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Date : 20120921

Dossier : T‑862‑11

Référence : 2012 CF 1111

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 septembre 2012

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

 

CHARBEL EL‑HELOU

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

SERVICE ADMINISTRATIF DES TRIBUNAUX JUDICIAIRES, LAURENT FRANCOEUR, FRANCINE CÔTÉ, ÉRIC CLOUTIER, DAVID POWER,
ET ÉRIC DELAGE

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Charbel El‑Helou cherche à obtenir le contrôle judiciaire d’une décision du commissaire par intérim à l’intégrité du secteur public. M. El‑Helou s’était plaint au Commissariat à l’intégrité du secteur public (CISP) du fait qu’il avait été victime de représailles après qu’il eut signalé ce qu’il avait cru être des actes répréhensibles de la part de certains employés du Service administratif des tribunaux judiciaires (SATJ).

 

[2]               Le commissaire a rejeté deux des allégations de représailles faites par M. El‑Helou contre le SATJ et certains employés du SATJ et a renvoyé une troisième allégation de représailles au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (le Tribunal) pour instruction. M. El‑Helou demande le contrôle judiciaire de la décision qui rejette deux de ses allégations de représailles.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que M. El‑Helou avait été traité de façon inéquitable au cours de processus de plainte. Sa demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie.

 

Les parties

 

[4]               Le SATJ fournit des services administratifs à la Cour fédérale, à la Cour d’appel fédérale, à la Cour d’appel de la cour martiale du Canada et à la Cour canadienne de l’impôt. Le SATJ fait partie intégrante du « secteur public » tel qu’il est défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, L.C. 2005, ch. 46 [la LPFDAR ou la Loi], et ses employés sont des « fonctionnaires » au sens de la Loi. Le texte complet des dispositions pertinentes de la Loi est joint aux présents motifs en annexe.

 

[5]               M. El‑Helou a travaillé à la section des Services de technologie de l’information (STI) du SATJ. Il a été employé du SATJ d’août 2006 à février 2010, puis il a quitté cet emploi pour occuper un autre poste dans la fonction publique. En 2009, lorsque les actes répréhensibles et les représailles en question dans le présent litige auraient été commis, M. El‑Helou occupait le poste de directeur, Services à la clientèle et Infrastructure.

[6]               M. El‑Helou relevait de Laurent Francoeur, qui était directeur général des Services de technologie de l’information. Pendant une brève période, soit du 25 mai au 15 juin 2009, M. El‑Helou a relevé d’Éric Cloutier, qui assurait l’intérim au poste de M. Francoeur en l’absence de celui‑ci.

 

[7]               M. Francoeur et M. Cloutier relevaient tous deux de David Power, qui était l’administrateur en chef adjoint par intérim des services ministériels. M. Power agissait à titre d’« agent supérieur » du SATJ, pour l’application du paragraphe 10(2) de la Loi. C’est donc lui qui avait été nommé par l’administrateur en chef du SATJ pour assumer la responsabilité de recevoir et de traiter les divulgations faites par les employés du SATJ concernant des actes répréhensibles.

 

[8]               Le 1er juin 2009, Francine Côté a remplacé M. Power comme administratrice en chef adjointe.

 

[9]               M. El‑Helou a également travaillé étroitement avec Éric Delage, directeur général de la Division des services administratifs, de la gestion des installations et de la sécurité du SATJ.

 

[10]           Durant l’enquête menée par le CISP, ces employés du SATJ ont été désignés comme étant les défendeurs. Il en sera de même pour la présente demande de contrôle judiciaire. Ils seront appelés collectivement les « défendeurs à titre individuel ».

 

Contexte

 

[11]           M. El‑Helou allègue qu’alors qu’il travaillait pour le SATJ, il a été témoin de ce qu’il considérait être des actes répréhensibles commis par certains employés du SATJ. Les détails des actes répréhensibles allégués ne sont pas pertinents quant aux questions dont la Cour est présentement saisie.

 

[12]           M. El‑Helou a signalé les présumées inconduites à M. Power en sa qualité « d’agent supérieur » du SATJ. Ces signalements ont été faits au cours du printemps 2009.

 

[13]           Dans sa plainte déposée auprès du CISP, M. El‑Helou a allégué qu’entre mai et décembre 2009, les défendeurs à titre individuel avaient pris des mesures de représailles à son endroit parce qu’il avait fait une « divulgation protégée » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi.

 

[14]           Plus précisément, M. El‑Helou a allégué ce qui suit :

a) Laurent Francoeur a demandé à Éric Cloutier d’obtenir des renseignements sur le style de gestion de M. El‑Helou ainsi que des commentaires négatifs à son endroit de la part de ses subordonnés. M. Cloutier s’est chargé de cette demande pendant les vacances de M. Francoeur; M. Cloutier remplaçait alors M. Francoeur (la première allégation).

 

b) Le 5 juin 2009, Francine Côté a temporairement affecté M. El‑Helou à d’autres fonctions et ses responsabilités de superviseur lui ont été retirées (la deuxième allégation).

 

c) La cote de sécurité « Très secret » de M. El‑Helou a été suspendue en mai 2009, et ce, jusqu’à son départ du SATJ en février 2010 (la troisième allégation).

 

[15]           M. El‑Helou a également allégué dans sa plainte qu’il avait été victime de « harcèlement continu » de la part des employés du SATJ. Avec le consentement de M. El‑Helou, cette allégation a été abandonnée par l’enquêteure du CISP.

 

[16]           Aux termes du paragraphe 19.4(1) de la Loi, le commissaire doit statuer sur la recevabilité d’une plainte dans les quinze jours suivant son dépôt. Après avoir procédé à une enquête préliminaire, le commissaire a décidé de traiter la plainte de M. El‑Helou. M. Francoeur, M. Cloutier, M. Delage et Mme Côté ont été désignés comme défendeurs. Conformément au paragraphe 19.7(1) de la Loi, le commissaire a ensuite chargé une personne d’enquêter sur la plainte.

 

[17]           La Loi ne donne pas beaucoup d’indications quant au déroulement de l’enquête. Elle contient cependant une directive d’ordre général, à savoir que l’enquête est menée, dans la mesure du possible, sans formalisme et avec célérité (paragraphe 19.7(2)). Selon l’article 19.8, le commissaire doit informer le plaignant, toute partie intéressée et l’administrateur général compétent de « l’objet de la plainte ». Dans El‑Helou c. Service administratif des tribunaux judiciaires (25 nov. 2011), 2011‑TP‑03 [la décision El‑Helou no 3], le Tribunal fait observer que l’envoi de l’avis prévu à l’article 19.8 « garantit que les parties jouissent de la protection des principes de justice naturelle – notamment le droit d’être entendu – le plus rapidement possible » (paragraphe 38).

 

[18]           Fait très important en l’espèce, l’une des attributions du commissaire est de « veiller à ce que les droits, en matière d’équité procédurale et de justice naturelle, des personnes mises en cause par une enquête soient protégés, notamment ceux du divulgateur, des témoins et de l’auteur présumé de l’acte répréhensible » (alinéa 22d) de la Loi).

 

[19]           L’enquête relative à la plainte de M. El‑Helou s’est déroulée entre juillet 2009 et avril 2011. Un certain nombre de témoins ont été interrogés et il y a eu plusieurs changements d’enquêteur au cours de l’enquête.

 

[20]           Durant l’enquête, M. El‑Helou a soulevé auprès de l’enquêteure plusieurs autres allégations de représailles. Selon l’une de ces allégations, M. Francoeur se serait irrégulièrement ingéré dans un concours de dotation dans un autre service de la fonction publique.

 

[21]           M. El‑Helou a de plus allégué que des employés du SATJ avaient menacé d’entreprendre une enquête de sécurité sur sa conduite à moins qu’il ne signe une reconnaissance selon laquelle il avait manqué à son obligation de loyauté envers son employeur, reconnaissance qui serait ensuite versée à son dossier d’employé. Une enquête de sécurité pouvait entraîner, pour M. El‑Helou, la perte de sa cote de sécurité de niveau Secret, ce qui pouvait le rendre inadmissible à bon nombre de postes au sein de la fonction publique.

 

[22]           De plus, M. El‑Helou a soutenu que M. Power l’avait informé qu’il ne lui donnerait pas de référence d’emploi, à moins que M. El‑Helou n’admette avoir commis une infraction à la sécurité. Selon M. El‑Helou, cela aurait un effet préjudiciable sur sa recherche d’emploi.

 

[23]           En raison de ces dernières allégations, l’enquêteure du CISP a estimé que M. Power devrait être ajouté à titre de défendeur. Comme le Tribunal l’a confirmé, le commissaire a le pouvoir d’ajouter une partie à une plainte, même si cette personne n’a pas été nommée dans la plainte initiale  ( décision El‑Helou no 3, au paragraphe 31).

 

[24]           Il y a eu des retards importants dans l’enquête causés, en partie, par le remplacement de l’enquêteur à mi‑parcours de l’enquête et un autre changement d’enquêteur vers la fin de l’enquête. Le rapport d’enquête a finalement été achevé le 14 avril 2011, quelque 21 mois après que M. El‑Helou eut déposé sa plainte auprès du CISP. La longueur du processus soulève certaines préoccupations, étant donné que le paragraphe 19.7(2) de la Loi indique que l’enquête doit être menée, dans la mesure du possible, sans formalisme et avec célérité.

 

[25]           L’enquêteure a recommandé que l’allégation de représailles de M. El‑Helou relative à la suspension, de mai 2009 jusqu’à son départ du SATJ en février 2010, de sa cote de sécurité Très secret, soit renvoyée au Tribunal pour instruction. À cet égard, le rapport conclut que la plainte de M. El‑Helou selon laquelle il avait peut‑être fait l’objet de représailles de la part de M. Power et de M. Delage repose sur des éléments de preuve probants.

 

[26]           De plus, l’enquêteure a recommandé que les deux autres allégations de représailles figurant dans la plainte de juillet 2009 de M. El‑Helou soient rejetées. Le rapport d’enquête indique que la preuve n’a pas établi de motifs raisonnables de croire les allégations de représailles exercées par M. Cloutier, M. Francoeur et Mme Côté.

 

[27]           Le 15 avril 2011, le commissaire par intérim a accepté la recommandation de l’enquêteure. Dans un avis de décision daté du 18 avril 2011, le commissaire par intérim a confirmé qu’il avait présenté une demande au Tribunal en application du paragraphe 20.4(1) de la Loi. Toutefois, la demande se limitait à la plainte de représailles de M. El‑Helou contre le SATJ, M. Power et M. Delage en lien avec la suspension de la cote de sécurité Très secret de M. El‑Helou.

 

[28]           Le commissaire par intérim a refusé de faire une demande au Tribunal au sujet des deux premières plaintes de M. El‑Helou portant sur la conduite de M. Cloutier, de M. Francoeur et de Mme Côté. Se fondant sur le rapport d’enquête, le commissaire a estimé que [traduction] « la preuve [était] insuffisante pour [lui] donner des motifs raisonnables de croire » que la réaffectation de M. El‑Helou ou les renseignements recherchés par M. Cloutier concernant le style de gestion de M. El‑Helou constituaient des mesures de représailles. Le commissaire a donc écarté ces deux allégations conformément à l’article 20.5 de la Loi.

 

[29]           Le Tribunal a pris un certain nombre de décisions interlocutoires à l’égard de la troisième allégation de représailles de M. El‑Helou. Toutefois, l’audience sur le fond de cette allégation a été suspendue en attendant l’issue de la présente demande de contrôle judiciaire (El‑Helou c. Service administratif des tribunaux judiciaires et al., 2011‑PT‑01 [la décision El‑Helou no1], aux paragraphes 100 à 102, et la décision El‑Helou no 3, précitée, au paragraphe 5).

 

Les questions en litige

 

[30]           M. El‑Helou a soulevé un certain nombre de questions dans sa demande : l’interprétation à donner à la norme des « motifs raisonnables de croire » énoncée au paragraphe 20.4(3) de la Loi, la question de savoir sur qui repose le fardeau de la preuve dans des cas comme celui‑ci et celle de savoir s’il suffit, pour que le commissaire renvoie une plainte pour représailles au Tribunal, que la preuve comporte [traduction] « un certain fondement ».

 

[31]           M. El‑Helou allègue aussi que l’enquêteure et, par extension, le commissaire par intérim, ont erré dans leur appréciation de la preuve et dans l’établissement des faits quant au bien‑fondé de sa plainte, alors qu’ils auraient dû, selon M. El‑Helou, se borner à évaluer si la preuve respectait la norme des « motifs raisonnables de croire ».

 

[32]           De plus, M. El‑Helou soutient que le commissaire par intérim a erré en ne portant pas l’attention voulue à l’intérêt public pour décider s’il devait faire instruire la première et la deuxième allégation de représailles de M. El‑Helou, comme l’exige le paragraphe 20.4(3) de la Loi. Toujours selon M. El‑Helou, le commissaire par intérim a erré en ne cherchant pas à savoir si les explications données par les défendeurs au sujet de leurs gestes n’étaient, en fait, que des prétextes.

 

[33]           En outre, M. El‑Helou allègue que dans le processus d’enquête, on a manqué d’équité à son égard. Il a recensé ce qu’il considère un certain nombre de manquements à l’équité procédurale dans le processus qui a mené au rejet de ses première et deuxième allégations de représailles.

[34]           Comme je l’expliquerai plus loin, je suis d’accord avec M. El‑Helou pour dire que la procédure suivie par le CISP n’était pas équitable. Étant donné ma conclusion relative aux questions d’équité, je ne crois pas nécessaire de traiter les autres arguments de M. El‑Helou.

 

La norme de contrôle applicable

 

[35]           Lorsqu’il se pose une question d’équité procédurale, la tâche de la Cour consiste à déterminer si le processus que le décideur a suivi correspond au degré d’équité qui est exigé dans la totalité des circonstances (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 43).

 

La procédure suivie par le CISP

 

[36]           Afin de mettre en contexte les arguments de M. El‑Helou sur l’équité, il est nécessaire d’avoir une certaine compréhension de ce qui a transpiré au cours de l’enquête du CISP sur sa plainte de représailles.

 

[37]           En février 2010, après que sa plainte eut fait l’objet d’une enquête pendant environ six mois, M. El‑Helou a été avisé par l’enquêteure qu’elle prévoyait remettre son rapport d’enquête au commissaire dans une semaine. M. El‑Helou a aussi été avisé qu’une décision serait prise concernant sa plainte dans un délai d’un mois.

 

[38]           Bien que M. El‑Helou n’ait pas été représenté par un avocat jusqu’à ce stade de la procédure, il a alors décidé de retenir les services d’un avocat. Celui‑ci a écrit à l’enquêteure pour lui demander de reporter d’un mois la publication du rapport afin de lui permettre de conseiller M. El‑Helou avant de faire des observations au nom de celui‑ci.

 

[39]           La demande de report a été accordée et l’enquêteure a avisé l’avocat qu’elle prorogerait au 2 avril 2010 le délai pour terminer le rapport afin de permettre à M. El‑Helou de présenter ses observations écrites.

 

[40]           L’avocat de M. El‑Helou a ensuite présenté des observations détaillées à l’enquêteure pour le compte de son client. Ces observations portaient sur l’interprétation de la Loi et l’équité de l’enquête du CISP. L’avocat a aussi demandé à l’enquêteure de fournir à M. El‑Helou une liste des témoins qui avaient été interrogés, le contenu de leur témoignage et toute preuve documentaire qui avait été recueillie durant l’enquête avant l’achèvement du rapport d’enquête.

 

[41]           Ne recevant aucune réponse, l’avocat de M. El‑Helou a de nouveau contacté l’enquêteure. Celle‑ci l’a alors avisé que le dossier des représailles faisait « l’objet d’une enquête » et que la divulgation du dossier d’enquête était [traduction] « à l’étude ».

 

[42]           Dans une lettre, en date du 28 septembre 2010, envoyée à l’avocat de M. El‑Helou l’enquêteure dit avoir examiné la procédure qui avait été suivie jusqu’alors dans l’enquête. Elle fournit une liste de personnes qui ont été interrogées jusque‑là et indique que son bureau est en train de conclure le processus d’enquête.

 

[43]           L’enquêteure écrit ensuite :

[traduction]
Un résumé des conclusions sera préparé et envoyé aux parties pour obtenir leurs commentaires. Votre client et les personnes accusées d’avoir exercé des représailles auront l’occasion de réagir. Une fois les réactions reçues et analysées et le rapport modifié en conséquence, la commissaire sera saisie de l’affaire et rendra une décision. [Non souligné dans l’original.]

 

[44]           L’avocat de M. El‑Helou a répondu par une lettre datée du 29 octobre 2010, indiquant que l’on n’avait jamais fourni les détails de l’enquête à M. El‑Helou. L’avocat a  nommé aussi deux personnes qui, selon lui, fourniraient une preuve « cruciale ». Un de ces témoins était l’administrateur en chef du SATJ, celui qui décidait en dernier ressort de la cote de sécurité de M. El‑Helou. Selon l’avocat, l’administrateur en chef aurait donc eu un rôle « important » dans le processus d’habilitation de sécurité Très secret et aurait peut‑être été impliqué dans les représailles exercées contre M. El‑Helou.

 

[45]           Dans sa lettre, l’avocat confirme qu’il comprend qu’on lui fournira en temps opportun une copie du rapport d’enquête afin de le commenter et déclare : [traduction] « Nous tenons à souligner que nous espérons recevoir, en plus du rapport et de toute analyse effectuée par vous, une description complète et détaillée de tous les témoignages. » Il ajoute : [traduction] « Ces renseignements sont essentiels pour nous permettre de commenter le rapport. »

 

[46]           L’avocat de M. El‑Helou a également relayé la préoccupation de son client concernant la question de savoir si l’enquête portait aussi sur la présumée menace de lui refuser une référence d’emploi en l’absence de la signature d’un document dans lequel il admettrait avoir eu une conduite inappropriée.

[47]           Dans une lettre envoyée à l’avocat de M. El‑Helou datée du 20 janvier 2011, l’enquêteure fait référence à l’allégation de M. El‑Helou selon laquelle il était menacé d’une éventuelle enquête de sécurité approfondie s’il refusait de se conformer aux « volontés » de son employeur (le SATJ). Sur ce point, l’enquêteure écrit :

[traduction]

Cette menace implicite d’enquête de sécurité pourrait constituer une mesure de représailles potentielle et a donc été examinée à ce titre durant l’enquête. Cette question sera abordée dans mon rapport. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[48]           L’enquêteure écrit aussi :

[traduction]

Je n’ai pas interrogé [l’administrateur en chef du SATJ] et rien n’indique que l’enquêteur précédent l’ait fait. Puisque vous indiquez qu’il a des preuves en lien avec la mesure de représailles alléguée, je l’ajouterai à la liste des témoins. […]

 

Nous entendons interroger [la deuxième employée proposée par l’avocat] puisque vous indiquez qu’elle détient des preuves relativement à la présente affaire. […]

 

 

[49]           L’enquêteure fait ensuite observer que, selon les renseignements fournis par l’avocat et dont fait état le dossier d’enquête, elle comprend qu’il reste trois personnes à interroger. Elle précise que M. Power sera réinterrogé et que l’administrateur en chef et la deuxième personne désignée par l’avocat de M. El‑Helou dans sa lettre du 29 octobre 2010 le seront aussi.

 

[50]           L’enquêteure donne également à l’avocat le conseil suivant : [traduction] « Lorsque l’enquête sera terminée, le rapport d’enquête [sera] parachevé et présenté à l’examen du commissaire par intérim. » L’enquêteure précise aussi qu’elle ne peut informer l’avocat de l’identité de la personne qui, dans les faits, terminera l’enquête, puisque l’enquêteure elle‑même vient de changer de poste.

 

[51]           L’avocat de  M. El‑Helou a répondu en réitérant sa position, à savoir que son client avait droit à [traduction] « une description complète et détaillée de tous les éléments de preuve que [l’enquêteure a] reçus de la part des divers témoins et ainsi que des autres détails relatifs à la conduite de l’enquête ». L’avocat a aussi fait référence à ses observations précédentes quant à l’équité de la procédure suivie par l’enquêteure et a exprimé sa consternation quant aux retards qu’accuse le processus d’enquête.

 

[52]           Après d’autres échanges entre l’enquêteure et l’avocat de M. El‑Helou, le rapport d’enquête a été achevé le 14 avril 2011. Comme il est indiqué précédemment, l’enquêteure a recommandé que l’allégation de représailles faite par M. El‑Helou concernant la suspension, de mai 2009 jusqu’à son départ du SATJ en février 2010, de sa cote de sécurité Très secret soit renvoyée au Tribunal pour instruction. Le rapport conclut que les éléments de preuve justifient la présentation d’une demande au Tribunal portant sur de possibles représailles exercées par M. Power et M. Delage.

 

[53]           De plus, l’enquêteure a recommandé que les deux autres allégations de représailles formulées dans la plainte de juillet 2009 de M. El‑Helou soient rejetées au motif que la preuve ne permettait pas de conclure qu’il y avait des motifs raisonnables de croire les allégations de représailles exercées par M. Cloutier, M. Francoeur et Mme Côté.

[54]           On se souviendra que l’enquêteure avait reconnu dans sa lettre du 20 janvier 2011 que l’allégation selon laquelle M. El‑Helou était menacé d’une éventuelle enquête de sécurité s’il refusait de se conformer aux volontés du SATJ pourrait constituer une éventuelle mesure de représailles. En outre, l’enquêteure avait avisé M. El‑Helou que l’allégation avait été examinée au cours de l’enquête et serait abordée dans le rapport d’enquête. Or, le rapport d’enquête est totalement muet sur cette question.

 

[55]           Qui plus est, malgré le fait que l’enquêteure a affirmé dans sa correspondance du 20 janvier 2011 qu’elle interrogerait l’administrateur en chef et le second témoin désigné par l’avocat de M. El‑Helou dans sa lettre du 29 octobre 2010, il semble que ni l’une ni l’autre de ces personnes n’ait été interrogée.

 

[56]           On se souviendra aussi que la lettre du 28 septembre 2010 que l’enquêteure a envoyée à l’avocat de M. El‑Helou indiquait clairement qu’un résumé des conclusions de l’enquête serait remis aux parties aux fins de commentaires, et qu’elles auraient la possibilité de réagir avant que l’affaire ne soit présentée au commissaire par intérim pour décision. Or, ni M. El‑Helou ni aucun des défendeurs ne s’est vu offrir la possibilité d’examiner et de commenter le rapport de l’enquêteure ou la preuve sur laquelle s’appuyait le rapport remis au commissaire par intérim pour décision.

 

Analyse

 

[57]           Comme il a été souligné précédemment, la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles prévoit que toute personne mise en cause dans une enquête du CISP a droit à l’équité procédurale.

 

[58]           Le contenu de l’obligation d’équité procédurale est variable, et dépend, entre autres choses, de la nature des droits touchés (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, 174 D.L.R. (4th) 193 [l’arrêt Baker]).

 

[59]           Comme l’a noté la Cour suprême dans l’arrêt Baker, plusieurs facteurs sont pertinents pour déterminer le contenu de l’obligation d’équité procédurale dans un cas particulier. Ces facteurs comprennent la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir, la nature du régime législatif et les termes de la loi régissant l’organisme, l’importance de la décision pour les personnes visées, les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision et les choix de procédure que l’organisme fait lui‑même. Cette liste n’est pas exhaustive. Il faut aussi tenir compte de la jurisprudence pertinente régissant l’obligation d’équité dans des types de cas particuliers.

 

[60]           Il y a encore très peu de décisions qui portent sur la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles. En revanche, une importante jurisprudence s’est développée dans le contexte des droits de la personne, et il y a un certain nombre de similitudes entre la LPFDAR et la procédure des plaintes sous le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C., 1985, c. H‑6 [la LCDP].

 

[61]           L’arrêt Baker nous enseigne que pour déterminer le contenu de l’obligation d’équité procédurale dans une affaire donnée, il faut tenir compte de la nature de la décision recherchée et du processus suivi pour y parvenir. Il faut également tenir compte de la nature du régime législatif et des termes de la loi régissant l’organisme.

 

[62]           D’un point de vue procédural, le Tribunal a souligné les « similitudes structurelles » entre les régimes des droits de la personne et des « divulgateurs » (voir les décisions El‑Helou n1, précitée, au paragraphe 83, et El‑Helou no 3, précitée, au paragraphe 71). Ces deux processus mettent en cause deux organismes distincts : d’une part, un Commissariat qui exerce une fonction de « gardien », reçoit les plaintes et enquête à leur sujet et, d’autre part, un Tribunal qui entend et tranche les plaintes dont il est saisi par le commissariat pertinent.

 

[63]           Tout comme le plaignant et le défendeur, le commissariat ou le commissaire est partie à l’audience du Tribunal menée en vertu de la LCDP et de la LPFDAR.

 

[64]           Bien qu’il y ait des plaignants et des défendeurs dans les affaires de droits de la personne et celles relatives aux « divulgateurs », ni l’un ni l’autre de ces types d’affaires n’est entièrement un litige privé puisque l’intérêt public joue un rôle dans chaque processus (voir l’article 51 de la LCDP et les alinéas 20.4(3)d) et 25.1(7)a), le paragraphe 33(1) et l’alinéa 49(3)b) de la LPFDAR, de même que le préambule de cette dernière loi).

 

[65]           Il y a aussi beaucoup de similitudes dans les principes généraux sous‑jacents aux deux textes législatifs. La LPFDAR et la LCDP sont des lois réparatrices. Les affaires de droits de la personne et de divulgation peuvent, les unes comme les autres, avoir trait à des conditions d’emploi et à la protection de personnes contre un comportement inéquitable ou abusif de la part de leur employeur lorsque certaines considérations précises entrent en ligne de compte dans ce comportement.

 

[66]           En outre, l’arrêt Baker nous enjoint de prendre en compte l’importance de la décision pour la ou les personnes visées. Les décisions rendues par les commissions en matière de droits de la personne et de divulgation sont susceptibles d’établir des droits et peuvent avoir pour conséquence le refus de réparation sous le régime de la loi en question.

 

[67]           De plus, les plaintes déposées en vertu de la LPFDAR ont toujours trait à l’emploi qu’occupe une personne, tandis que les plaintes formulées en vertu de la LCDP surviennent souvent dans le contexte d’un emploi. La jurisprudence canadienne regorge de références faites au rôle crucial que joue l’emploi dans la dignité et l’estime de soi de la personne.

 

[68]           À titre d’exemple, dans le Renvoi relatif à la Public Sector Employee Relations Act (Alberta), [1987] 1 R.C.S. 313, la Cour suprême du Canada déclare :

Le travail est l’un des aspects les plus fondamentaux de la vie d’une personne, un moyen de subvenir à ses besoins financiers et, ce qui est tout aussi important, de jouer un rôle utile dans la société. L’emploi est une composante essentielle du sens de l’identité d’une personne, de sa valorisation et de son bien‑être sur le plan émotionnel [au paragraphe 91].

 

[69]           Bien que cette citation soit tirée du jugement dissident du juge en chef Dickson, des sentiments similaires à l’égard du rôle central que joue l’emploi dans la dignité et l’estime de soi de la personne ont été exprimés dans beaucoup d’autres jugements de la Cour suprême (voir, par exemple, Evans c. Teamsters Local Union No. 31, 2008 CSC 20, [2008] 1 RCS 661; Terre‑Neuve (Conseil du Trésor) c. N.A.P.E., 2004 CSC 66, [2004] 2 RCS 381; Nouvelle‑Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin, 2003 CSC 54, [2003] 2 RCS 504, au paragraphe 104).

 

[70]           Par ailleurs, les deux types d’affaires commandent que l’on établisse un équilibre entre les droits protégés par la Charte (les droits à l’égalité prévus à l’article 15, dans le cas de la LCDP, et la liberté d’expression prévue à l’article 2, dans le cas de la LPFDAR) et les autres principes importants comme les exigences professionnelles justifiées (LCDP) ou l’obligation de loyauté que les fonctionnaires ont envers leur employeur (LPFDAR).

 

[71]           Étant donné les similarités entre les mécanismes de plaintes établis en vertu de la LPFDAR et de la LCDP, toutes les parties, dans leurs positions respectives, se sont plus ou moins appuyées sur la jurisprudence qui s’est développée dans le contexte des droits de la personne. Je dois reconnaître que cette jurisprudence est très utile pour déterminer si le droit de M. El‑Helou d’être traité de façon équitable dans la présente affaire a été respecté.

 

[72]           Avant d’aborder cette question, je tiens à faire remarquer que les deux derniers facteurs dans l’arrêt Baker constituent les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision et les choix de procédure que l’organisme fait lui‑même. En ce qui concerne ce dernier facteur, je fais habituellement preuve de déférence envers les choix de procédure de l’organisme. Les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision sont un facteur important en l’espèce et seront abordées en détail dans mon analyse.

 

[73]           La Cour d’appel fédérale a clairement indiqué que les parties à une plainte en matière de droits de la personne ont le droit d’être informées de la substance de la preuve sur laquelle sera fondée la décision de rejeter la plainte ou de la renvoyer au Tribunal canadien des droits de la personne pour instruction. La possibilité doit également être offerte aux parties de réagir à cette preuve et de présenter tous les arguments pertinents s’y rapportant (voir Mercier c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1994] 3 CF 3, [1994] ACF, no 361 (QL) (CAF), au paragraphe 14; Slattery c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1994] 2 CF 574, 73 F.T.R. 161 [la décision Slattery]; confirmé par (1996), 205 N.R. 383 (CAF). Voir aussi les arrêts de la Cour suprême du Canada Radulesco c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1984] 2 RCS 407, 14 D.L.R. (4th) 78 [l’arrêt Radulesco] et Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 RCS 879, (1989), 62 D.L.R. (4th) 385 [l’arrêt SEPQA]).

 

[74]           Je suis d’avis que l’obligation d’équité procédurale prévue par la common law commande aussi que les parties à une plainte formulée en vertu de la LPFDAR se voient offrir la même possibilité.

 

[75]           Je conviens avec les défendeurs que M. El‑Helou n’avait pas nécessairement le droit de consulter toutes les transcriptions de tous les interrogatoires des témoins ou de chacun des documents remis à l’enquêteure. La jurisprudence se borne plutôt à exiger qu’il soit informé des « éléments essentiels de la preuve » (arrêt Radulesco) ou de la « substance de la preuve réunie par l’enquêteur » (arrêts SEPQA et Mercier).

 

[76]           Généralement, la remise du rapport de l’enquêteur et la possibilité offerte de le commenter satisfont à cette exigence. À défaut, la mise à disposition d’un résumé des interrogatoires des témoins et d’autres preuves documentaires aurait aussi permis à M. El‑Helou de connaître les éléments invoqués contre lui et de réagir (voir l’arrêt Mercier, précité, au paragraphe 18; Canadian Broadcasting Corp. c. Paul, 2001 CAF 93, 198 D.L.R. (4th) 633, aux paragraphes 39 à 44).

 

[77]           Rien de tout cela ne s’est produit en l’espèce. M. El‑Helou et les défendeurs n’ont jamais été informés de la substance de la preuve qui avait été recueillie par l’enquêteure et la possibilité de réagir aux conclusions de l’enquêteure ne leur a jamais été donnée. De plus, le fait que les parties aient été traitées de façon également inéquitable ne rend pas pour autant le processus équitable.

 

[78]           M. El‑Helou soutient que si on lui avait donné la possibilité de réagir aux conclusions de l’enquêteure, il lui aurait fourni une grande partie des observations longues et détaillées qui ont été présentées à la Cour. Or, on ne lui a jamais donné cette possibilité, ce qui constituait un manquement clair à l’obligation d’équité procédurale prévue par la common law.

 

[79]           Cette erreur a de plus été aggravée par le manquement à la promesse explicite de l’enquêteure que M. El‑Helou se verrait offrir la possibilité de commenter les conclusions du rapport de l’enquêteure avant qu’une décision ne soit rendue par le commissaire par intérim concernant sa plainte.

 

[80]           On se souviendra qu’en réponse aux demandes répétées de l’avocat de M. El‑Helou, l’enquêteure a déclaré ce qui suit dans une lettre datée du 28 septembre 2010 :

[traduction]

Un résumé des conclusions sera préparé et envoyé aux parties pour obtenir leurs commentaires. Votre client et les personnes accusées d’avoir exercé des représailles auront l’occasion de réagir. Une fois les réactions reçues et analysées et le rapport modifié en conséquence, la commissaire sera saisie de l’affaire et rendra une décision. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[81]            M. El‑Helou s’attendait donc de façon légitime à ce que ce soit la procédure suivie dans le processus d’enquête. Dans le contexte du droit administratif, il y a une expectative légitime lorsqu’une partie a reçu des assurances quant aux étapes qui seront suivies dans le processus de prise de décision. Il peut notamment s’agir de procédures qu’une autorité administrative s’est volontairement engagée à suivre. Toutefois, pour faire naître une expectative légitime, la promesse doit être [traduction] « claire, non ambiguë et absolue » (voir Donald J.M. Brown et J.M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada, feuilles mobiles, Toronto, Canvasback Publishing, 2011, à la page 7:1710).

 

[82]           Une expectative légitime ne peut conférer un droit à une réparation substantielle particulière. Il s’ensuit que la théorie de l’expectative légitime est limitée aux réparations procédurales (Centre hospitalier Mont‑Sinaï c. Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), [2001] 2 R.C.S. 281, 200 D.L.R. (4th) 193, aux paragraphes 32, 79 et 86). Cela dit, lorsqu’il y a une expectative légitime, les droits procéduraux d’une partie et le degré d’équité auxquels elle a droit peuvent être élargis au‑delà des principes fondamentaux de common law.

 

[83]           En l’espèce, la déclaration faite par l’enquêteure était claire, non ambiguë et absolue : M. El‑Helou et les défendeurs devaient recevoir un résumé des conclusions de l’enquêteure et toutes les parties se verraient offrir la possibilité de réagir à ces conclusions. Aucun élément de cette déclaration n’entrait en conflit de quelque manière que ce soit avec les obligations légales de l’enquêteure aux termes de la LPFDAR. Au contraire, elle correspondait à l’obligation d’équité procédurale énoncée à l’alinéa 22d) de la Loi. Il était tout simplement inéquitable de la part de l’enquêteure de promettre de faire quelque chose puis de ne pas le faire.

 

[84]           Je constate un autre manquement à l’équité procédurale dans la présente affaire. L’enquêteure avait connaissance de l’allégation de M. El‑Helou selon laquelle il était menacé d’une éventuelle enquête de sécurité s’il omettait de se conformer aux « volontés » de son employeur. L’enquêteure a d’ailleurs reconnu qu’une telle menace constitue une mesure de représailles. Elle déclare donc dans la lettre du 20 janvier 2011 qu’elle a adressée à l’avocat de M. El‑Helou que cette allégation [traduction] « a donc été examinée […] durant l’enquête » et que [traduction] « [c]ette question sera abordée dans [son] rapport ». M. El‑Helou s’attendait donc de façon légitime à ce que cela se passe ainsi.

 

[85]           Toutefois, malgré cette déclaration claire, non ambiguë et absolue faite par l’enquêteure, le rapport d’enquête ne fait aucune mention de cette question; en conséquence, cette allégation n’a jamais été prise en compte par le commissaire par intérim.

[86]           Les défendeurs nient avoir connaissance de quelque promesse qui aurait été faite à M. El‑Helou et n’ont pas présenté d’arguments de fond à cet égard. Je suis convaincue que le défaut de l’enquêteure d’enquêter sur cette allégation constitue un manquement additionnel à l’équité procédurale.

 

[87]           L’enquêteure n’a pas non plus donné suite à son intention d’interroger l’ancien administrateur en chef du SATJ. On se rappellera que dans sa lettre du 20 janvier 2011 envoyée à l’avocat de M. El‑Helou, elle affirme qu’elle n’a [traduction] « pas interrogé [l’administrateur en chef du SATJ] et rien n’indique que l’enquêteur précédent l’ait fait ». D’ajouter l’enquêteure : [traduction] « Puisque vous indiquez qu’il a des preuves en lien avec la mesure de représailles alléguée, je l’ajouterai à la liste des témoins. » Plus loin dans sa lettre, elle répète que cette personne sera interrogée. Or, il semble bien que cela ne soit jamais arrivé.

 

[88]           Encore là, les défendeurs nient avoir connaissance de promesses qui auraient été faites à M. El‑Helou, et n’ont pas présenté d’arguments de fond à cet égard.

 

[89]           Encore une fois, nous constatons d’une part la promesse claire, non ambiguë et absolue de l’enquêteure quant à la procédure qu’elle entendait suivre dans l’enquête, et, d’autre part, son défaut de l’honorer.

 

[90]           Je remarque que le témoignage de l’administrateur en chef précédent du SATJ était pertinent quant à la question de la suspension alléguée de la cote de sécurité « Très secret » de M. El‑Helou. Étant donné que cette question a été renvoyée au Tribunal pour instruction, le préjudice causé à M. El‑Helou était limité en l’espèce, mais n’était pas entièrement éliminé, car M. El‑Helou ne dispose ni de notes ni d’une transcription de l’interrogatoire de l’ancien administrateur en chef relativement à sa comparution devant le Tribunal.

 

[91]           De plus, l’équité procédurale exige du commissaire qu’il s’acquitte de son obligation légale de faire enquête à l’égard des plaintes, en menant des enquêtes empreintes de neutralité et de rigueur (voir la décision Slattery, au paragraphe 49).

 

[92]           Il a été statué, dans des décisions rendues après la décision Slattery, que la décision que prend la Commission canadienne des droits de la personne de rejeter une plainte en se fondant sur une enquête lacunaire est elle‑même lacunaire parce que, « [s]i les rapports sont défectueux, il s’ensuit que la Commission ne disposait pas d’un nombre suffisant de renseignements pertinents pour exercer à bon droit son pouvoir discrétionnaire » (voir Grover c. Canada (Conseil national de recherches), 2001 CFPI 678, [2001] A.C.F. no 1012, au paragraphe 70. Voir aussi Garvey c. Meyers Transport Ltd., 2005 CAF 327, [2005] A.C.F. no 1684 (C.A.), Singh c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 247, [2002] A.C.F. no 885, au paragraphe 7, et Kollar c. Banque canadienne impériale de commerce, 2002 CFPI 848, [2002] A.C.F. no 1125, au paragraphe 40).

 

[93]           En dépit de la durée considérable de l’enquête relative à la présente affaire, l’enquête n’a pas été assez rigoureuse.

 

[94]           Pour ce qui est de l’obligation de faire preuve de rigueur, la Cour fédérale, dans la décision Slattery, fait remarquer qu’il « faut faire montre de retenue judiciaire à l’égard des organismes décisionnels administratifs qui doivent évaluer la valeur probante de la preuve et décider de poursuivre ou non les enquêtes ». Par conséquent, « [c]e n’est que lorsque des omissions déraisonnables se sont produites, par exemple lorsqu’un enquêteur n’a pas examiné une preuve manifestement importante, qu’un contrôle judiciaire s’impose » (au paragraphe 56).

 

[95]           Je suis convaincue que dans la présente affaire, l’enquêteure a omis d’enquêter sur des preuves qui, de toute évidence, étaient cruciales.

 

[96]           On se rappellera la première allégation de M. El‑Helou : « M. Laurent Francoeur a demandé à M. Éric Cloutier d’obtenir des renseignements sur [son] style de gestion […] ainsi que des commentaires négatifs à son endroit de la part de ses subordonnés ». M. El‑Helou a également allégué que « M. Cloutier s’est chargé de cette demande lorsque M. Francoeur était en vacances; M. Cloutier remplaçait alors M. Francoeur ».

 

[97]           Ainsi, M. El‑Helou allègue qu’à la demande de M. Francoeur, M. Cloutier a activement cherché à obtenir des commentaires négatifs auprès des subordonnés de M. El‑Helou concernant son style de gestion. De plus, M. El‑Helou allègue que cela a eu lieu parce qu’il avait fait une divulgation protégée.

 

[98]           Toutefois, un rapport d’étape préparé par l’enquêteure révèle que M. Cloutier a nié avoir déjà mené une enquête sur le style de gestion de M. El‑Helou. Il a plutôt dit à l’enquêteure que les employés se sont tous adressés à lui durant les trois semaines pendant lesquelles il a assuré l’intérim pour M. Francoeur (dossier de demande, vol. 7, à la page 2180).

 

[99]           Ainsi, la question de savoir qui a amorcé ces discussions était centrale quant à cette allégation de représailles.

 

[100]       Dans son rapport, l’enquêteure affirme : [traduction] « Bien que le plaignant soit convaincu que M. Cloutier a délibérément sollicité des renseignements négatifs à son sujet auprès de ses employés, peu d’éléments de preuve indiquaient que M. Cloutier avait commencé à poser des questions avant que les employés ne lui fassent part de problèmes » (rapport d’enquête, au paragraphe 106 [non souligné dans l’original]).

 

[101]       Pourtant, M. El‑Helou avait expressément nommé au moins deux employés du SATJ qui, disait‑il, informeraient l’enquêteure que M. Cloutier les avait effectivement approchés pour tenter d’obtenir des renseignements négatifs sur son style de gestion. L’enquêteure semble avoir été consciente du fait qu’il existait une preuve à l’appui de la position de M. El‑Helou sur ce point (voir le rapport d’enquête, note de bas de page 38, et le dossier de la demande, vol. 7, à la page 2180). Or, l’enquêteure n’a jamais interrogé ni l’une ni l’autre des personnes nommées par M. El‑Helou relativement à cette question.

 

[102]       L’omission d’obtenir ce qui était de toute évidence une preuve cruciale est d’autant plus déroutante que l’enquêteure avait une copie d’un rapport d’enquête préparé par une société privée qui avait enquêté sur des allégations de harcèlement qui avaient été faites à l’endroit de M. El‑Helou et d’un autre employé du SATJ. Les personnes désignées par M. El‑Helou ont été interrogées au cours de cette enquête, et il semble que même s’ils n’ont pas toujours parlé de façon positive du style de gestion de M. El‑Helou, ces témoignages l’auraient peut‑être aidé à établir qui avait amorcé les discussions et si M. Cloutier avait effectivement cherché activement à colliger des commentaires négatifs à son sujet.

 

[103]       La jurisprudence établit qu’il est possible de surmonter quelques lacunes dans l’enquête en accordant aux parties le droit de présenter des observations sur le rapport d’enquête. Comme l’a fait remarquer la Cour d’appel fédérale dans Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 F.C.R. 392, les seules erreurs qui justifient l’intervention d’un tribunal de révision sont les « lacunes […] à ce point fondamentales que les observations complémentaires présentées par les parties ne suffisent pas à y remédier » (au paragraphe 38). De toute évidence, la difficulté en l’espèce tient à ce que M. El‑Helou n’a jamais eu l’occasion de présenter d’autres observations en réponse et n’a jamais été avisé de la substance des conclusions de l’enquêteure.

 

Conclusion

 

[104]       Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du 18 avril 2011 du commissaire par intérim à l’intégrité du secteur public est annulée et l’affaire est renvoyée au Commissariat à l’intégrité du secteur public pour qu’il effectue une nouvelle enquête conformément aux présents motifs.

 

[105]       Conformément à l’entente des parties, M. El‑Helou a droit à ses dépens relativement à la présente demande selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III du tableau du tarif B des Règles des cours fédérales.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du 18 avril 2011 du commissaire par intérim à l’intégrité du secteur public est annulée et l’affaire est renvoyée au Commissariat à l’intégrité du secteur public pour qu’il effectue une nouvelle enquête conformément aux présents motifs.

 

2.      M. El‑Helou a droit à ses dépens relativement à la présente demande selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III du tableau du tarif B des Règles des cours fédérales.

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


ANNEXE

 

Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles L.C. 2005, ch. 46

 

2. (1) …« divulgation protégée » Divulgation qui est faite de bonne foi par un fonctionnaire, selon le cas :

 

 

a) en vertu de la présente loi;

 

 

b) dans le cadre d’une procédure parlementaire;

 

c) sous le régime d’une autre loi fédérale;

 

 

d) lorsque la loi l’y oblige.

 

 

« secteur public »

a) Les ministères figurant à l’annexe I de la Loi sur la gestion des finances publiques et les autres secteurs de l’administration publique fédérale figurant aux annexes I.1 à V de cette loi;

 

b) les sociétés d’État et autres organismes publics figurant à l’annexe 1.

 

Sous réserve des articles 52 et 53, la présente définition ne s’applique toutefois pas au Service canadien du renseignement de sécurité, au Centre de la sécurité des télécommunications et aux Forces canadiennes.

 

« fonctionnaire » Toute personne employée dans le secteur public, tout membre de la Gendarmerie royale du Canada et tout administrateur général.

 

« représailles » L’une ou l’autre des mesures ci‑après prises à l’encontre d’un fonctionnaire pour le motif qu’il a fait une divulgation protégée ou pour le motif qu’il a collaboré de bonne foi à une enquête menée sur une divulgation ou commencée au titre de l’article 33 :

 

a) toute sanction disciplinaire;

 

b) la rétrogradation du fonctionnaire;

 

c) son licenciement et, s’agissant d’un membre de la Gendarmerie royale du Canada, son renvoi ou congédiement;

 

 

d) toute mesure portant atteinte à son emploi ou à ses conditions de travail;

 

 

e) toute menace à cet égard.

 

 

 

8. La présente loi s’applique aux actes répréhensibles ci‑après commis au sein du secteur public ou le concernant :

 

a) la contravention d’une loi fédérale ou provinciale ou d’un règlement pris sous leur régime, à l’exception de la contravention de l’article 19 de la présente loi;

 

 

b) l’usage abusif des fonds ou des biens publics;

 

c) les cas graves de mauvaise gestion dans le secteur public;

 

d) le fait de causer — par action ou omission — un risque grave et précis pour la vie, la santé ou la sécurité humaines ou pour l’environnement, à l’exception du risque inhérent à l’exercice des attributions d’un fonctionnaire;

 

e) la contravention grave d’un code de conduite établi en vertu des articles 5 ou 6;

 

f) le fait de sciemment ordonner ou conseiller à une personne de commettre l’un des actes répréhensibles visés aux alinéas a) à e). 

 

10. (2) Il désigne un agent supérieur chargé de prendre connaissance des divulgations et d’y donner suite d’une façon qui soit compatible avec les attributions qui lui sont conférées par le code de conduite établi par le Conseil du Trésor.

 

 

 

 

 

 

19. Il est interdit d’exercer des représailles contre un fonctionnaire, ou d’en ordonner l’exercice.

 

19.1 (1) Le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire qui a des motifs raisonnables de croire qu’il a été victime de représailles peut déposer une plainte auprès du commissaire en une forme acceptable pour ce dernier; la plainte peut également être déposée par la personne qu’il désigne à cette fin.

 

 

 

19.3 (1) Le commissaire peut refuser de statuer sur une plainte s’il l’estime irrecevable pour un des motifs suivants :

 

a) l’objet de la plainte a été instruit comme il se doit dans le cadre d’une procédure prévue par toute autre loi fédérale ou toute convention collective ou aurait avantage à l’être;

 

 

b) en ce qui concerne tout membre ou ancien membre de la Gendarmerie royale du Canada, l’objet de la plainte a été instruit comme il se doit dans le cadre des recours visés au paragraphe 19.1(5);

 

 

c) la plainte déborde sa compétence;

 

 

d) elle n’est pas faite de bonne foi.

 

(2) Il ne peut statuer sur la plainte si une personne ou un organisme — exception faite d’un organisme chargé de l’application de la loi — est saisi de l’objet de celle‑ci au titre de toute autre loi fédérale ou de toute convention collective.

 

19.4 (1) Le commissaire statue sur la recevabilité de la plainte dans les quinze jours suivant son dépôt.

 

(2) Dans le cas où il décide que la plainte est recevable et où il y donne suite, le commissaire envoie par écrit sa décision au plaignant et à la personne ou à l’entité qui a le pouvoir d’infliger les sanctions disciplinaires à chaque personne qui a participé à l’exercice des prétendues représailles faisant l’objet de la plainte.

 

19.7 (1) Le commissaire peut charger une personne d’enquêter sur une plainte.

 

 

(2) L’enquête est menée, dans la mesure du possible, sans formalisme et avec célérité.

 

 

19.8 (1) Au moment de commencer l’enquête, l’enquêteur informe l’administrateur général compétent de la tenue de celle‑ci et lui fait connaître l’objet de la plainte.

 

(2) Il peut aussi informer toute personne, notamment toute personne dont la conduite est mise en question par la plainte, de la tenue de l’enquête et lui faire connaître l’objet de la plainte.

 

 

19.9 (1) Si l’enquêteur en fait la demande, les administrateurs généraux et les fonctionnaires doivent lui donner accès à leur bureau et lui fournir les services, l’aide et les renseignements qu’il peut exiger dans le cadre de l’enquête.

 

 

20.3 L’enquêteur présente son rapport au commissaire le plus tôt possible après la fin de l’enquête.

 

 

 

20.4 (1) Si, après réception du rapport d’enquête, le commissaire est d’avis que l’instruction de la plainte par le Tribunal est justifiée, il peut lui demander de décider si des représailles ont été exercées à l’égard du plaignant et, le cas échéant :

 

 

 

 

a) soit d’ordonner la prise des mesures de réparation à l’égard du plaignant;

 

b) soit d’ordonner la prise des mesures de réparation à l’égard du plaignant et la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre de la personne ou des personnes identifiées dans la demande comme étant celles qui ont exercé les représailles.

 

 

 

(2) Le commissaire ne peut demander au Tribunal d’ordonner la prise de sanctions disciplinaires visée à l’alinéa (1)b) à l’égard de la plainte dont le dépôt est autorisé par l’article 19.2.

 

(3) Dans l’exercice du pouvoir visé au paragraphe (1), le commissaire tient compte des facteurs suivants :

 

 

a) il y a des motifs raisonnables de croire que des représailles ont été exercées à l’égard du plaignant;

 

b) l’enquête relative à la plainte ne peut être terminée faute de collaboration d’un administrateur général ou de fonctionnaires;

 

 

c) la plainte doit être rejetée pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 19.3(1)a) à d);

 

 

d) il est dans l’intérêt public de présenter une demande au Tribunal compte tenu des circonstances relatives à la plainte.

 

20.5 Si, après réception du rapport d’enquête, le commissaire est d’avis, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, que l’instruction de celle‑ci par le Tribunal n’est pas justifiée, il rejette la plainte.

 

22. Le commissaire exerce aux termes de la présente loi les attributions suivantes :

 

d) veiller à ce que les droits, en matière d’équité procédurale et de justice naturelle, des personnes mises en cause par une enquête soient protégés, notamment ceux du divulgateur, des témoins et de l’auteur présumé de l’acte répréhensible;

 

i) recevoir et examiner les plaintes à l’égard des représailles, enquêter sur celles‑ci et y donner suite.

2. (1) … “protected disclosure” means a disclosure that is made in good faith and that is made by a public servant

 

(a) in accordance with this Act;

 

(b) in the course of a parliamentary proceeding;

 

(c) in the course of a procedure established under any other Act of Parliament; or

 

(d) when lawfully required to do so.

 

“public sector” means

(a) the departments named in Schedule I to the Financial Administration Act and the other portions of the federal public administration named in Schedules I.1 to V to that Act; and

 

(b) the Crown corporations and the other public bodies set out in Schedule 1.

 

However, subject to sections 52 and 53, “public sector” does not include the Canadian Forces, the Canadian Security Intelligence Service or the Communications Security Establishment.

 

 

“public servant” means every person employed in the public sector, every member of the Royal Canadian Mounted Police and every chief executive.

 

“reprisal” means any of the following measures taken against a public servant because the public servant has made a protected disclosure or has, in good faith, cooperated in an investigation into a disclosure or an investigation commenced under section 33:

 

 

(a) a disciplinary measure;

 

(b) the demotion of the public servant;

 

(c) the termination of employment of the public servant, including, in the case of a member of the Royal Canadian Mounted Police, a discharge or dismissal;

 

(d) any measure that adversely affects the employment or working conditions of the public servant; and

 

(e) a threat to take any of the measures referred to in any of paragraphs (a) to (d).

 

8. This Act applies in respect of the following wrongdoings in or relating to the public sector:

 

 

(a) a contravention of any Act of Parliament or of the legislature of a province, or of any regulations made under any such Act, other than a contravention of section 19 of this Act;

 

(b) a misuse of public funds or a public asset;

 

(c) a gross mismanagement in the public sector;

 

(d) an act or omission that creates a substantial and specific danger to the life, health or safety of persons, or to the environment, other than a danger that is inherent in the performance of the duties or functions of a public servant;

 

 

(e) a serious breach of a code of conduct established under section 5 or 6; and

 

(f) knowingly directing or counselling a person to commit a wrongdoing set out in any of paragraphs (a) to (e).

 

 

10. (2) Each chief executive must designate a senior officer to be responsible for receiving and dealing with, in accordance with the duties and powers of senior officers set out in the code of conduct established by the Treasury Board, disclosures of wrongdoings made by public servants employed in the portion of the public sector for which the chief executive is responsible.

 

19. No person shall take any reprisal against a public servant or direct that one be taken against a public servant.

 

19.1 (1) A public servant or a former public servant who has reasonable grounds for believing that a reprisal has been taken against him or her may file with the Commissioner a complaint in a form acceptable to the Commissioner. The complaint may also be filed by a person designated by the public servant or former public servant for the purpose.

 

19.3 (1) The Commissioner may refuse to deal with a complaint if he or she is of the opinion that

 

(a) the subject‑matter of the complaint has been adequately dealt with, or could more appropriately be dealt with, according to a procedure provided for under an Act of Parliament, other than this Act, or a collective agreement;

 

(b) if the complainant is a member or former member of the Royal Canadian Mounted Police, the subject‑matter of the complaint has been adequately dealt with by the procedures referred to in subsection 19.1(5);

 

(c) the complaint is beyond the jurisdiction of the Commissioner; or

 

(d) the complaint was not made in good faith.

 

(2) The Commissioner may not deal with a complaint if a person or body acting under another Act of Parliament or a collective agreement is dealing with the subject‑matter of the complaint other than as a law enforcement authority.

 

 

19.4 (1) The Commissioner must decide whether or not to deal with a complaint within 15 days after it is filed.

 

(2) If the Commissioner decides to deal with a complaint, he or she must send a written notice of his or her decision to the complainant and to the person or entity that has the authority to take disciplinary action against each person who participated in the taking of a measure alleged by the complainant to constitute a reprisal.

 

19.7 (1) The Commissioner may designate a person as an investigator to investigate a complaint.

 

(2) Investigations into complaints are to be conducted as informally and expeditiously as possible.

 

19.8 (1) When commencing an investigation, the investigator must notify the chief executive concerned and inform that chief executive of the substance of the complaint to which the investigation relates.

 

(2) The investigator may also notify any other person he or she considers appropriate, including every person whose conduct is called into question by the complaint, and inform the person of the substance of the complaint.

 

19.9 (1) If the investigator so requests, chief executives and public servants must provide the investigator with any facilities, assistance, information and access to their respective offices that the investigator may require for the purposes of the investigation.

 

20.3 As soon as possible after the conclusion of the investigation, the investigator must submit a report of his or her findings to the Commissioner.

 

20.4 (1) If, after receipt of the report, the Commissioner is of the opinion that an application to the Tribunal in relation to the complaint is warranted, the Commissioner may apply to the Tribunal for a determination of whether or not a reprisal was taken against the complainant and, if the Tribunal determines that a reprisal was taken, for

 

(a) an order respecting a remedy in favour of the complainant; or

 

(b) an order respecting a remedy in favour of the complainant and an order respecting disciplinary action against any person or persons identified by the Commissioner in the application as being the person or persons who took the reprisal.

 

(2) The order respecting disciplinary action referred in paragraph (1)(b) may not be applied for in relation to a complaint the filing of which is permitted by section 19.2.

 

 

(3) In considering whether making an application to the Tribunal is warranted, the Commissioner must take into account whether

 

(a) there are reasonable grounds for believing that a reprisal was taken against the complainant;

 

(b) the investigation into the complaint could not be completed because of lack of cooperation on the part of one or more chief executives or public servants;

 

(c) the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 19.3(1)(a) to (d); and

 

(d) having regard to all the circumstances relating to the complaint, it is in the public interest to make an application to the Tribunal.

 

20.5 If, after receipt of the report, the Commissioner is of the opinion that an application to the Tribunal is not warranted in the circumstances, he or she must dismiss the complaint.

 

 

22. The duties of the Commissioner under this Act are to

 

(d) ensure that the right to procedural fairness and natural justice of all persons involved in investigations is respected, including persons making disclosures, witnesses and persons alleged to be responsible for wrongdoings;

 

 

(i) receive, review, investigate and otherwise deal with complaints made in respect of reprisals.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑862‑11

 

INTITULÉ :                                                  CHARBEL EL‑HELOU c.
SERVICE ADMINISTRATIF DES TRIBUNAUX JUDICIAIRES ET AUTRES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 11 septembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 21 septembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Yazbeck

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ronald Caza

Alyssa Tomkins

 

POUR LE DÉFENDEUR

(Service administratif des tribunaux judiciaires)

 

Stephen Bird

Alanna Twohey

 

POUR LES DÉFENDEURS

(LAURENT FRANCOEUR, FRANCINE CÔTÉ, ÉRIC CLOUTIER, DAVID POWER ET ÉRIC DELAGE)

 

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raven Cameron Ballantyne & Yazbeck LLP/s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Cazasaikaley SRL/LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

(Service administratif des tribunaux judiciaires)

 

Bird Richard

Avocat de l’employeur

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

(LAURENT FRANCOEUR, FRANCINE CÔTÉ, ÉRIC CLOUTIER, DAVID POWER ET ÉRIC DELAGE)

 

 

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