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Date : 20120921

Dossier : T‑1037‑11

Référence : 2012 CF 1106

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 septembre 2012

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

 

EUN KYUNG SHIN

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch F‑7, en vue d’obtenir le contrôle judiciaire d’une décision en date du 25 mai 2011 par laquelle une conseillère principale en matière de programmes de la Division des appels, Direction des recours, (la déléguée) a, au nom du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre) décidé, en vertu de l’article 131 de la Loi sur les douanes, LRC 1985, ch 1 (2e Suppl.), que c’était valablement qu’avait été retenu le motif d’infraction à la Loi sur les douanes et qu’en vertu de l’article 133 de la Loi sur les douanes, la montre qui avait été saisie devait être restituée à la demanderesse sur paiement d’un montant tenant lieu de confiscation de 47 455,78 $. Cette décision était fondée sur la conclusion de la déléguée suivant laquelle la demanderesse n’avait pas déclaré la montre lors de son importation et qu’elle avait fait de fausses déclarations au sujet de sa date d’acquisition. La présente demande vise à obtenir le contrôle judiciaire de la décision prise par la déléguée en vertu de l’article 133 de la Loi sur les douanes.

 

[2]               La demanderesse réclame l’annulation de la décision de la déléguée et demande qu’elle soit renvoyée à un autre arbitre pour qu’il rende une nouvelle décision avec les instructions suivantes :

            1.         Le nouvel arbitre devra réexaminer la justesse du montant que la demanderesse a été condamnée à payer en vertu de l’article 133 de la Loi sur les douanes;

            2.         La nouvelle décision devra être prise en faisant abstraction de la première décision;

            3.         La demanderesse devra se voir accorder la possibilité de répondre à tous les rapports et à toutes les lettres de l’agente qui a pratiqué la saisie et de formuler des observations à ce sujet, et la nouvelle décision devra être rendue conformément au régime législatif et au jugement de la Cour.

 

[3]               À titre subsidiaire, la demanderesse sollicite une ordonnance annulant la décision du ministre et la remplaçant par une décision ordonnant la restitution de la montre sur paiement de la somme de 17 773,24 $, c’est‑à‑dire 25 p. 100 de la valeur en douane de la montre, plus la TPS.

 

[4]               La demanderesse, Eun Kyung Shin, est une citoyenne de la Corée du Sud. Elle est devenue résidente permanente du Canada le 16 août 2005.

 

[5]               La demanderesse voyage fréquemment entre la Corée du Sud, où son mari travaille et habite, et le Canada, où elle réside. En 1994 et en 2002, elle a été opérée pour un cancer en Corée du Sud. Depuis ses opérations, elle est retournée de façon intermittente en Corée du Sud pour un suivi postchirurgical.

 

[6]               Le 12 mars 2008, la demanderesse est arrivée à Vancouver, en provenance de la Corée, au terme d’un vol de dix heures. Elle voyageait avec une amie coréenne. À son arrivée à l’Aéroport international de Vancouver, la demanderesse a été abordée par l’agente des douanes Maier, de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC). L’agente Maier a demandé de voir la carte de déclaration douanière dans laquelle la demanderesse avait indiqué qu’elle importait pour une valeur de 550 $ CAN de marchandises au Canada. Après avoir vérifié la déclaration de la demanderesse, l’agente Maier a remarqué la montre Rolex (la montre) que la demanderesse portait à son poignet. Elle a alors dirigé la demanderesse et son amie vers un autre endroit en vue d’un interrogatoire complémentaire.

 

[7]               En réponse aux questions qui lui ont été posées, la demanderesse a répondu qu’elle avait reçu la montre en cadeau de son mari. Elle aurait d’abord affirmé qu’elle avait reçu la montre avant d’immigrer au Canada en 2005. Toutefois, en raison de l’état d’usure de la montre, l’agente Maier soupçonnait que la montre était plus récente. Pressée de questions, la demanderesse a expliqué qu’elle avait importé la montre de Corée à l’été 2007. Elle ne l’avait pas déclarée aux douanes canadiennes à l’époque parce qu’elle croyait qu’il fallait déclarer seulement les marchandises achetées et non celles reçues en cadeau. Cet incident a été relaté de la façon suivante dans l’exposé circonstancié de l’agente Maier :

                        [traduction] 

Après vérification de la déclaration de Mme SHIN, j’ai constaté que cette dernière portait au poignet une montre Rolex DateJust sertie de pierres. Mme SHIN a déclaré qu’elle avait reçu la montre avant d’immigrer au Canada en cadeau de son mari en Corée. Elle ne pouvait se rappeler exactement la date à laquelle elle l’avait reçue. Elle a donné au cours de son interrogatoire plusieurs indices verbaux et non verbaux. Ces indices m’ont amené à penser qu’elle ne disait pas toute la vérité au sujet de l’âge de la montre. La montre semblait plus récente que ce que prétendait Mme SHIN. Je l’ai interrogée à plusieurs reprises pour savoir à quel moment elle avait acquis et importé la montre au Canada. Mme SHIN a continué à affirmer qu’elle l’avait acquise il y a de nombreuses années avant d’immigrer au Canada et qu’elle l’avait amenée avec elle en immigrant au Canada.

 

J’étais d’avis en raison tant de mon expérience avec des montres haut de gamme qu’en raison de son apparence et de son état, que la montre était plus récente que ce qu’affirmait Mme SHIN. J’ai pressé Mme SHIN de questions au sujet de l’âge de la montre. Après avoir longuement relaté des faits inventés de toutes pièces, Mme SHIN a fini par admettre qu’elle avait importé la montre en question de la Corée à l’été 2007. Elle a affirmé qu’elle n’avait pas déclaré la montre lors de son importation parce qu’il s’agissait d’un cadeau qu’elle avait reçu de son mari en Corée.

 

 

[8]               Dans son rapport circonstancié complémentaire, l’agente Maier explicite les indices verbaux et non verbaux que la demanderesse avait manifestés lors de son interrogatoire :

                        [traduction] 

Pour être plus précise, Mme SHIN a donné plusieurs indices verbaux et non verbaux. Ainsi, elle évitait de me regarder dans les yeux et elle détournait le regard du bureau et de l’agent. Elle baissait le ton de sa voix. Elle a contredit ses déclarations antérieures à plusieurs reprises et affichait des signes de nervosité, notamment des tremblements des mains et des larmes.

 

 

[9]               En revanche, la demanderesse soutient n’avoir jamais déclaré avoir reçu la montre avant d’immigrer au Canada; c’est son amie qui avait laissé entendre lors de l’interrogatoire que la montre lui avait été remise avant son immigration au Canada en 2005. La demanderesse signale que la confusion a surgi lors de l’entrevue parce que l’agente interrogeait son amie coréenne en même temps qu’elle et que l’interprétation de leurs propos respectifs se déroulait en même temps.

 

[10]           Quoi qu’il en soit, comme la montre n’avait pas été régulièrement déclarée et que la demanderesse avait fait des déclarations fausses à son sujet, contrairement aux articles 12 et 13 de la Loi sur les douanes, l’agente Maier l’a confisquée. L’agente Maier l’a classée dans la catégorie des saisies de niveau 2 parce que la demanderesse n’avait pas déclaré la montre et qu’elle avait fait des déclarations fausses et contradictoires au sujet de sa date d’importation.

 

[11]           Suivant la politique générale de l’ASFC que l’on retrouve dans le Manuel d’exécution des douanes (le Manuel), une montre faisant l’objet d’une saisie de niveau 2 doit être restituée sur paiement de 60 p. 100 de sa valeur en douane. En l’espèce, la valeur de remplacement de la montre a été fixée à 87 200 $ et la valeur en douane correspondante à 79 092,27 $. Ainsi, selon le Manuel, la demanderesse devait payer 47 455,78 $ (c.‑à‑d., 60 p. 100 de sa valeur en douane) pour pouvoir récupérer sa montre.

 

[12]           Le 9 juin 2008, l’avocat de la demanderesse a écrit à l’ASFC pour interjeter appel de la saisie de la montre. L’ASFC a considéré cette demande comme une demande de décision du ministre prévue à l’article 29 de la Loi sur les douanes et, le 26 juin 2008, a informé la demanderesse de son intention de procéder à un examen ministériel de la saisie. Dans une lettre adressée à la demanderesse le 19 août 2008, M. Ivan Chaput, arbitre à la Direction des recours de l’ASFC, a exposé les motifs de la saisie et a joint à sa lettre les rapports circonstanciés des agents de l’ASFC qui s’étaient occupés du cas de la demanderesse le 12 mars 2008. Dans cette lettre, l’arbitre demandait à la demanderesse de lui fournir des renseignements et des documents au sujet de la montre.

 

[13]           Dans une lettre datée du 16 juin 2009, M. Berthiaume, arbitre à la Direction des recours, a fait parvenir à la demanderesse le rapport circonstancié complémentaire de l’agente Maier. M. Berthiaume a également invité la demanderesse à lui fournir des observations écrites au sujet de la saisie et de la montre.

 

[14]           La demanderesse a présenté ses observations par écrit le 15 avril et le 2 juillet 2010.

 

Décision de la déléguée

 

[15]           Le 25 mai 2011, la déléguée a rendu une décision ministérielle dans laquelle elle a déclaré qu’elle avait examiné à fond la documentation soumise par la demanderesse ainsi que les rapports du bureau compétent.

 

[16]           La déléguée a décidé que c’était valablement qu’avait été retenu le motif d’infraction à la Loi sur les douanes ou à ses règlements d’application en ce qui concerne la montre qui avait été saisie. Conformément à l’article 133 de la Loi sur les douanes, la déléguée a conclu que la montre qui avait été saisie devait être restituée à la demanderesse sur paiement d’un montant tenant lieu de confiscation de 47 455,78 $.

 

[17]           La déléguée a fait observer que, le 12 mars 2008, la demanderesse était revenue au Canada et avait déclaré qu’elle importait pour une valeur de 550 $ CAN de vêtements, d’alcool et de tabac. L’agente de l’ASFC (l’agente Maier) a vérifié la déclaration de la demanderesse et constaté que, même si la capacité de la demanderesse de communiquer en anglais était adéquate, il y avait lieu de retenir les services d’un interprète coréen pour permettre à la demanderesse de bien préciser sa pensée lors de l’interrogatoire complémentaire portant sur la Déclaration.

 

[18]           La déléguée a relevé qu’en réponse aux questions qui lui étaient posées au sujet de la montre, la demanderesse a affirmé qu’elle l’avait reçue en cadeau de son mari. À plusieurs reprises, la demanderesse a soutenu que la montre faisait partie de ses effets personnels lorsqu’elle avait immigré au Canada en 2005. Toutefois, en réponse à d’autres questions, la demanderesse a admis qu’elle avait importé la montre pour la première fois de Corée à l’été 2007 et qu’à l’époque, elle ne l’avait pas déclarée. Comme la demanderesse avait fait des déclarations fausses et contradictoires au sujet de son importation, la montre a fait l’objet d’une saisie de niveau 2 pour non‑déclaration.

 

[19]           La déléguée a reconnu les déclarations faites par le représentant de la demanderesse suivant lesquelles il n’y avait rien qui permettait de penser que la demanderesse savait à quel endroit la montre avait été achetée ou quelle en était la valeur. Le représentant a également déclaré que la demanderesse n’avait pas informé l’ASFC qu’elle avait reçu la montre avant d’immigrer au Canada et qu’elle ignorait qu’elle devait déclarer les marchandises reçues en cadeau. La déléguée a toutefois fait observer que l’ignorance de la loi ne constituait pas un facteur atténuant étant donné que les importateurs doivent être au courant de la loi. Comme la montre n’avait pas été déclarée lors de son importation et que de fausses déclarations avaient été faites au sujet de sa date d’acquisition, la déléguée a conclu qu’il y avait lieu de confirmer la mesure d’exécution qui avait été prise.

 

Questions en litige

 

[20]           La demanderesse soumet les questions suivantes à l’examen de la Cour :

            La pénalité de 47 455,78 $ est excessive, repose sur des erreurs de fait et des erreurs de droit et/ou des considérations non pertinentes ou étrangères, est manifestement déraisonnable, constitue un manquement à l’équité procédurale et a été infligée sans compétence ou en excès de compétence, compte tenu de la nature des dispositions législatives applicables et des circonstances de l’espèce (sur lesquelles les deux parties s’entendent) suivant laquelle les droits prescrits payables s’élèvent à 3 954,65 $, que la demanderesse a expliqué honnêtement qu’à sa connaissance, la montre avait été acquise à l’extérieur du Canada et qu’aucun droit n’avait été payé, ajoutant qu’elle n’avait jamais tenté de cacher la montre.

 

[21]           Je reformulerais les questions en litige comme suit :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         La déléguée a‑t‑elle commis une erreur en calculant le montant que la demanderesse devait payer pour obtenir la restitution de la montre saisie?

            3.         Y a‑t‑il eu manquement à l’équité procédurale?

 

Observations écrites de la demanderesse

 

[22]           La demanderesse signale qu’elle a été accusée au criminel en vertu de l’alinéa 153a), de l’alinéa 153c) et de l’article 155 de la Loi sur les douanes en rapport avec l’importation de la montre. Au procès, la Couronne a suspendu les accusations portées en vertu de l’alinéa 153a). Une déclaration de culpabilité a été inscrite au sujet des deux autres chefs d’accusation le 4 mars 2010, mais a par la suite été annulée à l’issue de l’appel interjeté à la Cour suprême de la Colombie‑Britannique.

 

[23]           La demanderesse reconnaît qu’elle s’est trompée sur les exigences de la loi canadienne et qu’en vertu des dispositions législatives applicables, elle avait l’obligation de déclarer la montre malgré le fait qu’elle l’avait reçue en cadeau, ajoutant qu’elle ignorait quelle en était la valeur déclarée. La demanderesse fait toutefois valoir que le litige porte sur le montant déterminé conformément à l’alinéa 133(2)b) de la Loi sur les douanes en vue de la restitution et sur la question de savoir si la méthode qui a été utilisée pour le calculer était équitable.

 

[24]           La demanderesse affirme que le montant de 47 455,78 $ plus TPS a été établi en appliquant des catégories et des niveaux rigides qui ne tolèrent aucune exception. Cette façon de procéder constitue une entrave illégale au pouvoir discrétionnaire du ministre. La demanderesse affirme en outre que la décision est déraisonnable compte tenu des circonstances de l’espèce et que le facteur décisif sur lequel elle repose  le moment de l’acquisition  n’est pas prévu par la Loi sur les douanes.

 

[25]           La demanderesse affirme que le fait qu’elle a dit toute la vérité lorsqu’elle a répondu de son mieux aux questions de l’agente Maier est un facteur pertinent pour calculer de façon rationnelle le montant prévu à l’alinéa 133(2)b) de la Loi sur les douanes.

 

[26]           La demanderesse signale que les droits normaux à payer sur la montre s’élèvent à 3 954,65 $, plus TPS (selon la valeur convenue de 79 092,97 $ et le taux de droits de 5 p. 100). De plus, selon le paragraphe 109.1(1) de la Loi sur les douanes, la pénalité maximale que le ministre peut imposer pour défaut de se conformer à une disposition de la loi est de 25 000 $. Selon la valeur normale de la montre et la pénalité ministérielle maximale prévue, la demanderesse affirme que les droits de 47 455,78 $ réclamés sont excessifs et débordent ce que prévoit la loi.

 

[27]           La demanderesse fait valoir également qu’au cours du processus d’appel administratif, on ne lui a pas donné l’occasion de répondre aux observations de l’ASFC. Elle ajoute qu’on ne lui a pas expliqué comment ce montant avait été calculé. Le processus suivi est donc vicié et la déléguée a négligé de tenir compte de facteurs pertinents. La demanderesse affirme que sa décision est par conséquent manifestement déraisonnable.

 

[28]           La demanderesse affirme qu’en rendant une décision stricte fondée sur le Manuel sans tenir compte des exceptions possibles, la déléguée a entravé de façon illégale le pouvoir discrétionnaire du ministre. La demanderesse fait observer que même si l’uniformité est souhaitable, il y a quand même lieu de prévoir une certaine souplesse pour adapter le résultat en fonction de cas individuels tout en respectant l’esprit et la lettre de la loi applicable. De plus, la demanderesse affirme qu’aux articles 68 à 70, le Manuel modifie effectivement le régime de la Loi sur les douanes. À l’appui de cet argument, la demanderesse signale qu’en vertu du régime législatif établi par la Loi sur les douanes, le législateur fédéral a prévu une augmentation du taux ou une pénalité maximale plus faibles dans le cas des marchandises frappées d’un taux de droits plus élevé. Le Manuel modifie toutefois ce mécanisme en faisant entrer les marchandises donnant lieu à l’imposition d’un taux de droits plus élevé dans le Groupe 1 pour lequel l’augmentation du taux est celle qui est la plus élevée. Le Manuel contredit donc la volonté du législateur et il est donc irrationnel.

 

[29]           La demanderesse affirme enfin que la déléguée a commis une erreur en tenant compte de considérations étrangères. Plus précisément, la demanderesse affirme que les incohérences relevées dans les réponses qu’elle a données au sujet du moment où elle avait acquis les marchandises avant d’entrer au Canada ne sont pas pertinentes et sont étrangères à l’application de la Loi sur les douanes. La demanderesse signale que la plupart des gens ont de la difficulté à se souvenir de faits précis, surtout sans préavis. Il serait donc déraisonnable d’augmenter la pénalité en se fondant sur la réponse inexacte qu’elle a d’abord donnée, étant donné qu’elle a par la suite été en mesure de la corriger après avoir eu du temps pour réfléchir. Son honnêteté est par ailleurs confirmée par le fait qu’elle n’a pas tenté de cacher la montre, mais qu’elle la portait ostensiblement au poignet.

 

Observations écrites des défendeurs

 

[30]           Les défendeurs affirment qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale et que la décision de la déléguée était légitime et raisonnable.

 

[31]           D’entrée de jeu, les défendeurs affirment que la Cour ne devrait pas tenir compte de deux affidavits que la demanderesse a déposés à l’appui de la présente demande étant donné qu’ils n’avaient pas été soumis à la déléguée. Le premier affidavit a été souscrit par la demanderesse le 14 juillet 2011 et le second par Me Brian J. Konst, avocat de la demanderesse, le 23 juin 2011. Les seuls renseignements que l’on trouve dans ces affidavits et dont la déléguée disposait sont ceux que l’on trouve au paragraphe 9 et aux annexes B, C et D de l’affidavit souscrit par Me Konst. De plus, en ce qui concerne l’allégation formulée par la demanderesse dans son affidavit suivant laquelle elle ne parle, ne lit et n’écrit pas l’anglais, les défendeurs signalent qu’il n’est indiqué nulle part dans l’affidavit que celui‑ci a tout d’abord été interprété en coréen ou en une autre langue que la demanderesse comprenait.

 

[32]           En ce qui concerne l’allusion par la demanderesse au procès criminel qui a été intenté contre elle, les défendeurs affirment que cette question n’est pas pertinente pour la présente demande de contrôle judiciaire. La décision de la déléguée a été rendue de façon indépendante et sans tenir compte de la preuve présentée lors de ce procès criminel ou à l’issue de ce dernier.

 

[33]           Les défendeurs affirment que la décision par laquelle on ordonne à une personne de payer une somme d’argent pour récupérer un bien saisi en vertu de l’article 133 de la Loi sur les douanes suppose l’exercice de pouvoir discrétionnaire conféré par la loi qui commande un degré élevé de déférence. La norme de contrôle applicable est donc celle de la décision raisonnable.

 

[34]           Les défendeurs affirment que la seule condition dont est assorti l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par l’article 133 de la Loi sur les douanes est que la somme d’argent à verser pour pouvoir récupérer des marchandises ne peut excéder leur valeur en douane majorée du montant des droits imposés sur ces derniers. Les défendeurs signalent que l’article 109.1 de la Loi sur les douanes autorise le ministre à imposer une pénalité maximale de 25 000 $ pour toute contravention à la loi. Toutefois, le paiement d’une somme d’argent en vue de récupérer un bien ne constitue pas une pénalité et le maximum de 25 000 $ applicable aux pénalités ne s’applique donc pas aux décisions prises en vertu des articles 117 et 133 de la Loi sur les douanes. Comme il n’existe aucune obligation d’accepter les modalités assortissant la levée de la saisie offerte en échange des marchandises confisquées, il existe une nette distinction entre, d’une part, la somme d’argent à verser pour récupérer un bien en vertu des articles 117 et 133 et, d’autre part, les pénalités prévues par d’autres articles de la Loi sur les douanes.

 

[35]           Les défendeurs affirment également qu’aucun manquement à l’équité procédurale n’a été commis. Ils soulignent le fait que la demanderesse s’est vue offrir la possibilité de répondre. Les défendeurs font observer que, lorsque des détails suffisants ont été communiqués, la non‑communication d’un rapport interne ou de notes prises par les enquêteurs ne constitue pas un manquement à l’équité procédurale.

 

[36]           Les défendeurs affirment également que la décision était suffisamment motivée, et ce, même si celui qui prend une décision en vertu de l’article 133 de la Loi sur les douanes n’est assujetti à aucune obligation de la motiver. La situation est différente de celle prévue à l’article 131, qui exige explicitement que des motifs soient communiqués. Les défendeurs font par ailleurs valoir que la décision de la déléguée doit être interprétée à la lumière des rapports sur lesquels elle reposait, en particulier sur la recommandation de l’arbitre que la déléguée a finalement suivie.

 

[37]           Pris collectivement, la décision et les rapports en question expliquent clairement que la montre a été saisie parce qu’elle n’avait pas été déclarée, que la saisie était une saisie de niveau 2 en raison des fausses déclarations et des déclarations contradictoires de la demanderesse et, enfin que les conditions de levée de la saisie prévoyaient le paiement d’une somme de 47 455,78 $. Ce montant est beaucoup moins élevé que le maximum prévu par la loi à l’article 133 de la Loi sur les douanes. Les défendeurs font valoir à titre subsidiaire que si la Cour estime que la décision n’était pas suffisamment motivée, la demanderesse avait l’obligation d’exiger des motifs complémentaires plus détaillés.

 

[38]           En ce qui concerne la présumée entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire, les défendeurs font observer que la demanderesse n’a pas soulevé cet argument dans son avis de demande ou dans les affidavits qu’elle a déposés à l’appui de celle‑ci. L’argument a été soulevé pour la première fois dans le mémoire des faits et du droit de la demanderesse. Les défendeurs font observer que l’alinéa 301e) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, prévoit que l’avis de demande doit contenir « un énoncé complet et concis des motifs invoqués ». Les défendeurs affirment que lorsque le demandeur a contrevenu à cette disposition, la Cour peut refuser de lui permettre de faire valoir un argument qu’il n’avait pas avancé dans son avis de demande.

 

[39]           Les défendeurs font valoir que le fait de permettre à la demanderesse d’invoquer un argument fondé sur une entrave illégale à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire causerait un préjudice au ministre. Comme ce motif n’avait pas été avancé dans l’avis de demande de la demanderesse ou dans les affidavits déposés à l’appui, le ministre a été privé de la possibilité d’y répondre à fond dans l’affidavit qu’il a produit en réponse. À titre subsidiaire, les défendeurs font valoir que, si elle devait permettre à la demanderesse d’invoquer l’argument relatif à l’entrave, la Cour ne devrait tirer aucune conclusion défavorable du fait que le ministre n’a pas été en mesure de présenter des éléments de preuve portant directement sur cette question.

 

[40]           Les défendeurs affirment en tout état de cause qu’il n’y a pas eu d’entrave illégale à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Comme c’est la demanderesse qui affirme qu’il y a eu entrave, c’est à elle qu’il incombe de présenter des éléments de preuve concrets démontrant que la déléguée a appliqué aveuglément la politique. Or, aucun élément de preuve de ce genre n’a été présenté. Les défendeurs affirment que l’affidavit de la déléguée démontre plutôt qu’elle a tenu compte du Manuel et de la Loi sur les douanes pour fixer le montant d’argent à verser pour pouvoir récupérer la montre.

 

[41]           De plus, la déléguée a tenu compte de toutes les observations formulées par la demanderesse pour rendre sa décision. Les observations de la demanderesse se limitent donc à l’appréciation de la preuve, une tâche qui se situe au cœur même de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la déléguée. De plus, le fait que le Manuel ne précise pas expressément que le décideur n’est pas lié par les directives qu’il contient n’indique pas automatiquement qu’il y a eu entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire.

 

[42]           Les défendeurs affirment qu’on ne peut conclure à une entrave à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire que si la politique a un caractère obligatoire. Or, le fait que le Manuel offre diverses options indique, lorsqu’on l’interprète en tenant compte de l’ensemble de son contexte, que le Manuel n’impose aucune obligation impérative aux délégués. Rien ne permet non plus de penser qu’en l’espèce, la déléguée a appliqué de façon rigide le Manuel ou qu’elle s’est vue menacer de sanctions pour non‑conformité. Les défendeurs font valoir que le simple fait que le Manuel vise à expliquer comment le pouvoir discrétionnaire est normalement exercé ne suffit pas pour conclure à une entrave illicite à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire.

 

[43]           Les défendeurs affirment également que le Manuel s’accorde avec la Loi sur les douanes. Les défendeurs font valoir que les articles 117 et 133 de la Loi sur les douanes ne définissent aucun critère imposant une somme d’argent déterminée pour pouvoir récupérer un bien qui a été saisi; les dispositions en question fixent seulement le montant maximal d’argent permis pour restituer un bien saisi. Dans le cas qui nous occupe, la déléguée a décidé que les modalités assortissant la levée de la saisie seraient inférieures au maximum permis dans le cas des montres, à savoir, 60 p. 100 de sa valeur en douane. Cette décision a été rendue après avoir tenu compte de tous les faits de l’espèce.

 

[44]           Les défendeurs affirment que la déléguée a également tenu compte de tous les éléments pertinents. Les questions posées par l’agente de l’ASFC au sujet de la provenance de la montre et de la question de savoir si la demanderesse l’avait acquise avant d’immigrer au Canada étaient des questions nécessaires pour déterminer s’il convenait d’imposer des droits et des taxes à l’importation. Comme la Loi sur les douanes exige que toute personne réponde aux questions qui lui sont posées en disant la vérité, les déclarations contradictoires faites par la demanderesse au sujet du moment où elle avait acquis la montre constituaient également un facteur pertinent pour décider si elle avait contrevenu ou non à la Loi sur les douanes. Les déclarations faites par la demanderesse au sujet de la date d’acquisition étaient donc pertinentes pour déterminer si c’était valablement qu’avait été retenu le motif d’infraction à la Loi sur les douanes, pour calculer les droits et les taxes et pour établir les modalités de la levée de la saisie.

 

[45]           Enfin, les défendeurs affirment qu’un « verdict imposé » remplaçant le montant à payer pour récupérer la montre par un autre est une mesure qui ne convient pas, eu égard aux circonstances de l’espèce. Les défendeurs font observer que la demanderesse n’a fourni aucune explication pour démontrer pourquoi le montant proposé de 17 773,24 $ était raisonnable et acceptable. Un verdict imposé constitue une mesure exceptionnelle qui ne devrait être prise que dans les cas les plus flagrants. Les défendeurs font valoir qu’en l’espèce, un verdict imposé ne conviendrait pas, étant donné que la détermination de la somme d’argent à verser pour récupérer la montre est une question qui relève du pouvoir discrétionnaire du ministre.

 

Analyse et décision

 

[46]           Première question

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Lorsque la jurisprudence a déjà arrêté la norme de contrôle applicable à une question particulière soumise au tribunal, la juridiction de révision peut adopter cette norme (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 57).

 

[47]           La décision prévue à l’article 133 de la Loi sur les douanes est une décision discrétionnaire qui est tributaire des faits. Elle est donc assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (United Parcel Service Canada Ltd c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 204, [2011] ACF no 235, aux paragraphes 40 à 43).

 

[48]           Lorsqu’elle procède au contrôle de la décision d’un délégué en appliquant la norme de la décision raisonnable, la Cour ne devrait intervenir que si le délégué a tiré une conclusion qui n’est pas transparente, justifiable et intelligible et que cette conclusion n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard de la preuve dont il dispose (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59). Il n’appartient pas à la juridiction de révision d’imposer sa propre conception du résultat préférable ni de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve (Khosa, précité, aux paragraphes 59 et 61).

 

[49]           En revanche, la norme de contrôle appropriée dans le cas des questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte (Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 798, [2008] ACF no 995, au paragraphe 13; Khosa, précité, au paragraphe 43). Il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence envers les conclusions tirées par la déléguée sur ces questions (Dunsmuir, précité, au paragraphe 50).

 

[50]           Deuxième question

            La déléguée a‑t‑elle commis une erreur en calculant le montant que la demanderesse devait payer pour obtenir la restitution de la montre saisie?

 

Cadre législatif

 

[51]           L’importation de marchandises au Canada est régie par la Loi sur les douanes. Les sections de la Loi sur les douanes qui nous intéressent en l’espèce sont la partie II (Importation), la partie III (Calcul des droits) et la partie VI (Contrôle d’application).

 

[52]           Le paragraphe 110(1) de la Loi sur les douanes prévoit que, s’il croit, pour des motifs raisonnables, à une infraction à la loi, l’agent peut saisir des marchandises à titre de confiscation. L’article 117 régit la restitution des marchandises ainsi saisies et précise la somme d’argent à verser pour les récupérer.

 

[53]           Suivant les articles 129 et 131 de la Loi sur les douanes, les personnes dont les marchandises ont été saisies peuvent demander au ministre de décider si les motifs d’infraction ont été valablement retenus. Pour rendre cette décision, le ministre doit examiner et apprécier les faits particuliers de l’affaire. S’il décide que les motifs d’infraction ont été valablement retenus, le ministre peut, en vertu de l’article 133 de la Loi sur les douanes, restituer les marchandises sur réception d’un montant d’argent calculé de la même façon que celle qui est prévue au paragraphe 117(1) de la Loi sur les douanes. En vertu de l’article 133, le ministre se voit conférer un large pouvoir discrétionnaire pour déterminer le montant à verser pour restituer des marchandises. Ainsi que les défendeurs le soulignent, la seule limite prévue est que le montant qui peut être réclamé pour des marchandises ne peut dépasser le total de leur valeur en douane et des droits perçus sur ces marchandises (alinéa 133(1)c) et paragraphe 133(4) de la Loi sur les douanes).

 

[54]           Bien que la décision prévue à l’article 133 de la Loi sur les douanes dépende souvent de la décision du ministre suivant laquelle le motif d’infraction a été valablement retenu au sens de l’article 131 de la Loi sur les douanes, il s’agit de deux décisions distinctes qui doivent être contestées séparément. La décision prévue à l’article 131 doit être contestée sous forme d’action en justice, tandis que la décision rendue en vertu de l’article 133 doit être contestée par voie de demande de contrôle judiciaire (Nguyen c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 724, [2009] ACF no 884, aux paragraphes 1 et 20).

 

[55]           Le montant à payer pour pouvoir récupérer les marchandises aux termes de l’article 133 de la Loi sur les douanes diffère de la pénalité prévue au paragraphe 109.1(1) de la Loi sur les douanes, dont voici le libellé :

109.1 (1) Est passible d’une pénalité maximale de vingt‑cinq mille dollars fixée par le ministre quiconque omet de se conformer à une disposition d’une loi ou d’un règlement, désignée par un règlement pris en vertu du paragraphe (3).

 

109.1 (1) Every person who fails to comply with any provision of an Act or a regulation designated by the regulations made under subsection (3) is liable to a penalty of not more than twenty‑five thousand dollars, as the Minister may direct.

 

[56]           Cette disposition prévoyant une pénalité se trouve sous l’intitulé « Pénalités et intérêts » alors que celle portant sur le montant à payer pour récupérer des marchandises se trouve sous la rubrique « Confiscation ». Bien que les deux dispositions se retrouvent à la partie VI (Contrôle d’application) de la Loi sur les douanes, elles visent des questions distinctes. La somme d’argent à payer pour récupérer des marchandises en vertu de l’article 133 se distingue donc de la pénalité imposée par l’article 109.1 de la Loi sur les douanes. Dans le jugement Hiebert c Canada (Procureur général), 2003 CF 1503, [2003] ACF no 1905, le juge James Russell a reconnu que le législateur avait l’intention d’établir une distinction entre les sommes fixées en cas de confiscation, d’une part, et, d’autre part, les pénalités (aux paragraphes 27 à 32).

 

Exercice du pouvoir discrétionnaire

 

[57]           En l’espèce, la demanderesse affirme que le montant de 47 455,78 $ qu’elle doit verser pour pouvoir récupérer sa montre est déraisonnablement punitif, compte tenu des circonstances, ajoutant qu’il repose sur un facteur externe, en l’occurrence le montant de l’acquisition et qu’il est fondé sur une entrave illégale à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre.

 

[58]           D’entrée de jeu, il est important de rappeler que les renseignements fournis à un agent pour l’application et l’exécution de la Loi sur les douanes doivent être véridiques, exacts et complets (articles 7.1 et alinéa 13a) de la Loi sur les douanes). De plus, comme nous l’avons déjà mentionné, il convient de faire une distinction entre, d’une part, la pénalité dont le montant maximum prévu par la Loi sur les douanes est de 25 000 $ et, d’autre part, le montant à payer pour récupérer un bien qui a été saisi, dont la seule limite est le total de sa valeur en douane et des droits perçus sur ce bien.

 

[59]           Les défendeurs affirment que la question de l’entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire ne devrait pas être examinée par la Cour, étant donné qu’elle n’a pas été régulièrement soulevée par la demanderesse dans son avis de demande. L’alinéa 301e) des Règles sur les Cours fédérales exige effectivement que l’avis de demande contienne « un énoncé complet et concis des motifs invoqués ». Dans le cas qui nous occupe, la demanderesse a articulé les moyens suivants dans son avis de demande :

                        [traduction] 

Le montant sur lequel la décision est fondée repose sur des erreurs de fait, des erreurs de droit et des considérations non pertinentes, est manifestement déraisonnable, constitue un manquement à l’équité procédurale, est ultra vires, discriminatoire et préjudiciable et a été établi sans compétence ou débordait les limites de celle‑ci.

 

 

[60]           On pourrait concevoir que l’entrave à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire pourrait faire partie de cette longue liste. Celle‑ci contient toutefois d’autres motifs, comme la discrimination, qui ne ressortent pas des arguments de la demanderesse. Je suis par conséquent d’accord avec les défendeurs pour dire que l’avis de demande de la demanderesse ne répond pas à la définition d’« énoncé complet et concis des motifs invoqués [par la demanderesse] ». Les défendeurs ont toutefois fourni des arguments détaillés au sujet de la question de l’entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Je suis par conséquent d’avis de procéder quand même à l’analyse de cette question en tenant compte du fait que la demanderesse a mal formulé ce moyen dans sa demande et que cette lacune a pu avoir des incidences sur les défendeurs.

 

[61]           Dans son affidavit, la déléguée explique la méthode de calcul qui a été employée pour déterminer le montant à verser pour pouvoir restituer la montre. La valeur en douane (79 092,97 $) est le résultat de la soustraction de 5 p. 100 de TPS et de 5 p. 100 de droits de douane de la valeur de remplacement évaluée. Cette valeur n’est pas contestée par les parties; ce qui est contesté, c’est le montant à verser pour obtenir la levée de la saisie qui a été calculé en fonction des directives contenues dans le Manuel.

 

Vue d’ensemble du Manuel

 

[62]           Comme la demanderesse affirme que la déléguée a entravé son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur le Manuel, il convient de procéder à un bref survol de cette politique. L’objectif déclaré de la politique est de fournir des moyens de calculer la valeur en douane des marchandises qui ont été importées ou exportées en contravention de la Loi sur les douanes (Partie 2, chapitre 5, paragraphe 15). L’évaluation des marchandises et la réduction de leur valeur pour tenir compte des droits et des taxes, comme on l’a fait en l’espèce, sont expliquées aux paragraphes 22, 23, 24 et 26 (partie 2, chapitre 5). Pour calculer les modalités de la levée de la saisie, les montres sont considérées comme des articles faisant partie du groupe 1 (partie 2, chapitre 5, paragraphe 44 et partie 5, chapitre 2, paragraphe 68).

 

[63]           En ce qui concerne la politique en matière de saisie, le Manuel reconnaît que les infractions à la Loi sur les douanes et à ses règlements d’application ne sont pas toutes intentionnelles : « la négligence, le défaut de diligence ou le manque de connaissances de la part de l’importateur sont des facteurs atténuants qui méritent d’être pris en considération lorsqu’il est décidé de procéder ou non à l’imposition d’une sanction » (partie 5, chapitre 2, paragraphe 16). Le Manuel reconnaît également qu’il est nécessaire d’accorder le bénéfice du doute au lieu de confisquer et de saisir des marchandises : « lorsqu’il s’agit de voyageurs, l’ASFC a pour politique d’accorder le bénéfice du doute au lieu de confisquer et de saisir les marchandises lorsqu’il semble évident qu’un voyageur n’était pas au courant des exigences de l’ASFC » (partie 5, chapitre 2, paragraphe 22).

 

[64]           Dans le cas qui nous occupe, l’infraction reprochée portait sur une allégation de non‑déclaration. Le Manuel précise que cette allégation vise « les saisies visant les voyageurs qui n’ont pas déclaré l’importation de marchandises pour usage personnel, quelle que soit la méthode de dissimulation ayant servi à introduire illégalement les marchandises au Canada » (partie 5, chapitre 2, paragraphe 30).

 

[65]           Le facteur qui est peut‑être le plus important en l’espèce concerne les niveaux d’infraction prévus par le Manuel. Trois niveaux différents ont été établis pour reconnaître la culpabilité de l’intéressé (partie 5, chapitre 2, paragraphe 71).

 

[66]           Le Manuel décrit comme suit le niveau 1 (partie 5, chapitre 2) :

74. Le niveau 1 s’applique aux infractions où la culpabilité est moins grande. La mesure dans laquelle l’importateur a eu recours à un subterfuge pour se soustraire à la Loi sur les douanes n’a pas dépassé une tentative inefficace initiale. Ce niveau pourrait généralement être appliqué aux infractions par omission plutôt que par perpétration. Les infractions par perpétration exigent une participation plus active de l’importateur (partie 5, chapitre 2, paragraphe 74). Le niveau 1 s’applique lorsque :

 

a) des marchandises ne sont pas déclarées à l’ASFC ou des marchandises sont déclarées, mais des renseignements inexacts sont fournis au sujet de leur acquisition ou des droits de la personne en question ou la description; et

 

b) les marchandises ne sont pas dissimulées; et

 

c) une description complète des faits réels concernant les marchandises est fournie au moment de la découverte (partie 5, chapitre 2, paragraphe 77).

 

 

[67]           Le Manuel décrit comme suit le niveau 2 (partie 5, chapitre 2) :

75. Le niveau 2 s’applique aux infractions où les circonstances révèlent une tentative active par l’importateur en vue de se soustraire à la Loi sur les douanes. Il sert également aux cas de récidive où il est devenu évident qu’un facteur dissuasif plus fort est requis (partie 5, chapitre 2, paragraphe 75).

 

78. Le niveau 2 s’applique lorsque les circonstances sont les mêmes que dans le niveau 1 mais que :

 

a) les marchandises sont dissimulées ou déguisées; ou

 

b) de fausses déclarations sont faites concernant les marchandises après leur découverte; ou

 

c) la personne en question a déjà fait l’objet d’une mesure de saisie (partie 5, chapitre 2, paragraphe 78).

 

 

[68]           On trouve les directives suivantes dans le Manuel lorsqu’il s’agit de déterminer la somme à payer pour obtenir la mainlevée en cas de non‑déclaration ou de déclaration inexacte quant à un article faisant partie du groupe 1 (lequel comprend les montres) : 40 p. 100 de la valeur dans le cas du niveau 1; 60 p. 100 de la valeur dans le cas du niveau 2; et 80 p. 100 de la valeur dans le cas du niveau 3) (partie 5, chapitre 2, paragraphe 90).

 

Application au cas présent

 

[69]           Dans le cas qui nous occupe, la déléguée a accepté que la non‑déclaration de la demanderesse relevait du niveau 2. Par conséquent, conformément aux directives contenues dans le Manuel, elle a appliqué le coefficient de 60 p. 100 à la valeur en douane et a fixé le montant à rembourser à 47 455,78 $ (c.‑à‑d. 60 p. 100 de la valeur en douane de la montre).

 

[70]           Après avoir examiné le Manuel, je ne suis pas d’accord avec la demanderesse pour dire que celui‑ci empêche de faire preuve de la souplesse requise pour adapter le résultat à des situations individuelles. Il est de jurisprudence constante que les instruments législatifs non juridiquement contraignants comme le Manuel peuvent aider les citoyens à prévoir la façon dont un organisme gouvernemental est susceptible d’exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère la loi tout en lui permettant de régler l’ensemble d’un problème de manière proactive, ce qui représente un outil important pour une saine administration publique (Thamotharem c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 198, [2007] ACF no 734, aux paragraphes 55 et 57). Toutefois, lorsqu’ils se fondent sur des instruments non juridiquement contraignants, les organismes doivent se garder d’appliquer des lignes directrices ou des énoncés de principe comme s’il s’agissait de règles de droit (Thamotharem, précité, au paragraphe 62).

 

[71]           Comme nous l’avons déjà fait observer, le Manuel reconnaît explicitement la possibilité de faire preuve de souplesse dans les cas de négligence, d’insouciance ou d’absence de connaissances de la part de l’importateur (partie 5, chapitre 2, aux paragraphes 16 et 22). Il reconnaît également qu’il convient d’accorder le bénéfice du doute lorsqu’il est évident que le voyageur n’était pas au courant des exigences de l’ASFC. Ce faisant, le Manuel préconise l’examen des cas individuels au mérite et en fonction de leurs faits propres.

 

[72]           Ainsi que le juge John Evans l’a déclaré dans l’arrêt Thamotharem, précité, « une décision fondée uniquement sur les consignes impératives d’une directive malgré une demande pour qu’il y soit fait exception en raison d’une situation particulière, pourra […] être annulée au motif que le décideur a illicitement entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire » (au paragraphe 62). En l’espèce, la demanderesse affirme qu’elle n’a jamais tenté de dissimuler la montre, qu’elle ignorait que la loi l’obligeait à déclarer les marchandises reçues en cadeau et qu’elle était fatiguée après un long vol international lorsqu’elle a été interrogée par l’agente Maier. Le recours au service d’un interprète et la présence de son amie coréenne au cours de l’interrogatoire ont également contribué à la confusion qui a été créée lorsqu’elle a déclaré qu’elle avait reçu la montre. La déléguée a présumément tenu compte de ces observations pour rendre sa décision.

 

[73]           On ne trouve toutefois ni dans la décision de la déléguée ni dans les rapports de l’ASFC  y compris les motifs invoqués pour justifier la saisie et les rapports circonstanciés  d’analyse de la question de savoir si la qualification de l’infraction comme une infraction du niveau 2 était appropriée. Cette difficulté est exacerbée par le fait que le Manuel invite expressément à accorder le bénéfice du doute dans le cas de confiscation et de saisie « lorsqu’il semble évident que le voyageur n’était pas au courant des exigences de l’ASFC » (partie 5, chapitre 2, au paragraphe 24).

 

[74]           Dans le cas qui nous occupe, les faits se prêtent nettement plus à la qualification de l’infraction comme infraction de niveau 1 plutôt que d’infraction de niveau 2. Ainsi, le défaut de déclarer la montre indiquait qu’il s’agissait d’une infraction d’omission plutôt que d’une infraction de perpétration (niveau 1). Le fait que la demanderesse portait la montre ostensiblement au poignet et qu’elle n’avait jamais fait l’objet de saisie auparavant permettait de croire que les circonstances énumérées dans le Manuel et qui permettent de conclure à l’existence d’une infraction de niveau 2 n’étaient pas présentes en l’espèce. Par ailleurs, l’allégation de la demanderesse suivant laquelle la présence de son amie coréenne et de l’interprète au cours de l’interrogatoire a créé de la confusion sur la question de savoir si elle avait effectivement déclaré qu’elle avait reçu la montre avant d’immigrer au Canada permettait de douter encore plus de l’existence de l’élément prévu dans le cas des infractions de niveau 2 suivant lequel « des déclarations inexactes sont formulées au sujet des marchandises après leur découverte ».

 

[75]           J’estime qu’en ne cherchant pas à savoir si les faits justifiaient de qualifier l’infraction d’infraction de niveau 1 plutôt que d’infraction de niveau 2, la déléguée a tiré une conclusion déraisonnable qui n’était ni justifiable ni intelligible vu l’ensemble de la preuve dont elle disposait. La déléguée s’est contentée d’accepter la qualification de l’agent de l’ASFC, qui avait estimé qu’on avait affaire à une infraction de niveau 2, sans procéder à une analyse ou à une évaluation plus approfondie. J’estime donc que la déléguée a appliqué de façon rigide une disposition du Manuel sans tenir compte des directives qu’on y trouve et qui visent de façon générale à favoriser la bonne application de la Loi sur les douanes.

 

[76]           Troisième question

            Y a‑t‑il eu manquement à l’équité procédurale?

            La demanderesse affirme également qu’on ne lui a pas accordé la possibilité de répondre aux arguments de l’ASFC et qu’on ne lui a pas fourni d’explications sur la façon dont le montant à payer pour récupérer la montre avait été calculé. Il s’agit à son avis d’un manquement à l’équité procédurale.

 

[77]           Les faits de l’espèce indiquent toutefois le contraire. Dans les lettres du 19 août 2008 et du 16 juin 2009, les motifs de la saisie étaient communiqués à la demanderesse et des copies des rapports circonstanciés des agents de l’ASFC étaient jointes à ces lettres. Dans ces deux lettres, on invitait la demanderesse à présenter ses observations par écrit, ce que son avocat a fait par la suite à deux occasions distinctes (le 15 avril 2010 et le 2 juillet 2010). La déléguée a déclaré qu’elle avait tenu compte de ces observations et la décision vient le confirmer. Bien que l’analyse que la déléguée a faite du niveau d’infraction ait été insuffisante, les motifs de sa décision étaient clairs et suffisants.

 

[78]           Pour ces motifs, j’estime qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale dans le cas qui nous occupe.

 

[79]           En conclusion, je suis d’avis que la décision devrait être annulée et que l’affaire devrait être renvoyée à une autre personne pour qu’elle procède à un nouvel examen en tenant compte des motifs de la décision exposés en l’espèce.

 

[80]           La demanderesse a droit aux dépens de la demande.


 

JUGEMENT

LA COUR ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire, ADJUGE les dépens à la demanderesse et RENVOIE l’affaire à un autre décideur pour qu’il la réexamine conformément aux motifs de la présente décision.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


ANNEXE

 

Dispositions législatives applicables

 

Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch F‑7

 

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

 

Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106

 

301. La demande est introduite par un avis de demande, établi selon la formule 301, qui contient les renseignements suivants :

 

. . .

 

e) un énoncé complet et concis des motifs invoqués, avec mention de toute disposition législative ou règle applicable;

 

301. An application shall be commenced by a notice of application in Form 301, setting out

 

. . .

 

(e) a complete and concise statement of the grounds intended to be argued, including a reference to any statutory provision or rule to be relied on; and

 

 

Loi sur les douanes, LRC 1985, ch 1 (2e suppl.)

 

109.1 (1) Est passible d’une pénalité maximale de vingt‑cinq mille dollars fixée par le ministre quiconque omet de se conformer à une disposition d’une loi ou d’un règlement, désignée par un règlement pris en vertu du paragraphe (3).

 

 

117. (1) L’agent peut, sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, restituer les marchandises saisies en vertu de la présente loi au saisi ou à son fondé de pouvoir :

 

a) ou bien sur réception :

 

(i) soit du total de la valeur en douane des marchandises et des droits éventuellement perçus sur elles, calculés au taux applicable :

 

(A) au moment de la saisie, s’il s’agit de marchandises qui n’ont pas fait l’objet de la déclaration en détail ou de la déclaration provisoire prévues au paragraphe 32(1), (2) ou (5) ou de marchandises passibles des droits ou droits supplémentaires prévus à l’alinéa 32.2(2)b) dans le cas visé au paragraphe 32.2(6),

 

(B) au moment où les marchandises ont fait l’objet de la déclaration en détail ou de la déclaration provisoire prévues au paragraphe 32(1), (2) ou (5), dans les autres cas,

 

(ii) soit du montant inférieur ordonné par le ministre;

 

b) ou bien sur réception de la garantie autorisée et jugée satisfaisante par le ministre.

 

129. (1) Les personnes ci‑après peuvent, dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la saisie ou la signification de l’avis, en s’adressant par écrit, ou par tout autre moyen que le ministre juge indiqué, à l’agent qui a saisi les biens ou les moyens de transport ou a signifié ou fait signifier l’avis, ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie ou de la signification, présenter une demande en vue de faire rendre au ministre la décision prévue à l’article 131 :

 

a) celles entre les mains de qui ont été saisis des marchandises ou des moyens de transport en vertu de la présente loi;

 

b) celles à qui appartiennent les marchandises ou les moyens de transport saisis en vertu de la présente loi;

 

c) celles de qui ont été reçus les montants ou garanties prévus à l’article 117, 118 ou 119 concernant des marchandises ou des moyens de transport saisis en vertu de la présente loi;

 

d) celles à qui a été signifié l’avis prévu aux articles 109.3 ou 124.

 

(2) Il incombe à la personne qui prétend avoir présenté la demande visée au paragraphe (1) de prouver qu’elle l’a présentée.

 

133.(2) La restitution visée à l’alinéa (1)a) peut, s’il s’agit de marchandises, s’effectuer sur réception :

 

a) soit du total de leur valeur en douane et des droits éventuellement perçus sur elles, calculés au taux applicable :

 

 

(i) au moment de la saisie, si elles n’ont pas fait l’objet de la déclaration en détail ou de la déclaration provisoire prévues au paragraphe 32(1), (2) ou (5), ou si elles sont passibles des droits ou droits supplémentaires prévus à l’alinéa 32.2(2)b) dans le cas visé au paragraphe 32.2(6),

 

(ii) au moment où elles ont fait l’objet de la déclaration en détail ou de la déclaration provisoire prévues au paragraphe 32(1), (2) ou (5), dans les autres cas;

 

b) soit du montant inférieur que le ministre ordonne.

 

153. Il est interdit :

 

a) dans une énonciation ou une réponse orale ou écrite faite dans le cadre de la présente loi ou de ses règlements, de donner des indications fausses ou trompeuses, d’y participer ou d’y consentir;

. . .

 

c) d’éluder ou de tenter d’éluder, délibérément et de quelque façon que ce soit, l’observation de la présente loi ou le paiement des droits qu’elle prévoit.

 

 

155. Nul ne peut, sans autorisation ou excuse légitime dont la preuve lui incombe, avoir en sa possession, acheter, vendre, échanger ou, d’une façon générale, acquérir ou céder des marchandises importées ayant donné lieu à une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale prohibant, contrôlant ou réglementant les importations.

 

109.1 (1) Every person who fails to comply with any provision of an Act or a regulation designated by the regulations made under subsection (3) is liable to a penalty of not more than twenty‑five thousand dollars, as the Minister may direct.

 

117. (1) An officer may, subject to this or any other Act of Parliament, return any goods that have been seized under this Act to the person from whom they were seized or to any person authorized by the person from whom they were seized on receipt of

 

(a) an amount of money of a value equal to

 

(i) the aggregate of the value for duty of the goods and the amount of duties levied thereon, if any, calculated at the rates applicable thereto

 

(A) at the time of seizure, if the goods have not been accounted for under subsection 32(1), (2) or (5) or if duties or additional duties have become due on the goods under paragraph 32.2(2)(b) in circumstances to which subsection 32.2(6) applies, or

 

 

(B) at the time the goods were accounted for under subsection 32(1), (2) or (5), in any other case, or

 

 

 

(ii) such lesser amount as the Minister may direct; or

 

(b) where the Minister so authorizes, security satisfactory to the Minister.

 

 

129. (1) The following persons may, within ninety days after the date of a seizure or the service of a notice, request a decision of the Minister under section 131 by giving notice in writing, or by any other means satisfactory to the Minister, to the officer who seized the goods or conveyance or served the notice or caused it to be served, or to an officer at the customs office closest to the place where the seizure took place or closest to the place from where the notice was served:

 

(a) any person from whom goods or a conveyance is seized under this Act;

 

 

(b) any person who owns goods or a conveyance that is seized under this Act;

 

 

(c) any person from whom money or security is received pursuant to section 117, 118 or 119 in respect of goods or a conveyance seized under this Act; or

 

 

(d) any person on whom a notice is served under section 109.3 or 124.

 

(2) The burden of proof that notice was given under subsection (1) lies on the person claiming to have given the notice.

 

 

133.(2) Goods may be returned under paragraph (1)(a) on receipt of an amount of money of a value equal to

 

(a) the aggregate of the value for duty of the goods and the amount of duties levied thereon, if any, calculated at the rates applicable thereto

 

(i) at the time of seizure, if the goods have not been accounted for under subsection 32(1), (2) or (5) or if duties or additional duties have become due on the goods under paragraph 32.2(2)(b) in circumstances to which subsection 32.2(6) applies, or

 

 

(ii) at the time the goods were accounted for under subsection 32(1), (2) or (5), in any other case; or

 

 

(b) such lesser amount as the Minister may direct.

 

153. No person shall

 

(a) make, or participate in, assent to or acquiesce in the making of, false or deceptive statements in a statement or answer made orally or in writing pursuant to this Act or the regulations;

. . .

 

 

(c) wilfully, in any manner, evade or attempt to evade compliance with any provision of this Act or evade or attempt to evade the payment of duties under this Act.

 

155. No person shall, without lawful authority or excuse, the proof of which lies on him, have in his possession, purchase, sell, exchange or otherwise acquire or dispose of any imported goods in respect of which the provisions of this or any other Act of Parliament that prohibits, controls or regulates the importation of goods have been contravened.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1037‑11

 

INTITULÉ :                                                  EUN KYUNG SHIN

 

                                                                        ‑ et ‑

 

                                                                        MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE et
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 22 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 21 septembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Christopher Harvey, c.r.

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Jan Brongers

Erica Louie

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MacKenzie Fujisawa SRL

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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