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Date: 20120925

Dossier : IMM-2609-12

Référence : 2012 CF 1118

Ottawa (Ontario) le 25 septembre 2012

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

REDOUANE BARAKA

 

 

 

 

partie demanderesse

 

 

et

 

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

partie défenderesse

 

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur, M. Baraka, est citoyen algérien et dirigeant de l’association Étoile d’Algérie, une troupe folklorique culturelle et musicale.  Il allègue avoir reçu des menaces de mort au téléphone à trois reprises en janvier et en février 2009 en raison de ses activités artistiques. Il est arrivé au Canada le 9 juin 2009 et a présenté une demande d’asile le 22 juin 2009.

 


LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

 

[2]               Monsieur Baraka demande le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté sa demande d’asile au motif qu’il n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la convention ni celle de personne à protéger. La SPR ne met pas en cause la crédibilité du demandeur. La question déterminante est celle de la protection étatique.

 

[3]               La SPR est d’avis que les artistes ne constituent pas un groupe social au sens de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [LIPR]. Cela semble indiquer que la demande de M. Baraka a seulement été considérée en application du paragraphe 97(1) de la LIPR, qui est ainsi libellé :

 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

[4]               L’analyse de la SPR porte essentiellement sur la disponibilité de la protection étatique. La SPR souligne que la preuve présentée par le demandeur ne suffit pas pour établir l’insuffisance de la protection étatique et conclut que le demandeur n’a pas réfuté la présomption voulant qu’il puisse se réclamer de la protection de l’Algérie.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[5]               Le demandeur soumet que :

a.       La décision de la SPR n’était pas suffisamment motivée;

b.      La SPR a appliqué de façon erronée l’analyse relative à la crainte de persécution fondée sur l’appartenance au groupe social des artistes ou sur des opinions politiques, en application de l’article 96 de la LIPR, et n’a pas suffisamment motivé sa décision sur ce point;

c.       La SPR a omis d’analyser la crainte de traitement ou peines cruels et inusités en application du paragraphe 97(1) de la LIPR;

d.      La SPR a évalué de façon erronée la possibilité pour le demandeur de se réclamer de la protection de  l’Algérie, en omettant notamment, d’une part, de tenir compte de la situation particulière des artistes dans ce pays et, d’autre part, d’analyser l’appareil législatif ainsi que les forces policières de l’Algérie.

 

L’ANALYSE

 

[6]               Même sans tenir compte du récent arrêt de la Cour suprême dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, [2011] ACS no 62 (QL), qui énonce que la validité des motifs écrits et de la décision rendue sur le fondement de ces motifs n’est pas mise en doute du simple fait que certains éléments n’y figurent pas, je suis convaincu que le raisonnement par lequel la SPR est parvenue à sa décision est clair et tout à fait intelligible.

 

[7]               Il est juste d’affirmer que le fardeau de la preuve qu’exige l’article 96 de la LIPR, qui entérine la Convention des Nations Unies, diffère de celui qu’exige l’article 97 de cette même loi. Pour se prévaloir de l’article 96, il suffit qu’un demandeur établisse une possibilité sérieuse de persécution. Pour se prévaloir de l’article 97, le demandeur doit démontrer l’existence d’un risque personnalisé, qu’il doit établir selon la prépondérance des probabilités (Li c Canada (MCI), 2005 CAF 1, [2005] 3 RCF 239, [2005] ACF No 1 (QL)).

 

[8]               Il convient toutefois de lire la décision de la SPR dans son ensemble. Nonobstant sa conclusion que les artistes ne constituent pas un groupe social aux termes de l’article 96, la SPR a cependant tenu compte de la situation des artistes au sens large, au-delà de la situation personnelle de M. Baraka, et a conclu que « le demandeur ne s’est pas déchargé du fardeau qui lui incombait d’établir qu’il existe une possibilité sérieuse qu’il soit persécuté pour un des motifs de la Convention ».

 

[9]               Quant à la protection offerte par l’Algérie, même s’il est vrai qu’il faut tenir compte de la capacité de l’État de protéger ses citoyens (laquelle capacité n’a toutefois pas à être infaillible) de même que de sa volonté d’assurer cette protection, l’évaluation qu’en a faite la SPR n’était pas déraisonnable.

 

[10]           Il convient de souligner que c’est toujours au demandeur d’asile qu’il incombe d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il ne peut se prévaloir de la protection de l’État dont il a la nationalité, peu importe que sa demande soit fondée sur l’article 96 de la LIPR ou sur l’article 97. Comme l’a énoncé la Cour d’appel fédérale au paragraphe 30 de l’arrêt Carillo c Canada (MCI), 2008 CAF 94, [2008] 4 RCF 636, [2008] ACF no 399 (QL) : « le demandeur d'asile qui veut réfuter la présomption de la protection de l'État doit produire une preuve pertinente, digne de foi et convaincante qui démontre au juge des faits, selon la prépondérance des probabilités, que la protection accordée par l'État en question est insuffisante. »

 

[11]           En l’espèce, M. Baraka fonde sa demande sur des renseignements périmés. La situation en Algérie, tant de façon générale que sur le plan des artistes en particulier, s’est nettement améliorée. En somme, la décision de la SPR possède les attributs de la raisonnabilité et appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, [2008] ACS no 9 (QL), au para 47).

 


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS SUSMENTIONNÉS;

LA COUR ORDONNE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

2.                  Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2609-12

 

INTITULÉ :                                      BARAKA c MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 19 SEPTEMBRE 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 25 SEPTEMBRE 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Liette Robillard

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Guillaume Bigaouette

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Liette Robillard

Avocate

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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