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Date : 20120920

Dossier: IMM-2324-12

Référence : 2012 CF 1097

Ottawa (Ontario), le 20 septembre 2012

En présence de madame la juge Gagné

 

ENTRE :

 

VERONICA VIRIDI

GONZALEZ HERNANDEZ

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [SPR], rendue en date du 15 février 2012, qui lui a refusé la qualité de réfugiée au sens de la Convention et celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR], au motif que le preuve soumise était non crédible.

 

[2]               La demanderesse conteste cette décision qu’elle prétend fondée sur des conclusions de faits erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve dont la SPR disposait, à savoir plus précisément un addendum, daté du 6 octobre 2011, modifiant l’exposé circonstancié contenu dans le Formulaire de renseignements personnels [FRP] déposé lors de sa demande d’asile en juillet 2009.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, la Cour arrive à la conclusion qu’il n’y a pas lieu d’intervenir et de casser la décision de la SPR.

 

Les faits

[4]               La demanderesse est une jeune citoyenne du Mexique âgée de 22 ans. Elle est arrivée au Canada le 26 mars 2009 et quelques mois plus tard, elle a demandé l’asile en raison de son appartenance au groupe social des « femmes victimes de violence » au sens de l’article 96 de la LIPR. Initialement, la demanderesse a allégué être persécutée par un individu du nom de Victor Almaraz, un policier épris d’elle qui l’aurait suivie à compter de 2007 et qui l’aurait harcelée et agressée sexuellement.

 

[5]               Le 14 juin 2011, soit deux jours avant son audience devant la SPR, la demanderesse a demandé une remise de dix à douze semaines pour lui permettre d’obtenir une évaluation psychologique et de se soumettre à des traitements psychothérapeutiques dans le but de se préparer pour son audience. Cette demande était appuyée d’une lettre de sa psychologue Dre Marta Valenzuela, datée du 13 juin 2011. Dre Valenzuela fait état de sa préoccupation par rapport à la capacité de la demanderesse à témoigner devant la SPR et mentionne que la demanderesse lui aurait révélé les détails d’abus sexuels dont elle aurait été victime dans le passé et qui sont directement reliés à sa crainte de retourner au Mexique. Le 16 juin 2011, la SPR lui a accordé une remise de douze semaines.

 

[6]               Le 6 octobre 2011, la demanderesse a déposé un addendum à l’exposé circonstancié des faits énoncés en réponse à la question 31 de son FRP, signé le 3 juillet 2009. Elle ajoute un nouveau fondement à sa demande d’asile : elle dit maintenant craindre son beau-frère, Fabian G., qui lui aurait fait des attouchements sexuels depuis 2000, alors qu’elle était âgée de 9 ans.

 

[7]               Pour une meilleure compréhension de ce qui suit, voici un résumé des faits allégués dans le premier FRP et dans l’addendum :

Les faits allégués dans le  premier FRP

[8]               La demanderesse allègue qu’avant son départ pour le Canada, elle vivait avec sa mère et sa sœur dans la ville d’Atlixco. Elle allègue que depuis le 4 juin 2007, elle a été continuellement harcelée, menacée et physiquement agressée par un dénommé Victor Almaraz. Il s’agissait d’un agent judiciaire travaillant pour la police municipale dont les bureaux se trouvaient près de l’école qu’elle fréquentait.

 

[9]               La demanderesse allègue qu’elle a tenté de dénoncer cet individu au Ministère public mais que le représentant rencontré a refusé de loger une plainte en son nom étant donné qu’elle était mineure. On lui aurait dit qu’elle devait se présenter accompagnée d’une personne majeure.

 

[10]           Le même jour, Victor Almaraz aurait suivi la demanderesse lors de sa sortie de son lieu de travail et aurait tenté de s’introduire de force dans leur résidence familiale. Craignant pour sa sécurité et celle de sa famille, la demanderesse aurait été obligée de déménager dans la ville de Puebla en août 2008, mais elle voyageait régulièrement à Atlixco pour son travail.

 

[11]           La demanderesse allègue que malgré son déménagement, Victor Almaraz était toujours à sa recherche. Le soir du 6 mars 2009, il l’aurait suivie jusqu’à sa nouvelle résidence où elle demeurait seule, il y serait entré de force et l’aurait violée. Suite à cet incident, étant persuadée qu’elle ne pouvait trouver aucune protection contre son agresseur, la demanderesse a décidé de quitter définitivement le Mexique pour le Canada.

 

Les faits allégués dans le FRP modifié

[12]           L’addendum d’octobre 2011 énonce les mêmes faits que la première version, mais la demanderesse y ajoute qu’à partir de 1999, elle résidait avec sa mère et sa sœur chez le fiancé de cette dernière, Fabian G.

 

[13]           Elle décrit longuement comment Fabian a commencé à s’approcher d’elle à partir de novembre 1999 et qu’à partir d’avril 2000, il l’aurait isolée à plusieurs occasions pour lui faire des attouchements sexuels. Selon cette seconde version des faits, le comportement abusif de Fabian et ses menaces contre la demanderesse ont continué, à l’insu de sa mère et de sa sœur, pendant de nombreuses années. 

 

[14]           La demanderesse allègue que face à cette situation, elle tentait par tous les moyens d’éviter son beau-frère mais que son état psychologique s’est graduellement détérioré. Elle raconte notamment qu’elle s’entaillait les bras pour se soulager en se punissant. Elle ajoute que sa sœur était particulièrement insensible à sa situation et qu’elle avait une relation très conflictuelle avec elle.

 

[15]           La demanderesse précise que pour des raisons financières, sa mère n’était pas prête à déménager dans leur ancienne maison. Fabian aurait fait construire un deuxième étage à la résidence de sa mère où ils auraient tous vécu ensemble à cet endroit pour une période de huit ans.

 

[16]           Elle ajoute qu’à partir de 2004, elle a commencé à consommer de l’alcool, à faire l’école buissonnière et à rentrer ivre à la maison. Tout cela aurait détérioré sa relation avec sa mère et sa sœur au point où, en août 2005, une de ses tantes l’a emmenée vivre chez elle pendant quatre mois. En décembre 2005, la demanderesse est retournée vivre chez sa sœur et a repris l’école suite à une discussion entre sa sœur et sa tante dont elle ignore le contenu.

 

[17]           En janvier 2007, alors que la sœur de la demanderesse était enceinte, la demanderesse et sa mère auraient à nouveau déménagé dans la maison qui était proche de celle de sa sœur pour éviter les disputes continuelles entre les deux sœurs. La demanderesse allègue que suite à leur déménagement, Fabian a tenté à plusieurs reprises de lui rendre visite mais la demanderesse faisait tout pour l’éviter.

 

 

 

La décision de la SPR

[18]            La SPR a conclu,  à la lumière de l’ensemble de la preuve analysée, que la demanderesse ne s’était pas acquittée de son fardeau d’établir qu’il existe une possibilité sérieuse qu’elle soit persécutée pour un des motifs prévus dans la Convention, ou que, selon la prépondérance des probabilités, elle serait exposée à un risque de torture, à une menace à sa vie ou un risque de traitements ou peines cruels ou inusités si elle retournait dans son pays. De l’avis de la SPR, la question déterminante portait sur la crédibilité du récit de la demanderesse, tel qu’exposé dans les deux versions susmentionnées et lors de son témoignage devant la SPR. La demanderesse n’a pas non plus déposé de preuve documentaire crédible qui l’aurait aidée à établir la véracité des faits allégués. La SPR n’a pas cru que la demanderesse craignait son beau-frère, sa sœur ou Victor Almaraz.

 

[19]           Les principales constatations de la SPR quant à la crédibilité de la demanderesse se résument ainsi :

-           le fait que la demanderesse n’était pas en mesure de parler des abus sexuels de son beau-frère n’explique pas les nombreuses contradictions sur les dates, sur les lieux de résidence de la demanderesse et de sa famille, sur les lieux où les divers incidents se seraient produits et sur la situation familiale décrite ;

-          le fait qu’il n’y ait aucune mention dans le premier récit des problèmes de consommation de la demanderesse ou des conflits qu’elle aurait eu avec sa mère et sa sœur ;

 

 

 

-          le fait que lorsqu’interrogée sur la période au cours de laquelle elle aurait vécu au deuxième étage de l’immeuble où demeuraient sa sœur et son beau-frère, la demanderesse a témoigné devant la SPR qu’elle y aurait vécu avec sa mère de 2004 jusqu’à son départ en 2009 ; selon la version écrite de son addendum, il s’agissait d’une période de « presque huit ans » ;

-          le fait que selon cette seconde version il s’agissait de la maison de sa mère alors que la demanderesse a témoigné qu’il s’agissait plutôt de la maison de Fabian et que la version écrite de l’amendement était erronée ;

-           le fait que selon cet amendement, la tentative de plainte qu’a faite la demanderesse auprès du Ministère public aurait eu lieu en juillet 2008, que la date n’était pas précisée dans le premier FRP et quelle a changé cette date pour juillet 2007 en début d’audience devant la SPR;

-          l’invraisemblance du fait que la demanderesse ne serait pas retournée avec sa mère pour déposer une plainte auprès des autoritées, malgré les tentatives de Victor Almaraz de s’introduire chez elles par effraction; et,

-          l’invraisemblance de l’inaction de la sœur et du beau-frère de la demanderesse face à cette situation, étant donné qu’ils vivaient alors tous sous le même toit.

 

[20]           De manière générale, la SPR a tiré une inférence négative sur la crédibilité de la demanderesse, des amendements et ajouts importants qu’elle a apportés à son FRP initial. La SPR tire également une inférence négative du fait que la demanderesse a apporté de nouvelles modifications à la deuxième version de son récit en début d’audience.

 

 

 

[21]           La SPR s’est également interrogée sur le fait que la demanderesse n’ait pas « cherché protection et réparation auprès d’organismes de protection autres que les services de police », faisant référence à la décision de cette Cour dans Fuentes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 457 au para 14, [2010] ACF 659 [Fuentes] citant Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c Maria Del Rosario Flores Carrillo, 2008 CAF 94 aux para 31-36.

 

[22]           Enfin, la SPR a jugé qu’elle ne pouvait accorder aucune valeur probante à la lettre de la mère de la demanderesse (dont ni l’original ni l’enveloppe de transmission n’ont été produites en preuve) pour corroborer le témoignage de la demanderesse sur l’existence de Victor Almaraz. Se fondant sur la décision de cette Cour dans Sosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 275 au para 19, [2009] ACF 343, la SPR s’est dit d’opinion qu’elle pouvait exiger une telle preuve.

 

[23]           Finalement, la SPR a jugé que le rapport psychologique de Dre Valenzuela, dans lequel elle conclut que la demanderesse souffre de traumatisme, de stress et d’anxiété dus à la conduite de son beau-frère qui a abusé d’elle durant des années, n’était pas suffisant pour établir les faits relatés, à la lumière des problèmes de crédibilité de la demanderesse.

 

Les moyens soulevés par la demanderesse

[24]           Dans son mémoire, la demanderesse conteste la conclusion générale de non crédibilité de son récit sur plusieurs bases.

 

[25]           Elle soumet en premier lieu que son défaut de divulguer certains faits lors de la rédaction de son premier FRP pouvait s’expliquer par le fait qu’elle était traumatisée par les évènements qu’elle avait vécus, incluant les agressions et abus sexuels dont elle a été victime durant son enfance. La demanderesse prétend que c’est avec l’aide de Dre Valenzuela qu’elle a finalement pu divulguer certains faits concernant son beau-frère, et que l’évaluation psychologique doit servir de preuve des séquelles psychologiques de la demanderesse et non pour corroborer les faits qu’elle allègue.

 

[26]           Deuxièmement, la demanderesse soumet que dans ses motifs, la SPR ne se prononce pas sur les éléments principaux de sa demande, à savoir si elle a bel et bien été victime d’abus sexuels de la part de son beau-frère et si elle avait une crainte raisonnable du policier qui avait abusé d’elle. La demanderesse soutient que la SPR a plutôt cherché à discréditer son témoignage sur des éléments secondaires de sa demande d’asile, tel que le temps vécu chez son beau-frère ou la date de son déménagement.

 

[27]           Troisièmement, la demanderesse soutient que lors de son audience, la SPR a fait preuve d’un manque de sensibilité à son égard, dans le contexte où elle alléguait avoir été victime d’abus sexuels sur une longue période et à un jeune âge. 

 

[28]           Enfin, la demanderesse soumet que, compte tenu de son âge, la réaction des autorités mexicaines à la plainte qu’elle aurait tenté de déposer contre son agresseur, équivaut à un refus total de leur part de la protéger.

 

 

[29]           Lors de l’audition devant la Cour, la procureure de la demanderesse a soutenu que la demande d’asile de sa cliente était essentiellement basée sur la crainte de son beau-frère et la réaction de sa famille, si elle devait retourner au Mexique. Il n’a aucunement été question de Victor.

 

La norme de contrôle applicable

[30]           Les conclusions en matière de vraisemblance et de crédibilité d’une demande d’asile reposent essentiellement sur l’appréciation des faits. Suivant la décision de la Cour d’appel fédérale dans Aguebor c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1993] ACF 732 (CAF), « il ressort clairement de la jurisprudence que l’analyse que fait la Commission quant à la crédibilité d’un demandeur d’asile et à la vraisemblance de son récit est intimement liée à son rôle d’arbitre des faits et qu’en conséquence, ses conclusions en la matière devraient bénéficier d’une retenue appréciable. » (Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 1052 au para 13, [2008] ACF 1329).

 

[31]           Quant aux conclusions de la SPR en matière de protection de l’État, elles sont révisables selon la norme de la raisonnabilité et cette Cour doit faire preuve d’une grande déférence (Huerta c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 586 au para 14, [2008] ACF 737).

 

L’analyse

[32]           La question 31 du FPR se lit comme suit : « Sur les 2 pages qui suivent, exposez dans l’ordre chronologique tous les événements importants et les raisons qui vous ont amené à demander l’asile au Canada. [...] Précisez les mesures que vous avez prises pour obtenir la protection d’une autorité de votre pays et les résultats obtenus. » (souligné dans l'original). La possibilité pour un demandeur d’asile de corriger son FRP à tout moment est, quant à elle,  prévue au paragraphe 6(4) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228.

 

[33]           Cependant, la jurisprudence de cette Cour qui porte sur la question de savoir si la crédibilité d’un demandeur d’asile peut raisonnablement être mise en doute du fait des écarts entre l’exposé circonstancié contenu dans son FRP initial et touts ajouts ou modifications ultérieurs, est plus nuancée.

 

[34]           La jurisprudence reconnaît que le fait d’apporter des modifications à un FRP dans le but d’y ajouter des précisions ou des renseignements complémentaires, sans changer les faits relatés, ne mine pas la présomption qu’à défaut de preuve contraire, les faits allégués par un demandeur d’asile sont véridiques. De ce fait, toute omission dans une version antérieure des faits doit être examinée dans son contexte et être évaluée à la lumière de l’ensemble de la preuve (Puentes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1335 aux para 17-20, [2007] ACF 1729). Lorsque les modifications apportées au FRP sont minimes et que le demandeur a donné une explication plausible sur les corrections apportées, ou encore lorsque les renseignements ajoutés au FRP initial ont déjà été présentés au tribunal par d’autres moyens (tel que les notes prises au point d’entrée), la crédibilité du récit du demandeur ne peut être attaquée sur cette base (Ameir c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 876 aux para 21-25, [2005] ACF 1094).

 

 

[35]           Toutefois, l’impact est différent lorsque les omissions portent sur des faits qui concernent directement le fondement même d’une demande d’asile. Dans Aragon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 144 au para 21, [2008] ACF 173, le juge Frenette a décidé que :

Le fait que le demandeur n’ait pas révélé dans son FRP initial qu’il avait signalé [TRADUCTION] « immédiatement » à la police le fait qu’on l’avait menacé à la pointe d’une arme à feu était une omission importante qui justifiait la conclusion défavorable de la Commission quant à la crédibilité. Le même raisonnement s’applique à l’omission initiale du demandeur de relater les appels téléphoniques qu’il avait censément reçus en juillet 2005 du propriétaire du véhicule. Ces deux omissions concernent des aspects importants de la demande d’asile du demandeur et il aurait fallu les inclure dans le FRP initial. Elles n’ont pas trait à de menus détails de la demande que le demandeur clarifiait simplement au moyen d’une modification. Ces omissions concernent directement la demande du demandeur.

 

[36]           De même, dans Zeferino c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 456 aux para 31-32, [2011] ACF 644, le juge Boivin écrit :

Cette Cour a confirmé à plusieurs reprises que tous les faits importants d’une revendication devaient apparaître dans un FRP et que l’omission de les mentionner pouvaient affecter la crédibilité d’une portion ou de la totalité d’un témoignage. En outre, la SPR est en droit d’examiner la teneur du FRP avant et après sa modification, et peut tirer des conclusions défavorables sur la crédibilité si des questions qu’elle considère comme importantes ont été ajoutées au FRP lors d’un amendement tardif (Taheri c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 FCT 886, [2001] A.C.F. no 1252, aux para 4 et 6; Grinevich c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1997), 70 A.C.W.S. (3d) 1059, [1997] A.C.F. no 444).

 

 

 

 

Il est loisible au Tribunal de jauger la crédibilité de la demanderesse principale et de tirer des inférences défavorables au sujet des disparités entre sa déclaration telle que mentionnée au FRP initial, celle contenue dans les notes d’entrevue, la déclaration au narratif modifié du FRP, et dans le témoignage viva voce, pour lesquelles la demanderesse principale n’a pas fourni d’explications satisfaisantes, vraisemblables ou crédibles dans les circonstances (He c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1994), 49 A.C.W.S. (3d) 562, [1994] A.C.F. no 1107). En l’espèce, et la Cour est d’accord avec la procureure du défendeur, la preuve démontre que l’histoire et le récit des demandeurs a changé au cours des deux dernières années.

 

[37]           Dans le cas sous étude, la demanderesse soumet que la décision de la SPR est déraisonnable puisqu’elle n’aurait pas tenu compte du fait que les omissions dans le premier récit de la demanderesse étaient dues à son état psychologique et à ses appréhensions. Je trouve cet argument non fondé en l’espèce, bien qu’il aurait pu l’être dans un autre contexte. Au paragraphe 11 de ses motifs écrits, la SPR mentionne clairement que :

« [M]ême si la demanderesse ne voulait pas parler du fait que son beau-frère avait fait des attouchements sexuels sur elle depuis 2000, il n’y a aucune raison pour que le premier récit soit incohérent sur les dates, les lieux des incidents et sur la situation familiale qu’elle a décrite. »

 

[38]           À la lecture de la suite des motifs, force est de constater que la SPR ne s’est pas fondée uniquement sur l’absence totale d’allégation concernant le beau-frère de la demanderesse, mais sur d’autres omissions et contradictions importantes sans lien avec ce dernier. Contrairement à ce que prétend la demanderesse, il ne s’agissait pas de faits secondaires mais d’évènements marquants dans sa vie, tels que sa relation conflictuelle avec sa sœur ou la date et le lieu de son déménagement avec sa mère. Eu égard à l’ensemble de la preuve au dossier et aux motifs de la SPR, la conclusion  selon laquelle la demanderesse n’était pas crédible demeure raisonnable, et ce même si la SPR n’a pas accordé de valeur probante au rapport psychologique déposé par la demanderesse. Cela relevait entièrement de sa discrétion.

 

[39]           Je rejette également l’argument de la demanderesse à l’effet que la SPR aurait fait preuve de manque de sensibilité à son égard. Rien ne m’indique, à la lecture de la transcription de l’audience, que la demanderesse aurait éprouvé de la difficulté à répondre aux questions du membre de la SPR, au point de considérer que celle-ci aurait été insensible aux allégations de la demanderesse ou qu’elle n’aurait pas tenu compte des principes directeurs énoncés aux Directives no 4 concernant les revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe, de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Quoi qu’il en soit, la demanderesse n’a soulevé aucun fait précis à l’appui de cette prétention, autre que la SPR n’aurait  pas accepté son argument à l’effet que ses omissions étaient dues à ses problèmes psychologiques. L’analyse de la SPR à ce sujet est, tel qu’indiqué au paragraphe précédent, motivée et raisonnable.

 

[40]           Le fait qu’une demanderesse d’asile n’ait pas été jugée crédible ne prouve pas, en soi, que la SPR a été insensible à sa situation (Vargas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1347 au para 15, [2008] ACF 1706; SI c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1662 aux para 3-4, [2004] ACF 2015).

 

[41]           La SPR a clairement énoncé ses conclusions quant à l’existence d’une crainte subjective chez la demanderesse : « [...] la demanderesse n’a pas établi de façon crédible craindre son beau-frère et sa sœur. Quant à sa crainte alléguée de Victor Almaraz, la demanderesse ne l’a pas établie de façon crédible. » (paragraphes 17-18 des motifs de la SPR). La demanderesse ne m’a pas convaincue que les conclusions de la SPR sur l’invraisemblance de sa passiveté et surtout celle des membres de sa famille face aux agissements de Victor Almaraz sur une longue période de temps, seraient déraisonnables. De telles conclusions appartiennent clairement, dans les circonstances,  « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47, [2008] 1 RCS 190).

 

[42]           Enfin, compte tenu de ce qui précède, la conclusion de la SPR à l’effet que la demanderesse n’a pas réfuté la présomption d’existence de la protection de l’État, dont la portée a été précisée dans Fuentes (précitée), n’était pas déraisonnable. Cette Cour ne peut intervenir pour substituer sa propre appréciation des faits à celle de la SPR en concluant, comme le souhaite la demanderesse, que ses capacités et ses connaissances ne lui permettaient pas de chercher davantage la protection de son État.

 

[43]           Je rappelle à ce sujet que lors de l’audience devant cette Cour, la procureure de la demanderesse a soutenu que la demande d’asile de sa cliente était essentiellement fondée sur sa crainte de son beau-frère et de sa sœur et non sur sa crainte de Victor. Or, la demanderesse n’a jamais dénoncé son beau-frère, ni recherché la protection de l’État contre lui, ce qu’elle devait faire avant de demander la protection internationale.

 

[44]           Pour tous ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

 

« Jocelyne Gagné »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2324-12

 

INTITULÉ :                                      VERONICA VIRIDI GONZALEZ HERNANDEZ

                                                            c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 27 août 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LA JUGE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 20 septembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS:

 

Me Odette Desjardins

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Salima Djerroud

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

Me Odette Desjardins

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Complexe Guy Favreau

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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