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Date : 20120925

Dossier : IMM-6831-11

Référence : 2012 CF 1129

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 25 septembre 2012

En présence de madame la juge Heneghan

 

 

ENTRE :

 

NANCY HERRERA ARBELAEZ, HERNANDO VILLEGAS SOLARTE ET ESTEFANIA VILLEGAS HERRERA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Madame Nancy Herrera Arbelaez (la « demanderesse principale »), son mari Hernando Villegas Solarte et leur fille Estefania Villegas Herrera (collectivement les « demandeurs ») demandent le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la « Commission »). Dans cette décision, datée du 12 septembre 2011, la Commission a conclu que les demandeurs n’ont pas qualité de réfugié au sens de la Convention suivant l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la « Loi »), ni de personne à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la Loi.

 

[2]               Les demandeurs sont citoyens de la Colombie. Leur demande est fondée sur les menaces et l’extorsion qu’ils ont subies des Forces armées révolutionnaires de Colombie (les « FARC »). Ces événements ont commencé en mai 1992.

 

[3]               En décembre 1991, la demanderesse principale avait commencé à travailler au sein d’un parti politique, où elle recrutait des gens, organisait des rencontres, recueillait de la nourriture, et ainsi de suite, pour aider les pauvres.

 

[4]               En mai ou juin 2000, la demanderesse principale a commencé à recevoir des appels de menaces, dans lesquels on lui disait de ne pas se mêler des affaires qui ne la concernaient pas. Elle recevait ces appels au travail et à la maison. En décembre 2000, les personnes qui appelaient ont commencé à lui parler de sa fille. Plus tard ce mois-là, la demanderesse principale a emmené sa fille aux États-Unis pour qu’elle y vive avec son mari, qui avait quitté la Colombie en 1999.

 

[5]               La demanderesse principale est retournée en Colombie en janvier 2001. Elle a reçu deux appels et une lettre de menaces en mars 2001; cette lettre était signée par les FARC. Elle n’a pas rapporté ces menaces à la police parce qu’elle avait peur qu’un rapport de police ne rende sa vie plus dangereuse.

 

[6]               En août 2001, la demanderesse s’est fait voler son sac à main au travail. Elle a dénoncé cet incident à la police. Quelques jours plus tard, les FARC l’ont téléphoné pour lui dire qu’ils avaient volé son sac à main, qui comprenait toutes ses pièces d’identité.

 

[7]               En septembre 2001, la demanderesse principale a été hospitalisée après avoir eu des problèmes de santé causés par le stress et fait une dépression nerveuse. Après son rétablissement, elle a quitté la Colombie pour s’installer aux États-Unis en novembre 2001, avec sa mère, et a retrouvé son mari et leur fille. Ils ont demandé l’asile politique aux États‑Unis en novembre 2002, mais cette demande a été rejetée. La dernière procédure d’appel aux États-Unis a été rejetée en août 2010. En octobre 2010, les demandeurs sont arrivés au Canada et ont présenté une demande d’asile.

 

[8]               Dans sa décision, la Commission a examiné la demande des demandeurs uniquement sur la disponibilité de la protection de l’État. Elle a conclu que les demandeurs n’avaient pas fourni d’éléments de preuve indiquant que la protection de l’État en Colombie était inadéquate. Cette conclusion était fondée sur un examen des conditions actuelles du pays en Colombie, plus précisément des progrès en matière de protection de l’État et du déclin des FARC dans les dernières années.

 

[9]               La Commission a fait mention de la situation particulière des demandeurs, y compris du fait qu’ils sont propriétaires d’immeubles en Colombie et que la demanderesse principale n’a pas demandé la protection de la police durant la période des appels et des lettres de menaces. En s’appuyant sur une preuve claire et convaincante, la Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de la protection de l’État et, de plus, qu’ils n’ont pris aucune mesure pour se prévaloir de cette protection avant de présenter une demande d’asile.

 

[10]           La question déterminante en l’espèce est la disponibilité de la protection de l’État. Il s’agit d’une question mixte de fait et de droit, susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité. À cet égard, je renvoie à la décision Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (2007) 362 N.R. 1, par. 38.

 

[11]           En contestant la conclusion de la Commission sur la protection de l’État, les demandeurs prétendent que cette dernière a commis une erreur dans son analyse de la protection de l’État et a ignoré ou mal interprété la preuve, dont les plus récentes réponses aux demandes d’information de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié concernant la Colombie, un document daté du 5 avril 2011, le rapport sur les droits de la personne du Département d’État des É.‑U. et  le rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le « UNHCR ») intitulé UNHCR Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Asylum-Seekers from Colombia.

 

[12]           Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le « défendeur ») indique que les observations des demandeurs invitent la Cour à soupeser de nouveau la preuve dont disposait la Commission. Le défendeur soutient que ce n’est pas la fonction de la Cour dans une demande de contrôle judiciaire.

 

[13]           Après avoir examiné la preuve figurant dans le dossier certifié du tribunal et les observations des parties, je ne suis pas convaincue que la Commission a commis une erreur quelconque en arrivant à cette conclusion. La Commission a examiné et évalué la preuve, tant la preuve personnelle des demandeurs que la preuve documentaire. Sa conclusion est raisonnable. La Commission a fait référence aux éléments de preuve contradictoires; elle en a tenu compte et les a soupesés. C’est la fonction de la Commission. Il n’appartient pas à la Cour de soupeser de nouveau la preuve.

 

[14]           Dans l’arrêt récent Newfoundland and Labrador Nurses Union c. Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 R.C.S. 708, par. 15, la Cour suprême du Canada a fait remarquer qu’une cour de révision doit examiner le dossier pour déterminer si la décision est bien fondée. Dans l’affirmative, la Cour n’a aucune raison d’intervenir. À mon avis, c’est le cas en l’espèce. La décision de la Commission est bien fondée et les demandeurs n’ont démontré aucune erreur qui justifierait à la Cour d’intervenir.

 

[15]           Les demandeurs affirment également que les motifs de la Commission sont inadéquats. Cet argument ne peut être retenu compte tenu de l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses Union, précité.

 

[16]           Dans cet arrêt, la Cour suprême a clairement affirmé que la « suffisance des motifs » n’est pas un motif de contrôle indépendant, pour autant que le décideur expose ses motifs. Lorsque les motifs sont exposés, le contrôle a lieu sur le fondement de l’analyse du caractère raisonnable (Newfoundland and Labrador Nurses Union, précité, par. 14 et 22). Comme il est indiqué dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, par. 47, la raisonnabilité est une norme déférente tenant principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel. La décision est raisonnable si elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La décision de la Commission répond à cette norme.

 

[17]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question à certifier ne se pose.


ORDONNANCE

 

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée; il n’y a aucune question à certifier.

 

 

                                                                                                                « E. Heneghan »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6831-11

 

INTITULÉ :                                      NANCY HERRERA ARBELAEZ, HERNANDO VILLEGAS SOLARTE ET ESTEFANIA VILLEGAS HERRERA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 19 avril 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 25 septembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Timothy Wichert

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Nur Muhammed-Ally

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & associés

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

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