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Date : 20121023

Dossier : IMM-9762-11

Référence : 2012 CF 1231

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 octobre 2012

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

 

OMAR ROMAN JIMENEZ

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Le demandeur, un citoyen du Mexique, a demandé l’asile à cause des menaces proférées par un gang et du fait que l’on avait tiré sur lui. La principale question en litige dans la présente affaire consistait à déterminer si le demandeur était exclu de la Convention relative au statut des réfugiés, 1951, RTC 1969/6; 189 RTNU 150, parce qu’il avait « commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admis comme réfugié », selon l’alinéa 1Fb).

 

[2]               Il faut d’abord déterminer en l’espèce si la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été présentée hors délai. Le demandeur prétendait qu’il n’avait reçu la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR] que lorsqu’il était allé la chercher au bureau de la CISR 18 mois après qu’elle eut été rendue. Il en connaissait cependant la teneur étant donné qu’elle avait été prononcée de vive voix en sa présence à la fin de son audience.

 

[3]               La Cour accorde la prorogation de délai (dans la mesure où elle était nécessaire). Elle est influencée à cet égard par le fait que la juge Simpson a accordé l’autorisation malgré le dépôt tardif invoqué par le défendeur. Il semble très peu probable qu’un juge expérimenté n’aurait pas tenu compte de cet élément.

 

[4]               La Cour a été influencée également par les propos de l’avocate du demandeur, un officier de justice, quant aux faits relatifs à l’obtention de la décision, en l’absence d’une preuve par affidavit. La Cour ne pouvait rejeter la preuve de l’avocate que si elle ne la croyait pas véridique. L’avocate a été informée que la Cour acceptait ses propos mais que, s’il se révélait qu’elle les savait inexacts, la Cour pourrait en déférer à l’organisme disciplinaire professionnel compétent ou intenter une poursuite pour outrage au tribunal.

 

[5]               Enfin, la Cour a été influencée par la seule véritable question en litige dans le présent contrôle judiciaire : la Commission a-t-elle pris en considération la « contrainte » de manière appropriée? Si la thèse de la « contrainte » était fondée, ne pas instruire l’affaire causerait une injustice.

 

II.        LE CONTEXTE

[6]               Le demandeur prétendait que sa femme avait été enlevée par le gang Los Zetas, qui a exigé une forte rançon qu’il n’avait pas les moyens de payer. Au lieu de verser la rançon, il a transporté de la drogue – deux kilogrammes de cocaïne – vers la Hollande, où il a été arrêté pour contrebande.

 

[7]               Le demandeur a plaidé coupable à l’accusation de trafic de drogue lors de son procès tenu à Amsterdam. Il a été condamné à une peine de 20 mois. Après huit mois, il a été expulsé vers le Mexique.

 

[8]               Il semble que les ravisseurs ont libéré la femme du demandeur quelque temps après l’arrestation de celui‑ci en Hollande.

 

[9]               Pendant que le demandeur était incarcéré, sa femme a quitté la résidence familiale avec leur fille et a rompu tous les liens avec lui.

 

[10]           Le demandeur a quitté le Mexique après avoir reçu une balle dans la jambe. Il est arrivé au Canada en juillet 2008 et a demandé l’asile au mois de novembre suivant.

 

[11]           À l’audience de la CISR, le membre s’est d’abord intéressé à la question de l’exclusion fondée sur l’alinéa 1Fb). Le demandeur a invoqué la « contrainte » devant le membre. Il a dit qu’il n’avait pas invoqué la défense de contrainte devant le tribunal d’Amsterdam, bien qu’il ait parlé à son avocat de l’enlèvement de sa femme.

 

[12]           Le demandeur soutient devant la Cour que le membre n’a pas tenu compte de l’élément de « contrainte » qui a mené à sa condamnation et qu’il a simplement fait sienne la conclusion de culpabilité à laquelle le tribunal d’Amsterdam était arrivé.

 

[13]           Le demandeur a également soulevé des questions touchant l’équité (par exemple la partialité, l’insuffisance des motifs, les attentes légitimes et le défaut d’ajourner l’audience) et a fait état de conclusions déraisonnables concernant la crédibilité. Après avoir entendu les prétentions sur ces questions, la Cour a demandé au défendeur de répondre seulement à la question de la « contrainte ». Les autres motifs ne sont pas fondés.

 

III.       ANALYSE

[14]           La question de savoir si la CISR a tenu compte de la question de la « contrainte » ou si elle a suivi aveuglément la décision du tribunal d’Amsterdam d’accepter un plaidoyer de culpabilité est une question de droit. C’est la norme de contrôle de la décision correcte qui s’applique (Feimi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 262, 2012 CarswellNat 1157, au paragraphe 9).

 

[15]           Il ressort d’une lecture objective de la décision de la CISR que le membre a conclu que le demandeur n’avait pas établi la défense de « contrainte » en raison de l’absence de preuve corroborante concernant l’enlèvement.

 

[16]           Le demandeur savait parfaitement que la « contrainte » était en cause, qu’il lui incombait de l’établir et qu’il devait produire une preuve documentaire. Plus précisément, la CISR lui avait dit qu’il devait déposer des documents traitant des faits survenus en Hollande, du problème du gang Los Zetas et de l’enlèvement de sa femme.

 

[17]           Il ne fait aucun doute que le demandeur a commis l’infraction de contrebande de drogue et qu’il s’agissait d’une infraction grave. Le seul facteur atténuant invoqué était la contrainte, comme dans Jayasekara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 404, [2009] 4 RCF 164.

 

[18]           Il incombait au demandeur de démontrer que son crime était motivé par la contrainte. La seule contrainte en l’espèce découle de l’enlèvement de sa femme. S’il n’y a pas cet enlèvement, il n’y a pas de contrainte.

 

[19]           Aucun affidavit, en particulier de la femme du demandeur, qui confirmait l’enlèvement n’a été produit. Il n’y avait même pas un affidavit de son avocat néerlandais confirmant que la contrainte avait été discutée et qu’il avait été décidé de ne pas l’invoquer au procès tenu à Amsterdam. La contrainte n’est même pas mentionnée dans la demande de pardon présentée par le demandeur aux autorités néerlandaises.

 

[20]           Le membre a conclu qu’il ne disposait pas d’une preuve corroborant l’enlèvement. Sa conclusion est correcte. Il n’a pas fait abstraction de la question, mais il a simplement conclu que la contrainte n’avait pas été démontrée.

 

[21]           En conséquence, la Cour conclut que la CISR s’est intéressée à la question de la contrainte et que sa conclusion selon laquelle la défense de contrainte n’avait pas été établie était raisonnable.

 

IV.       CONCLUSION

[22]           La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-9762-11

 

INTITULÉ :                                      OMAR ROMAN JIMENEZ c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 18 octobre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 23 octobre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Emma Andrews

 

                                 POUR LE DEMANDEUR

Keith Reimer

                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Emma Andrews

Avocat

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

                                 POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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