Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 


Date : 20120920

Dossier : IMM-1554-12

Référence : 2012 CF 1102

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 septembre 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

EDWIN ANTONIO URQUILLA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue en date du 26 janvier 2012, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a conclu qu’il n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

Les faits  

 

[2]               Le demandeur, Edwin Antonio Urquilla, est un citoyen du Salvador. Il a joint les rangs de la Police civile nationale en 1991 et a travaillé comme agent des douanes au sein de la Division financière. Un jour de mars 2001, lui et un autre agent ont reçu un appel au sujet d’une tentative de vol en cours à proximité de l’endroit où ils se trouvaient. Ils se sont rendus sur les lieux et sont intervenus. Ils ont appelé la police nationale pour plus de sécurité, mais ce sont deux policiers de la Division financière qui sont arrivés. Le demandeur et son collègue ont vu les deux policiers ne pas appliquer le protocole concernant les arrestations, agressé l’auteur de la tentative de vol puis le laisser partir.

 

[3]               Le demandeur a été muté à la Division financière centrale à San Salvador trois mois plus tard. Deux agents de l’Unité des enquêtes criminelles qui enquêtaient sur l’incident auquel il avait assisté ont pris contact avec lui. Le demandeur leur a dit que les deux policiers avaient agressé le suspect et a fourni une déclaration. Les deux policiers ont été arrêtés.

 

[4]               Le demandeur affirme que lui et son collègue ont reçu des menaces qui devaient être mises à exécution s’ils ne retiraient pas la déclaration visant les deux policiers. Ces derniers ont dit qu’ils connaissaient des personnes puissantes dans la police et dans la mafia et que le demandeur et sa famille seraient assassinés. Le demandeur a allégué plusieurs incidents au cours desquels des policiers l’auraient abordé et menacé.

 

[5]               Le demandeur s’est enfui du Salvador pour aller aux États‑Unis en mai 2002. En 2006, il a parlé à son frère Frank, qui lui a dit que cinq policiers le cherchaient et qu’il avait lui‑même reçu des menaces et été battu violemment. En mars 2010, le demandeur a commencé à recevoir des appels téléphoniques suspects chez lui aux États‑Unis. Il a communiqué avec sa tante au Canada; celle‑ci a cherché un moyen qui lui permettrait de venir au Canada. Le demandeur est arrivé le 7 juin 2010 et a demandé l’asile à la frontière.

 

La décision faisant l’objet du contrôle

 

[6]               Dans les motifs de sa décision, datés du 24 janvier 2012, la Commission a indiqué que la question déterminante était la crédibilité, y compris la crainte subjective. Elle a conclu que le témoignage du demandeur n’était pas crédible et elle n’a pas cru que les faits étaient survenus de la façon qu’il avait décrite.

 

[7]               La Commission a relevé plusieurs incohérences et invraisemblances, dont les suivantes :

a.       le demandeur et son collègue n’auraient pas pris en note le nom des victimes et de l’auteur de la tentative de vol lorsqu’ils sont intervenus, ce qui est incroyable étant donné que le demandeur est un policier et qu’il connaît le protocole concernant les arrestations;

b.      le demandeur et son collègue ont regardé les deux agents agresser le suspect, mais ils n’ont pas essayé de les arrêter ni signalé l’incident à leur supérieur, ce qui est invraisemblable; en outre, aucune explication cohérente n’a été donnée à cet égard;

c.       le témoignage du demandeur était incohérent au sujet de la période de temps qui s’était écoulée entre l’incident et sa mutation et du nombre de fois qu’il avait signalé les menaces proférées contre lui au procureur;

d.      le demandeur prétendait ne pas avoir de copie de sa déclaration ou de ses avis de comparution;

e.       le demandeur prétendait ne pas savoir si les deux policiers étaient toujours en prison et ne pas connaître l’issue de leur affaire ni les coordonnées de son collègue, ce qui n’était pas crédible selon la Commission;

f.       le demandeur a dit dans son témoignage qu’il ne savait pas en quelle année sa mère avait déménagé, ce qui a amené l’agent à tirer une conclusion défavorable étant donné que la mère du demandeur aurait déménagé à cause des menaces de la police;

g.      l’agent ne croyait pas que la police se serait soudainement lancée à la recherche du demandeur et battu son frère Frank en 2006, et il a tiré une conclusion défavorable du fait qu’aucune disposition n’avait été prise pour que ce dernier témoigne par téléconférence;  

h.      la Commission a pris note de la prétention du demandeur selon laquelle son frère Juan Carlos aurait été tué en 2010 en signe de représailles, mais elle ne disposait d’aucune preuve établissant un lien entre ce décès et la situation du demandeur (le meurtre semblait être survenu alors qu’il travaillait comme chauffeur d’autobus et la preuve documentaire semblait indiquer qu’il avait été commis par un gang);

i.        le demandeur n’a pas demandé l’asile pendant les années qu’il a passées aux États‑Unis.

 

[8]               La demande d’asile du demandeur a donc été rejetée.

 

La norme de contrôle et la question en litige 

 

[9]               La présente demande soulève la question de savoir si la Commission a raisonnablement conclu que le demandeur n’était pas crédible : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.

 

Analyse 

 

[10]           Le demandeur fait valoir que le témoignage sous serment d’un demandeur d’asile est présumé être vrai à moins qu’il n’y ait des raisons de douter de sa véracité : Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302 (CA). La Cour souscrit pleinement à cette proposition sur le plan du droit, mais estime que la Commission a donné de nombreuses raisons expliquant pourquoi elle avait des doutes au sujet de la véracité du témoignage du demandeur en l’espèce et que le demandeur n’a pas réussi à réfuter ces doutes.

 

[11]           Le demandeur prétend que la Commission n’a pas tenu compte des explications raisonnables qu’il a données relativement aux présumées incohérences. La Commission pouvait apprécier ces explications et rendre une décision à leur égard, ce qu’elle a fait. Le fait qu’elle n’a pas pris en considération chacune des explications ou chacun des aspects du témoignage ne rend pas la décision déraisonnable. Je souligne en outre qu’aucun argument convaincant n’est avancé au regard de la conclusion selon laquelle le délai de huit ans qui s’est écoulé avant que le demandeur présente une demande d’asile alors qu’il résidait aux États‑Unis n’a pas été expliqué de manière crédible, ce qui porte un coup fatal à la demande. 

 

[12]           Le demandeur prétend également que la Commission a commis une erreur en préférant sans raison valable la preuve documentaire à son témoignage. Or, encore une fois, il ne fait pas référence à une conclusion spécifique en ce sens et n’explique pas pourquoi cette conclusion était déraisonnable.

 

[13]           En somme, je conviens avec le défendeur que la Commission a relevé plusieurs incohérences et invraisemblances et qu’elle a raisonnablement conclu que le demandeur n’était pas crédible. Il n’y a donc pas lieu pour la Cour d’intervenir.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1554-12

 

INTITULÉ :                                      EDWIN ANTONIO URQUILLA c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 21 août 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 20 septembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bashir Khan

 

                                 POUR LE DEMANDEUR

 

Christine Singh

                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bashir Khan
Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

                                 POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.