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Date : 20120926

Dossier : IMM-8343-11

Référence : 2012 CF 1133

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 septembre 2012

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

 

MICHAEL ANTHONY PERSAUD

ZORINA PERSAUD

MICHAEL BRUCE ANTHONY PERSAUD MARISSA ASHANA PERSAUD

MIRIAN ANN TRICIA PERSAUD

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), de la décision rendue le 2 novembre 2011 par laquelle une agente d’immigration (l’agente) de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a rejeté les demandes de résidence permanente des demandeurs (la décision). L’agente a en effet conclu que les considérations d’ordre humanitaire (CH) étaient insuffisantes pour qu’une dispense soit accordée en application du paragraphe 25(1) de la Loi.

 

[2]               Les demandeurs demandent l’annulation de la décision de l’agente et le renvoi de l’affaire à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.

 

Faits et procédures

 

[3]               Le demandeur principal est Michael Anthony Persaud. Les autres demandeurs sont les membres de sa famille : sa femme, Zorina Persaud; son fils, Michael Bruce Anthony Persaud; sa fille, Marissa Ashana Persaud; et son autre fille, Mirian Ann Tricia Persaud. La famille est d’origine ethnique indo‑guyanienne et de religion chrétienne. Ils sont tous citoyens du Guyana.

 

[4]               Les demandeurs ont un vaste réseau familial au Canada. Ce réseau comprend les parents et les frères et sœurs du demandeur principal (et leurs familles), ainsi que la mère et les frères et sœurs de sa femme (et leurs familles). Les demandeurs n’ont plus de parents proches au Guyana.

 

[5]               Au Guyana, les demandeurs ont été gravement éprouvés par la montée de la criminalité. Le demandeur principal a reçu des menaces de mort, et des criminels les ont attaqués, lui et les membres de sa famille. Le demandeur principal s’est tourné vers la police pour obtenir de l’aide, mais la police n’a pas donné suite à sa plainte. Craignant pour leur sécurité, les demandeurs ont quitté le Guyana.

[6]               À leur départ du Guyana, les demandeurs ont d’abord obtenu des visas de visiteurs à Port of Spain le 14 décembre 2000. Presque deux mois plus tard, le 7 février 2001, ils sont venus au Canada à titre de visiteurs.

 

[7]               Le 26 octobre 2002, les demandeurs ont présenté une demande d’asile, laquelle a été rejetée le 3 juin 2004. Ils n’ont pas été autorisés à demander le contrôle judiciaire de cette décision. Les demandeurs ont par la suite déposé des demandes CH le 1er février 2008, lesquelles ont été rejetées le 30 octobre 2008.

 

[8]               Le 15 décembre 2008, les demandeurs ont déposé de nouvelles demandes CH fondées sur les difficultés auxquelles ils feraient face au Guyana à cause des bandes criminelles afro‑guyanaises, sur leur établissement et leur intégration réussis au Canada, sur leurs liens étroits avec le Canada et sur l’intérêt supérieur des enfants.

 

[9]               Le 24 septembre 2010, les demandeurs ont déposé des demandes d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Elles ont été rejetées le 24 novembre 2010.

 

Décision de l’agente

 

[10]           Dans une lettre datée du 2 novembre 2011, les demandeurs ont été avisés que leurs demandes de résidence permanente fondées sur des considérations d’ordre humanitaire avaient été rejetées. L’agente a consigné les motifs de sa décision CH le jour même. Ces derniers motifs font partie de la décision.

[11]           Pour rendre sa décision, l’agente a tenu compte des risques allégués auxquels les demandeurs seraient exposés à leur retour au Guyana, de leur degré d’établissement au Canada et de l’intérêt supérieur des enfants.

 

[12]           D’entrée de jeu, l’agente a souligné que, dans une lettre datée du 15 août 2011, 30 jours avaient été accordés aux demandeurs pour qu’ils puissent présenter des renseignements à jour. Le 2 novembre 2011, aucune réponse n’avait encore été reçue.

 

[13]           L’agente a pris note des risques auxquels les demandeurs seraient exposés, selon eux, au Guyana. Toutefois, mises à part leurs déclarations voulant qu’ils avaient été gravement éprouvés par la criminalité, qu’ils avaient reçu des menaces et subi des attaques plusieurs fois et que la police n’avait pas donné suite à leurs plaintes, l’agente a noté l’absence de détails précis. Après examen du dossier, l’agente a estimé que les demandeurs n’avaient pas produit assez d’éléments de preuve pour corroborer leur crainte à l’égard des risques au Guyana. Elle a donc conclu que le fait d’avoir à retourner au Guyana et de devoir présenter de là‑bas des demandes de résidence permanente ne constituerait pas des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

 

[14]           L’agente a ensuite pris note de l’emploi des demandeurs au Canada, des documents sur la fréquentation scolaire de la fille du demandeur et des éléments de preuve montrant l’engagement des demandeurs dans leur collectivité. De plus, l’agente a pris note de la déclaration dans laquelle le demandeur principal affirme que ses parents comptent sur lui pour obtenir du soutien financier, affectif et moral. L’agente a examiné cette déclaration à la lumière de la lettre d’appui rédigée par le père du demandeur principal et a remarqué que le père du demandeur principal ne disait pas que sa famille et lui comptaient sur les demandeurs, comme ces derniers l’affirmaient.

 

[15]           L’agente a également noté que le demandeur principal avait été accusé deux fois de voies de fait et une fois de séquestration aux termes du paragraphe 279(2) du Code criminel, LRC 1985, c C-46. Au moment de la décision, ces accusations étaient en instance.

 

[16]           L’agente a reconnu les tentatives faites par les demandeurs pour s’établir au Canada depuis leur arrivée. Elle n’était cependant pas convaincue que les demandeurs pouvaient raisonnablement s’attendre à recevoir l’autorisation de demeurer au Canada en permanence. La preuve ne permettait pas de conclure, a aussi noté l’agente, que les demandeurs étaient restés au Canada en raison de circonstances indépendantes de leur volonté. Bien que l’agente ait tenu compte de leur degré d’établissement en novembre 2008, les demandeurs n’avaient pas démontré, à son avis, que le fait de rompre ces liens aurait des conséquences défavorables importantes qui constitueraient des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

 

[17]           En outre, bien que le père du demandeur principal ait soutenu l’idée que les demandeurs restent au Canada et malgré les bouleversements que causerait la séparation physique d’avec la famille au Canada, l’agente a conclu que les demandeurs seraient en mesure de garder contact avec leur famille et leurs amis au Canada au moyen d’Internet, d’appels téléphoniques ou de lettres.

 

[18]           L’agente a aussi tenu compte des observations faites sur les enfants demandeurs, mais a souligné l’absence de détails ou de renseignements précis sur leur intérêt supérieur. Elle n’était donc pas convaincue que les demandeurs avaient établi que leur déménagement et leur réinstallation au Guyana auraient de manière générale des conséquences défavorables importantes du point de vue de l’intérêt supérieur des enfants demandeurs.

 

[19]           En résumé, bien que l’agente ait reconnu que les demandeurs pourraient éprouver des difficultés en se réadaptant à la vie au Guyana, elle n’était pas convaincue que ces difficultés seraient inhabituelles et injustifiées ou excessives. L’agente a donc rejeté les demandes CH des demandeurs.

 

Questions en litige

 

[20]           Selon les demandeurs, les questions en litige sont les suivantes :

            1.         L’agente a-t-elle commis une erreur de droit dans son appréciation du degré d’établissement des demandeurs et de leur intégration dans la société canadienne?

            2.         L’agente a‑t‑elle commis une erreur de droit dans son appréciation de l’intérêt supérieur des enfants des demandeurs et en appliquant le mauvais critère?

            3.         L’agente a-t-elle manqué à l’obligation d’équité procédurale?

 

[21]           Je reformulerais les questions de la façon suivante :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         L’agente a‑t‑elle commis une erreur dans son appréciation du degré d’établissement des demandeurs?

            3.         L’agente a‑t‑elle commis une erreur dans son appréciation de l’intérêt supérieur des enfants?

            4.         L’agente a‑t‑elle manqué à l’équité procédurale?

 

Observations écrites des demandeurs

 

[22]           Les demandeurs affirment que l’agente a commis une erreur dans son appréciation de leur degré d’établissement et de l’intérêt supérieur des enfants.

 

[23]           Tout d’abord, les demandeurs soutiennent que l’agente n’a pas fait une évaluation réfléchie de leur degré d’établissement. Elle a plutôt conclu simplement que les demandeurs n’étaient pas établis au point de subir des difficultés injustifiées du fait de leur départ. Les motifs ne révèlent pas comment l’agente est parvenue à cette conclusion. Les demandeurs soutiennent donc que l’évaluation de l’agente à cet égard était inadéquate.

 

[24]           Les demandeurs soutiennent avoir décrit un certain nombre de facteurs favorables montrant qu’ils avaient travaillé fort pour s’établir au Canada et s’intégrer dans la société canadienne. Le demandeur principal travaille depuis août 2001. En juillet 2005, il a ouvert son propre atelier de réparation d’automobiles, et il travaille actuellement comme directeur de centre automobile. La femme du demandeur principal travaille comme contrôleuse de la qualité depuis avril 2004. Les membres de la famille sont également des bénévoles actifs dans leur collectivité et participent à diverses activités de leur église. Par ailleurs, les enfants ont grandi au Canada et considèrent le Canada comme leur patrie. Le demandeur principal et sa femme n’ont désormais plus de famille au Guyana.

 

[25]           Les demandeurs affirment que, cumulativement, ces facteurs indiquent qu’ils ont réussi à s’établir au Canada et à s’intégrer à la collectivité canadienne. Ils soutiennent que l’agente n’a pas appliqué correctement les lignes directrices données dans le guide de l’immigration IP‑5 (le guide IP‑5) et qu’elle a conclu de manière déraisonnable que les demandeurs n’éprouveraient pas de difficultés s’ils étaient renvoyés au Guyana.

 

[26]           Les demandeurs ajoutent que l’agente a commis une erreur de droit en tirant des conclusions déraisonnables, non étayées par la preuve au dossier. Premièrement, l’agente a noté que le père et la mère du demandeur principal vivaient à l’extérieur du Canada. Cette conclusion de fait était erronée, car le dossier montre que les parents du demandeur principal sont citoyens canadiens et habitent au Canada. Deuxièmement, l’agente a commis une erreur en notant que le père du demandeur principal n’indiquait pas, dans sa lettre d’appui, que lui et sa femme comptaient sur les demandeurs pour obtenir du soutien financier, affectif et moral. Les demandeurs citent des extraits des lettres écrites par le père et la sœur du demandeur principal qu’ils ont déposées à l’appui de leurs déclarations.

 

[27]           Ensuite, les demandeurs affirment que l’agente a mal évalué l’intérêt supérieur des trois enfants demandeurs, et surtout celui de la benjamine, Mirian, âgée de dix‑sept ans. Les demandeurs soutiennent que l’agente a complètement négligé d’apprécier le fait que les enfants demandeurs vivent au Canada depuis plus de dix ans et qu’ils ont grandi et atteint leur maturité ici, leur degré d’établissement au Canada, leurs forts liens avec le Canada étant donné que toute la famille élargie vit ici et les conséquences que le renvoi aurait pour eux. Étant donné que l’intérêt supérieur des enfants jouait nettement en leur faveur, font remarquer les demandeurs, l’agente était tenue de fournir des motifs convaincants expliquant pourquoi les autres facteurs l’avaient incitée à rendre une décision défavorable.

 

[28]           Selon les demandeurs, l’agente a minimisé l’intérêt des enfants. Elle a fourni de brefs motifs et fait abstraction des divers facteurs ayant trait au bien‑être affectif, social, culturel et physique des enfants et des conséquences que le renvoi aurait pour eux. Les demandeurs ajoutent que l’agente a commis une erreur en appliquant le critère des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives et celui des conséquences défavorables importantes lorsqu’elle a évalué l’intérêt supérieur des enfants.

 

[29]           Les demandeurs affirment aussi que l’agente a manqué à l’obligation d’équité procédurale en ne prorogeant pas le délai qui leur avait été accordé pour déposer des observations à jour, comme elle l’avait proposé dans sa lettre du 15 août 2011. Les demandeurs n’avaient pas répondu dans le délai requis parce qu’à ce moment‑là, ils n’habitaient plus chez la sœur du demandeur principal (là où la lettre avait été envoyée). Les demandeurs avaient omis d’aviser immédiatement les agents d’immigration de leur changement d’adresse. De plus, la sœur du demandeur principal et sa famille se trouvaient à l’étranger quand la lettre a été envoyée.

 

[30]           À son retour, la sœur du demandeur principal a remis la lettre à son frère, qui a tout de suite répondu et demandé d’avoir plus de temps pour présenter des documents mis à jour. Les demandeurs n’ont pas reçu de réponse à cette demande. Ils affirment que, compte tenu de leurs circonstances particulières, ce refus d’accorder une prorogation de délai constitue un manquement à l’équité.

 

[31]           Enfin, les demandeurs soulignent que les accusations criminelles de voies de fait et de séquestration portées contre le demandeur principal ont été retirées en novembre 2011.

 

Observations écrites du défendeur

 

[32]           Le défendeur soutient que les non-citoyens n’ont aucun droit absolu d’entrer ou de rester au Canada. La règle qui oblige l’étranger à faire une demande de visa avant d’entrer au Canada est une des pierres angulaires du droit de l’immigration au Canada. Le recours à une dispense de cette obligation est exceptionnel. Le guide IP‑5 fournit également des lignes directrices sur le sens à donner aux considérations d’ordre humanitaire :  les demandeurs doivent prouver qu’ils feraient face à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives s’ils devaient faire leur demande de résidence permanente à l’étranger. Les difficultés inhérentes au fait d’avoir à quitter le Canada ne constituent pas à elles seules des difficultés excessives.

 

[33]           De plus, fait remarquer le défendeur, il incombe aux demandeurs de convaincre le décideur que leur situation personnelle est telle que les difficultés auxquelles ils feraient face s’ils devaient demander un visa de résident permanent de l’extérieur du Canada seraient inhabituelles et injustifiées ou excessives. Le décideur n’est pas tenu de réclamer d’autres observations ni de souligner les lacunes de la demande.

 

[34]           Le défendeur affirme que la Cour ne devrait pas intervenir à moins que la décision n’appartienne pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Pour autant que l’agent ait examiné les facteurs pertinents et appropriés dans l’optique des considérations d’ordre humanitaire, la Cour ne devrait pas intervenir relativement à l’appréciation des différents facteurs. De plus, les motifs de la décision ne doivent pas être scrutés à la loupe, mais lus dans leur ensemble.

 

[35]           Le défendeur soutient que la conclusion de l’agente sur la question de l’établissement était totalement raisonnable à la lumière de la jurisprudence, qui établit que les difficultés, dans le contexte d’une demande CH, doivent être autres que celles qui découlent du fait que l’on demande à une personne de partir alors qu’elle est au pays depuis un certain temps, occupe un emploi et est intégrée dans la collectivité.

 

[36]           Le défendeur ajoute que l’agente a fait une évaluation raisonnable de l’intérêt des enfants. Il fait remarquer que l’intérêt supérieur des enfants ne prédomine pas dans l’évaluation d’une demande CH et que l’agent doit déterminer le poids à accorder à cet intérêt.

 

[37]           Selon le défendeur, l’analyse de l’intérêt supérieur d’un enfant implique l’examen d’éléments de preuve, appuyés par des documents adéquats, montrant l’incidence possible sur l’enfant. En l’espèce, les observations des demandeurs étaient superficielles et non corroborées par une preuve convaincante. En outre, l’observation des demandeurs selon laquelle l’agente a appliqué le critère des conséquences défavorables importantes ne constitue pas une question défendable. Le défendeur souligne que les motifs de la décision ne doivent pas être scrutés à la loupe et que les demandeurs n’ont pas établi que l’agente avait ignoré ou négligé un quelconque élément de preuve.

 

[38]           Le défendeur soutient également que l’agente a examiné les facteurs de risque présentés par les demandeurs sous l’angle des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Cependant, les demandeurs ont fait des déclarations vagues sur leur vie au Guyana et n’ont pas fourni de détails sur les incidents particuliers qui les avaient touchés, ni sur les tentatives qu’ils avaient faites afin d’obtenir la protection de l’État. Par conséquent, après avoir soigneusement examiné les demandes, l’agente n’était pas convaincue qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour corroborer une quelconque crainte de risque.

 

[39]           Enfin, le défendeur fait remarquer que le dossier de CIC ne contient aucune trace d’une demande de prorogation du délai qui avait été accordé aux demandeurs pour répondre à la lettre de l’agente du 15 août 2011.

 

Analyse et décision

 

[40]           Question no 1

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Lorsque la jurisprudence a défini la norme de contrôle applicable à une question particulière, la cour de révision peut adopter cette norme (voir Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 57).

 

[41]           Il est bien établi que la décision rendue par un agent d’immigration dans le cas d’une demande de résidence permanente présentée au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, [2009] ACF no 713, au paragraphe 18, Adams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1193, [2009] ACF no 1489, au paragraphe 14, et Garcia De Leiva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 717, [2010] ACF n868, au paragraphe 13). Les évaluations du degré d’établissement et de l’intérêt supérieur des enfants faites par un agent d’immigration sont des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit également susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir Pierre c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 825, [2010] ACF no 1169, au paragraphe 22).

 

[42]           Lorsqu’elle procède au contrôle de la décision de l’agent en appliquant la norme de la décision raisonnable, la Cour ne doit intervenir que si l’agent est parvenu à une conclusion qui n’est pas justifiable, transparente et intelligible et qui n’appartient pas aux issues acceptables, compte tenu de la preuve au dossier (voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59). Il n’appartient pas à la cour de révision de substituer l’issue qui serait, à son avis, préférable à celle qui a été retenue, ni n’entre-t-il dans ses attributions d’apprécier à nouveau les éléments de preuve (voir Khosa, précité, aux paragraphes 59 et 61).

 

[43]           Par contre, il est bien établi que la norme de contrôle qui s’applique aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte (voir Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 798, [2008] ACF no 995 au paragraphe 13, et Khosa précité, au paragraphe 43). Les décisions sur ces questions ne commandent pas la retenue (voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 50).

 

[44]           Question n2

            L’agente a‑t‑elle commis une erreur dans son appréciation du degré d’établissement des demandeurs?

            L’appréciation du degré d’établissement permet de bien déterminer si un demandeur ferait face à des difficultés s’il devait présenter sa demande de résidence permanente à l’extérieur du Canada (voir Raudales c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 385, [2003] ACF no 532, au paragraphe 19). La Cour a déjà annulé des décisions concernant des demandes CH parce que l’examen du degré d’établissement avait été effectué sans analyse adéquate des circonstances particulières du demandeur (voir Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1062, [2009] ACF no 1322, au paragraphe 11, et Amer c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 713, [2009] ACF no 878, aux paragraphes 12 et 13).

 

[45]           En l’espèce, l’agente a examiné l’emploi des demandeurs, leur engagement dans la collectivité et l’éducation reçue au Canada. Ces facteurs sont tous pertinents dans l’appréciation du degré d’établissement, comme le précise le guide IP‑5. Il convient toutefois de souligner que le fait d’occuper un emploi et de s’intégrer à la collectivité ne constitue pas nécessairement un degré d’établissement exceptionnellement élevé (voir Ramotar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 362, [2009] ACF no 472, au paragraphe 33).

 

[46]           L’agente a bien tenu compte de la lettre d’appui rédigée par le père du demandeur principal, mais elle a relevé l’absence de déclaration selon laquelle les parents dépendaient des demandeurs pour obtenir du soutien financier, affectif ou moral. Dans sa lettre, le père du demandeur principal dit que tous ses enfants se tirent très bien d’affaire et qu’ils sont tous des citoyens du Canada décents et bien établis, qui respectent les lois. Il souligne que tous ses enfants ont leur propre maison et leur propre véhicule. Il ajoute également ceci :

[traduction] Michael et les siens aident beaucoup notre famille, et surtout moi et ma femme. Il a choisi de vivre tout près afin de pouvoir nous aider à aller à nos nombreux rendez‑vous médicaux, parce que nous vieillissons. Michael est assurément celui vers qui nous nous tournons d’abord en cas d’urgence.

 

Michael a toujours été autonome, empressé et ingénieux, mais s’il venait à avoir besoin d’aide, financière ou autre, la famille toute entière serait prête, disposée à apte à lui rendre la pareille.

 

 

 

[47]           Les demandeurs ont également produit une lettre rédigée par la sœur du demandeur principal, dans laquelle elle dit ceci :

[traduction] Michael et les siens nous ont toujours beaucoup soutenus, moi et ma famille. Ils m’ont guidée et conseillée pour m’aider à régler des différends et m’ont encouragée au quotidien.

 

 

 

[48]           Ces éléments de preuve montrent nettement que les demandeurs ont un solide réseau de soutien au Canada, et indiquent par ailleurs que les demandeurs soutiennent également leur famille. En effet, ils demeurent près des parents du demandeur principal et aident ceux‑ci à aller à leurs rendez‑vous médicaux, et ils guident et conseillent la sœur du demandeur principal.

 

[49]           Toutefois, gardant à l’esprit la retenue nécessaire à l’égard de l’appréciation de la preuve faite par l’agent d’immigration, je conclus que l’agente n’a pas commis d’erreur en déterminant que la preuve ne corroborait pas suffisamment le degré de soutien allégué par les demandeurs. En particulier, les lettres rédigées par le père et la sœur du demandeur principal montrent que ces parents ont en réalité proposé d’offrir du soutien financier aux demandeurs si jamais ils en avaient besoin.

 

[50]           Le casier judiciaire d’un demandeur est aussi pertinent dans l’appréciation du degré d’établissement. Au moment de la décision, l’agente a noté que le demandeur principal faisait l’objet d’accusations criminelles en instance, qui auraient été retirées en novembre 2011. Toutefois, aucun élément de preuve concernant les accusations retirées n’a été présenté à l’agente avant la date de la décision.

 

[51]           La preuve ne permettait pas de conclure, a aussi noté l’agente, que les demandeurs étaient restés au Canada en raison de circonstances indépendantes de leur volonté ou parce qu’ils pouvaient raisonnablement s’attendre à être autorisés à rester. Ce dernier point est clairement appuyé par le dossier d’immigration des demandeurs, dont les différentes demandes ont été rejetées l’une après l’autre.

 

[52]           Je prends aussi bonne note de l’observation des demandeurs voulant que l’agente a commis une erreur en déclarant que les parents du demandeur principal demeuraient à l’étranger. Certes, à la première page des motifs de la décision, les parents du demandeur principal figurent bien dans la liste des membres de la famille qui demeurent à l’extérieur du Canada, mais les motifs eux‑mêmes montrent clairement que l’agente avait compris qu’ils demeuraient au Canada. C’est implicite quand l’agente mentionne la lettre du père et la séparation physique entre le père et la famille des demandeurs que causerait le renvoi des demandeurs.

 

[53]           Il est bien établi en droit que les motifs ne doivent pas être scrutés à la loupe, mais lus dans leur ensemble. Par conséquent, je conclus que l’erreur faite dans une autre section de la décision ne rend pas la décision de l’agente erronée dans son ensemble.

 

[54]           D’après le nombre d’éléments de preuve produits avec la demande CH, l’agente a, à mon avis, raisonnablement conclu que les demandeurs n’avaient pas établi que le fait de rompre les liens créés au Canada constituerait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. De plus, contrairement à ce que les demandeurs affirment dans leurs observations, j’estime que l’agente a suffisamment communiqué les motifs sous‑tendant ses conclusions sur le degré d’établissement. Je conclus donc que l’agente a fait une évaluation raisonnable du facteur de l’établissement dans son examen des demandes CH des demandeurs.

 

[55]           Question no 3

            L’agente a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de l’intérêt supérieur des enfants?

            Les demandeurs affirment que l’agente a mal évalué l’intérêt supérieur des trois enfants demandeurs, et surtout celui de la demanderesse mineure, Mirian.

 

[56]           Dans Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, [1999] ACS no 39, madame la juge L’Heureux–Dubé décrit le rôle que doit jouer l’agent d’immigration lorsqu’il évalue l’intérêt supérieur des enfants dans le cadre d’une demande CH (au paragraphe 75) :

[…] Les principes susmentionnés montrent que, pour que l’exercice du pouvoir discrétionnaire respecte la norme du caractère raisonnable, le décideur devrait considérer l’intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt. Cela ne veut pas dire que l’intérêt supérieur des enfants l’emportera toujours sur d’autres considérations, ni qu’il n’y aura pas d’autres raisons de rejeter une demande d’ordre humanitaire même en tenant compte de l’intérêt des enfants. Toutefois, quand l’intérêt des enfants est minimisé, d’une manière incompatible avec la tradition humanitaire du Canada et les directives du ministre, la décision est déraisonnable.

 

 

 

[57]           Voici des exemples de facteurs à prendre en considération dans l’appréciation de l’intérêt supérieur des enfants (voir le guide IP-5 et Kolosovs c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 165, [2008] ACF no 211, au paragraphe 9) :

            l’âge de l’enfant;

            le niveau de dépendance entre l’enfant et le demandeur CH;

            le degré d’établissement de l’enfant au Canada;

            les liens de l’enfant avec le pays concerné par la demande CH;

            les problèmes de santé ou les besoins spéciaux de l’enfant, le cas échéant;

            les conséquences sur l’éducation de l’enfant;

            les questions relatives au sexe de l’enfant.

 

[58]           Il est bien établi que le critère des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives n’est pas approprié quand il s’agit d’apprécier l’intérêt supérieur des enfants (voir Beharry c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 110, [2011] ACF no 134, au paragraphe 11). Toutefois, le simple emploi de l’expression « difficultés inhabituelles, injustifiées et excessives » ne rend pas automatiquement une décision CH déraisonnable (voir Beharry, précitée, au paragraphe 12). Lors du contrôle judiciaire, la Cour doit déterminer si l’agent a évalué le degré de difficulté qui pourrait résulter du renvoi de l’enfant du Canada et a ensuite pondéré cette difficulté avec d’autres facteurs qui pourraient atténuer les conséquences de ce renvoi (voir Beharry, précitée, au paragraphe 14).

 

[59]           En l’espèce, l’agente a dès le départ pris note des documents sur la fréquentation scolaire de la fille mineure qui avaient été déposés. Malgré les difficultés que causerait le fait d’être physiquement séparés de leur famille au Canada, a également noté l’agente, les demandeurs seraient en mesure de garder contact avec leurs amis et leur famille au Canada au moyen d’Internet, d’appels téléphoniques ou de lettres. L’agente s’est exprimée ainsi sur la question particulière de l’intérêt supérieur des enfants :

[traduction] Le demandeur affirme que ses enfants vont à l’école et qu’ils sont d’excellents étudiants. Si ses enfants devaient retourner au Guyana, déclare‑t‑il, ils feraient face à des difficultés affectives, mentales et scolaires et seraient dérangés à l’école. Ces affirmations mises à part, aucun autre détail ni renseignement particulier n’a été donné sur l’intérêt supérieur des enfants. J’ai tenu compte des déclarations du demandeur, mais je ne suis pas convaincue qu’il a établi que le déménagement et la réinstallation dans son pays d’origine auraient de manière générale des conséquences défavorables importantes du point de vue de l’intérêt supérieur des enfants.

 

 

 

[60]           Les demandeurs affirment qu’il s’agit d’une appréciation inadéquate de l’intérêt supérieur des enfants. Ils soutiennent plus particulièrement que l’agente a complètement négligé d’apprécier le fait que les enfants demandeurs vivent au Canada depuis plus de dix ans et qu’ils ont grandi et atteint leur maturité ici, leur degré d’établissement au Canada et leurs forts liens avec le Canada étant donné que toute la famille élargie vit ici. Les demandeurs ajoutent que l’agente a fait abstraction des divers facteurs ayant trait au bien‑être affectif, social, culturel et physique des enfants et des conséquences que le renvoi aurait pour eux. L’agente aurait en outre commis une erreur en appliquant les mauvais critères dans son appréciation de l’intérêt supérieur des enfants.

 

[61]           D’emblée, je ne suis pas d’accord avec la façon dont les demandeurs caractérisent l’application par l’agente du critère des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Après examen de la décision de l’agente, je conclus que celle‑ci n’a pas commis d’erreur dans son application de ce critère au regard de l’intérêt supérieur des enfants demandeurs.

 

[62]           Je reconnais que l’évaluation de l’agente est très brève, comme le reprochent les demandeurs, mais elle n’est pas déraisonnable pour autant. Ce qu’il faut savoir, c’est si l’agente a adéquatement évalué le degré de difficulté que causerait le renvoi des enfants du Canada d’après la preuve au dossier.

 

[63]           Dans les observations présentées à l’appui de leurs demandes CH, les demandeurs citent divers principes juridiques bien établis censés guider l’appréciation de l’intérêt supérieur des enfants. Ces principes ont largement été intégrés dans l’analyse présentée ci‑dessus. Néanmoins, comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale dans Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, [2004] ACF no 158, il incombe au demandeur de produire des éléments de preuve à l’appui d’une demande CH fondée sur l’intérêt supérieur des enfants (au paragraphe 5) :

L’agent d’immigration qui examine une demande pour des raisons d’ordre humanitaire doit être « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur des enfants, sur lesquels l’expulsion du père ou de la mère peut avoir des conséquences préjudiciables, et il ne doit pas « minimiser » cet intérêt : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 75. Toutefois, l’obligation n’existe que lorsqu’il apparaît suffisamment clairement des documents qui ont été soumis au décideur, qu’une demande repose, du moins en partie, sur ce facteur. De surcroît, le demandeur a le fardeau de prouver toute allégation sur laquelle il fonde sa demande pour des raisons humanitaires. Par voie de conséquence, si un demandeur ne soumet aucune preuve à l’appui de son allégation, l’agent est en droit de conclure qu’elle n’est pas fondée. [Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[64]           Le demandeur doit fournir des éléments de preuve établissant les conséquences préjudiciables que le départ aurait pour les enfants, et l’agent doit tenir compte de tout élément de preuve qui lui est présenté en ce sens (voir Liniewska c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 591, [2006] ACF no 779, au paragraphe 20). Dans Castillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 409, [2009] ACF no 543, le juge suppléant Maurice Lagacé a fait remarquer que des éléments de preuve suffisants auraient dû être fournis pour permettre à l’agente de savoir de façon concrète en quoi et pourquoi l’intérêt supérieur du petit-fils aurait été mieux servi par la présence continuelle de ses grands-parents (au paragraphe 15). Les seuls motifs de la réunification familiale ne suffisent pas. Les demandeurs auraient dû démontrer que le fait de déposer une demande de résidence permanente à l’étranger les aurait exposés à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives (au paragraphe 21).

 

[65]           Dans leur demande CH, les demandeurs ont dit craindre les difficultés auxquelles ils feraient face s’ils rentraient au Guyana. Toutefois, ils n’ont pas fourni de détails sur les incidents particuliers qui les avaient déjà touchés ni sur les risques auxquels ils seraient maintenant exposés. Plusieurs lettres de recommandation ont également été déposées, mais ces lettres, bien qu’elles étayent dans une certaine mesure le degré d’établissement des demandeurs au Canada, ne concernent pas expressément l’intérêt des enfants demandeurs.

 

[66]           Après examen de la preuve, je conclus que l’agente a fait une évaluation raisonnable de l’intérêt supérieur des enfants. L’étendue de son évaluation a été limitée par le nombre d’éléments de preuve déposés par les demandeurs. À la lumière de ces éléments de preuve, je conclus que l’agente a fait une évaluation raisonnable de l’intérêt supérieur des enfants.

 

[67]           Question no 4

            L’agente a‑t‑elle manqué à l’équité procédurale?

            Les demandeurs soutiennent également que l’agente a manqué à l’équité procédurale en ne prorogeant pas le délai qui leur avait été accordé pour déposer d’autres observations à jour. Dans une lettre datée du 15 août 2011, l’agente a bien accordé trente jours aux demandeurs pour déposer des observations additionnelles. Toutefois, à cette date‑là, les demandeurs avaient déménagé et n’avaient pas encore avisé CIC de leur changement d’adresse. La lettre avait été envoyée à la résidence de la sœur du demandeur principal, qui se trouvait alors à l’étranger. À son retour, elle a remis la lettre aux demandeurs. Les demandeurs auraient écrit à CIC afin de demander plus de temps pour présenter des observations additionnelles, mais ils n’ont fourni aucun élément de preuve quant à cette lettre. Dans sa décision, l’agente a affirmé qu’aucune réponse à la lettre du 15 août 2011 n’avait été reçue au 2 novembre 2011.

 

[68]           Il est bien établi que le demandeur a le fardeau d’établir le bien‑fondé de sa cause (voir Thandal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 489, [2008] ACF no 623 au paragraphe 9). L’agent n’est donc pas tenu de réclamer d’autres observations. Comme la Cour d’appel fédérale l’a expliqué au paragraphe 45 de l’arrêt Kisana, précité :

Il est bien établi en droit que le contenu de la notion d’équité procédurale est variable et tributaire du contexte particulier de chaque affaire (Baker, précité, au paragraphe 21; et Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 345, [2002] 2 C.F. 413). La question à se poser dans chaque cas est, en fin de compte, celle de savoir si la personne dont les intérêts sont en jeu a eu « une occasion valable de présenter [sa] position pleinement et équitablement » (Baker, précité, au paragraphe 30). Dans le cas des demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire, il est de jurisprudence constante que le demandeur a le fardeau d’établir que l’exemption est justifiée et que l’agent n’est pas tenu de signaler les lacunes de la demande et de réclamer d’autres observations (voir, par exemple, la décision Thandal c. Canada (MCI), 2008 CF 489, au paragraphe 9). Dans l’arrêt Owusu, précité, notre Cour a expliqué que l’agent chargé de se prononcer sur une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire n’a aucune obligation positive de s’enquérir davantage de l’intérêt supérieur des enfants lorsque la question est soulevée de façon « trop indirecte, succincte et obscure » (au paragraphe 9). Dans cette affaire, les raisons d’ordre humanitaire étaient exposées dans une lettre de sept pages dans laquelle la seule allusion à l’intérêt supérieur des enfants se trouvait dans la phrase suivante : [traduction] « S’il [M. Owusu] était forcé de retourner au Ghana, il n’aurait aucun moyen de subvenir aux besoins pécuniaires de sa famille et il vivrait dans un état de peur constante chaque jour de sa vie » (au paragraphe 6).

 

 

[69]           Dans les circonstances de l’espèce, je conclus que l’agente n’a aucunement manqué à l’équité procédurale. Comme la Cour l’a indiqué, l’agente n’était pas tenue de demander d’autres observations. Elle a néanmoins accordé aux demandeurs la possibilité de déposer des observations à jour à la mi‑août 2011. Si les demandeurs n’étaient pas au courant de cette possibilité, c’est qu’ils avaient omis d’aviser CIC de leur nouvelle adresse. Bien qu’ils affirment avoir écrit à l’agente lorsqu’ils ont finalement reçu la lettre du 15 août 2011, aucun élément de preuve attestant cette correspondance n’a été déposé avec la demande de contrôle judiciaire. En parallèle, l’agente a explicitement noté qu’aucune réponse à la lettre du 15 août 2011 n’avait été reçue. Je conclus donc à l’absence de manquement à l’équité procédurale dans les circonstances de l’espèce.

 

[70]           En résumé, je conclus que l’agente a fait une appréciation raisonnable des différents facteurs d’ordre humanitaire et qu’elle n’a pas commis d’erreur en évaluant le degré d’établissement ou l’intérêt supérieur des enfants. J’estime que la décision de l’agente était transparente, justifiable et intelligible et qu’elle appartenait aux issues acceptables, compte tenu du nombre limité d’éléments de preuve au dossier. Je conclus également à l’absence de manquement à l’équité procédurale. Pour l’ensemble de ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.

 

[71]           Ni l’une ni l’autre des parties ne m’a présenté de question grave de portée générale à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.
ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

25. (1) Sous réserve du paragraphe (1,2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

 

 

 

 

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, l’agente is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

25. (1) Subject to subsection (1,2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible or does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

 

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        IMM-8343-11

 

INTITULÉ :                                      MICHAEL ANTHONY PERSAUD

                                                            ZORINA PERSAUD

                                                            MICHAEL BRUCE ANTHONY PERSAUD

                                                            MARISSA ASHANA PERSAUD

                                                            MIRIAN ANN TRICIA PERSAUD

 

                                                            – et –

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 5 juillet 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 26 septembre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Kareena R. Wilding

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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