Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20120924

Dossier : T‑798‑12

Référence : 2012 CF 1117

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

 

 

 

et

 

 

 

MAXZONE AUTO PARTS (CANADA) CORP.

 

 

 

 

Accusée

 

 

 

 

motifs dE DÉTERMINATION DE la peine

LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

[1]               Le 3 mai 2012, Maxzone Auto Parts (Canada) Corp. (Maxzone Canada) a plaidé coupable à l’unique chef d’accusation déposé à son encontre en vertu de l’article 46 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C‑34 (la Loi).

 

[2]               Après avoir prononcé une déclaration de culpabilité à l’encontre de Maxzone Canada et versé au dossier de la Cour un exposé conjoint des faits (ECF) signé au nom des parties, j’ai entendu leur recommandation conjointe quant à la peine. J’ai ensuite entendu les observations supplémentaires faites pour le compte de Maxzone Canada, examiné les observations écrites sur la détermination de la peine produites pour le compte de la Couronne, et imposé à Maxzone Canada une amende de 1,5 million de dollars, selon la recommandation conjointe des parties.

 

[3]               Toutefois, j’ai exprimé certaines réserves et déclaré mon intention d’expliquer plus en détail ces réserves dans des motifs ultérieurs. Comme il est expliqué ci‑dessous, ces réserves touchent à la question de savoir si les éléments de preuve et les observations étaient suffisants pour permettre à la Cour d’avoir la conviction que l’acceptation de la peine recommandée conjointement ne serait ni contraire à l’intérêt public, ni susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Malgré ces réserves, j’ai finalement consenti à imposer l’amende conjointement proposée de 1,5 million de dollars. Je l’ai fait principalement en raison de l’importance que j’ai accordée aux attentes compréhensibles de la Couronne et de Maxzone Canada quant à l’approbation ultérieure par la Cour du mode de détermination de la peine recommandée en l’espèce. Comme l’ont fait remarquer les parties, les tribunaux ont généralement souscrit à cette approche dans le passé.

 

[4]               Les présents motifs visent à modifier les attentes futures à l’égard de la Cour en prenant acte qu’à l’avenir, celle‑ci pourrait à bon droit exiger un dossier de preuve plus complet ou une approche modifiée quant à la détermination d’une peine conjointement recommandée, ainsi que des observations plus détaillées, avant d’être convaincue qu’une telle peine ne serait ni contraire à l’intérêt public, ni susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

I.          Contexte

 

[5]               Les parties ont convenu du contexte factuel suivant dans l’ECF.

 

[6]               Maxzone Canada est une filiale de (i) Depo Auto Parts Industrial Co., Ltd. (Depo), fabricant et fournisseur de composantes d’éclairage de remplacement pour automobiles installé à Taïwan, et (ii) Maxzone Vehicle Lighting Corp. (Maxzone), société constituée aux États‑Unis, œuvrant dans la distribution, la fourniture, la commercialisation et la vente de composantes d’éclairage de remplacement pour automobiles.

 

[7]               TYC Brother Industrial Company Ltd. (TYC) est un fabricant taïwanais de composantes d’éclairage de remplacement pour automobiles et la société mère de son distributeur et affilié Genera Corporation (Genera), société basée aux États‑Unis.

 

[8]               Eagle Eyes Traffic Ind. Co., Ltd. (Eagle Eyes) est un fabricant taïwanais de composantes d’éclairage de remplacement pour automobiles et la société mère de son distributeur et affilié E‑Lite Automotive, Inc., (E‑Lite), société basée aux États‑Unis.

 

[9]               Les produits précités dont il est question, à savoir des « composantes d’éclairage de remplacement pour automobiles », se composent principalement, mais non exclusivement, de phares avant et de feux arrière. Le produit comprend la totalité de l’unité d’éclairage, à savoir la lentille, le boîtier, le fond réfléchissant et le câblage, mais non l’ampoule. Les produits sont fabriqués pour le marché des pièces de rechange d’automobile et non pour l’assemblage initial des automobiles. Ils sont vendus partout au Canada pour remplacer les pièces de divers modèles d’automobiles.

 

[10]           Entre le 1er janvier 2004 et le 1er septembre 2008 (la période considérée), Depo et Maxzone, par l’entremise de leurs employés et de leurs cadres supérieurs, ont communiqué par divers moyens avec des représentants de TYC, de Genera, d’Eagle Eyes et d’E‑Lite, notamment en assistant à des réunions qui ont abouti à un accord de fixation des prix (l’accord de fixation des prix) à l’égard duquel chacune de ces sociétés était partie prenante. Cet accord, s’il avait été conclu au Canada, aurait contrevenu à l’article 45 de la Loi.

 

[11]           L’accord de fixation des prix comprenait, sans toutefois s’y limiter, une formule coordonnée de fixation des prix, le maintien d’une discipline tarifaire afin d’éviter une guerre des prix, la réaction concertée devant l’arrivée d’un nouveau concurrent sur le marché, le maintien d’un programme d’escompte commun et l’échange des données sur les prix. Au cours de la période considérée,  Depo et Maxzone ont occasionnellement omis de se conformer à cet accord.

 

[12]           Durant cette période, Maxzone Canada a appliqué des directives, instructions et autres communications émanant de Depo et de Maxzone, qui avaient le pouvoir de donner des directives à Maxzone Canada à l’égard des prix et de la vente des produits au Canada. Les directives, instructions et autres communications avaient pour objet de donner effet à l’accord de fixation des prix au Canada.

 

[13]           Le total des ventes de produits par Maxzone Canada durant la période considérée s’est élevé à environ 15 millions de dollars.

 

[14]           Après la période considérée, soit depuis la fin de 2008, Depo et ses sociétés affiliées ont éprouvé des difficultés importantes en raison d’un important repli des marchés internationaux.

 

[15]           Maxzone Canada a reconnu qu’aux fins de l’article 655 du Code criminel, LRC 1985, c C‑46, son admission des faits énoncés aux paragraphes 11 et 12 des présents motifs établissent tous les éléments constitutifs de l’infraction visée à l’article 46 de la Loi.

 

[16]           Durant l’audience de détermination de la peine, l’avocat de Maxzone Canada a noté que Maxzone, M. Polo Shu‑Sheng Hsu (Polo), ancien président et premier dirigeant de Maxzone, et M. Shiu‑Min Hsu (Shiu), ancien président du conseil d’administration de Depo, avaient tous les deux plaidé coupables à l’accusation d’avoir enfreint l’article 1 de la Sherman Act, 15 USC §§1‑7. Maxzone s’est vu infliger une amende de 43 millions de dollars américains pour cette infraction, Polo a été condamné à purger une peine de prison de 180 jours et à verser une amende de 25 000 $US, et Shui, citoyen et résident de Taïwan, s’est volontairement soumis à la juridiction des États‑Unis pour plaider coupable et purger une peine de neuf mois d’emprisonnement aux États‑Unis.

 

II.        Dispositions législatives applicables

 

[17]           En vertu de l’article 46 de la Loi, commet une infraction toute personne morale qui exploite une entreprise au Canada et met en œuvre une directive provenant d’une personne se trouvant à l’étranger et qui a pour objet de donner effet à un accord ou un arrangement qui, s’il était intervenu au Canada, aurait constitué une infraction visée à l’article 45 de la Loi. L’intégralité du texte de l’article 46 figure à l’annexe A jointe aux présentes.

 

[18]           Aux fins de la présente instance, la disposition applicable de l’article 45 est l’alinéa 45(1)c), qui, durant la période considérée, stipulait ce qui suit :

Complot

 

45. (1) Quiconque complote, se coalise ou conclut un accord ou arrangement avec une autre personne :

 

 

c) soit pour empêcher ou réduire, indûment, la concurrence dans la production, la fabrication, l’achat, le troc, la vente, l’entreposage, la location, le transport ou la fourniture d’un produit, ou dans le prix d’assurances sur les personnes ou les biens;

 

 

commet un acte criminel et encourt un emprisonnement maximal de cinq ans et une amende maximale de dix millions de dollars, ou l’une de ces peines.

 

Conspiracy

 

45. (1) Everyone who conspires, combines, agrees or arranges with another person

 

 

 

(c) to prevent or lessen, unduly, competition in the production, manufacture, purchase, barter, sale, storage, rental, transportation or supply of a product, or in the price of insurance on persons or property,

 

 

 

 

is guilty of an indictable offense and liable to imprisonment for a term not exceeding five years or to a fine not exceeding $10 million or to both.

 

 

[19]           Les dispositions du Code criminel relatives à la détermination de la peine applicables à la présente instance sont abordées à la partie IV des présents motifs et reproduites intégralement à l’annexe A.

 

III.       Recommandation conjointe quant à la peine

 

[20]           Les observations écrites sur la détermination de la peine présentées au nom de la Couronne contenaient deux courts paragraphes sous le titre [traduction] « Recommandation conjointe », dans lesquels on soutenait qu’une amende de 1,5 million de dollars serait appropriée eu égard au crime et aux circonstances de l’affaire et servirait l’intérêt public en reflétant les facteurs pertinents quant à la détermination de la peine.

 

[21]           De plus, il était soutenu conjointement que le juge qui impose la peine ne devrait s’écarter de la recommandation qu’on lui fait conjointement sur une peine que si l’acceptation de celle‑ci serait contraire à l’intérêt public ou déconsidérait l’administration de la justice. Cette opinion a été sanctionnée par la Cour d’appel du Nouveau‑ Brunswick (R c Steeves, 2010 NBCA 57, paragraphe 31) et, sous une forme légèrement différence, par la Cour d’appel de l’Ontario, qui a [traduction] « statué à plusieurs reprises que les juges de première instance ne devraient pas rejeter une recommandation conjointe à moins qu’elle ne soit contraire à l’intérêt public et que la peine déconsidère l’administration de la justice » (R c Cerasuolo (2001), 151 CCC (3d) 445, paragraphe 8 (CA Ont); R c Downey (2006), OJ no 1289, paragraphe 3 (CA Ont); R c Haufe, 2007 ONCA 515, paragraphe 4 (je souligne)). Bien que d’autres cours d’appel aient formulé en des termes quelque peu différents le critère pour rejeter une recommandation conjointe, il semble y avoir de plus en plus un consensus selon lequel les autres formulations du critère ne sont pas substantiellement différentes (R c Douglas (2002), 162 CCC (3d) 37, paragraphe 51 (CA Qc); R c Sinclair, 2004 MBCA 48, paragraphe 11).

 

[22]            Par conséquent, avant d’accueillir une recommandation conjointe quant à la peine, la Cour doit être convaincue que la peine n’est ni contraire à l’intérêt public ni susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

IV.       Les principes de la détermination de la peine

 

[23]           Les objectifs et les principes de la détermination de la peine sont codifiés aux articles 718 à 718.21 du Code criminel, lesquels sont reproduits dans leur intégralité à l’annexe A. Selon l’article 718, « [le] prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer, parallèlement à d’autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre ». Cet objectif doit être réalisé par l’infliction de « sanctions justes » qui reflètent ce que la Cour suprême du Canada appelle un ou plusieurs des objectifs traditionnels de la détermination de la peine, à savoir « la dénonciation, la dissuasion générale et spécifique, l’isolement des délinquants du reste de la société, la réinsertion sociale, la réparation des torts causés aux victimes et la conscientisation des délinquants quant à leurs responsabilités, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité » (R c Ipeelee, 2012 CSC 13, paragraphe 35).

 

[24]           En vertu de l’article 718.l, le principe central régissant la détermination de la peine veut que celle‑ci soit proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Ainsi, « indépendamment du poids que le juge souhaite accorder à l’un des objectifs susmentionnés, la peine doit respecter le principe fondamental de proportionnalité » (R c Nasogaluak, 2010 CSC 6, paragraphe 40; arrêt Ipeelee, précité, paragraphe 37).

 

[25]           L’exigence selon laquelle une peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction « crée ainsi un lien étroit avec l’objectif de dénonciation. La proportionnalité favorise ainsi la justice envers les victimes et assure la confiance du public dans le système de justice » (arrêt Ipeelee, précité, paragraphe 37). Toutefois, la proportionnalité garantit aussi que la peine n’excède pas ce qui est approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquant. Dans l’arrêt Nasogaluak, précité, la Cour suprême décrit ainsi, au paragraphe 42, ces dimensions de la proportionnalité :

[À] l’optique axée sur l’existence de droits et leur protection correspond également une approche relative à la philosophie du châtiment fondée sur le « juste dû ». Cette dernière approche vise à garantir que les délinquants soient tenus responsables de leurs actes et que les peines infligées reflètent et sanctionnent adéquatement le rôle joué dans la perpétration de l’infraction ainsi que le tort qu’ils ont causé [renvois omis]. Sous cet angle, la détermination de la peine représente une forme de censure judiciaire et sociale [renvois omis]. Toutefois, sans égard au raisonnement servant d’assise au principe de la proportionnalité, le degré de censure requis pour exprimer la réprobation de la société à l’égard de l’infraction demeure dans tous les cas contrôlé par le principe selon lequel la peine infligée à un délinquant doit correspondre à sa culpabilité morale et non être supérieure à celle‑ci. Par conséquent, les deux optiques de la proportionnalité confluent pour donner une peine qui dénonce l’infraction et qui punit le délinquant sans excéder ce qui est nécessaire.

 

 

[26]           Sous réserve des contraintes qu’impose le principe de la proportionnalité, les articles 718, 718.2 et 718.21, de même que certaines autres dispositions législatives et la jurisprudence, confèrent un large pouvoir discrétionnaire aux juges de première instance dans le processus de détermination de la peine (arrêt Nasogaluak, précité, paragraphes 43 à 45). Par exemple, l’alinéa 718.2a) exige que les tribunaux tiennent compte de toute circonstance aggravante ou atténuante liée à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant. En bref :

 

Aucun objectif de détermination de la peine ne prime les autres. Il appartient au juge qui prononce la sanction de déterminer s’il faut accorder plus de poids à un ou plusieurs objectifs, compte tenu des faits de l’espèce. La peine sera par la suite ajustée — à la hausse ou à la baisse — dans la fourchette des peines appropriées pour des infractions similaires, selon l’importance relative des circonstances atténuantes ou aggravantes, s’il en est. Il découle de ce pouvoir discrétionnaire du juge d’arrêter la combinaison particulière d’objectifs de détermination de la peine et de circonstances aggravantes ou atténuantes devant être prise en compte que chaque affaire est tranchée en fonction des faits qui lui sont propres, sous réserve des lignes directrices et des principes fondamentaux énoncés au Code et dans la jurisprudence (Nasogaluak, précité, paragraphe 43).

 

[27]           Cela dit, les alinéas 718.2b), d) et e) énoncent des principes supplémentaires qui assujettissent certains paramètres au pouvoir discrétionnaire du tribunal qui doit infliger la peine. En particulier, l’alinéa 718.2b) prescrit l’harmonisation des peines, c’est‑à‑dire l’imposition de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. L’alinéa 718.2d) prévoit qu’un délinquant ne devrait pas être privé de sa liberté lorsque les circonstances justifient l’imposition de sanctions moins contraignantes. L’alinéa 718.2e) exige que la cour examine toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.

 

[28]           Enfin, l’article 718.21 contient une liste de facteurs que le tribunal doit prendre en considération pour infliger une peine à une organisation. Ces facteurs comprennent entre autres :

a)         les avantages tirés par l’organisation du fait de la perpétration de l’infraction ;

b)         le degré de complexité des préparatifs reliés à l’infraction et de l’infraction elle‑même et la période au cours de laquelle elle a été commise ;

[…]

i)          toute restitution ou indemnisation imposée à l’organisation ou effectuée par elle au profit de la victime.

 

V.        L’assise de la peine proposée

 

[29]           Dans les observations écrites sur la détermination de la peine, la Couronne a d’abord (i) reproduit le texte de l’article 718, (ii) indiqué brièvement que les objectifs de dissuasion générale et spécifique sont des facteurs essentiels à la détermination d’une peine appropriée et (iii) traité brièvement des facteurs spécifiques à la détermination de la peine énoncés à l’article 718.21. Il a ensuite abordé divers autres facteurs susceptibles d’aggraver ou d’atténuer la peine identifiés dans des affaires antérieures de fixation des prix sous le régime de la Loi.

 

[30]           Mis à part les objectifs de dissuasion générale et spécifique, il n’est pas d’emblée évident que les principes et objectifs de détermination de la peine énoncés à l’article 718, les facteurs exposés à l’article 718.21, ou les facteurs aggravants et atténuants brièvement abordés par la Couronne dans sa recommandation quant à la peine, ont été pris en considération dans la détermination de la peine proposée. On peut en dire autant en ce qui concerne le principe de proportionnalité énoncé à l’article 718.1.

 

[31]           De fait, il ressort assez clairement des derniers paragraphes de ces observations que la peine recommandée conjointement a été déterminée de façon arithmétique en tenant compte du volume total des ventes de Maxzone Canada ou du volume du commerce au Canada durant la période considérée, à savoir les 15 millions de dollars mentionnés au paragraphe 13 des présents motifs. En particulier, les avocats ont indiqué que, selon le Bulletin de 2010 du Bureau de la concurrence (Bulletin sur la clémence) intitulé Le Programme de clémence, [traduction] « en l’absence d’éléments probants contraires, le point de départ pour établir une recommandation quant à une amende est 20 pour cent du volume du commerce touché au Canada du participant au cartel pour la durée totale de l’infraction ». Ils ont ensuite ajouté qu’une [traduction] « réduction de 50 pour cent de l’amende peut par ailleurs être recommandée par le Bureau pour le premier demandeur de clémence en vertu du Programme de clémence » (comme Maxzone en l’espèce). Ils réitèrent ensuite que l’amende de 1,5 million de dollars conjointement proposée [traduction] « équivaut à environ 10 pour cent du volume du commerce en question de Maxzone Canada au Canada durant la période de l’infraction » et qu’elle [traduction] « est calculée en fonction d’une réduction de 50 pour cent des 20 pour cent du volume du commerce », réduction qui représente généralement le point de départ pour l’établissement des amendes que le Bureau cherche à obtenir dans le cadre de son Programme de clémence. Dans ses observations orales, la Couronne a confirmé que c’est de cette façon que l’amende conjointement proposée avait été calculée.

 

[32]           Le lien entre « le point de départ » de 20 pour cent du Programme de clémence pour la formulation d’une recommandation quant à la peine et les objectifs visant à garantir qu’une peine servira de dissuasion générale et spécifique est abordé brièvement au paragraphe 72 des présents motifs.

 

VI.       Le Programme de clémence du Bureau de la concurrence

 

[33]           Le Bulletin sur la clémence du Bureau de la concurrence énonce les facteurs et les principes dont le Bureau tient compte pour recommander aux procureurs du Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) d’accorder un traitement de clémence à des particuliers ou des organisations commerciales accusés d’infractions criminelles en matière de cartel sous le régime de la Loi. Collectivement, ces facteurs et principes constituent le Programme de clémence du Bureau. Ce programme a été conçu comme complément au Programme d’immunité, énoncé dans son bulletin de 2010 intitulé Le Programme d’immunité et la Loi sur la concurrence. Dans le cadre de ce programme, le Bureau recommande d’accorder la pleine immunité seulement à la première organisation ou au premier particulier qui demande l’immunité dans le cadre du programme. Les parties qui s’engagent à coopérer après le moment où une autre partie a commencé à coopérer dans le cadre du Programme d’immunité sont, elles, traitées dans le cadre du Programme de clémence.

 

[34]           La préface au Bulletin sur la clémence explique que le Programme de clémence part du principe que « [l]es parties sont plus susceptibles de communiquer avec le Bureau, de coopérer et de plaider coupables (plutôt que de se défendre devant les tribunaux) si elles connaissent les facteurs pertinents à la clémence et si elles ont confiance que le Bureau les respectera dans ses recommandations au SPPC en matière de clémence ».

 

[35]           Après avoir précisé que le SPPC conserve le pouvoir discrétionnaire d’accepter ou de rejeter les recommandations du Bureau à l’égard de la détermination de la peine, le Bulletin sur la clémence ajoute, au paragraphe 5, que le Guide du Service fédéral des poursuites prévoit que le SPPC devrait consulter le Bureau et tenir compte de ses recommandations. Il est ensuite mentionné au paragraphe 6, qu’il « est dans l’intérêt public d’éviter les poursuites inutiles avec les coûts et les incertitudes qui en découlent, mais aussi de veiller à ce que les parties soient tenues pour responsables de leurs activités criminelles ». Cela dit, le Bulletin sur la clémence reconnaît que « [l]e tribunal a toute autorité de déterminer la peine, de sorte que les juges ne sont pas liés par une proposition conjointe des parties quant à la peine » (paragraphe 7).

 

[36]           Après avoir décrit les conditions d’admissibilité au Programme de clémence, le Bulletin sur la clémence indique, au paragraphe 12, que le Bureau « utilise habituellement comme indice un facteur de 20 p. 100 du volume touché du commerce au Canada de la partie du cartel » comme niveau de référence de l’amende qu’il convient de recommander. On y lit ensuite : « Le premier demandeur de clémence peut obtenir une réduction de 50 p. 100 de l’amende qui aurait par ailleurs été recommandée, pourvu qu’il réponde aux exigences du Programme de clémence, notamment une coopération complète, franche, rapide et sincère. » Les auteurs notent ensuite que le deuxième demandeur peut obtenir une réduction de 30 pour cent de l’amende que le Bureau aurait par ailleurs recommandée au SPPC, et que l’importance de la réduction du demandeur suivant dépendra, d’une part, du moment où celui‑ci s’est adressé au Bureau par rapport au « deuxième » demandeur et, d’autre part, de la diligence de sa coopération.

 

[37]           Au paragraphe 17, le Bulletin sur la clémence indique que « [l]’indice de 20 p. 100 concernant l’activité de cartel du demandeur sera majoré ou réduit selon la présence de facteurs aggravants ou atténuants » et que la réduction appropriée de la peine n’est appliquée qu’après que l’indice de 20 pour cent a été majoré ou réduit en fonction de ces facteurs.

 

[38]           Au paragraphe 21, il est écrit que « [s]i la première partie à demander la clémence est une organisation commerciale et qu’elle la demande, le Bureau recommandera qu’aucune accusation distincte ne soit portée à l’encontre de ses administrateurs, dirigeants ou employés pourvu que ceux‑ci coopèrent de façon complète, franche, rapide et sincère ». Au paragraphe 22, il est indiqué que la même politique s’applique lorsque la première partie à demander la clémence est un particulier se manifestant à titre indépendant. Toutefois, il est ensuite dûment précisé qu’en ce qui concerne la deuxième partie ou les parties suivantes à demander la clémence, les administrateurs, dirigeants, employés et agents actuels et anciens peuvent faire l’objet d’accusations, tout dépendant de leur rôle dans l’infraction. Dans un document intitulé Foire aux questions du Programme de clémence affiché sur le site Web du Bureau et reproduit dans le Recueil de sources de la Couronne, il est indiqué (à la question 22) que « [l]e Bureau recommande de plus en plus souvent des peines de prison pour les infractions de cartel, afin d’assurer un effet dissuasif spécifique et général suffisant, et la dénonciation des cartels ».

 

VII.     Analyse

            A.        Introduction

[39]           À l’audience de détermination de la peine, l’avocat de Maxzone Canada a indiqué qu’il serait [traduction] « important pour le Barreau et le milieu des affaires que la Cour reconnaisse la manière dont le Bulletin sur la clémence suggère que le calcul des amendes soit effectué dans ces affaires », soit les cas visés aux articles 45 et 46 de la Loi. Plus particulièrement, l’avocat a fait valoir qu’il serait très utile que la Cour conclue que l’approche en matière de détermination de la peine décrite dans le Bulletin est efficace, équitable et bien fondée en droit.

 

[40]           D’aucuns pourraient dire qu’en général, le cadre décrit dans le Bulletin sur la clémence est conforme aux principes de détermination de la peine énoncés dans le Code criminel et élaborés dans la jurisprudence. S’il est suivi dans l’esprit et la lettre, ce cadre est assez complet et souple pour permettre à la Cour d’avoir la conviction qu’une peine conjointement recommandée ne serait ni contraire à l’intérêt public ni susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, eu égard :

                                                              i.      à l’objectif fondamental de la détermination de la peine et aux objectifs énoncés à l’article 718 du Code criminel;

                                                            ii.      au principe de la proportionnalité énoncé à l’article 718.1;

                                                          iii.      aux facteurs aggravants et atténuants énoncés aux articles 718.2 et 718.21 et dans la jurisprudence;

                                                          iv.      aux autres principes énoncés à l’article 718.2 et dans la jurisprudence.

 

[41]           Or, une amende conjointement proposée dont le calcul repose exclusivement sur la multiplication du volume du commerce de l’entreprise accusée par un pourcentage particulier n’est conforme ni à la lettre ou l’esprit du Bulletin sur la clémence, ni aux dispositions susmentionnées du Code criminel, ni à la jurisprudence. Il en va de même d’une amende conjointement proposée que l’on calcule d’abord de cette manière, avant de l’ajuster en multipliant le montant ainsi obtenu par un second pourcentage pour refléter le fait que le délinquant a cherché à obtenir la clémence dans un ordre particulier par rapport aux autres participants à l’accord interdit.

 

[42]           Je conçois que dans la détermination de la peine à imposer, il y ait de très bonnes raisons d’accorder un poids important à l’ordre dans lequel les cocomploteurs ont demandé la clémence et offert de coopérer à l’enquête du Bureau de la concurrence. Entre autres raisons et comme il est noté dans les observations de la Couronne sur la détermination de la peine, une approche transparente et prévisible de la détermination envers ceux qui voudraient coopérer avec le Bureau et la Couronne favorise l’application efficace et efficiente de la Loi. Cela tient au fait qu’en règle générale, les particuliers et les organisations commerciales sont plus susceptibles de communiquer avec le Bureau, de coopérer et de plaider coupables, plutôt que de se défendre devant les tribunaux, lorsqu’elles ont un haut niveau de certitude quant à la contrepartie possible de cette coopération.

 

[43]           Cependant, la coopération ne peut avoir prépondérance sur l’approche adoptée pour déterminer la peine au point de ne laisser pratiquement aucun rôle utile aux facteurs aggravants pertinents, à d’autres facteurs atténuants et aux principes de détermination de la peine abordés précédemment, à la partie IV des présents motifs.

 

[44]           J’ai de sérieuses réserves quant à la capacité de la Cour d’être convaincue, en se fondant sur le dossier de preuve dont elle a été saisie lors de la présente instance et sur les observations superficielles qui ont été présentées, qu’une peine calculée de façon arithmétique comme cela a été le cas en l’espèce ne serait ni contraire à l’intérêt public ni susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

[45]           En résumé, un tel dossier ne fournit pas à la Cour l’information suffisante pour qu’elle ait la conviction qu’eu égard aux objectifs de la détermination de la peine énumérés à l’article 718 du Code criminel, aux dispositions des articles 718.1, 718.2 et 718.21, et à la jurisprudence en la matière, une amende équivalant à environ 10 pour cent du volume du commerce touché de l’entreprise au cours de la période considérée favorisera le respect de la loi, permettra d’instaurer une société juste ou constituera une « sanction juste ». On pourrait arriver à la même conclusion si le délinquant n’avait pas bénéficié d’une réduction de 50 pour cent de l’amende qui serait par ailleurs recommandée, pour tenir compte du fait qu’il a été le premier à demander la clémence en vertu du Programme de clémence du Bureau de la concurrence pour le comportement en question.

 

[46]           J’arrive à cette conclusion principalement parce qu’un dossier de preuve et des observations comme ceux qui ont été présentés dans la présente affaire ne donnent aucunement à la Cour l’impression, et encore moins l’assurance, que la recommandation d’une amende établie de cette manière dénoncerait de manière appropriée le comportement en question, qu’elle constituerait un moyen de dissuasion générale ou spécifique, qu’elle serait proportionnelle à la gravité de l’infraction ou même qu’elle éviterait que le crime paie. De plus, un dossier et des observations comme ceux de l’espèce n’aident pas concrètement la Cour à comprendre les motifs pour lesquels les facteurs aggravants et les facteurs atténuants ont été pondérés de manière à s’annuler mutuellement.

[47]           Sans avoir une idée générale des gains illégaux en cause visés par les articles 45 ou 46 de la Loi et en fin de compte obtenus grâce à un accord interdit, il est difficile de comprendre comment la Cour pourrait être convaincue qu’une amende établie de cette manière pourrait amener un participant éventuel à un cartel à s’abstenir d’y participer, étant donné le faible risque combiné d’une découverte, d’une enquête et d’une condamnation. De fait, il est difficile de voir comment la Cour pourrait même être convaincue qu’une amende ainsi calculée serait susceptible de restituer, de manière approximative, les gains illicites provenant des actes interdits par les articles 45 et 46 de la Loi, et visés à l’article 718.21 du Code criminel. En retour, cela soulève les graves questions de savoir si une telle amende serait un moyen approprié de dénoncer le comportement illégal, de susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants ou de représenter une reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité, comme le prescrivent les alinéas 718a) et f) du Code criminel.

 

[48]           Je suis d’avis que pour permettre à la Cour de prendre la décision qu’elle doit prendre dans ce genre d’affaire impliquant une peine conjointement recommandée pour des infractions aux articles 45 ou 46 de la Loi, le dossier de preuve et les observations des avocats devraient être plus complets qu’ils ne l’ont été dans la présente instance. Du moins, la Cour doit avoir (i) soit une compréhension, ne fût‑ce qu’en termes généraux, des profits illégaux en cause et attribuables à l’accord interdit, (ii) soit la preuve que l’accusé a dédommagé les victimes ultimes de cet accord. La Cour doit aussi avoir une bonne idée des facteurs aggravants et atténuants pertinents et de leur influence sur l’amende recommandée conjointement. Si aucun ajustement n’est fait à l’amende recommandée en fonction de ces facteurs, il sera nécessaire que la Cour comprenne le pourquoi d’une telle approche.

 

[49]           De plus, la Cour devra disposer de données suffisantes pour déterminer si la peine recommandée reflète dûment :

                                                              i.      l’objectif fondamental de la détermination de la peine et les objectifs énoncés à l’article 718 du Code criminel;

                                                            ii.      le principe de proportionnalité énoncé à l’article 718.1;

                                                          iii.      les principes énoncés à l’article 718.2 et dans la jurisprudence.

 

[50]           Ces éléments peuvent être aisément gérés dans le cadre existant de l’esprit et de la lettre du Bulletin sur la clémence.

 

B.        Dénonciation

 

[51]           Il existe certaines infractions à l’égard desquelles un niveau approprié de dénonciation ne peut être atteint qu’au moyen d’une peine communiquant la « répulsion » de la société à l’égard du crime en question (R c Sargeant (1974), 60 Cr App R 74, page 77, cité dans l’arrêt R c CAM, [1996] 1 RCS 500, paragraphe 81). Les infractions énoncées aux articles 45 et 46 de la Loi se classent clairement parmi ces crimes.

 

[52]           Dans l’arrêt R c Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 RCS 606, aux pages 648 et 649, il est mentionné que ce qui est aujourd’hui l’article 45 est « l’un des piliers de la Loi » et qu’il « reste au cœur de la partie pénale de la Loi ». D’ajouter la Cour, l’article 45 « repose sans aucun doute sur un substrat de valeurs ». Les cours inférieures ont, elles aussi, reconnu la gravité de l’infraction définie à l’article 45 (et citée à l’article 46). (Voir, par exemple, les décisions suivantes : R c Kason Industries Inc, 2011 CF 281, paragraphe 6; Canada c Canada Pipe Co (1995), 101 FTR 211, paragraphe 6; Canada c Kanzaki Specialty Papers Inc (1994), 82 FTR 63, paragraphe 6; R c Albany Felt Co of Canada Ltd et al (no 2) (1980), 52 CPR (2d) 204, pages 205 et 206 (CS Qc); R c Browning Arms of Canada Limited (1974), 18 CCC (2d) 298, page 299 (HC Ont); R c Dominion Steel (1957), 27 CPR 57, page 76 (HC Ont); R c Firestone Tire & Rubber Co of Canada Ltd (1953), 107 CCC 286 page 293 (CA Ont)).

 

[53]           En 1986, l’amende maximale prévue à ce qui est maintenant l’article 45 de la Loi est passée de 1 million de dollars à 10 millions de dollars, « les tribunaux recevront ainsi un message clair leur indiquant que le Parlement considère le complot comme étant une infraction criminelle très sérieuse requérant de la fermeté envers les contrevenants » (Ministère de la Consommation et des Corporations, Réforme de la législation sur la concurrence, Guide, Ottawa, décembre 1985, page 30). En 2009, soit après la période considérée dans la présente instance, le Parlement a envoyé un autre message sans ambiguïté à cet égard en augmentant de nouveau de 10 millions de dollars à 25 millions de dollars l’amende maximale prévue à l’article 45 et en faisant passer la peine maximale d’emprisonnement de 5 à 14 ans. Tout comme pour l’article 46, durant la période considérée, il n’y avait pas de limite à l’amende maximale qui pouvait être infligée à l’égard de cette infraction. C’est encore le cas aujourd’hui.

 

[54]           Les accords de fixation des prix, tout comme les autres formes d’ententes de cartel injustifiables, sont analogues à la fraude et au vol. Ils ne représentent rien de moins qu’une agression contre notre économie de marché ouverte. Les clients des entreprises du marché libre ont le droit de tenir pour acquis que le prix des biens et des services qu’ils achètent a été déterminé par les forces de la concurrence. Lorsqu’ils achètent des produits qui ont fait l’objet de tels accords, ils sont, dans les faits, victimes de fraude.

 

[55]           De fait, de tels accords ont sur la société des effets négatifs d’ordre économique plus importants que le vol ou la fraude. Cela tient au fait qu’en plus de transférer la richesse des victimes aux participants, ces accords ont généralement des effets préjudiciables supplémentaires sur l’économie. Ces effets supplémentaires comprennent ce qu’on appelle souvent la « perte sèche » pour l’économie, qui se produit lorsque des prix plus élevés amènent les acheteurs marginaux à opter pour des produits de remplacement de moindre valeur, occasionnant par là une mauvaise répartition des ressources. Cette mauvaise répartition des ressources réduit en général la richesse globale de l’économie d’une somme équivalant à un pourcentage considérable du transfert de la richesse en question.

 

[56]           Par conséquent, les ententes de cartel injustifiables telles que les accords de fixation des prix doivent être traitées au moins aussi sévèrement, sinon plus, que la fraude et le vol.

 

[57]           Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, un accord de fixation des prix perturbe un marché dont le chiffre d’affaires se compte en dizaines de millions de dollars, il devrait être traité comme une fraude majeure et dénoncé en conséquence. Il faut pour cela à tout le moins infliger une amende qui (i) empêche l’entreprise accusée de tirer profit de ses actes illégaux et (ii) comporte un montant supplémentaire substantiel pour faire passer le message que la Cour reconnaît la nature très grave de ce genre de comportement illégal, son incidence très négative sur l’économie et la répulsion qu’inspire ce crime à la société.

 

[58]           Malheureusement, un dossier de preuve tel que celui qui m’a été présenté dans la présente instance n’est pas suffisant pour permettre à la Cour d’être convaincue qu’une peine établie par la méthode choisie dans la présente affaire refléterait l’un ou l’autre de ces principes. Les attentes de la Cour seront donc plus élevées à l’avenir.

 

C.        Dissuasion

 

[59]           Les cours du Canada ont toujours tenu la dissuasion générale et spécifique comme un objectif important de la détermination des peines sous le régime de la Loi. (Voir, par exemple, la décision Kason, précitée, paragraphe 8; R c Mitsubishi Corp [2005], OJ no 2394, paragraphe 22 (CS Ont); R c UCAR Inc (1999), 164 FTR 85, paragraphe 21; la décision Kanzaki, précitée, paragraphe 5; R c Fmitsu et al (no 2), [1981] OJ no 3260, paragraphe 21 (CA Ont); la décision Albany Felt, précitée, pages 206 et 207(CS Qc); R c Hoffman‑LaRoche Limited (no 2) (1980), 53 CPR (2d) 189, pages 190 et 191 (HC Ont); R c Canadian General Electric Co Ltd, [1977] OJ no 509, paragraphe 4 (HC Ont) (« Large Lamps »); R c Armco Canada Ltd et al (no 2) (1975), 19 CPR (2d) 273, page 274 (HC Ont), décision modifée pour d’autres motifs dans (1977) 13 OR (2d) 32 (CA), autorisation de pourvoi refusée 30 CCC (2d) 183 (CSC); R c Aetna Insurance Company et al (no 2) (1975), 24 CPR (2d) 160, page 162 (CA N‑É), décision infirmée pour d’autres motifs dans [1978] 1 RCS 731; la décision Browning Arms, précitée, page 303; R. c. St. Lawrence Corporation Limited et al. (1967), 51 CPR 170 pages 190 et 191 (HC Ont); confirmée dans [1969] OJ no 1326 (CA).)

 

[60]           Comme il est indiqué au paragraphe 20 de la décision Mitsubishi, précitée, et dans les observations de la Couronne sur la détermination de la peine, les cours ont rappelé à plusieurs reprises que les amendes dans les affaires de fixation illégale des prix doivent être suffisamment élevées pour bien indiquer qu’elles sont davantage qu’un simple droit de licence ou un coût pour faire des affaires. (Voir, par exemple, les décisions Kanzaki, précitée, paragraphe 5; R c Davis Wire (1992), 47 CPR (3d) 394, page 397; Albany Felt, précitée, page 206; Armco, précitée, page 275; Browning Arms, précitée, pages 300, 301 et 303; et R c Ocean Construction Supplies Ltd (1974), 15 CPR (2d) 224, page 229 (CS C‑B). Voir aussi R c Shell Canada Products Limited (1990), 75 CR (3d) 365, page 375 (CA Man); R c Rolex Watch Co of Canada Ltd (1980), 50 CPR (2d) 222, page 228 (CA Ont); R c A & M Records of Canada Ltd (1980), 51 CPR (2d) 225, page 230 (C Comté Ont); R c Kito Canada Ltd (1976), 25 CPR (2d) 145, page 146 (CA Man); R c Superior Electronics Inc (1979), 45 CPR (2d) 234, page 236 (CA C‑B); R c Northern Electric Company Limited et al (1957), 26 CPR 73, pages 74 et 75 (HC Ont); R c Goodyear Tire & Rubber, [1956] RCS 303, page 311; et R c Dominion Steel (1957), 27 CPR 57, page 76 (HC Ont).) Pour produire une dissuasion générale et efficace, les amendes imposées à l’égard d’accords anticoncurrentiels de nature criminelle doivent être substantielles et exemplaires, mais non paralysantes ou vindicatives (arrêt McNamara, précité, paragraphe 26).

 

[61]           Comme le reconnaissent de plus en plus les cercles internationaux du droit sur la concurrence, les amendes ne sont guère susceptibles de dissuader une personne de participer à une entente de cartel injustifiable telle qu’un accord de fixation des prix à moins que leur montant rende négative la valeur attendue de cet agissement. Autrement dit, le montant de l’amende doit tenir compte de la faible probabilité que le délinquant soit repéré, poursuivi et condamné. Pour donner un exemple simple, si le profit supplémentaire escompté tiré de la majoration de prix établie par un cartel (majoration) était estimé à 1 million de dollars et que la probabilité d’être repéré, poursuivi et condamné était de 50 pour cent, l’amende devrait dépasser les 2 millions de dollars pour rendre négative la valeur escomptée de la participation à un éventuel cartel. En d’autres termes, pour constituer un moyen de dissuasion efficace dans cet exemple, l’amende doit être fixée à plus de deux fois le gain espéré du surcoût.

 

[62]           Comme l’a fait observer la Couronne à l’audience de détermination de la peine dans la présente affaire, et comme il a été reconnu dans la jurisprudence (voir, par exemple, la décision Mitsubishi, précitée, paragraphe 9; R c Ciment Québec Inc, [1996] JQ no 2580, paragraphe 22; arrêt McNamara, précité, paragraphe 26), [traduction] « les cartels sont très difficiles à détecter ». Selon le gros bon sens, la probabilité d’être à la fois repéré, poursuivi et condamné pour avoir participé à une entente de cartel injustifiable telle qu’un accord de fixation des prix est bien inférieure à 50 pour cent. Si on accepte cette prémisse qui ne soulève pas la controverse, il s’ensuit que, pour avoir un effet de dissuasion efficace, l’amende infligée pour avoir participé à de tels agissements devrait être un multiple de plus du double du gain escompté de la majoration.

 

[63]           À ma connaissance, aucune étude ne s’est penchée sur la probabilité d’être repéré, poursuivi et condamné pour avoir fixé des prix au Canada. Il m’est donc impossible de formuler un commentaire sur le multiple exact requis pour parvenir à une dissuasion optimale. Le Comité sur la concurrence de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), constitué de dirigeants d’organismes d’application des lois sur la concurrence des 34 États membres de l’OCDE, note que « [c]ertains pensent que pas plus d’une entente sur six ou sept est détectée et poursuivie, ce qui implique un multiple d’au moins six » et qu’« [u]n multiple de trois est toutefois plus souvent préconisé » (OCDE, Les ententes injustifiables : progrès récents et défis futurs, Paris, 2003, page 31). Dans un autre rapport, le Comité de la concurrence mentionne que certaines études préconisent des multiples supérieurs à trois (OCDE, Lutte contre les ententes injustifiables : effets dommageables, sanctions efficaces et programmes de clémence, Paris, 2002, page 100).

 

[64]           Un multiple de trois implique que la probabilité d’être à la fois repéré, poursuivi et condamné est de 33,3 pour cent. Encore là, il est généralement admis que le pourcentage réel est probablement moindre et que, par conséquent, un multiple de trois serait une règle générale très conservatrice à adopter pour tenter de calculer le niveau auquel une amende devrait être fixée afin d’avoir un effet de dissuasion efficace sur les personnes qui seraient tentées de participer à une entente de cartel injustifiable telle qu’un accord de fixation des prix.

 

[65]           Malheureusement, il est notoirement difficile de calculer exactement la majoration réelle afin d’appliquer ensuite un multiple conservateur dans une tentative d’établir une amende qui aura un effet de dissuasion efficace. En autres choses, il est généralement très difficile de fixer ce qu’aurait été le prix du ou des produits visés par le cartel en l’absence de l’accord contesté de fixation des prix (OCDE, 2002, précité, page 89; Réseau international de la concurrence, Groupe de travail sur les cartels, Setting of Fines for Cartels in ICN Jurisdictions, Kyoto, avril 2008, page 7). En outre, il arrive souvent qu’un accord de cartel ne fonctionne pas aussi bien que prévu.

 

[66]           Cela dit, dans l’établissement d’une amende susceptible d’avoir un effet de dissuasion efficace, le fait que l’accord de fixation des prix proposé [traduction] « n’a pas fonctionné aussi bien que les comploteurs l’avaient prévu n’a […] guère de conséquences » (arrêt McNamara, précité, paragraphe 17). Comme dans les autres formes de conspiration, « la substance de l’infraction » que constitue la fixation des prix est le fait d’être partie prenante à l’accord interdit lui‑même (R c Papalia, [1979] 2 RCS 256, page 276; R c Cominco Ltd, [1980] AJ no 524, paragraphe 20 (BR Alb)).

 

[67]           Aux fins de réaliser une dissuasion efficace, c’est le gain escompté de la majoration convenue qui est le plus pertinent, de même que le niveau du multiple requis pour rendre ce gain négatif, en termes approximatifs et en moyenne.

 

[68]           Par ailleurs, il est précisé dans le Bulletin sur la clémence que « [l]e Bureau présente sa recommandation de clémence au SPPC seulement après que le demandeur a terminé sa présentation de l’information et fourni toute information pertinente à la clémence et à la détermination de la peine à son égard » (paragraphe 26). Il y est aussi écrit que la transaction pénale conclue avec le SPPC « exigera que le demandeur de clémence communique de façon complète, franche, rapide et sincère tous les renseignements, documents et autres éléments non visés par un privilège qui sont en sa possession ou sous son contrôle ou qui lui sont accessibles, peu importe où ils se trouvent, et qui ont quelque rapport que ce soit avec le comportement anticoncurrentiel à l’égard duquel la clémence a été demandée » (paragraphe 28). Dans la section « Interprétation » de ce document, les auteurs ajoutent qu’il « devrait être lu de concert avec le document “Foire aux questions du Programme de clémence” ». Ainsi, à la question 17 de la FAQ, il est indiqué qu’à l’étape de la production de l’information, le Bureau « n’acceptera pas une simple description générale du comportement », mais exigera plutôt du demandeur de « produire un rapport aussi complet et exact que possible [des détails sur l’infraction et du rôle joué par le demandeur], en toute franchise et dans un esprit de coopération ». Sont ensuite énumérés dans la FAQ les sujets qui peuvent être abordés dans une présentation de l’information, étant précisé que « l’information requise dépendra des faits de l’infraction en cause ». Entre autres éléments, la liste de sujets dressée dans la FAQ comprend l’« [i]ncidence du comportement », notamment le « [v]olume du commerce touché » au Canada ainsi que les « [e]ffets sur les prix et autres effets ».

 

[69]           Lors de la divulgation des effets du comportement au Bureau de la concurrence, la Cour s’attend à ce qu’on lui donne un certain aperçu de la preuve à cet égard, de sorte qu’elle puisse déterminer si la peine proposée conjointement par la Couronne et l’accusé est assez élevée pour constituer un moyen efficace de dissuasion générale et spécifique. Malheureusement, un dossier de preuve comme celui qui a été présenté dans la présente instance ne permet pas à la Cour de trancher cette question.

 

[70]           Je reconnais que la divulgation de cette preuve au moment de la reconnaissance de culpabilité ou de l’audience de détermination de la peine peut très bien accroître le risque auquel s’exposerait une partie reconnue coupable advenant que des victimes de l’accord contesté intentent une action au civil. C’est là une bonne raison pour que les demandeurs de clémence s’efforcent par tous les moyens de restituer les gains aux victimes ou de négocier une autre forme d’entente avec elles avant de présenter leur plaidoyer de culpabilité.

 

[71]           Quoi qu’il en soit, il convient de souligner que l’omission de présenter une preuve qui permettrait à la Cour de se faire au moins une idée de l’ampleur de la majoration convenue ou escomptée dans le cadre de l’entente illicite et de son incidence globale sur le plan économique peut faire en sorte qu’il sera particulièrement difficile pour la Cour d’avoir la conviction que l’amende proposée (i) réalisera les objectifs de la dissuasion générale et spécifique et (ii) ne sera ni contraire à l’intérêt public, ni susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. À vrai dire, on voit mal comment l’omission de produire cette preuve en Cour pourrait être conforme à l’intérêt public.

 

[72]           Je reconnais également qu’il y a de bonnes raisons pour lesquelles, dans la détermination d’une amende conjointement proposée par la Couronne et le demandeur de clémence, il peut être logique d’utiliser comme point de départ 20 pour cent du volume du commerce touché au Canada du participant au cartel. Comme il est expliqué à la question 19 de la FAQ, ce chiffre de 20 pour cent comporte deux volets, à savoir (i) un indice de 10 pour cent du volume du commerce touché au Canada correspondant à la majoration des prix attribuable à l’activité de cartel et des autres préjudices économiques, ce qui inclut probablement la perte sèche mentionnée précédemment dans les présents motifs, et (ii) un autre indice de 10 pour cent destiné à garantir que l’amende est suffisante pour éviter qu’elle ne soit simplement considérée comme un droit à acquitter ou un prix à payer pour faire des affaires. Évidemment, comme il est reconnu à la question 21 de la FAQ, lorsque des éléments de preuve pertinents et convaincants démontrent qu’une majoration moindre des prix a été envisagée dans le cadre l’entente illégale et imposée en vertu de celle‑ci, il pourrait sembler approprié de fixer l’indice de base de l’amende à un niveau inférieur à 20 pour cent.

 

[73]           Toutefois, lorsqu’il existe une preuve digne de foi que la majoration convenue ou qu’un autre préjudice économique envisagé dans l’accord contesté a probablement dépassé l’indice de 10 pour cent généralement appliqué aux activités de cartel, ce fait constitue un important facteur aggravant qui devrait être porté à l’attention de la Cour. L’omission de divulguer cette preuve à la Cour pourrait bien amener celle‑ci à se voir demander d’accepter une amende conjointement proposée qui non seulement n’a guère de chances d’avoir un effet dissuasif sur le même comportement à l’avenir, mais encore permet à la partie reconnue coupable de tirer profit de son activité illégale.

 

[74]           La pratique de ne jamais divulguer une telle donnée à la Cour compromettrait aussi l’important objectif de créer un effet de dissuasion général. En effet, dès qu’on saurait que l’indice de base de 20 pour cent serait rarement modifié, les participants éventuels à un cartel ne seraient guère dissuadés de participer à des activités de cartel ayant pour but de majorer les prix de plus de 10 pour cent.

 

[75]           À cet égard, la Cour note l’existence de recherches dont les auteurs estiment « que l’amende moyenne se situe entre 20 à [sic] 30 % et que les ententes internationales donnent lieu à des amendes plus lourdes que les ententes nationales » (OCDE, Les ententes injustifiables – Troisième rapport sur la mise en œuvre de la recommandation de 1998 de l’OCDE , Paris, 2005, page 27).

 

[76]           Compte tenu particulièrement de ce qui précède, il incombe aux parties prenantes à une recommandation conjointe quant à la peine de présenter à la Cour une preuve suffisante pour lui permettre de déterminer si la peine conjointement recommandée (i) aura un effet de dissuasion générale et spécifique et (ii) ne sera ni contraire à l’intérêt public ni susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

[77]           Dans la mesure où des amendes substantielles servent aussi à pousser davantage les participants à chercher à obtenir l’immunité ou une réduction de peine en divulguant l’existence d’un accord de fixation des prix et en coopérant à l’enquête et à la poursuite judiciaire relatives à cet accord, elles servent à accroître l’effet dissuasif de l’amende, par la probabilité accrue qu’il y ait détection, poursuite et condamnation.

 

[78]           L’atteinte de l’objectif de la dissuasion générale et spécifique par de seules amendes substantielles pourrait s’avérer difficile, comme l’explique le juge La Forest dans le passage suivant du jugement qu’il a rendu dans Thompson Newspapers Ltd c Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 RCS 425, à la page 514 :

[…] Dans la très grande majorité des cas, les amendes ne suffiront pas à la tâche. Que celles‑ci soient imposées à la société ou à ses dirigeants, elles seront généralement payées par la première. À moins d’imposer des amendes tellement élevées qu’elles pourraient entraîner la faillite des auteurs de l’infraction (un résultat qui dans la plupart des cas serait politiquement et économiquement inacceptable), ces amendes seraient simplement considérées comme faisant partie des frais d’exploitation de l’entreprise. En comparaison de la probabilité relativement faible de la tenue d’une inspection, le risque de subir une perte par suite de l’imposition d’une amende semble sans importance comparativement à la probabilité de faire des profits ou d’augmenter ceux‑ci par des pratiques contraires à la concurrence.

 

Pour ces raisons, il est peu probable que les amendes susciteront le genre de respect nécessaire à la réalisation des objectifs des lois relatives aux coalitions. Il s’agit donc de la raison fondamentale justifiant l’emprisonnement des responsables de l’exploitation de la société ou de l’entreprise non constituée en personne morale qui se livre à des pratiques contraires à la concurrence. Il n’existe évidemment aucun moyen de faire assumer le coût de cette peine par la société ou l’entreprise en question. Ce coût ne peut être assumé que par les dirigeants de la société ou de l’entreprise. On introduit alors un élément de vulnérabilité personnelle dans le processus décisionnel des entreprises, à tout le moins en ce qui concerne le type de conduites et de pratiques interdites par la [Loi sur la concurrence]. Par conséquent, il est beaucoup plus probable que les dispositions de la Loi fassent partie du processus par lequel la société ou l’entreprise décide des différents types de conduites à adopter. Il va sans dire que les probabilités d’adoption d’une conduite conforme à la Loi seront meilleures.

 

[79]           Le puissant effet dissuasif d’une peine d’emprisonnement potentielle pour les infractions relatives aux cartels est de plus en plus reconnu à l’échelle internationale (voir, par exemple, OCDE, 2003, précité, page 29; Réseau international de la concurrence, précité, page 11). Entre autres choses, cette reconnaissance accrue est reflétée par l’adoption de lois offrant la possibilité d’infliger des peines d’emprisonnement pour des infractions en matière de cartel dans un nombre croissant de pays, notamment aux États‑Unis, au Royaume‑Uni, en Irlande, en Australie, en Israël, en Hongrie, au Brésil, au Japon et en Corée du Sud.

 

[80]           En l’absence de la menace sérieuse et très concrète d’au moins une peine d’emprisonnement dans un établissement pénitentiaire, les administrateurs, dirigeants et employés qui, en d’autres circonstances, pourraient envisager de participer à un accord interdit par l’article 45 de la Loi, ou qui pourraient avoir reçu la consigne de mettre en œuvre un tel accord au Canada en contravention de l’article 46 de la Loi, ne seront pas suffisamment dissuadés de participer à de tels accords ou de les mettre en œuvre par de simples amendes. Bref, pour obtenir un effet de dissuasion générale et spécifique qui soit efficace, il faut que des personnes physiques s’exposent au risque bien réel de purger une peine d’emprisonnement en cas de déclaration de culpabilité pour ce genre de comportement. Comme l’a fait observer la Cour d’appel de l’Ontario : [traduction] « La réalité de la menace de la peine d’emprisonnement pour la dissuasion générale de particuliers et de dirigeants d’entreprises qui commettent des crimes de “cols blancs” est devenue un outil efficace et apparemment incontournable dans l’arsenal des organismes d’application de la loi » (R c Serfaty, [2006] OJ no 2281, paragraphe 32). Par conséquent, [traduction] « dans les cas appropriés, de lourdes peines d’emprisonnement seront non seulement justifiées, mais également indispensables pour réaliser les objectifs de la dissuasion générale et de la dénonciation de ce type de crime que d’aucuns pourraient encore considérer à tort comme relativement peu préjudiciable » (arrêt Serfaty, précité, paragraphe 35).

 

[81]           Lorsque l’emprisonnement est une éventualité sérieuse et très concrète, il incite aussi fortement ceux qui ont contrevenu à la Loi à révéler l’existence d’un comportement illégal et à coopérer à la poursuite des autres délinquants qui s’étaient associés à lui. Cette incitation accroît d’autant le risque associé à un tel comportement et exerce un effet dissuasif supplémentaire sur les participants éventuels à un accord de fixation des prix.

 

[82]           La Cour reconnaît qu’il pourrait être dans l’intérêt public que la Couronne consente à renoncer à requérir une peine d’emprisonnement pour les administrateurs, dirigeants et employés d’un demandeur de clémence, dans les circonstances limitées décrites aux paragraphes 21 et 22 du Bulletin sur la clémence. Dans toutes les autres circonstances où une peine recommandée conjointement pour une infraction aux articles 45 ou 46 de la Loi ne prévoit pas de peine d’emprisonnement pour un ou plusieurs administrateurs, dirigeants ou employés de la société accusée, la Cour s’attendra à ce que, dans leurs observations sur la détermination de la peine, les parties expliquent pourquoi une amende seule suffirait à produire un effet de dissuasion générale et spécifique, à dénoncer le crime de façon appropriée et à refléter les autres objectifs et principes énoncés aux articles 718, 718.1, 718.2 et 718.21 du Code criminel. Pour les motifs expliqués aux paragraphes 107 et 108 des présents motifs, cette attente s’applique également aux situations où une ou plusieurs personnes physiques associées à une entité affiliée ont été condamnées à une peine d’emprisonnement aux États‑Unis ou dans un autre pays pour des infractions distinctes commises dans ce pays.

 

[83]           Outre ce qui précède et comme le prévoit l’alinéa 718.2b) du Code criminel, la Cour voudra être en mesure de comparer une peine qui est conjointement recommandée à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables, notamment les peines imposées dans des cas de vol et de fraude d’une ampleur semblable à celle qui était envisagée dans l’accord illégal. De plus, la Cour voudra avoir au moins une assurance relative que la peine recommandée équivaudra à une restitution des gains financiers que l’administrateur, le dirigeant ou l’employé a pu tirer de l’accord illégal, par exemple au moyen d’un dédommagement lié au rendement financier de l’entreprise.

 

[84]           La Cour voudra aussi être convaincue que l’imposition d’une amende seule respectera l’intention qu’avait le législateur lorsqu’il a récemment modifié l’article 45 pour faire passer l’emprisonnement maximal de cinq à quatorze ans. Plus généralement, la Cour voudra être convaincue que l’imposition d’une amende seule n’est ni contraire à l’intérêt public ni susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

La réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité

 

[85]           L’alinéa 718e) du Code criminel mentionne la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité parmi les objectifs de la détermination de la peine.

 

[86]           Pour les raisons expliquées au paragraphe 55 des présents motifs, les torts causés par les accords de fixation des prix et les autres ententes interdites par l’article 45 et visées à l’article 46 de la Loi comprennent le transfert de la richesse des victimes aux participants à l’infraction ainsi que la perte sèche que de telles ententes font subir à l’économie canadienne. Comme je l’ai noté plus haut au paragraphe 65, il est souvent très difficile d’estimer avec précision ces deux effets de ce genre d’accord. Néanmoins, c’est à la Cour qu’il incombe de veiller à ce que la peine imposée soit suffisante, ne serait‑ce que de façon approximative, pour respecter cet objectif de la peine.

 

[87]           Dans ses observations sur la détermination de la peine, la Couronne a fait observer que rien ne prouvait que Maxzone Canada avait versé un dédommagement pour l’infraction dont elle avait été accusée.

 

[88]           Je reconnais qu’une partie à une peine conjointement recommandée peut avoir des raisons légitimes de vouloir plaider coupable et recevoir sa peine avant d’aborder la question de la restitution. Cependant, la Cour ne peut présumer qu’une restitution entière ou partielle sera finalement versée par une partie qui a plaidé coupable et a été condamnée pour avoir contrevenu à l’article 45 ou 46 de la Loi. En fait, la Cour doit être consciente qu’il est possible que la non‑restitution des gains aux victimes reflète l’absence de remords et l’intention de profiter d’un comportement répréhensible (Clayton C Ruby et al, dans Sentencing, 7e éd., Markham, LexisNexis Canada, 2008, § 19.53).

 

[89]           S’il n’y a pas eu restitution avant l’audience de détermination de la peine, la Cour sera dans une position beaucoup plus difficile que dans le cas contraire. Il pourrait entre autres être plus difficile pour elle de s’assurer que la peine recommandée permettra d’atteindre, en fin de compte, les objectifs énoncés à l’article 718 du Code criminel. En outre, la Cour n’aura guère d’autre choix que de reconnaître que la majoration demeure un avantage tiré du fait de la perpétration de l’infraction visé à l’article 718.21, même si l’ampleur précise de cette majoration ne peut être déterminée avec exactitude.

 

E.        Susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité

 

[90]           Un autre objectif de la détermination de la peine, énoncé à l’alinéa 718f) du Code criminel, est de susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

[91]           En l’espèce, dans ses observations sur la détermination de la peine, la Couronne n’a pas abordé expressément cet objectif.

 

[92]           Je suis d’avis que cet objectif renforce ceux de la dénonciation en dissuadant le délinquant et d’autres personnes de commettre des infractions similaires et en assurant la réparation des torts causés aux victimes et à la collectivité. Dans le contexte législatif des articles 45 et 46, cet objectif énonce qu’une peine devrait à tout le moins (i) faire en sorte qu’une partie déclarée coupable ne tire pas profit de l’accord anticoncurrentiel en question et (ii) s’accompagner d’une importante composante supplémentaire qui suscite la conscience de ses responsabilités chez le délinquant et une reconnaissance du tort qu’il a causé aux victimes et à la collectivité. Tout comme pour les objectifs de la dénonciation et de la dissuasion, cet objectif pourrait très bien nécessiter une certaine peine d’emprisonnement, particulièrement pour les parties qui n’ont pas été les premières à coopérer dans le cadre du Programme de clémence du Bureau de la concurrence.

 

F.         Les facteurs énoncés à l’article 718.21 du Code criminel

 

[93]           Comme je l’ai indiqué au paragraphe 28 des présents motifs, l’article 718.21 contient une liste de dix facteurs que le tribunal doit prendre en considération pour infliger une peine à une organisation.

 

[94]           Le premier de ces facteurs, « les avantages tirés par l’organisation du fait de la perpétration de l’infraction », a déjà été abordé, tout comme le facteur de la restitution.

 

[95]           Un troisième facteur de la liste est « le degré de complexité des préparatifs reliés à l’infraction et de l’infraction elle‑même et la période au cours de laquelle elle a été commise ». Dans ses observations sur la détermination de la peine, la Couronne a fait valoir que l’infraction impliquait un niveau élevé de planification et de dissimulation. De plus, il a été constaté que les parties à l’accord de fixation des prix avaient effectué une série complexe de modifications coordonnées des prix touchant des milliers de produits. Qui plus est, la Couronne a affirmé que la fixation des prix des cocomploteurs reposait sur une formule convenue de graduation des prix, conçue pour éviter d’être détectée par les acheteurs et la concurrence tout au long de la période considérée.

 

[96]           Je suis d’avis que de tels faits devraient être traités comme un facteur aggravant dans la détermination de la peine, et qu’ils justifieraient un important ajustement à la hausse de la peine qui serait infligée dans d’autres circonstances. Dans les affaires où la preuve démontre que le délinquant était un « instigateur » qui a fait pression sur d’autres pour qu’ils participent à l’infraction ou qui s’est livré à d’autres comportements reflétant une turpitude morale grave, le relèvement de la peine devrait être substantiel. Il devrait en être de même lorsque la victime de l’infraction était particulièrement vulnérable.

 

[97]           Deux autres facteurs potentiellement aggravants qui figurent dans la liste n’étaient pas pertinents dans le cas particulier de l’espèce. Ce sont : (i) le fait que l’organisation a tenté de dissimuler les éléments d’actif, ou d’en convertir, afin de se montrer incapable de payer une amende ou d’effectuer une restitution; et (ii) les déclarations de culpabilité ou pénalités dont l’organisation – ou tel de ses agents qui a participé à la perpétration de l’infraction – a fait l’objet pour des agissements similaires. Je suis d’avis que dans les cas où ces facteurs sont présents, ils devraient justifier un relèvement important de la peine qui serait infligée dans d’autres circonstances.

 

[98]           Les cinq facteurs restants de la liste établie à l’article 718.21 sont des facteurs atténuants potentiels. En l’espèce, le seul de ces facteurs qui était pertinent était « les frais supportés par les administrations publiques dans le cadre des enquêtes et des poursuites relatives à l’infraction ». Dans ses observations, la Couronne a soutenu que la reconnaissance de culpabilité de Maxzone Canada avait réduit les coûts de l’enquête du Bureau de la concurrence et les frais de poursuite de la Couronne, étant donné en particulier la volonté de l’entreprise de coopérer à toute enquête du Bureau à l’égard des autres parties à l’infraction. À mon avis, ce facteur mérite qu’on lui accorde un poids important. Toutefois, étant donné que le Programme de clémence du Bureau est entièrement fondé sur la coopération des parties, on peut supposer que la coopération décrite dans le Bulletin sur la clémence a déjà été intégrée au « point de départ » établi pour le calcul de l’amende appropriée. Par conséquent, en l’absence d’un niveau extraordinairement élevé de coopération, aucun rajustement supplémentaire à la baisse à l’égard de ce point de départ ne devrait être apporté en reconnaissance du niveau de coopération qui serait normalement exigé d’une société dans le cadre du Programme de clémence. On peut en dire autant des autres conditions d’admissibilité au Programme de clémence, à savoir mettre fin à la participation au cartel et accepter de plaider coupable. Ces deux dernières conditions reposent sur la supposition selon laquelle une peine conjointement recommandée a pour assise l’approche définie dans le Bulletin sur la clémence et est, par conséquent, intégrée au « point de départ » établi pour la détermination de cette peine. Si ce n’est pas le cas, il incombe aux parties de faire ressortir ce fait et de le porter à l’attention de la Cour.

 

[99]           Les quatre facteurs restants énoncés à l’article 718.21 figurent aux alinéas d), f), h) et j) de cette disposition. Ils sont reproduits avec le reste de cet article à l’annexe A jointe aux présentes.

 

[100]       Il convient de souligner que, lorsqu’ils sont présents, les facteurs aggravants et atténuants devraient être explicitement traités dans toutes les observations sur la détermination de la peine qui pourraient être faites au nom de la Couronne ou du délinquant, d’une manière qui permette à la Cour de comprendre l’influence de ces facteurs sur la peine recommandée.

 

G.        Facteurs aggravants et atténuants supplémentaires

 

[101]       Dans ses observations écrites au sujet de la peine, la Couronne dresse une liste de divers facteurs aggravants et atténuants qui ont été pris en considération dans la jurisprudence. La plupart de ces circonstances se retrouvent dans la liste dressée à l’article 718.21 du Code criminel, dont il vient d’être question. (Voir par exemple les décisions Mitsubishi, précitée, paragraphes 9 à 18; UCAR, précitée; Canada Pipe, précitée; Davis Wire, précitée; Armco, précitée, page 276; Large Lamps, précitée, paragraphe 7; Ocean Construction, précitée; et les arrêts McNamara, précité, paragraphes 21 à 26; St. Lawrence Corp (CA Ont), précité, paragraphe 37.)

 

[102]       Le préjudice économique causé par l’infraction est un facteur abordé dans les observations de la Couronne qui n’est pas pris en compte à l’article 718.21. La Couronne allègue que ce facteur est [traduction] « jugé important ». Toutefois, si ce facteur a influé sur la détermination de la peine recommandée conjointement, la seule façon évidente dont cette influence s’est exercée est le fait que l’amende semble avoir été établie en multipliant le volume des ventes touchées de Maxzone Canada par 10 pour cent. Aucune mention n’est faite des autres effets d’ordre économique de l’infraction, notamment ceux dont il a été question au paragraphe 55 des présents motifs. Il convient de souligner qu’à l’avenir, les parties qui recommandent conjointement une peine seraient bien avisées de mettre la Cour en position de mieux apprécier (i) l’ampleur du préjudice économique causé par tout comportement contraire aux articles 45 ou 46, ne serait‑ce qu’en termes généraux, et (ii) l’incidence du préjudice économique causé par le comportement prohibé sur la détermination d’une peine recommandée conjointement. La Cour ne sera peut‑être pas particulièrement réceptive à l’argument donné en l’espèce par Maxzone Canada, soit que [traduction] « la question de savoir si cette conspiration a produit une hausse des prix ou causé un préjudice économique à un consommateur canadien sera traitée dans une autre instance [au civil] en cours en Ontario ».

 

[103]       La taille et la part de marché du délinquant sont d’autres facteurs pris en compte dans les observations de la Couronne dont il n’est pas fait mention à l’article 718.21. La taille du délinquant est souvent abordée en lien avec sa capacité de payer. L’envers de cet aspect est qu’un délinquant de grande taille et ayant de bonnes assises financières peut nécessiter une peine plus sévère que celle qui serait normalement infligée, notamment pour produire un effet dissuasif particulier.

 

[104]       À mon avis, la part de marché d’un délinquant recoupe largement le préjudice économique causé par l’infraction et, en temps normal, ne justifierait pas qu’on lui accorde un poids supplémentaire à titre de facteur distinct aux fins de détermination de la peine. Cela dit, les éléments de preuve relatifs à la part de marché que détient le délinquant peuvent certainement être très utiles à l’appréciation d’autres aspects, comme le préjudice économique causé par l’infraction.

 

[105]       Les observations des parties prennent en compte deux autres facteurs, à savoir que Maxzone Canada ne fait plus affaires au Canada et qu’elle a accepté de se soumettre à la compétence des tribunaux canadiens. À mon avis, ce sont là des facteurs atténuants qui justifient un rajustement à la baisse de la peine qui, en d’autres circonstances, serait infligée à Maxzone Canada.

 

[106]       Dans ses observations verbales, Maxzone Canada a abordé certains facteurs additionnels, à commencer par le regret et le remords sincères exprimés par Maxzone Canada. À mon avis, on peut présumer que les délinquants qui demandent la clémence dans le cadre du Programme de clémence du Bureau de la concurrence et qui répondent aux conditions énoncées dans le Bulletin sur la clémence regrettent leur participation à l’infraction en question et ont des remords. Dans ces circonstances, des regrets et des remords sincères se verraient d’ordinaire attribuer un poids neutre, car ils auraient déjà été pris en compte dans le « point de départ » de la détermination de toute peine susceptible d’être finalement recommandée conjointement par la Couronne et le délinquant. Là encore, si tel n’est pas le cas, ce fait devrait être porté à l’attention de la Cour.

 

[107]       Maxzone Canada a également noté que Maxzone, son ancien premier dirigeant et l’ancien président du conseil d’administration de Depo avaient tous plaidé coupables à l’accusation d’avoir enfreint l’article 1 de la Sherman Act. Comme il est indiqué au paragraphe 16 des présents motifs, Maxzone s’est vu infliger une amende de 43 millions de dollars américains pour cette infraction, son premier dirigeant a été condamné à purger une peine de prison de 180 jours et à payer une amende de 25 000 $US, et le président du conseil d’administration de Depo s’est volontairement soumis à la juridiction des États‑Unis pour plaider coupable et purger une peine de neuf mois d’emprisonnement dans ce pays.

 

[108]       À mon avis, ces faits ne sont pas des facteurs atténuants pour la détermination de la peine à infliger à une entité complètement différente, Maxzone Canada. Quand une filiale canadienne d’une société étrangère ou un de ses administrateurs, dirigeants ou autres employés commet des infractions distinctes visées articles 45 ou 46 de la Loi sur la concurrence, ce délinquant ne doit pas bénéficier des peines infligées à sa société mère ou apparentée ou à des personnes associées à ces sociétés apparentées, à l’égard d’infractions commises dans d’autres pays, que ce soit dans le cadre de la même conspiration internationale globale ou autrement. Entre autres choses, la dénonciation d’un crime commis au Canada et l’effet de dissuasion spécifique et général seraient compromis si on permettait à des filiales canadiennes ou à des personnes associées à ces filiales de bénéficier des peines qui ont été infligées à l’étranger. En outre, le fait d’ajouter foi à une filiale canadienne ou à une personne établie au Canada dans de telles circonstances compliquerait souvent la tâche de veiller à ce que la peine soit proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant, comme le prévoit l’article 718.1. Il pourrait également s’avérer plus difficile d’assurer l’infliction de peines semblables à celles infligées aux autres délinquants ayant participé à l’infraction, comme le prévoit l’alinéa 718.2b). C’est notamment le cas lorsque ces derniers sont soit (i) des entités n’ayant pas de société mère étrangère qui se sont vu infliger une peine semblable à celle infligée à l’entité ayant une ou plusieurs de ces sociétés affiliées, soit (ii) des particuliers associés à de telles entités canadiennes.

 

VIII.    Conclusion

 

[109]       Un dossier de preuve comme celui qui a été présenté en l’espèce pose plusieurs problèmes très fondamentaux. Entre autres, il n’aide pas la Cour de façon significative à avoir la conviction qu’une amende équivalant à environ 10 pour cent du volume du commerce touché au cours de la période considérée favoriserait le respect de la loi, contribuerait à l’avènement d’une société juste ou constituerait une « sanction juste », eu égard aux objectifs du prononcé des peines énoncés à l’article 718 du Code criminel, des dispositions des articles 718.1, 718.2 et 718.21, ainsi que de la jurisprudence en matière de détermination de la peine. On pourrait faire la même observation même si le délinquant n’avait pas bénéficié d’une réduction de 50 pour cent de l’amende qui aurait été recommandée en d’autres circonstances, compte tenu du fait qu’elle a été la première partie à demander la clémence à l’égard de son comportement illégal.

[110]       C’est principalement parce que le présent dossier de preuve ne donne pas à la Cour l’impression, et encore moins la conviction, qu’une amende dont le montant est déterminé uniquement en pourcentage du volume du commerce touché du délinquant constituerait une dénonciation appropriée du comportement pour lequel il a été déclaré coupable, qu’elle produirait un effet de dissuasion général ou spécifique, qu’elle serait proportionnelle à la gravité de l’infraction ou même qu’elle garantirait que le crime ne paie pas. Elle n’aide pas non plus la Cour à comprendre pourquoi les facteurs aggravants et atténuants pertinents ont été pris en compte de manière à s’annuler les uns les autres.

 

[111]       Il pourrait être très difficile pour la Cour d’être convaincue qu’une amende recommandée ne serait ni contraire à l’intérêt public, ni susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, sans avoir au minimum une idée générale des gains illégaux visés et, au bout du compte, produits, par un accord interdit par l’article 45 ou visé à l’article 46 de la Loi. La Cour ne peut même pas avoir l’assurance que l’amende proposée serait susceptible de correspondre approximativement à une remise des gains obtenus illégalement par suite du comportement interdit par les articles 45 et 46 de la Loi et visé à l’article 718.21 du Code criminel. À son tour, cette situation soulève de sérieuses questions quant à savoir si l’amende recommandée constituerait une dénonciation appropriée du comportement illégal, susciterait la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants ou représenterait une reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité, comme le prévoient les alinéas 718a) et f) du Code criminel.

 

[112]       En outre, les observations des parties à l’instance n’ont pas permis à la Cour d’être convaincue que la peine recommandée conjointement répondait : (i) à l’objectif essentiel du prononcé des peines, énoncé à l’article 718 du Code criminel, eu égard aux divers objectifs énoncés dans le même article; (ii) au principe de la proportionnalité enchâssé à l’article 718.1; (iii) aux autres principes de la détermination de la peine énoncés à l’article 718.2. De plus, ces observations n’ont pas permis à la Cour de comprendre dans quelle mesure les facteurs aggravants et atténuants pertinents, y compris ceux qui sont mentionnés à l’article 718.21 et ceux qui ont été maintes fois reconnus dans la jurisprudence à l’égard des articles 45 et 46, ont influé sur la détermination de la peine recommandée conjointement, comme le prévoit l’alinéa 718.2a) (voir aussi l’arrêt Nasogaluak, précité).

 

[113]       Compte tenu des lacunes du dossier de preuve et des observations des parties en l’espèce, j’ai eu de très sérieux doutes quant à la question de savoir si l’acceptation de la peine recommandée conjointement ne serait pas à la fois contraire à l’intérêt public et susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Cependant, compte tenu du fait que la pratique passée a fait naître des attentes compréhensibles quant au fait que la Cour accepterait la peine recommandée conjointement, j’ai finalement consenti, à contrecœur, à imposer l’amende proposée de 1,5 million de dollars. Comme j’ai maintenant décrit dans les présents motifs les principales lacunes associées à un dossier de preuve et à des observations comme ceux qui m’ont été présentés, les parties susceptibles de recommander une peine conjointement ne peuvent plus raisonnablement s’attendre à ce que la Cour conclue qu’une peine déterminée de la façon qui a été adoptée en l’espèce ne serait ni contraire à l’intérêt public, ni susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

[114]       Les lacunes du dossier de preuve et des observations des parties ne peuvent être attribuées au Bulletin sur la clémence du Bureau de la concurrence. À mon avis, il est possible de répondre aux préoccupations que j’ai soulevées ci‑dessus d’une façon tout à fait conforme à la lettre et l’esprit du Bulletin sur la clémence. L’approche décrite dans ce document est assez exhaustive et souple pour permettre à la Cour d’avoir la conviction qu’une peine recommandée conjointement ne serait ni contraire à l’intérêt public, ni susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, eu égard aux dispositions susmentionnées du Code criminel et à la jurisprudence pertinente.

 

[115]       Je reconnais qu’il y peut y avoir des motifs valables et logiques, lorsqu’on détermine le montant de l’amende à recommander à l’égard d’une société délinquante, de prendre pour point de départ un niveau de base correspondant à 20 pour cent du volume du commerce touché de cette entité au Canada. Je reconnais aussi qu’il y a de bonnes raisons d’accorder aux entités qui font volontairement les premiers pas et répondent à des conditions comme celles qui sont énoncées dans le Bulletin sur la clémence une réduction substantielle de l’amende qui serait recommandée en d’autres circonstances. Entre autres, les éléments de preuve fournis par les entités qui coopèrent sont généralement très utiles pour corroborer la preuve présentée par la partie qui s’est vu accorder l’immunité et pour permettre à la Couronne de poursuivre d’autres participants à l’accord contesté. En outre, ils permettent généralement de réduire de façon importante le temps et le coût de l’enquête et de la poursuite des autres parties à l’accord.

 

[116]       Tant que l’amende qui serait recommandée en d’autres circonstances repose sur des éléments probants et des observations suffisantes pour permettre à la Cour d’avoir les assurances à l’égard des questions abordées au paragraphe 112 ci‑dessus, la pratique consistant à réduire une telle amende de 50 pour cent ou d’un autre pourcentage prédéfini, en fonction de l’ordre dans lequel le délinquant a demandé la clémence dans le cadre du Programme de clémence du Bureau de la concurrence, n’est pas incompatible avec les principes du prononcé de la peine énoncés dans le Code criminel et traités dans la jurisprudence. Bien entendu, cela sous‑entend que l’amende qui serait infligée en d’autres circonstances ne peut pas toujours varier en fonction directe de l’ordre dans lequel les parties répondent aux exigences du Programme de clémence. Par exemple, les facteurs aggravants et atténuants pertinents pourraient bien exiger que l’amende qui serait infligée en d’autres circonstances (avant le rajustement apporté pour tenir compte de sa coopération) à la première entité à avoir commencé à coopérer dans le cadre du Programme de clémence soit déterminée en fonction d’un pourcentage du volume du commerce touché de ce délinquant plus élevé que celui qui s’applique à la deuxième entité à commencer à coopérer dans le cadre de ce programme.

 

[117]       Cependant, si le montant de l’amende qui serait recommandée conjointement en d’autres circonstances (avant le rajustement apporté pour tenir compte de la coopération de l’entité) est déterminé uniquement ou presque de la façon arithmétique qui a été retenue en l’espèce, il ne sera pas conforme à l’esprit ou à la lettre du Bulletin sur la clémence, des dispositions susmentionnées du Code criminel ou de la façon dont ces dispositions ou concepts ont été traités dans la jurisprudence.

 

[118]       En ce qui concerne les particuliers, je reconnais qu’il y a de bonnes raisons à l’appui de la pratique générale qui consiste à s’abstenir de recommander des accusations contre le premier demandeur dans le cadre du Programme de clémence qui est une personne physique, ou contre les administrateurs, dirigeants ou employés actuels du premier demandeur qui est une organisation commerciale. Cette abstention peut notamment être nécessaire pour obtenir des éléments de preuve essentiels qui corroborent la preuve présentée par le demandeur de l’immunité. Le même raisonnement s’applique souvent aux anciens administrateurs, dirigeants ou employés du premier demandeur qui est une organisation commerciale, pour autant qu’ils ne sont pas, par exemple, devenus par la suite administrateurs, dirigeants ou employés d’une autre partie ayant participé au comportement illégal.

 

[119]       Cependant, en ce qui concerne les personnes qui, par la suite, demandent la clémence, ainsi que les administrateurs, dirigeants et employés actuels et anciens des demandeurs subséquents qui sont des organisations commerciales, la Couronne et le délinquant seraient bien avisés d’expliquer à la Cour en quoi une peine recommandée conjointement qui ne comprend pas une période d’incarcération dans un établissement carcéral ne serait ni contraire à l’intérêt public, ni susceptible de déconsidérer l’administration de la justice eu égard : (i) à l’objectif essentiel du prononcé des peines, exposé à l’article 718 du Code criminel, et des divers objectifs énoncés dans le même article; (ii) au principe de la proportionnalité enchâssé à l’article 718.1; (iii) aux autres principes de la détermination de la peine énoncés à l’article 718.2; (iv) aux modifications apportées récemment à l’article 45 de la Loi, qui font passer l’emprisonnement maximal de cinq à quatorze ans.

 

[120]       Il incombera également à la Couronne et au délinquant de présenter à la Cour toutes les preuves disponibles qui sont susceptibles de contribuer à donner l’assurance à la Cour que l’amende recommandée équivaudra à la remise de tout gain financier que la personne pourrait avoir reçu à la suite de son comportement illégal, par exemple sous forme de compensation liée au rendement de l’entreprise en cause.

« Paul S. Crampton »

Juge en chef

Ottawa (Ontario)

Le 24 septembre 2012

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


Annexe A – Dispositions législatives pertinentes

 

 

Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), c. C‑34

 

Durant la période considérée, les dispositions applicables dans l’article 45, de même que le texte de l’article 46, stipulent ce qui suit :

 

Complot

 

45. (1)  Quiconque complote, se coalise ou conclut un accord ou arrangement avec une autre personne :

 

 

c) soit pour empêcher ou réduire, indûment, la concurrence dans la production, la fabrication, l’achat, le troc, la vente, l’entreposage, la location, le transport ou la fourniture d’un produit, ou dans le prix d’assurances sur les personnes ou les biens;

 

 

commet un acte criminel et encourt un emprisonnement maximal de cinq ans et une amende maximale de dix millions de dollars, ou l’une de ces peines.

 

 

Directives étrangères

 

46. (1) Toute personne morale, où qu’elle ait été constituée, qui exploite une entreprise au Canada et qui applique, en totalité ou en partie au Canada, une directive ou instruction ou un énoncé de politique ou autre communication à la personne morale ou à quelque autre personne, provenant d’une personne se trouvant dans un pays étranger qui est en mesure de diriger ou d’influencer les principes suivis par la personne morale, lorsque la communication a pour objet de donner effet à un complot, une association d’intérêts, un accord ou un arrangement intervenu à l’étranger qui, s’il était intervenu au Canada, aurait constitué une infraction visée à l’article 45, commet, qu’un administrateur ou dirigeant de la personne morale au Canada soit ou non au courant du complot, de l’association d’intérêts, de l’accord ou de l’arrangement, un acte criminel et encourt, sur déclaration de culpabilité, une amende à la discrétion du tribunal.

 

 

Restriction

 

(2) Aucune poursuite ne peut être intentée en vertu du présent article contre une personne morale déterminée lorsque le commissaire a demandé en vertu de l’article 83 de rendre une ordonnance contre cette personne morale ou toute autre personne et que cette demande est fondée sur les mêmes faits ou sensiblement les mêmes faits que ceux qui seraient exposés dans les poursuites intentées en vertu du présent article.

Conspiracy

 

45. (1) Everyone who conspires, combines, agrees or arranges with another person

 

 

 

(c) to prevent or lessen, unduly, competition in the production, manufacture, purchase, barter, sale, storage, rental, transportation or supply of a product, or in the price of insurance on persons or property,

 

 

 

 

is guilty of an indictable offense and liable to imprisonment for a term not exceeding five years or to a fine not exceeding $10 million or to both.

 

 

Foreign directives

 

46. (1) Any corporation, wherever incorporated, that carries on business in Canada and that implements, in whole or in part in Canada, a directive, instruction, intimation of policy or other communication to the corporation or any person from a person in a country other than Canada who is in a position to direct or influence the policies of the corporation, which communication is for the purpose of giving effect to a conspiracy, combination, agreement or arrangement entered into outside Canada that, if entered into in Canada, would have been in contravention of section 45, is, whether or not any director or officer of the corporation in Canada has knowledge of the conspiracy, combination, agreement or arrangement, guilty of an indictable offence and liable on conviction to a fine in the discretion of the court.

 

 

 

 

 

 

Limitation

 

(2) No proceedings may be commenced under this section against a particular company where an application has been made by the Commissioner under section 83 for an order against that company or any other person based on the same or substantially the same facts as would be alleged in proceedings under this section.

 

 

 

 

Code criminel, L.R.C. 1985, c. C‑46 :

 

Objectif

 

718. Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer, parallèlement à d’autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a) dénoncer le comportement illégal;

 

b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

 

c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

 

d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

 

e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

f) susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

 

Objectif — infraction perpétrée à l’égard des enfants

 

718.01 Le tribunal qui impose une peine pour une infraction qui constitue un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de dix‑huit ans accorde une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion d’un tel comportement.

 

Objectifs — infraction à l’égard d’un agent de la paix ou autre personne associée au système judiciaire

 

718.02 Le tribunal qui impose une peine pour l’une des infractions prévues au paragraphe 270(1), aux articles 270.01 ou 270.02 ou à l’alinéa 423.1(1)b) accorde une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion de l’agissement à l’origine de l’infraction

 

 

Principe fondamental

 

718.1 La peine est proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.

 

Principes de détermination de la peine

 

718.2 Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants :

 

a) la peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant; sont notamment considérées comme des circonstances aggravantes des éléments de preuve établissant :

 

(i) que l’infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que la race, l’origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l’âge, la déficience mentale ou physique ou l’orientation sexuelle,

 

(ii) que l’infraction perpétrée par le délinquant constitue un mauvais traitement de son époux ou conjoint de fait,

 

(ii.1) que l’infraction perpétrée par le délinquant constitue un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de dix‑huit ans,

 

(iii) que l’infraction perpétrée par le délinquant constitue un abus de la confiance de la victime ou un abus d’autorité à son égard,

 

(iv) que l’infraction a été commise au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle, ou en association avec elle;

 

 

(v) que l’infraction perpétrée par le délinquant est une infraction de terrorisme;

 

 

b) l’harmonisation des peines, c’est‑à‑dire l’infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

c) l’obligation d’éviter l’excès de nature ou de durée dans l’infliction de peines consécutives;

 

d) l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient;

 

e) l’examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.

 

 

Facteurs à prendre en compte

 

718.21 Le tribunal détermine la peine à infliger à toute organisation en tenant compte également des facteurs suivants :

 

a) les avantages tirés par l’organisation du fait de la perpétration de l’infraction;

 

b) le degré de complexité des préparatifs reliés à l’infraction et de l’infraction elle‑même et la période au cours de laquelle elle a été commise;

 

c) le fait que l’organisation a tenté de dissimuler des éléments d’actif, ou d’en convertir, afin de se montrer incapable de payer une amende ou d’effectuer une restitution;

 

d) l’effet qu’aurait la peine sur la viabilité économique de l’organisation et le maintien en poste de ses employés;

 

 

e) les frais supportés par les administrations publiques dans le cadre des enquêtes et des poursuites relatives à l’infraction;

 

f) l’imposition de pénalités à l’organisation ou à ses agents à l’égard des agissements à l’origine de l’infraction;

 

 

 

g) les déclarations de culpabilité ou pénalités dont l’organisation — ou tel de ses agents qui a participé à la perpétration de l’infraction — a fait l’objet pour des agissements similaires;

 

 

h) l’imposition par l’organisation de pénalités à ses agents pour leur rôle dans la perpétration de l’infraction;

 

i) toute restitution ou indemnisation imposée à l’organisation ou effectuée par elle au profit de la victime;

 

 

j) l’adoption par l’organisation de mesures en vue de réduire la probabilité qu’elle commette d’autres infractions.

Purpose

 

718. The fundamental purpose of sentencing is to contribute, along with crime prevention initiatives, to respect for the law and the maintenance of a just, peaceful and safe society by imposing just sanctions that have one or more of the following objectives:

 

 

 

(a) to denounce unlawful conduct;

 

(b) to deter the offender and other persons from committing offences;

 

(c) to separate offenders from society, where necessary;

 

 

(d) to assist in rehabilitating offenders;

 

(e) to provide reparations for harm done to victims or to the community; and

 

(f) to promote a sense of responsibility in offenders, and acknowledgment of the harm done to victims and to the community.

 

 

 

Objectives — offences against children

 

 

718.01 When a court imposes a sentence for an offence that involved the abuse of a person under the age of eighteen years, it shall give primary consideration to the objectives of denunciation and deterrence of such conduct.

 

 

 

Objectives — offence against peace officer or other justice system participant

 

 

718.02 When a court imposes a sentence for an offence under subsection 270(1), section 270.01 or 270.02 or paragraph 423.1(1)(b), the court shall give primary consideration to the objectives of denunciation and deterrence of the conduct that forms the basis of the offence.

 

 

Fundamental principle

 

718.1 A sentence must be proportionate to the gravity of the offence and the degree of responsibility of the offender.

 

Other sentencing principles

 

 

718.2 A court that imposes a sentence shall also take into consideration the following principles:

 

(a) a sentence should be increased or reduced to account for any relevant aggravating or mitigating circumstances relating to the offence or the offender, and, without limiting the generality of the foregoing,

 

 

(i) evidence that the offence was motivated by bias, prejudice or hate based on race, national or ethnic origin, language, colour, religion, sex, age, mental or physical disability, sexual orientation, or any other similar factor,

 

 

(ii) evidence that the offender, in committing the offence, abused the offender’s spouse or common‑law partner,

 

(ii.1) evidence that the offender, in committing the offence, abused a person under the age of eighteen years,

 

 

 

(iii) evidence that the offender, in committing the offence, abused a position of trust or authority in relation to the victim,

 

 

(iv) evidence that the offence was committed for the benefit of, at the direction of or in association with a criminal organization, or

 

(v) evidence that the offence was a terrorism offence

shall be deemed to be aggravating circumstances;

 

(b) a sentence should be similar to sentences imposed on similar offenders for similar offences committed in similar circumstances;

 

 

 

(c) where consecutive sentences are imposed, the combined sentence should not be unduly long or harsh;

 

(d) an offender should not be deprived of liberty, if less restrictive sanctions may be appropriate in the circumstances; and

 

 

(e) all available sanctions other than imprisonment that are reasonable in the circumstances should be considered for all offenders, with particular attention to the circumstances of aboriginal offenders.

 

Additional factors

 

718.21 A court that imposes a sentence on an organization shall also take into consideration the following factors:

 

 

(a) any advantage realized by the organization as a result of the offence;

 

(b) the degree of planning involved in carrying out the offence and the duration and complexity of the offence;

 

 

(c) whether the organization has attempted to conceal its assets, or convert them, in order to show that it is not able to pay a fine or make restitution;

 

 

(d) the impact that the sentence would have on the economic viability of the organization and the continued employment of its employees;

 

(e) the cost to public authorities of the investigation and prosecution of the offence;

 

 

 

(f) any regulatory penalty imposed on the organization or one of its representatives in respect of the conduct that formed the basis of the offence;

 

(g) whether the organization was — or any of its representatives who were involved in the commission of the offence were — convicted of a similar offence or sanctioned by a regulatory body for similar conduct;

 

(h) any penalty imposed by the organization on a representative for their role in the commission of the offence;

 

(i) any restitution that the organization is ordered to make or any amount that the organization has paid to a victim of the offence; and

 

(j) any measures that the organization has taken to reduce the likelihood of it committing a subsequent offence.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑798‑12

 

INTITULÉ :                                                  SA MAJESTÉ LA REINE et
MAXZONE AUTO PARTS (CANADA) CORP.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 3 mai 2012

 

motifs du choix

de la peine :                                            LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 24 septembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Gary Caracciolo

Nicola Pfeifer

 

POUR SA MAJESTÉ LA REINE

 

D. Martin Low

Casey W. Halladay

 

POUR L’ACCUSÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR SA MAJESTÉ LA REINE

 

McMillan LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR L’ACCUSÉ

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.