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Date : 20121029

Dossier : T-299-05

Référence : 2012 CF 1257

 

Ottawa (Ontario), le 29 octobre 2012

En présence de monsieur le juge Scott

 

ENTRE :

CATHERINE LEUTHOLD

 

demanderesse

 

et

 

SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

et

JERRY MCINTOSH

 

défendeurs

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I.          Introduction

 

[1]               À la suite du jugement rendu par la Cour le 14 juin 2012 (Leuthold c Société Radio-Canada, 2012 CF 748) (la décision Leuthold), les défendeurs déposent cette requête au terme de l’article 403 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles) afin que la Cour rende une ordonnance contenant des directives à l’officier taxateur sur la répartition des dépens.

 

II.        La réparation demandée

 

[2]               Plus précisément, la requête, dans ses conclusions, vise à obtenir :

« 1.      Une ordonnance que les dépens soient adjugés en leur faveur à compter du 9 août 2005, au double du tarif prévu et selon l’échelle supérieure de la colonne IV du tarif B;

2.         Que la Cour donne des directives à l’officier taxateur permettant la taxation des dépens pour :

a)                  un second procureur pour toutes les étapes des procédures, incluant l’audience;

b)                 les frais et débours des experts entendus à l’audience;

c)                  tous les débours, incluant les frais de déplacement pour les témoins, frais de photocopie, frais de recherche en ligne, frais de transcription sténographique pour les interrogatoires préalables et à l’audience, les frais d’interurbains, de télécopie, de courrier et autres charges administratives;

d)                 les intérêts quant aux dépens et débours depuis le 14 juin 2012;

e)                  les dépens quant à la présente requête;

f)                  toute autre ordonnance que cette honorable Cour pourrait considérer juste et raisonnable. »

 

[3]               Pour les motifs exposés ci-après, la requête des défendeurs est accueillie partiellement.

 

III.       Les faits

 

[4]               Le 18 février 2005, la demanderesse, Catherine Leuthold, intente son action pour violation du droit d’auteur, réclamant à ce moment des dommages-intérêts fondés sur une somme de 3 080,61 $ CAN (2 500 $ US) pour chaque reproduction non autorisée des photographies et chaque diffusion de ces dernières, à l’encontre des défendeurs, la Société Radio-Canada (la SRC) et Jerry McIntosh (ensemble, les défendeurs).

 

[5]               Le 9 août 2005, les défendeurs signifiaient à la demanderesse une offre de règlement (l’offre) d’un montant de trente-sept mille cinq cents dollars US (37 500 $ US), plus des intérêts. Cette offre comprenait également les dépens relatifs à l’action jusqu’à la date de l’offre, sur la base des dépens partie-partie.

 

[6]               L’offre des défendeurs ne contenait aucun aveu de responsabilité à l’égard de la violation du droit d’auteur, et la demanderesse l’a rejetée.

 

[7]               La demanderesse a présenté trois offres de règlement.

 

[8]               La conduite des défendeurs a prolongé l’instance d’environ deux ans.

 

[9]               Le revenu imposable de la demanderesse pour 2006 était de 20 661 $ US.

 

[10]           L’instruction a commencé le 6 février 2012.

 

[11]           La demanderesse recherchait une condamnation à des dommages-intérêts exemplaires à l’encontre de la SRC, soit un montant de 25 000 $ CAN, ainsi qu’à l’encontre de M. McIntosh, soit un montant de 10 000 $ CAN.

 

[12]           La demanderesse avait aussi réclamé la somme de 15 000 $ CAN en dommages-intérêts punitifs, mais elle a renoncé à cette partie-là de sa demande pendant l’instruction.

 

[13]           La demanderesse recherchait également une comptabilisation des profits.

 

[14]           Les défendeurs ont reconnu qu’il y avait eu violation dans le cas de six communications au public.

 

[15]           Les défendeurs ont refusé d’admettre qu’il y avait eu violation des droits de la demanderesse.

 

[16]           La Cour n’a pas retenu l’avis de l’expert des défendeurs.

 

[17]           La Cour a refusé d’ordonner une comptabilisation des profits ou une injonction (voir la décision Leuthold, aux paragraphes 147 et 161).

 

[18]           M. McIntosh n’a pas été tenu personnellement responsable de la violation parce que ses gestes n’étaient pas attribuables à un acte délibéré ou à une négligence grossière (Leuthold, au paragraphe 171).

 

[19]           La Cour a refusé d’ordonner des dommages-intérêts exemplaires à l’encontre des défendeurs parce que les violations étaient attribuables à une erreur de bonne foi (Leuthold, au paragraphe 159).

 

[20]           Le 14 juin 2012, la Cour ordonnait à la SRC de payer à la demanderesse, solidairement avec chaque entreprise de distribution de radiodiffusion (les EDR), la somme de 19 200 $ US en dommages-intérêts (voir la décision Leuthold).

 

[21]           La Cour ordonnait, pour chaque violation, le paiement d’un montant supérieur à celui qui était réclamé.

 

[22]           Il a également été ordonné à la SRC de payer à la demanderesse un montant additionnel de 168,74 $ CAN au titre des recettes générées.

 

[23]           La Cour reportait sa décision quant aux dépens à une audience spéciale qui serait inscrite au rôle après que les parties eurent reçu son jugement (voir la décision Leuthold, au paragraphe 174).

 

[24]           Le 13 juillet 2012, les défendeurs déposaient leur avis de requête, conformément à l’article 403 des Règles.

 

[25]           Le 19 juillet 2012, la Cour fixait une date pour l’audition de la requête, soit le jeudi 23 août 2012.

 

[26]           Le 7 août 2012, les défendeurs déposaient leurs observations écrites.

 

[27]           Le 14 août 2012, la demanderesse présentait ses observations écrites.

 

IV.       Les questions en litige

 

1.                  Les défendeurs ont-ils droit à leurs dépens au double du tarif qui a été taxé à leur égard?

2.                  Les défendeurs ont-ils droit à ce que leurs dépens contre la demanderesse soient taxés en fonction de l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B?

 

V.        Les dispositions légales pertinentes

 

[28]           Les dispositions applicables des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, se trouvent en annexe à la présente décision.

 

VI.       Les observations des parties sur la première question

 

1.         Les défendeurs ont-ils droit à leurs dépens au double du tarif qui a été taxé à leur égard?

 

A.        Les observations des défendeurs

 

[29]           Les défendeurs soutiennent qu’ils ont droit au double de leurs dépens à compter de la date à laquelle ils ont signifié leur offre. Ils affirment que les deux conditions fixées par le paragraphe 420(2) des Règles sont remplies, à savoir :

1)         la demanderesse a obtenu un jugement moins favorable que l’offre (cette dernière s’élevait à 37 500 $ US, tandis que la demanderesse a obtenu un jugement de 19 200 $ US, plus la somme de 168,74 $ CAN);

2)         l’offre a été faite au moins quatorze jours avant le début de l’instruction (l’offre a été signifiée le 9 août 2005 et l’instruction a commencé le 6 février 2012), et elle n’a pas été révoquée et n’a pas expiré avant le début de l’instruction.

 

[30]           Les défendeurs sont d’avis, compte tenu de ce qui précède, qu’ils devraient recevoir leurs dépens au double du tarif taxé pour la période allant de la date à laquelle ils ont signifié leur offre à la date du jugement. Ils insistent sur le fait que cette offre représentait près du double du montant accordé à la demanderesse dans le jugement de la Cour. Ils renvoient également la Cour au jugement qu’a rendu la juge D. Tremblay‑Lamer, ITV Technologies Inc c WIC Television Ltd, 2005 CF 744, au paragraphe 11.

 

B.        Les observations de la demanderesse

 

[31]           La demanderesse ne conteste aucune des prétentions de fait qui précèdent. Cependant, elle n’accepte pas que ces faits justifient que les défendeurs reçoivent le double de leurs dépens.

 

[32]           La demanderesse soutient que les dépens ne sont pas automatiquement doublés lorsque les conditions précisées au paragraphe 420(2) des Règles sont réunies. Leur adjudication demeure encore assujettie au pouvoir discrétionnaire absolu que confère à la Cour l’article 400 des Règles. Elle ajoute que, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit tenir compte des facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles.

 

[33]           La demanderesse signale tout d’abord que l’offre des défendeurs ne contenait aucune reconnaissance de responsabilité ou de faute. Elle explique ensuite qu’elle-même a fait trois offres de règlement de bonne foi et que, en ce qui concerne la première de ses offres, les défendeurs ont demandé une prorogation du délai prévu pour l’accepter, mais ont ensuite négligé de répondre avant l’expiration du délai prolongé. Selon la demanderesse, ce comportement porte à croire que la demande de prorogation n’était rien de plus qu’une tactique dilatoire.

 

[34]           Traitant ensuite de l’offre des défendeurs qu’elle a refusée, la demanderesse soutient que les défendeurs ne lui ont pas fourni d’informations suffisantes et fiables sur les recettes de publicité et d’abonnement des défendeurs, ainsi que sur le nombre et la portée des violations commises. Il y a eu également une absence totale d’informations sur les recettes des EDR. Enfin, la demanderesse soutient qu’elle était justifiée de refuser l’offre des défendeurs après avoir appris que les EDR avaient peut-être commis des centaines de violations.

 

[35]           La demanderesse signale en outre que la non-divulgation des informations financières est ce qui l’avait amenée à demander une comptabilisation des profits.

 

[36]           L’avocat de la demanderesse souligne également certains faits liés au temps qui s’est écoulé avant que les interrogatoires préalables puissent avoir lieu.

 

[37]           La demanderesse conclut que la conduite des défendeurs avait prolongé l’instance d’environ deux ans.

 

VII.     L’analyse de la première question en litige

 

A.        Les principes généraux des dépens

 

[38]           L’adjudication des dépens repose sur le principe fondamental selon lequel la Cour a « le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens [et] de les répartir […] » (paragraphe 400(1) des Règles). La Cour peut aussi tenir compte des facteurs énumérés au paragraphe 400(3) au moment d’exercer ce pouvoir discrétionnaire. La jurisprudence a ajouté un autre principe, « l’allocation de dépens représente un compromis entre l’indemnisation de la partie qui a gain de cause et la non-imposition d’une charge excessive à la partie qui succombe », la Cour doit en tenir compte (Apotex Inc c Wellcome Foundation Ltd, 84 CPR (3d) 303, 159 FTR 233, au paragraphe 7).

 

1.         Les défendeurs ont-ils droit à leurs dépens au double du tarif qui a été taxé à leur égard?

 

[39]           Les défendeurs ont droit à leurs dépens au double du tarif qui a été taxé, conformément au paragraphe 420(2) des Règles, et ce, pour les motifs suivants.

 

[40]           Premièrement, l’offre des défendeurs est conforme aux conditions fixées par l’article 420 des Règles pour justifier l’adjudication du double des dépens au tarif que fixe la Cour, c’est‑à‑dire :

1)         la demanderesse a obtenu un jugement moins favorable que l’offre (l’offre était de 37 500 $ US, tandis que la demanderesse a obtenu un jugement de 19 200 $ US, plus 168,74 $ CAN);

2)         l’offre a été faite au moins 14 jours avant le début de l’instruction (l’offre a été signifiée le 9 août 2005 et l’instruction a débuté le 6 février 2012), et elle n’a pas été révoquée et n’a pas expiré avant cette dernière date.

 

[41]           La demanderesse reconnaît que l’offre des défendeurs répondait aux conditions de l’article 420 des Règles. Cependant, elle ne convient pas qu’il faut nécessairement adjuger le double des dépens. Elle rappelle à la Cour que cette dernière détient un pouvoir discrétionnaire absolu et n’est pas tenue d’adjuger le double des dépens dès qu’une offre répond à toutes les conditions fixées.

 

[42]           À l’appui de cette affirmation, la demanderesse se fonde sur l’arrêt Canwell Enviro‑Industries Ltd c Baker Petrolite Corp, 2002 CAF 482 (l’arrêt Baker), à l’alinéa 4b) :

Si je comprends bien l’alinéa 420(2)b), « sauf ordonnance contraire de la Cour », lorsque le défendeur présente au demandeur une offre de règlement qui est rejetée et que le demandeur n’obtient pas gain de cause lors du jugement (comme c’est le cas en l’espèce), le défendeur a droit au double des dépens. Dans ce cas, le défendeur n’a pas besoin de démontrer que l’offre était plus généreuse au demandeur que l’issue du litige. Je suis toutefois porté à accorder un montant autre que le double des dépens. […]

 

Dans cette affaire, la Cour d’appel a ensuite majoré de 50 % les dépens des défendeurs (plutôt que de 100 %) parce qu’elle a jugé que l’offre n’était pas un véritable compromis. La notion de « compromis (ou d’incitation à accepter) » a depuis ce temps été analysée et elle est considérée comme un élément essentiel d’une offre qui satisfait aux conditions du paragraphe 420(2) des Règles (voir M.K. Plastics Corp. c Plasticair Inc, 2007 CF 1029, au paragraphe 39).

 

[43]           Cependant, l’argument de la demanderesse en faveur du refus du doublement des dépens peut être distingué du raisonnement exposé dans Baker parce qu’elle n’a jamais fait valoir devant la Cour que l’offre des défendeurs n’était pas un compromis. Lorsqu’elle traite de l’offre des défendeurs dans le contexte de l’alinéa 400(3)e) des Règles (« toute offre écrite de règlement »), la demanderesse met davantage l’accent sur le fait qu’elle n’a pas eu assez d’informations pour prendre une décision éclairée au sujet de l’offre présentée. Selon la demanderesse, ce manque d’informations était principalement attribuable au peu de collaboration des défendeurs et leur défaut de fournir des renseignements qui lui auraient permis d’évaluer sa réclamation. Elle souligne également qu’elle a fait trois offres de bonne foi aux défendeurs.

 

[44]           La demanderesse est d’avis que la Cour doit prendre en considération tous les facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles pour exercer son pouvoir discrétionnaire d’adjuger le double des dépens. La décision dans laquelle la Cour a tenu compte de facteurs autres que ceux qui se rapportaient à la qualité de l’offre est Monsanto Canada Inc c Schmeiser, 2002 CFPI 439, aux paragraphes 14 et 15.

 

[45]           La Cour est d’avis qu’il lui faut principalement examiner les facteurs qui existaient au moment où l’offre a été faite pour décider s’il convient ou non de doubler les dépens. Dans la décision Sun Construction Co Ltd c Canada, 2001 CFPI 447, au paragraphe 39, la Cour citait la décision qu’avait rendue le juge Orsborn dans la décision Burton c Global Benefit Plan Consultants Inc, (1999) 183 Nfld & PEI 86, aux paragraphes 10 et 11 (la décision Burton), relativement aux offres de règlement :

[traduction

 

[10]      Après avoir examiné les décisions d’autres ressorts, je note, aux paragraphes 21 et 22 :

 

« Il est clair que, dans tout le Canada, l’imposition de conséquences sévères et défavorables sur les dépens est considérée comme une nécessité afin d’encourager la présentation et l’acceptation d’offres raisonnables de règlement avant l’instruction. »

 

[11]      Devant une offre de règlement, une partie doit évaluer objectivement les aspects économiques de la décision de poursuivre le litige. Comme le dit Pattison, c’est « [...] ici que convergent les analyses de fond et économiques de la valeur et du risque qu’il y a à poursuivre le litige jusqu’à l’obtention d’un jugement. Une partie peut décider d’accepter l’offre ou en faire une elle-même. Si, après avoir évalué l’offre, elle choisit de ne rien faire, ce choix suppose implicitement que la partie est convaincue qu’elle obtiendra un meilleur résultat au procès. Cette décision appartient seule à la partie – qui connaît les forces et les faiblesses de sa cause. Mais une telle décision indique également que la partie est prête à prendre le risque de poursuivre l’instance. Elle est disposée à accepter les conséquences d’avoir tort. Une partie qui a fait une offre de règlement ne devrait pas supporter les dépenses de poursuivre l’action jusqu’à l’instruction parce que l’autre partie a fait une évaluation trop optimiste de sa cause. »

 

[46]           En l’espèce, il ressort des faits que les défendeurs ont offert la somme de 37 500 $ US, plus les intérêts et les dépens. La demanderesse avait autorisé l’utilisation de cinq de ses photographies au prix de 2 500 $ US (décision Leuthold, au paragraphe 21). De plus, au moment où cette offre a été faite, Mme Leuthold n’était pas riche. Les défendeurs font valoir que la demanderesse avait évalué sa demande [traduction] « avec un optimisme exagéré » et avait imprudemment rejeté leur offre raisonnable.

 

[47]           La demanderesse réplique en soutenant que [traduction] « il n’est pas dans l’intérêt public de dissuader une partie de présenter une demande raisonnable par crainte, principalement, d’une adjudication de dépens ». Elle insiste pour dire que, même si le montant réclamé (21 554 954,25 $ CAN) peut sembler énorme à première vue, il reposait sur une évaluation raisonnable du préjudice subi pour chaque violation. Le montant était élevé à cause du nombre des violations potentielles, surtout de la part des EDR. La question du [traduction] « nombre des violations découlant d’une transmission faite par une entreprise de programmation à [de nombreuses] EDR » était importante (observations écrites de la demanderesse (les OED), au paragraphe 27), et cette question exigeait d’analyser avec soin les dispositions de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C‑42 et de la Loi sur la radiodiffusion, LC 1991, c 11, de même que les témoignages de deux témoins experts. Une demande qui requiert une analyse aussi détaillée ne peut pas être écartée facilement parce qu’on la juge déraisonnable. Enfin, la demanderesse ajoute que [traduction] « l’importance des questions en litige justifie que l’on libère la demanderesse du fardeau d’avoir à payer des dépens […] considérables » (les OED, au paragraphe 29).

 

[48]           La Cour ne souscrit pas à l’argument de la demanderesse selon lequel l’importance de la question en litige signifie que sa décision de débattre la question était raisonnable. Vu l’offre des défendeurs, la décision de la demanderesse de la rejeter et de risquer de dépenser d’importantes sommes d’argent à poursuivre une demande n’est pas forcément raisonnable. Comme il est indiqué dans le passage de la décision Burton, précitée, on considère qu’une partie qui refuse une offre de règlement raisonnable est convaincue qu’elle obtiendra un meilleur résultat au procès. Si cette partie n’en est convaincue, elle devrait alors accepter une offre raisonnable ou accepter les risques liés à la poursuite de l’instance.

 

VIII.    Les observations des parties sur la seconde question en litige

 

2.         Les défendeurs ont-ils droit à ce que leurs dépens contre la demanderesse soient taxés en fonction de l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B?

 

A.        La position des défendeurs

 

[49]           Les défendeurs renvoient la Cour à l’article 407 des Règles, qui lui permet de taxer les dépens à un tarif autre que ceux que comporte la colonne III du tableau du tarif B. Ils soulignent de plus que la Cour peut adjuger les dépens en fonction d’une colonne supérieure et qu’elle a « le pouvoir discrétionnaire » de déterminer le montant de ces dépens, en vertu du paragraphe 400(1) des Règles. Ils fondent leur position sur l’arrêt Novopharm Limited c Sanofi‑Aventis Inc, 2007 CAF 384, aux paragraphes 8 à 10.

 

[50]           Les défendeurs invoquent aussi le paragraphe 400(3) des Règles, où figure une liste de facteurs à prendre en considération. Ils soulignent que les facteurs suivants justifient à la fois l’adjudication des dépens en fonction de l’échelon supérieur de la colonne IV et l’adjudication de dépens pour la participation à l’instance d’un second avocat principal :

400. (3) Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

 

400. (3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider

 

a) le résultat de l’instance;

 

(a) the result of the proceeding;

 

b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées;

 

(b) the amounts claimed and the amounts recovered;

 

c) l’importance et la complexité des questions en litige

(c) the importance and complexity of the issues

 

[51]           Les défendeurs reconnaissent que la demanderesse a eu gain de cause dans sa demande pour violation du droit d’auteur à l’égard de six transmissions non autorisées de ses œuvres, mais ils rappellent à la Cour que ces violations ont été admises dans le recueil conjoint de documents avant le début de l’instruction.

 

[52]           Par ailleurs, les défendeurs soutiennent que la demanderesse a été déboutée dans la majorité de ses autres demandes, notamment la comptabilisation des profits, les dommages-intérêts exemplaires et une injonction. Ils concluent donc que le résultat de l’instance penche en grande partie en leur faveur.

 

B.        La position de la demanderesse

 

[53]           La demanderesse présente en réponse sa propre liste de demandes à l’égard desquelles, en plus de la demande pour violation du droit d’auteur, elle a eu gain de cause, soit une demande de remise, les profits de la SRC ainsi que la destruction des copies électroniques des œuvres violant son droit d’auteur. C’est donc dire, selon la demanderesse, qu’elle est celle des deux parties qui a connu le plus de succès.

 

[54]           La demanderesse insiste aussi pour dire que les défendeurs n’ont jamais reconnu la violation. Elle cite la seconde défense modifiée des défendeurs, datée du 3 avril 2009, qui, à son avis, contient plutôt un certain nombre de défenses conçues pour éviter d’être tenus responsables des violations.

 

C.        Les positions respectives des parties au sujet des alinéas 400(3)b) et c) des Règles

 

1)         Les sommes réclamées et les sommes recouvrées

 

a)           La position des défendeurs

 

[55]           La somme totale que réclamait la demanderesse en dommages-intérêts pour violation du droit d’auteur à l’encontre des défendeurs s’élevait à 21 554 954,25 $ CAN. Les défendeurs soutiennent que cette réclamation était grossièrement exagérée, comme en témoigne le montant qui a été accordé le 14 juin 2012, qui n’équivaut qu’à 0,1 % de la réclamation.

 

[56]           Les défendeurs soutiennent qu’en raison du montant en cause, et par suite des modifications que la demanderesse a apportées à sa demande en 2007, l’affaire est devenue nettement plus longue et complexe. Ainsi, il a fallu tenir plus d’une conférence préparatoire.

 

[57]           Les défendeurs font aussi valoir que la SRC est un organisme public et que, de ce fait, des fonds publics considérables ont été dépensés à cause du montant exorbitant de la réclamation.

 

[58]           Enfin, les défendeurs signalent que, si la demanderesse avait évalué ses dommages-intérêts à un montant correspondant à peu près à celui qui lui a été accordé (environ 20 000 $ US), son action aurait été régie par les articles 292 à 299 des Règles. L’action aurait été nettement moins coûteuse. Il s’agit là d’un autre facteur dont il faut tenir compte, suivant l’alinéa 400(3)n) des Règles.

 

[59]           Les défendeurs font valoir que, pour toutes ces raisons, le montant exagéré de la réclamation de la demanderesse justifie une taxation des dépens à l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B, ainsi que les dépens relatifs à la présence de deux avocats à chaque stade du litige, et ce, à compter de la date à laquelle l’offre des défendeurs a été signifiée.

 

b)        La position de la demanderesse

 

[60]           La demanderesse réplique que l’écart entre le montant des dommages-intérêts réclamés et celui accordé, résulte de l’interprétation qu’a faite la Cour du contrat de licence d’octobre 2002 ainsi que du nombre de violations que la demanderesse avait alléguées.

 

[61]           Si la Cour s’était prononcée en faveur de la demanderesse au sujet de ces questions importantes et non négligeables et avait accordé la même somme (3 200 $ US) que pour les six violations dont elle a reconnu l’existence, le total aurait été proche du total réclamé.

 

[62]           La demanderesse soutient que, pour ces motifs, on ne peut pas considérer que sa réclamation était frivole, déraisonnable ou excessive.

 

[63]           De plus, la demanderesse rappelle à la Cour que celle-ci a accordé, pour chaque violation, une somme supérieure à celle qui était réclamée et qu’elle a rejeté la position de l’expert des défendeurs quant à la valeur des photographies ou d’une licence concernant ces dernières.

 

2)         L’importance et la complexité des questions en litige

 

a)         La position des défendeurs

 

[64]           Les défendeurs signalent tout d’abord que les affaires de propriété intellectuelle sont en général plus complexes que d’autres types de litige et qu’il n’est pas rare que les dépens soient taxés à l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B. À l’appui de cet argument, ils citent les décisions Novopharm Limited c Eli Lilly and Company, 2010 CF 1154, aux paragraphes 5 et 7 (la décision Novopharm Limited) et Bonds c Suzuki Canada Inc, 2003 CFPI 611, au paragraphe 33.

 

[65]           Ils allèguent que l’affaire a soulevé un certain nombre de questions complexes qui exigeaient une analyse minutieuse de la Loi sur le droit d’auteur et de la Loi sur la radiodiffusion.

 

[66]           Les défendeurs soutiennent également que l’affaire a été longue et coûteuse et qu’il a fallu faire appel à deux experts et à cinq témoins ordinaires. Les nombreuses procédures qui ont eu lieu avant l’instruction ont exigé, selon eux, la présence de deux avocats.

 

[67]           Enfin, les défendeurs font remarquer que la quantité de travail exigée par la complexité de l’affaire justifie que l’on taxe les dépens à l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B. Elle permet également l’adjudication des dépens relatifs aux services de deux avocats à chaque stade du litige.

 

b)         La position de la demanderesse

 

[68]           Selon la demanderesse, la nature de l’affaire et le nombre de questions et d’éléments dont il a fallu tenir compte font qu’elle était importante, mais pas très complexe.

 

[69]           La demanderesse souligne l’importance des questions traitées. Selon son avocat, l’affaire soulevait un certain nombre de questions fort importantes relevant des lois sur le droit d’auteur et la radiodiffusion, notamment l’interprétation des alinéas 2.4(1)c) et 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur, de même que la question du montant à accorder dans le contexte de licences négociées.

 

D.        Les autres arguments de la demanderesse au sujet du paragraphe 400(3) des Règles

 

[70]           La demanderesse soutient par ailleurs que l’application aux faits de l’espèce d’un certain nombre d’autres facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles devrait dissuader la Cour d’accorder le double des dépens en fonction de l’échelon supérieur de la colonne IV du Tarif B.

 

[71]           Les autres facteurs qu’il faut prendre en compte sont les suivants :

400. (3) Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

 

400. (3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider

 

[…]

. . .

 

d) le partage de la responsabilité;

 

(d) the apportionment of liability;

 

[…]

. . .

 

h) le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens;

 

(h) whether the public interest in having the proceeding litigated justifies a particular award of costs;

 

i) la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance;

 

(i) any conduct of a party that tended to shorten or unnecessarily lengthen the duration of the proceeding;

 

[…]

. . .

 

k) la question de savoir si une mesure prise au cours de l’instance, selon le cas :

 

(k) whether any step in the proceeding was

 

(i) était inappropriée, vexatoire ou inutile,

(i) improper, vexatious or unnecessary, or

 

(ii) a été entreprise de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection;

 

(ii) taken through negligence, mistake or excessive caution;

 

[…]

. . .

 

o) toute autre question qu’elle juge pertinente.

 

(o) any other matter that it considers relevant

 

 

1)         Le partage de la responsabilité

 

[72]           Pour ce qui est de ce facteur, la demanderesse fait remarquer que seuls les défendeurs ont été tenus responsables des violations commises et de l’ambiguïté de la licence.

 

2)         Est-ce que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de cette instance justifie une adjudication particulière des dépens?

 

[73]           Selon la demanderesse, les questions débattues et tranchées en l’espèce sont d’une importance considérable pour les lois relatives au droit d’auteur, non seulement au Canada, mais aussi, de façon générale, dans d’autres pays. Plus précisément, elle souligne : 1) la question du nombre des violations qui découlent d’une transmission faite par une entreprise de programmation à de multiples EDR et 2) l’interprétation et l’utilisation que l’on fait des licences de droit d’auteur pour déterminer le montant adjugé en cas de violation.

 

[74]           La demanderesse prétend que, si les règles régissant les dépens l’avaient dissuadée d’agir, jamais ces questions importantes n’auraient été débattues. Il est dans l’intérêt public de ne pas empêcher qu’une réclamation raisonnable et importante soit soumise aux tribunaux par crainte d’une adjudication de dépens.

 

3)         La conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance

 

[75]           L’avocat de la demanderesse souligne également les faits suivants :

1)         il a dû envoyer sept lettres avant que l’on puisse fixer de manière définitive une date pour l’interrogatoire préalable;

2)         M. McIntosh n’a pas été en mesure de répondre aux questions de la demanderesse sur les intentions de la SRC au sujet de la licence;

3)         M. McIntosh n’a pas pu répondre à des questions de nature technique;

4)         M. McIntosh n’a pas pu donner à la demanderesse le nom d’une personne qui aurait pu répondre à ses questions;

5)         les défendeurs ont refusé de produire un autre témoin à soumettre à un interrogatoire préalable;

6)         les défendeurs ont pris trente-neuf engagements lors de l’interrogatoire de M. McIntosh, le 7 décembre 2005, et il leur a fallu dix mois pour s’en acquitter;

7)         à l’automne de 2007, en faisant des recherches indépendantes, la demanderesse a découvert le nombre approximatif d’EDR qui diffusaient la programmation de Newsworld et le fait que la portée des violations alléguées incluait des centaines d’EDR.

 

[76]           Il ajoute, en conclusion, que la conduite des défendeurs avait prolongé d’environ deux ans la durée de l’instance.

 

[77]           La demanderesse soutient que, dans l’ensemble, l’attitude peu coopérative dont les défendeurs ont fait preuve dans le cadre de l’interrogatoire préalable a prolongé d’environ deux ans l’instance. Elle fait état des informations qu’elle a elle-même découvertes au sujet du nombre d’EDR qui diffusaient Newsworld (des informations qu’elle avait demandées aux défendeurs), ce qui a exigé la tenue d’un interrogatoire plus poussé, des procédures additionnelles ainsi que la production d’une seconde déclaration modifiée.

 

4)         Est-ce qu’une mesure prise en cours d’instance était inappropriée, vexatoire ou inutile, ou prise par négligence, par erreur ou avec trop de circonspection?

 

[78]           Selon la demanderesse, la conduite des défendeurs, en retardant l’interrogatoire préalable susmentionné et en n’étant pas prêts à y participer, est un exemple de conduite inappropriée, voire vexatoire.

 

[79]           La demanderesse considère aussi que le fait que les défendeurs aient soulevé de nombreux moyens de défense pendant les sept années de l’instance, moyens de défense qu’ils ont ensuite simplement abandonnés à l’instruction, est un autre exemple de conduite inappropriée, voire vexatoire.

 

5)         Toute autre question que la Cour juge pertinente

 

[80]           La demanderesse soutient que la Cour devrait tenir compte de la force et des ressources relatives des parties. La demanderesse disposait de 20 661 $ US en 2006 pour poursuivre sa réclamation par rapport à celles dont disposaient les défendeurs.

 

[81]           La demanderesse souligne également que la Cour a conclu que l’opinion de l’expert des défendeurs n’était pas pertinente pour l’adjudication de dépens au titre de cette expertise.

 

IX.             L’analyse de la seconde question en litige

 

2.         Les défendeurs ont-ils droit à ce que leurs dépens contre la demanderesse soient taxés en fonction de l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B?

 

[82]           Les défendeurs n’ont pas droit à ce que leurs dépens soient taxés en fonction de l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B.

 

[83]           L’article 407 des Règles précise que les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B, sauf ordonnance contraire de la Cour. Comme le font valoir les deux parties, les facteurs dont la Cour peut tenir compte au moment de déterminer le barème des dépens sont ceux qui figurent au paragraphe 400(3) des Règles.

 

[84]           Les défendeurs font ressortir trois facteurs qui, selon eux, justifient que leurs dépens soient taxés en fonction de l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B, c’est-à-dire le résultat de l’instance, les sommes réclamées et les sommes recouvrées, de même que l’importance et la complexité des questions en litige.

 

[85]           Pour ce qui est du facteur de la complexité, les défendeurs font remarquer à juste titre que les affaires de propriété intellectuelle sont généralement plus complexes et que les dépens sont souvent taxés conformément à l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B (le barème utilisé par défaut, la colonne III, s’applique habituellement aux affaires de complexité moyenne). Ils citent à cet égard la décision Novopharm Limited, précitée, aux paragraphes 5 et 7. Dans la décision Sanofi-Aventis Canada Inc c Novopharm Ltée, 2009 CF 1139, au paragraphe 13, la juge Snider fait la remarque suivante :

[13] À mon avis, c’est le maximum de la colonne IV qui convient ici, et non pas simplement parce que cette décision « coupe la poire en deux ». Lexamen de la jurisprudence récente sur la question des dépens dans les procès de propriété intellectuelle indique que cette échelle permet de tenir compte de limportance et de la complexité des questions mises en litige dans les procès de cette nature; voir par exemple : Johnson & Johnson Inc. c. Boston Scientific Ltd., 2008 CF 817, [2008] A.C.F. no 1022, paragraphe 15; Adir – dépens, précitée, paragraphe 9 à 11; et Kirkbi AG c. Ritvik Holdings Inc., 2002 CFPI 1109, [2002] A.C.F. no 1474, paragraphe 10. […]

 

[86]           Les défendeurs citent également une affaire de droit d’auteur dans laquelle on a appliqué la colonne IV du tarif B pour tenir compte du « volume et [de] la nature du travail exigé » (voir Bonds c Suzuki Canada Inc, 2003 CFPI 611, au paragraphe 33).

 

[87]           Dans leurs observations, les deux parties font valoir que la présente affaire comportait une grande quantité de travail et d’analyses juridiques.

 

[88]           Les défendeurs allèguent aussi que la demanderesse a vu rejeter plusieurs des réclamations qu’elle avait présentées, notamment en vue d’obtenir la comptabilisation des profits, des dommages-intérêts exemplaires et une injonction. Elle a néanmoins obtenu gain de cause pour sa prétention centrale de violation que, de toute manière, les défendeurs avaient admise. Ces derniers ont donc été obligés de consacrer du temps et des ressources pour s’opposer à un certain nombre de réclamations que la Cour n’a finalement pas retenues.

 

[89]           La demanderesse affirme avec raison qu’elle a eu gain de cause non seulement pour sa prétention de violation, mais aussi pour ses réclamations relatives à la remise, aux profits de la SRC et à la destruction des copies électroniques des œuvres ayant violé son droit d’auteur. Elle souligne par ailleurs que les défendeurs n’ont jamais admis qu’ils étaient responsables de violation. De l’avis de la Cour, cette dernière question est partagée.

 

[90]           Le dernier facteur qu’invoquent les défendeurs est celui des sommes réclamées et des sommes recouvrées (alinéa 400(3)b) des Règles). Ils soutiennent que la somme réclamée était tout à fait exagérée (environ cent fois plus que le montant qui a été accordé) et que cette somme a eu pour effet d’accroître la complexité de l’affaire et les a obligés à passer plus de temps à se défendre. Tel que mentionné précédemment, la demanderesse soutient que la somme réclamée reposait sur une évaluation raisonnable des dommages-intérêts liés à chaque violation.

 

[91]           De son côté, la demanderesse énumère les facteurs additionnels suivants qu’il faudrait que la Cour prenne en considération :

1)         l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance (400(3)h));

2)         le peu d’empressement des défendeurs à collaborer pendant tout l’interrogatoire préalable (il en a été question plus tôt à la section V des présentes) (400(3)i) et k));

3)         la force relative des parties sur le plan de leurs ressources (400(3)o));

4)         le fait que la Cour n’a pas retenu l’avis de l’expert des défendeurs (400(3)o)).

 

[92]           Pour ce qui est du manque de coopération des défendeurs (alinéa 400(3)i) des Règles), la Cour conclut que l’attitude des défendeurs à l’égard de l’interrogatoire de Jerry McIntosh n’était pas loin d’être vexatoire (voir Apotex Inc c Sanofi-Aventis, 2012 CF 318, au paragraphe 15). Pour ce qui est de la colonne du tarif à appliquer, la Cour conclut qu’il s’agit de la colonne III du tarif B, pour les motifs suivants. L’affaire a bel et bien soulevé certaines questions importantes, mais elles n’étaient pas aussi complexes que les défendeurs l’affirment. Premièrement, les opinions d’expert produites ont traité, d’une part, de la portée de la licence et, d’autre part, de la valeur des photographies. Les opinions n’avaient aucun lien avec la question du nombre des violations et le droit consécutif au montant fort élevé des dommages-intérêts réclamés. Deuxièmement, s’il est vrai que les dépens sont souvent adjugés en fonction de la colonne IV dans les affaires de propriété intellectuelle, dans la majorité de ces affaires, la Cour instruit des litiges en matière de brevet qui mettent en cause des produits pharmaceutiques, litiges où les montants en cause et la durée des affaires, des interrogatoires préalables et des incidents de nature procédurale dépassent de loin les cinq témoins et les deux experts qui ont été entendus en l’espèce.

 

[93]           Une dernière question secondaire sur laquelle les parties ne s’entendent pas est celle de savoir si les défendeurs devraient avoir droit à des dépens pour un second avocat. Ces derniers citent la décision Novopharm Limited, précitée, au paragraphe 8, où les dépens relatifs à un second avocat ont été accordés en raison du volume important du travail et de la complexité des questions débattues. Un autre principe directeur qui sous-tend cette pratique est « le fait que les dépens entre parties doivent avoir un lien raisonnable avec les frais réels du procès » (Porto Seguro Companhia de Seguros Gerais c Belcan SA, 2001 CFPI 1286, au paragraphe 24).

 

[94]           La demanderesse s’oppose à ce que l’on accorde des dépens pour un second avocat. Après avoir conclu que l’affaire n’était pas d’une complexité suffisante pour justifier l’adjudication de dépens selon la colonne IV du tarif B, la Cour ne voit pas comment une telle affaire pourrait justifier l’octroi de dépens pour un second avocat. D’abord, la demanderesse a été capable de poursuivre sa demande avec un seul avocat. Deuxièmement, la participation du second avocat à l’instruction s’est bornée au contre-interrogatoire du témoin expert de la demanderesse. La Cour refuse donc d’accorder les dépens pour un deuxième avocat.

 


ORDONNANCE

 

Compte tenu des motifs qui précèdent, LA COUR ORDONNE :

1)         que les dépens soient adjugés en faveur des défendeurs à compter du 9 août 2005, au double du tarif prévu et selon la colonne III du tarif B;

2)         à l’officier taxateur de taxer des dépens pour :

a)         les frais et débours des experts entendus à l’audience;

b)         tous les débours, incluant les frais de déplacement pour les témoins, frais de photocopie, frais de recherche en ligne, frais de transcription sténographique pour les interrogatoires préalables et à l’audience, les frais d’interurbains, de télécopie, de courrier et autres charges administratives;

c)         les intérêts quant aux dépens et débours depuis le 14 juin 2012;

 

moins une déduction de 25 % compte tenu de la conduite vexatoire des défendeurs au cours de la période de l’interrogatoire du défendeur Jerry McIntosh.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

 



ANNEXE

 

Les paragraphes 400(1), 400(3), 403(1), 403(2), 403(3), de l’article 407 ainsi que des paragraphes 420(2) et 420(3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, sont ainsi rédigés :

 

 

 (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer.

 

 (1) The Court shall have full discretionary power over the amount and allocation of costs and the determination of by whom they are to be paid.

 

400. (3) Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

 

400. (3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider

 

a) le résultat de l’instance;

 

(a) the result of the proceeding;

 

b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées;

 

(b) the amounts claimed and the amounts recovered;

c) l’importance et la complexité des questions en litige;

 

(c) the importance and complexity of the issues;

 

d) le partage de la responsabilité;

 

(d) the apportionment of liability;

e) toute offre écrite de règlement;

 

(e) any written offer to settle;

 

f) toute offre de contribution faite en vertu de la règle 421;

 

(f) any offer to contribute made under rule 421;

 

g) la charge de travail;

 

(g) the amount of work;

h) le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens;

 

(h) whether the public interest in having the proceeding litigated justifies a particular award of costs;

 

i) la de la part d’une partie de conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance;

 

(i) any conduct of a party that tended to shorten or unnecessarily lengthen the duration of the proceeding;

j) le défaut signifier une demande visée à la règle 255 ou de reconnaître ce qui aurait dû être admis;

 

(j) the failure by a party to admit anything that should have been admitted or to serve a request to admit;

 

k) la question de savoir si une mesure prise au cours de l’instance, selon le cas :

 

(k) whether any step in the proceeding was

(i) était inappropriée, vexatoire ou inutile,

(i) improper, vexatious or unnecessary, or

 

(ii) a été entreprise de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection;

 

(ii) taken through negligence, mistake or excessive caution;

l) la question de savoir si plus d’un mémoire de dépens devrait être accordé lorsque deux ou plusieurs parties sont représentées par différents avocats ou lorsque, étant représentées par le même avocat, elles ont scindé inutilement leur défense;

 

(l) whether more than one set of costs should be allowed, where two or more parties were represented by different solicitors or were represented by the same solicitor but separated their defence unnecessarily;

 

m) la question de savoir si deux ou plusieurs parties représentées par le même avocat ont engagé inutilement des instances distinctes;

 

(m) whether two or more parties, represented by the same solicitor, initiated separate proceedings unnecessarily;

n) la question de savoir si la partie qui a eu gain de cause dans une action a exagéré le montant de sa réclamation, notamment celle indiquée dans la demande reconventionnelle ou la mise en cause, pour éviter l’application des règles 292 à 299;

 

(n) whether a party who was successful in an action exaggerated a claim, including a counterclaim or third party claim, to avoid the operation of rules 292 to 299;

 

n.1) la question de savoir si les dépenses engagées pour la déposition d’un témoin expert étaient justifiées compte tenu de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

 

(n.1) whether the expense required to have an expert witness give evidence was justified given

(i) la nature du litige, son importance pour le public et la nécessité de clarifier le droit,

 

(i) the nature of the litigation, its public significance and any need to clarify the law,

 

(ii) le nombre, la complexité ou la nature technique des questions en litige,

 

(ii) the number, complexity or technical nature of the issues in dispute, or

(iii) la somme en litige;

 

(iii) the amount in dispute in the proceeding; and

 

o) toute autre question qu’elle juge pertinente.

 

(o) any other matter that it considers relevant.

 

Requête pour directives

 

Motion for directions

 

403. (1) Une partie peut demander que des directives soient données à l’officier taxateur au sujet des questions visées à la règle 400 :

 

403. (1) A party may request that directions be given to the assessment officer respecting any matter referred to in rule 400,

 

a) soit en signifiant et en déposant un avis de requête dans les 30 jours suivant le prononcé du jugement;

 

(a) by serving and filing a notice of motion within 30 days after judgment has been pronounced; or

b) soit par voie de requête au moment de la présentation de la requête pour jugement selon le paragraphe 394(2).

 

(b) in a motion for judgment under subsection 394(2).

 

Précisions

 

Motion after judgment

 

(2) La requête visée à l’alinéa (1)a) peut être présentée que le jugement comporte ou non une ordonnance sur les dépens.

 

(2) A motion may be brought under paragraph (1)(a) whether or not the judgment included an order concerning costs.

 

Présentation de la requête

 

Same judge or prothonotary

 

(3) La requête visée à l’alinéa (1)a) est présentée au juge ou au protonotaire qui a signé le jugement.

 

(3) A motion under paragraph (1)(a) shall be brought before the judge or prothonotary who signed the judgment.

Tarif B

 

Assessment according to Tariff B

 

407. Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B.

 

407. Unless the Court orders otherwise, party-and-party costs shall be assessed in accordance with column III of the table to Tariff B.

 

Conséquences de la non-acceptation de l’offre du défendeur

 

Consequences of failure to accept defendant’s offer

 

420. (2) Sauf ordonnance contraire de la Cour et sous réserve du paragraphe (3), si le défendeur fait au demandeur une offre écrite de règlement, les dépens sont alloués de la façon suivante :

 

420. (2) Unless otherwise ordered by the Court and subject to subsection (3), where a defendant makes a written offer to settle,

 

a) si le demandeur obtient un jugement moins avantageux que les conditions de l’offre, il a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et le défendeur a droit, par la suite et jusqu’à la date du jugement au double de ces dépens, mais non au double des débours;

 

(a) if the plaintiff obtains a judgment less favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff is entitled to party-and-party costs to the date of service of the offer and the defendant shall be entitled to costs calculated at double that rate, but not double disbursements, from that date to the date of judgment; or

 

b) si le demandeur n’a pas gain de cause lors du jugement, le défendeur a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et, par la suite et jusqu’à la date du jugement, au double de ces dépens, mais non au double des débours.

 

(b) if the plaintiff fails to obtain judgment, the defendant is entitled to party-and-party costs to the date of the service of the offer and to costs calculated at double that rate, but not double disbursements, from that date to the date of judgment.

Conditions

 

Conditions

 

(3) Les paragraphes (1) et (2) ne s’appliquent qu’à l’offre de règlement qui répond aux conditions suivantes :

 

(3) Subsections (1) and (2) do not apply unless the offer to settle

a) elle est faite au moins 14 jours avant le début de l’audience ou de l’instruction;

 

(a) is made at least 14 days before the commencement of the hearing or trial; and

 

b) elle n’est pas révoquée et n’expire pas avant le début de l’audience ou de l’instruction.

 

(b) is not withdrawn and does not expire before the commencement of the hearing or trial.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-299-05

 

INTITULÉ :                                      CATHERINE LEUTHOLD

                                                            c

                                                            LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

                                                            et

                                                            JERRY MCINTOSH

 

 

REQUÊTE CONSIDÉRÉE PAR VIDÉOCONFÉRENCE LE 23 AOÛT 2012 ENTRE OTTAWA (ONTARIO) ET MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                     29 octobre 2012

 

 

 

PRÉTENTIONS ORALES ET ÉCRITES PAR :

 

Me Daniel O'Connor

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Christian Leblanc

Me Alain Dussault

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Daniel O'Connor, Avocats

Pointe-Claire (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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