Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20121023

Dossier : IMM-2021-12

Référence : 2012 CF 1213

Ottawa (Ontario), ce 23e jour d’octobre 2012

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

BAH, Mariama Djelo

 

Partie demanderesse

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Partie défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 20 avril 2011 prise par un agent d’examen des risques avant renvoi (« agent d’ERAR ») refusant une demande de résidence permanente dans le territoire fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

 

[2]          La demanderesse, Mme Mariama Djelo Bah, est citoyenne de la Guinée. Elle est arrivée au Canada en 1993 où elle a donné naissance à sa première fille. Elle est retournée en Guinée pour revenir au Canada, en 1995 et 1998, où elle a donné naissance à deux fils.

[3]          La demanderesse est retournée en Guinée immédiatement après les accouchements. Accompagnée de ses enfants, la demanderesse est allée rejoindre son mari en Chine en 2001.

 

[4]          Ses trois enfants nés au Canada y ont été inscrits pour l’année scolaire débutant en septembre 2006.

 

[5]          La demanderesse a été admise au Canada en tant que visiteur le 3 décembre 2006 pour une période de six mois.

 

[6]          Le 3 avril 2007, la demanderesse a revendiqué le statut de réfugié. Parallèlement, elle a soumis une demande de dispense de visa pour motifs d’ordre humanitaire le 17 avril 2007. Cette demande de statut de réfugié a été refusée par la Section de la protection des réfugiés le 20 avril 2009.

 

[7]          La demanderesse a soumis une demande d’examen des risques avant renvoi (« demande d’ERAR ») qui a été reçue par Citoyenneté et Immigration Canada le 13 juillet 2010.

 

[8]          Ses demandes d’ERAR et de dispense de visa pour motifs d’ordre humanitaire ont été refusées le 20 avril 2011.

 

* * * * * * * *

 

[9]          Dans sa décision de refus du statut de résident permanent fondé sur des motifs d’ordre humanitaire, l’agent indique avoir considéré les trois motifs soumis par la demanderesse à l’appui de sa demande, soit un risque personnalisé de retour en Guinée, l’intérêt supérieur de l’enfant et l’établissement de la demanderesse au Canada.

 

[10]      En ce qui concerne le risque personnalisé, l’agent a considéré que la demanderesse a allégué le même risque qu’elle a soumis dans le cadre de sa demande d’asile et de sa demande d’ERAR : qu’elle craint le retour en Guinée en raison de son orientation sexuelle et de son ethnie. La Section de la protection des réfugiés a jugé son risque comme n’étant pas crédible.

 

[11]      L’agent a réitéré son analyse faite dans la demande d’ERAR de la demanderesse puisque aucune nouvelle preuve ne fut soumise. L’agent a conclu que la demanderesse ne s’est pas déchargée de son fardeau de la preuve d’établir qu’elle pourrait être exposée à un risque advenant un retour en Guinée et que son retour dans ce pays occasionnerait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées dans les circonstances.

 

[12]      Quant à l’intérêt supérieur des enfants canadiens de la demanderesse, l’agent indique ce qui suit :

Les enfants vivent au Canada depuis quatre (4) ans et demi et ils ont démontré une bonne capacité d’adaptation et d’intégration. Il est raisonnable de penser qu’ils ont tissé des liens au Canada et qu’un possible départ leur causerait un certain stress. Cependant, je considère aussi qu’ils ont passé la majeure partie de leur vie à l’étranger dans différents pays. De plus, ils ont plusieurs membres de la famille en Guinée dont leur père pour leur fournir une aide significative advenant leur retour. . . .

 

La requérante n’a pas démontré en quoi elle serait incapable d’assurer le bien-être de ses enfants. Au contraire, les informations au dossier démontre [sic] que la requérante s’est bien acquittée de ses responsabilités parentales.

 

Les informations au dossier m’amène [sic] à conclure que les enfants se sont bien adaptés malgré leurs multiples relocalisations. Il est raisonnable de penser que leur faculté de s’adapter se fera de la même façon en Guinée. Bien que je sois sensible à la situation des enfants, la requérante ne démontre pas que l’intérêt supérieur des enfants serait compromis.

 

 

 

[13]      En ce qui a trait au degré d’établissement de la demanderesse, l’agent indique qu’elle a démontré un effort d’intégration, mais qu’elle n’a pas soumis d’informations lui permettant de conclure qu’elle subira une difficulté inhabituelle et injustifiée ou démesurée en déposant sa demande de résidence permanente à l’extérieur du Canada.

 

* * * * * * * *

 

[14]      La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions en litige suivantes :

a.       L’agent a-t-elle erré dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants?

b.      L’agent a-t-elle erré dans son analyse du degré d’établissement de la demanderesse?

c.       La décision de l’agent va-t-elle à l’encontre de l’équité procédurale?

 

[15]      La norme applicable à une décision relative à des motifs d’ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable (Kisana c. Canada (Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, [2010] 1 R.C.F. 360 au para 18 [Kisana]).

[16]      La norme de contrôle s’appliquant aux allégations de violation d’équité procédurale est la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339 au para 43; Donoghue c. Le ministre de la Défense nationale, 2010 CF 404 au para 27).

 

* * * * * * * *

 

1.  L’agent a-t-elle erré dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants?

[17]      Il m’apparaît de la preuve que le décideur en l’espèce s’est montré « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt des enfants (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 au para 75).

 

[18]      À cet égard, la demanderesse n’a fait que déposer des documents scolaires et des photos, sans explication, des équipes sportives dont font partie les enfants. Dans les circonstances, je suis d’avis que l’agent a raisonnablement déterminé que la preuve qui lui avait été soumise n’a pas démontré que l’intérêt supérieur des enfants serait compromis dans l’éventualité d’un retour en Guinée.

 

[19]      Faut-il rappeler qu’il appartient à l’agent de déterminer quel poids accorder à l’intérêt des enfants dans les circonstances (Lalane c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 6 au para 47). De plus, l’intérêt supérieur de l’enfant n’est qu’un facteur parmi tant d’autres dont il y a lieu de tenir compte. Le fait de l’invoquer n’est pas une garantie d’une réponse favorable à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (Kisana, ci-dessus, au para 24).

 

2.  L’agent a-t-elle erré dans son analyse du degré d’établissement de la demanderesse?

[20]      La demanderesse soutient que l’agent n’a pas soupesé à sa juste valeur la totalité des preuves et des renseignements pertinents la concernant. Ainsi, en ce qui concerne son degré d’établissement au Canada, la demanderesse prétend qu’elle s’y est établie en faisant des investissements majeurs dont le coût est évalué à plus de 890,000 $.

 

[21]      Il était loisible à l’agent de conclure que les simples faits que la demanderesse avait acheté trois immeubles au Canada et qu’elle y avait travaillé n’établissent pas une difficulté inhabituelle ou injustifiée face au dépôt d’une demande de résidence permanente à l’extérieur du Canada (voir Jozsefne c. Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2008 CF 1411 au para 23 et Jakhu c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 159 au para 29). Rien ne me permet de conclure que cela soit déraisonnable.

 

3.  La décision de l’agent va-t-elle à l’encontre de l’équité procédurale?

[22]      La demanderesse se plaint d’un manquement à l’équité procédurale du fait que Citoyenneté et Immigration Canada a attendu après que la décision de la Section de la protection des réfugiés ne soit rendue pour rendre la décision visée par la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[23]      À cet égard, la demanderesse a été incapable d’appuyer son argument sur quelque article précis de la Loi, ni sur la jurisprudence. Les lignes directrices du chapitre 5.14 dans le guide IP 5 de Citoyenneté et Immigration Canada, Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire, auxquelles réfère la demanderesse, ne lui sont d’aucun secours, d’autant plus qu’elle n’a apporté aucune preuve d’un préjudice sérieux ayant pu lui résulter du long délai entre les deux décisions.

 

* * * * * * * *

 

[24]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[25]      Je suis d’accord avec les procureurs des parties qu’il n’y a pas ici matière à certification.

 

 

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 20 avril 2011 prise par un agent d’Examen des risques avant renvoi de Citoyenneté et Immigration Canada, refusant une demande de résidence permanente dans le territoire fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2021-12

 

INTITULÉ :                                      BAH, Mariama Djelo c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 12 septembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 23 octobre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Sangaré Salif                                POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Catherine Brisebois                      POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sangaré Salif                                                               POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                           POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.