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Date : 20121019

Dossier : T‑484‑12

Référence : 2012 CF 1226

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 octobre 2012

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

 

 

CLAIR DANIEL WILSON

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

Procureur général du Canada

 

 

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Wilson est un détenu du pénitencier de Springhill en Nouvelle‑Écosse. Le permis de conduire de la province du Nouveau‑Brunswick qu’il possédait a expiré le 29 avril 2011. Avant que son permis n’expire, M. Wilson a appris qu’il pourrait le renouveler en se rendant en personne au bureau des permis de conduire du Nouveau‑Brunswick. Il a demandé une permission de sortir avec escorte (PSAE) de l’établissement afin de s’y rendre et de renouveler son permis.

 

[2]               Sa première demande de PSAE a été présentée au début de 2010, mais on lui a demandé de la retirer et d’en présenter une nouvelle dans un an. Il a accepté de le faire et a présenté par la suite une demande de PSAE le 19 janvier 2011. Le 4 mars 2011, le directeur a refusé la demande de PSAE. Le motif fourni par le directeur se lisait ainsi : [traduction] « PSAE administrative REFUSÉE étant donné qu’un permis ne peut être renouvelé automatiquement » [lettres majuscules dans l’original].

 

[3]               M. Wilson a présenté un grief au sujet de cette décision et a demandé qu’il soit examiné rapidement parce qu’il n’aurait plus besoin de la PSAE après l’expiration de son permis, le 29 avril 2011. Il a reçu la réponse qui rejetait la plainte le 19 août 2011. M. Wilson a présenté son grief au niveau suivant et a reçu, le 20 janvier 2012, une réponse de la sous‑commissaire principale qui reconnaissait le bien‑fondé du grief.

 

[4]               La sous‑commissaire principale a conclu que la seule raison fournie par le directeur pour refuser la demande de PSAE était que le permis de conduire de M. Wilson ne pouvait être renouvelé automatiquement; elle a toutefois fait remarquer que le directeur n’avait pas pris en compte les critères figurant au paragraphe 17(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, ch. 20, qui se lit de la façon suivante :

17. (1) Sous réserve de l’article 746.1 du Code criminel, du paragraphe 140.3(2) de la Loi sur la défense nationale et du paragraphe 15(2) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, le directeur du pénitencier peut autoriser un délinquant à sortir si celui‑ci est escorté d’une personne — agent ou autre — habilitée à cet effet par lui lorsque, à son avis :

 

a) une récidive du délinquant pendant la sortie ne présentera pas un risque inacceptable pour la société;

 

 

b) il l’estime souhaitable pour des raisons médicales, administratives, de compassion ou en vue d’un service à la collectivité, ou du perfectionnement personnel lié à la réadaptation du délinquant, ou pour lui permettre d’établir ou d’entretenir des rapports familiaux notamment en ce qui touche ses responsabilités parentales;

 

c) la conduite du détenu pendant la détention ne justifie pas un refus;

 

 

d) un projet structuré de sortie a été établi.

 

La permission est accordée soit pour une période maximale de cinq jours ou, avec l’autorisation du commissaire, de quinze jours, soit pour une période indéterminée s’il s’agit de raisons médicales.

17. (1) Where, in the opinion of the institutional head,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(a) an inmate will not, by reoffending, present an undue risk to society during an absence authorized under this section,

 

(b) it is desirable for the inmate to be absent from penitentiary, escorted by a staff member or other person authorized by the institutional head, for medical, administrative, community service, family contact, personal development for

rehabilitative purposes, or compassionate reasons, including parental responsibilities,

 

(c) the inmate’s behaviour while under sentence does not preclude authorizing the absence, and

 

(d) a structured plan for the absence has been prepared,

 

the absence may, subject to section 746,1 of the Criminal Code, subsection 140,3 of the National Defence Act and subsection 15(2) of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act, be authorized by the institutional head

 

(e) for an unlimited period for medical reasons, or

 

(f) for reasons other than medical,

(i) for a period not exceeding five days, or

(ii) with the Commissioner’s approval, for a period exceeding five days but not exceeding fifteen days.

 

 

 

[5]               La sous‑commissaire principale a également conclu qu’en ne prenant pas en considération les critères prévus au paragraphe 17(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le directeur n’avait pas suffisamment motivé sa décision, contrairement au devoir d’agir équitablement que lui imposait la directive 700 du Commissaire, au paragraphe 77, qui prévoyait à l’époque que Service correctionnel Canada était tenu de veiller « à ce que le délinquant reçoive des renseignements complets, notamment ce qui a trait aux décisions le concernant et aux motifs les justifiant avant ou après la prise de décision ».

 

[6]               La sous‑commissaire principale a demandé, à titre de mesure corrective appropriée, que le directeur révise sa décision antérieure [traduction] « et la justifie en tenant compte du paragraphe 17(1) de la LSCMLC ».

 

[7]               Dans son exposé des arguments, M. Wilson a soulevé la question de savoir si sa demande de révision de la décision de la sous‑commissaire principale était sans objet, étant donné que la période pendant laquelle il pouvait renouveler son permis était expirée. J’ai informé les parties au début de l’audience que j’avais l’intention d’examiner la présente demande au fond. Mes motifs pour le faire étaient triples. Premièrement, selon l’issue de la demande, il n’est pas du tout certain que la question soit maintenant sans objet. Deuxièmement, le défendeur n’a pas présenté d’observations sur la question de savoir si la demande était sans objet. Troisièmement, si la Cour refusait d’entendre la demande à cause du temps écoulé, le défendeur tirerait alors avantage, de façon très abusive, du fait qu’il avait longuement tardé à répondre à la demande de PSAE du demandeur et à son grief.

 

[8]               La seule question de fond à trancher est celle de savoir si la réparation demandée par la sous‑commissaire principale dans sa réponse au grief est raisonnable. M. Wilson soutient que cette réparation n’est pas raisonnable, étant donné que le directeur ne peut motiver davantage sa décision parce que la question ne se pose plus. Le défendeur soutient que, bien que le dossier puisse étayer la décision du directeur de ne pas accorder une PSAE pour que M. Wilson renouvelle son permis de conduire, il a été déclaré que les motifs fournis étaient insuffisants et ne respectaient pas les conditions prévues en matière d’équité procédurale. Il soutient que la réparation demandée remédiait raisonnablement à ces lacunes.

 

[9]               M. Wilson a soulevé des questions concernant le temps qu’il avait fallu que sa demande et son grief soient examinés; je ne suis toutefois pas saisi de ces questions. Il a également mentionné le caractère « punitif » du refus du directeur de lui accorder une PSAE; je ne suis pas non plus saisi de cette question. La seule question soumise à la Cour dans la présente demande est de savoir si la réparation du décideur est raisonnable. M. Wilson affirme que [traduction] « [le directeur] ne peut prendre une nouvelle décision, il doit s’en tenir à la décision initiale avec tous ses défauts et reconnaître qu’il n’a pas respecté le devoir d’agir de façon équitable ».

 

[10]           Je ne peux souscrire aux arguments de M. Wilson. Lorsqu’il est constaté qu’un décideur n’a pas pris en compte les critères pertinents ou n’a pas respecté l’équité procédurale, la réparation habituelle consiste alors à renvoyer la question au décideur en lui donnant comme directive de prendre une décision de façon appropriée. C’est ce qui a été fait dans la présente affaire.

 

[11]           Comme l’a fait remarquer la sous‑commissaire principale dans sa réponse, il n’était pas certain que le résultat de la demande serait le même, à savoir le refus d’une PSAE. En fait, le résultat a été le même, mais pour des motifs différents de ceux qui avaient été donnés à l’origine. À mon avis, la réparation accordée était justifiée par les politiques et les lois applicables qui obligeaient le directeur à fournir des motifs détaillés, basés sur les éléments précisés par la loi. Je ne vois pas quelle autre réparation aurait pu être appropriée ou relever de la compétence de la sous‑commissaire principale.

 

[12]           Compte tenu du temps que SCC a pris pour faire avancer le dossier et examiner les griefs aux différentes étapes du processus, je comprends que M. Wilson se sente frustré à cause du temps qu’il a fallu pour obtenir des réponses à sa demande de PSAE et à son grief. Il a expliqué de façon très éloquente qu’il était important pour lui d’avoir un permis de conduire lorsqu’il serait libéré. Je soupçonne que les autorités pénitentiaires n’ont pas considéré que cet aspect était aussi important qu’il le pensait. Je ne peux toutefois conclure sans faire remarquer, comme la Cour l’a fait à plusieurs reprises, que les retards à répondre à ce qui semble être une question relativement mineure sont inquiétants.

 

[13]           Aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée, sans dépens.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                     T‑484‑12

 

INTITULÉ :                                                  CLAIR DANIEL WILSON c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 11 octobre 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 19 octobre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Clair Daniel Wilson

 

POUR LE DEMANDEUR

(pour son propre compte)

 

Sarah Drodge

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

NIL

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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