selon le guide susmentionné, vous deviez fournir un avis relatif au marché du travail valide (AMT). Vos trois derniers AMT ayant tous été rejetés, votre demande a été refusée. Vous avez reçu communication de la décision motivée au sujet du refus au moyen d’une lettre datée du 17 juin 2011, laquelle mettait définitivement un terme à votre demande. Les demandes ainsi tranchées de manière définitive ne peuvent être réexaminées.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Décision datée du 13 septembre 2011, dossier de la demande du demandeur, page 34.)

 

 

Je suis d’avis que l’agent chargé d’exercer le pouvoir discrétionnaire du ministre et de réexaminer la décision a évalué en profondeur les éléments de preuve et la conclusion tirée dans la décision sous-jacente et n’a rejeté la demande de réexamen qu’après cette évaluation. En conséquence, l’agent a effectivement décidé que le permis de travail avait été refusé à bon droit.  J’estime donc que l’évaluation du réexamen ouvre la voie à une révision complète du processus ayant mené au refus du 17 juin 2011.

 

[3]               À mon sens, eu égard aux faits de la présente affaire, il n’est pas dans l’intérêt de la justice de restreindre la portée de la demande de contrôle judiciaire du demandeur simplement parce que seule la décision de réexamen est mentionnée dans la demande déposée. Il convient de souligner que, dans Marr c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 367 (CF), au paragraphe 56, le juge Zinn est arrivé à une conclusion similaire au vu des circonstances de l’affaire :

Malgré les conclusions auxquelles est arrivé le juge Mainville dans Medina, je suis d’avis qu’en l’espèce, la Cour devrait se pencher sur la demande de réexamen puisqu’elle découle essentiellement de la même décision. Le défendeur a reconnu que la Cour a la compétence voulue pour le faire si elle est convaincue que l’intérêt de la justice l’exige. La lettre du 29 juin 2010 se rapporte au dossier d’immigration portant le même numéro, renvoie à la même décision et a été envoyée avant que M. Marr ne dépose sa demande de contrôle judiciaire, le 5 août 2010. II serait inutile de scinder la demande en deux procédures distinctes. Dans les circonstances, il serait contraire à l’intérêt de la justice et à sa bonne administration d’insister pour que M. Marr dépose une demande distincte afin de solliciter l’autorisation de faire contrôler le refus de réexaminer une décision déjà soumise à l’examen de la Cour.

 

I.          Les faits à l’origine du litige

[4]               Citoyen de l’Inde, le demandeur est un grand maître de karaté ainsi qu’un grand champion international et médaillé d’or dans ce sport. Le 16 février 2008, le demandeur a commencé à travailler au Canada pour une école d’arts martiaux comme directeur de programme et instructeur conformément à un permis de travail de trois ans accordé dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires.

 

[5]               En août 2010, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie de l’expérience canadienne. Par la suite, et avant l’expiration de son permis de travail, le demandeur a créé deux sociétés canadiennes avec son partenaire commercial. Une des deux sociétés était l’académie d’arts martiaux pour laquelle il avait travaillé.

 

[6]               Le 16 février 2011, après l’expiration de son permis de travail, le demandeur a sollicité un autre permis de travail et le rétablissement de son statut de résident temporaire. Dans sa demande de permis temporaire, le demandeur précise qu’il a l’intention de travailler à titre d’entrepreneur ou de travailleur autonome conformément à l’alinéa 205a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).

 

[7]               L’article 205 du Règlement est ainsi libellé :

Intérêts canadiens

 

205. Un permis de travail peut être délivré à l’étranger en vertu de l’article 200 si le travail pour lequel le permis est demandé satisfait à l’une ou l’autre des conditions suivantes :

 

a) il permet de créer ou de conserver des débouchés ou des avantages sociaux, culturels ou économiques pour les citoyens canadiens ou les résidents permanents;

 

b) il permet de créer ou de conserver l’emploi réciproque de citoyens canadiens ou de résidents permanents du Canada dans d’autres pays;

 

c) il est désigné par le ministre comme travail pouvant être exercé par des étrangers, sur la base des critères suivants :

 

(i) le travail est lié à un programme de recherche, d’enseignement ou de formation,

 

(ii) un accès limité au marché du travail au Canada est justifiable pour des raisons d’intérêt public en rapport avec la compétitivité des établissements universitaires ou de l’économie du Canada;

 

d) il est d’ordre religieux ou charitable.

Canadian interests

 

205. A work permit may be issued under section 200 to a foreign national who intends to perform work that

 

(a) would create or maintain significant social, cultural or economic benefits or opportunities for Canadian citizens or permanent residents;

 

(b) would create or maintain reciprocal employment of Canadian citizens or permanent residents of Canada in other countries;

 

(c) is designated by the Minister as being work that can be performed by a foreign national on the basis of the following criteria, namely,

 

(i) the work is related to a research, educational or training program, or

 

(ii) limited access to the Canadian labour market is necessary for reasons of public policy relating to the competitiveness of Canada’s academic institutions or economy; or

 

(d) is of a religious or charitable nature.

 

 

II.        La décision

[8]               Le ministre a rejeté la demande de permis de travail du demandeur et a communiqué sa décision dans une lettre datée du 17 juin 2011. Il s’agit d’une lettre assez standard qui fait état uniquement des motifs suivants au soutien du rejet de la demande de permis de travail :

[traduction] Après examen de l’ensemble de votre dossier, il a été décidé que votre demande de permis de travail ne pouvait être approuvée en l’absence d’un avis positif sur le marché du travail et d’une confirmation de Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Votre employeur éventuel doit obtenir cette confirmation. Vous n’avez pas prouvé que vous respectiez les critères applicables à la dispense de validation.

 

(Décision datée du 17 juin 2011, dossier de la demande du demandeur, page 35.)

 

[9]               Le demandeur a présenté une demande de réexamen au ministre au motif qu’il n’était pas tenu d’obtenir un avis relatif au marché du travail (AMT), parce qu’il formulait sa demande à titre d’entrepreneur ou de travailleur autonome conformément à l’alinéa 205a) du Règlement. Cette disposition soustrait les demandeurs à l’obligation d’obtenir un AMT lorsque certains critères sont respectés. Tel qu’il est mentionné plus haut, dans sa décision de réexamen, le ministre affirme à nouveau que le demandeur n’avait pas respecté les critères relatifs aux dispenses d’AMT en vertu du Guide des travailleurs étrangers (Guide).

 

III.       Motifs de la décision

[10]           Le demandeur soutient que l’agent qui a évalué la demande de permis de travail a commis une erreur dans l’interprétation et l’application de l’article 205 du Règlement, parce que sa demande de résidence temporaire en instance n’est pas incompatible avec cette disposition et qu’il satisfait par ailleurs aux critères de celle-ci.

 

[11]           Le défendeur répond que le demandeur n’a pas satisfait aux exigences de l’article 205, parce qu’il n’a pas respecté les critères énoncés dans le Guide. De l’avis du défendeur, le Guide exige que le demandeur soit une personne qui a demandé la résidence permanente, qui a satisfait à la définition d’« entrepreneur » ou de « travailleur autonome » et a été sélectionné à ce titre et qui peut démontrer que son admission au Canada pour lancer ou exploiter son entreprise générerait des avantages économiques, sociaux ou culturels importants ou des occasions de travail pour les citoyens canadiens et qu’il existe des raisons urgentes et convaincantes de délivrer le permis de travail avant le traitement de la demande de résidence permanente.

 

[12]           À mon avis, il existe un problème fondamental lié à l’évaluation des arguments exposés, parce que ni la décision rendue le 17 juin 2011, ni la décision de réexamen du 13 septembre 2011 ne comportent une analyse de la demande qu’a présentée le demandeur ainsi que des raisons pour lesquelles elle a été refusée. En conséquence, il importe de consulter les notes que l’agent a consignées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI) pour comprendre les motifs du refus.

 

[13]           Voici l’extrait pertinent des notes consignées dans le STIDI :

[traduction] La section 5.30 du Guide des travailleurs étrangers semble s’appliquer en l’espèce. Il présente sa demande dans la catégorie C11 – Entrepreneurs et travailleurs autonomes – avantage important pour le Canada. Cette catégorie s’applique d’abord aux demandeurs de la résidence permanente : ces personnes doivent satisfaire à la définition de « entrepreneur » et avoir été sélectionnées. La demande du client est présentée dans la catégorie de l’expérience canadienne – rien n’indique qu’elle a été examinée dans la catégorie des entrepreneurs ou des travailleurs autonomes. Jusqu’à maintenant, aucune sélection n’a été faite. Si la demande était présentée dans la catégorie des entrepreneurs, le client devrait fournir des raisons urgentes et convaincantes pour être autorisé à entrer au Canada avant la fin du traitement de sa demande. Le client doit démontrer que son admission au Canada pour lancer ou exploiter son entreprise générerait des avantages économiques, sociaux ou culturels importants ou des occasions de travail pour les citoyens canadiens ou résidents permanents. L’avocat du client déclare qu’il y a 102 étudiants. Il ne mentionne aucun autre avantage important pour le Canada.

 

Dans le cas des demandeurs de la résidence temporaire, il est précisé à la section 5.30 qu’il s’agit de personnes qui n’ont pas l’intention de résider au Canada en permanence et qu’il peut parfois arriver que l’entreprise ou la période de travail prévue soit réellement temporaire. Le client demande un document pour une période d’un an. Dans la lettre d’envoi, l’avocat mentionne la demande de résidence permanente dans la catégorie de l’expérience canadienne. Le client ne m’a pas convaincu que son entrée est temporaire.

 

Selon des renseignements de source générale, le client semble avoir changé le nom de l’entreprise et avoir continué à travailler après l’expiration de son permis de travail. Je refuse la présente demande – le client avait obtenu le permis de travail de trois ans sur la foi d’un avis relatif au marché du travail. Il semble avoir besoin d’un autre avis relatif au marché du travail pour obtenir une prorogation – le client n’a pas établi l’existence d’avantages économiques, sociaux ou culturels importants ou d’occasions de travail pour les citoyens canadiens ou résidents permanents dans la présente demande. Demande refusée.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Dossier certifié du tribunal, aux pages 16 à 22.)

 

 

[14]           L’avocat du demandeur soutient que les notes sont ambiguës et qu’elles ne comportent pas suffisamment de renseignements pour permettre de comprendre le détail du processus décisionnel en l’espèce. Je souscris à cet argument. Je suis d’avis que les notes consignées dans le STIDI, notamment les parties importantes soulignées plus haut, sont incompréhensibles; il est impossible de savoir comment l’agent en est arrivé à la décision définitive au sujet des exigences de l’article 205 du Règlement. En conséquence, je conclus que les motifs invoqués au soutien du refus de la demande sous-jacente du demandeur manquent de justification, de transparence et d’intelligibilité, de sorte que la décision visée par la présente demande de contrôle judiciaire n’est pas raisonnable.


ORDONNANCE

 

À la demande de l’avocat du demandeur, la décision visée par le contrôle judiciaire est infirmée et l’affaire est renvoyée pour nouvel examen de la demande du demandeur par un agent différent conformément à l’article 205 du Règlement.

 

Il n’y a pas de question à certifier.

 

                                                                                                            « Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7115-11

 

INTITULÉ :                                      RAVINDRAN THANGAPPAN c LE MINISTRE DE
LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 16 octobre 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 30 octobre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Chad Rawn

 

POUR LE DEMANDEUR

Jocelyn Espejo-Clarke

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Chad Rawn

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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