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Date : 20121030

Dossier : IMM-1562-12

Référence : 2012 CF 1261

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 octobre 2012

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

 

NAGILA FIRDOUS

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Nagila Firdous sollicite le contrôle judiciaire d’un examen des risques avant renvoi selon lequel elle ne serait pas en danger au Pakistan. Mme Firdous soutient avoir été traitée inéquitablement parce que l’agent ou l’agente (l’agent) d’ERAR a tiré des conclusions défavorables quant à sa crédibilité sans au préalable lui accorder une entrevue. Elle ajoute que l’agent d’ERAR a commis une erreur dans son évaluation de sa demande au regard de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), en exigeant qu’elle établisse qu’elle était personnellement exposée à un risque de persécution au Pakistan.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, Mme Firdous ne m’a pas convaincue que l’agent d’ERAR a commis l’erreur reprochée. En conséquence, sa demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Une entrevue était‑elle nécessaire? 

 

[3]               Mme Firdous et sa famille ont demandé l’asile au Canada, alléguant être en danger au Pakistan du fait de leur appartenance au Parti du peuple pakistanais. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté leur demande d’asile. Selon la Commission, aucun élément de preuve crédible ou digne de foi n’avait été présenté à l’appui de leur demande. La Cour a par la suite rejeté leur demande d’autorisation visant à faire contrôler judiciairement cette décision.

 

[4]               À l’appui de la demande d’ERAR, Mme Firdous a produit une preuve de ce qu’elle affirme être l’apparition d’un nouveau risque après que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié eut rejeté les demandes d’asile de la famille, à savoir une agression qu’aurait subie le grand‑père de la demanderesse en novembre 2010 par des membres de la Ligue musulmane du Pakistan.

 

[5]               Mme Firdous a fourni à l’agent d’ERAR une preuve par affidavit de témoins oculaires de l’agression, ainsi que le dossier médical de son grand‑père rendant compte des blessures qu’il aurait subies lors de l’agression et contenant des photographies qui représenteraient sa jambe blessée. L’agent d’ERAR a décidé d’accorder peu de valeur probante à cette preuve, notamment parce que l’agression n’a jamais été signalée à la police et que rien n’indiquait que les photographies montraient bel et bien la jambe du grand‑père de la demanderesse. Il n’y avait rien de déraisonnable à cet égard.

 

[6]               L’agent a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve probants de l’agression dont aurait été victime le grand‑père, et que la preuve ne permettait pas de réfuter les conclusions défavorables tirées par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié quant à la crédibilité de la crainte de persécution qu’éprouvait la famille au Pakistan du fait de ses convictions politiques.

 

[7]               Mme Firdous affirme que, bien qu’elles soient énoncées en des termes ayant trait au caractère suffisant de la preuve relative à l’agression qu’aurait subie le grand‑père, les conclusions de l’agent étaient en fait des conclusions défavorables quant à la crédibilité. En conséquence, Mme Firdous soutient qu’elle aurait dû bénéficier d’une entrevue conformément à l’alinéa 167a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, qui exige la tenue d’une entrevue lorsqu’il « [existe] d[es] éléments de preuve […] qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur ». Nous ne sommes toutefois pas en présence d’un tel cas.

 

[8]               Si Mme Firdous avait allégué avoir elle‑même été témoin de l’agression commise sur son grand‑père, il aurait nécessairement fallu que l’agent d’ERAR tire une conclusion défavorable quant à la crédibilité avant de pouvoir conclure que l’agression n’a pas eu lieu. Une entrevue avec Mme Firdous aurait donc été nécessaire avant qu’une telle conclusion puisse être tirée.

 

[9]               Cependant, Mme Firdous était au Canada au moment de l’agression alléguée et ne pouvait donc pas avoir eu directement connaissance de l’incident. En fait, son affidavit ne fait état d’aucun élément d’information qu’elle aurait pu ajouter relativement à l’agression dont aurait été victime son grand‑père. La crédibilité de Mme Firdous n’était pas en cause devant l’agent d’ERAR. La question en litige avait trait à la crédibilité de tiers. Une entrevue avec le demandeur d’ERAR n’est pas nécessaire dans de telles circonstances : voir Borbon Marte c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 930, [2010] ACF no 1128, au paragraphe 62.

 

[10]           L’agent d’ERAR devait déterminer si Mme Firdous avait présenté suffisamment d’éléments de preuve pour établir que l’agression avait bel et bien eu lieu. Une entrevue n’est pas non plus nécessaire lorsque la question en litige a trait au caractère suffisant de la preuve : voir Ferguson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, [2008] ACF no 1308.

 

L’évaluation au regard de l’article 96

 

[11]           Mme Firdous a également fait valoir que les intégristes musulmans constituent pour elle un risque au Pakistan parce qu’elle est une musulmane modérée. Il s’agit là d’une nouvelle allégation de risque n’ayant pas été examinée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

 

[12]           Selon Mme Firdous, l’agent d’ERAR a commis une erreur dans son évaluation de cet aspect de sa demande d’asile présentée au titre l’article 96 de la LIPR en exigeant qu’elle établisse qu’elle était personnellement exposée à un risque de persécution au Pakistan. À l’appui de cet argument, elle renvoie à une phrase de la décision de l’agent d’ERAR, qui, après avoir examiné certains renseignements sur la situation au Pakistan, a affirmé : [traduction] « Ces renseignements indiquent qu’il s’agit d’un risque généralisé pour la demanderesse et pour toutes les personnes résidant au Pakistan et ne permettent pas de conclure que la demanderesse est personnellement exposée à un risque de persécution en cas de renvoi au Pakistan avec les membres de sa famille immédiate. »

 

[13]           Cette phrase ne peut toutefois pas être interprétée en vase clos. Il ressort clairement du paragraphe qui suit immédiatement cette phrase que l’agent d’ERAR a compris la distinction à faire entre une demande d’asile fondée sur l’article 96 et une demande d’asile présentée au titre de l’article 97 de la LIPR.

 

[14]           Dans ce paragraphe, l’agent traite tout d’abord de la demande d’asile présentée par Mme Firdous au titre de l’article 96, et affirme : [traduction] « La preuve dont je dispose ne me permet pas de conclure que la demanderesse s’expose à plus qu’une simple possibilité de persécution au Pakistan pour l’un des motifs prévus dans la Convention. »  Il s’agit là du bon critère à appliquer pour l’évaluation d’une demande d’asile fondée sur l’article 96.

 

[15]           L’agent d’ERAR ajoute ensuite qu’il n’est [traduction]« pas convaincu qu’il y a des motifs sérieux de croire que le renvoi de la demanderesse du Canada l’expose personnellement à un risque […] Je dois donc conclure que la crainte de persécution de la demanderesse n’en fait pas une personne à protéger au sens de l’alinéa 97(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. » [Non souligné dans l’original.]

 

[16]           Il est donc évident que l’agent d’ERAR a compris que le demandeur doit personnellement être exposé à un risque pour pouvoir établir le bien‑fondé d’une demande d’asile présentée au titre de l’article 97, mais que cela n’est pas nécessaire pour une demande fondée sur l’article 96 de la LIPR. La demanderesse n’a pas établi qu’une erreur avait été commise à cet égard.

 

Conclusion

 

[17]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[18]           Mme Firdous suggère que je certifie la question suivante : [traduction] « Est‑il nécessaire d’évaluer le risque particulier dans une demande d’asile fondée sur l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés? » Il n’y a pas lieu de certifier cette question, car elle postule que l’agent d’ERAR a exigé que Mme Firdous établisse qu’elle s’exposait à un « risque particulier » pour établir le bien‑fondé de sa demande d’asile au titre de l’article 96 de la Loi. Ce n’est clairement pas ce qui s’est passé en l’espèce; la réponse à cette question ne serait donc pas déterminante en l’espèce.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

            1.         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1562-12

 

INTITULÉ :                                      NAGILA FIRDOUS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET AL

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 25 octobre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            La juge Mactavish

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 30 octobre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Russell Kaplan

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Peter Nostbakken

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Russell Kaplan

Avocat

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 

 

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