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Date : 20120919

Dossier : IMM‑6028‑11

Référence : 2012 CF 1094

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2012

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

 

XIAO LING DU

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi) en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision, en date du 11 août 2011, par laquelle la Section d’appel de l’immigration (la Commission) a rejeté l’appel interjeté par la demanderesse de la décision la déboutant de sa demande de parrainage de sa fille.

 

[2]               La Commission a fondé cette décision sur sa conclusion que, comme elle n’avait pas fait l’objet d’un contrôle à l’époque où sa mère a fait sa demande de résidence permanente, la fille de la demanderesse n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial aux termes de l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement).

 

[3]               La demanderesse souhaite faire annuler la décision de la Commission et obtenir un jugement déclarant que sa fille appartient à la catégorie du regroupement familial. À titre subsidiaire, la demanderesse sollicite l’annulation de la décision de la Commission et le renvoi de l’affaire à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

Contexte

 

[4]               La demanderesse, Xiao Ling Du, est une citoyenne de la Chine. En 1991, elle a épousé Jie Zhang. Le 25 janvier 1995, une fille, Xiao Wen Zhang, est née de cette union. Après la naissance de leur fille, la demanderesse est tombée malade et son mari et elle ont commencé à éprouver des difficultés financières. Ils ont par conséquent décidé d’envoyer leur fille chez ses grands‑parents paternels.

 

[5]               En 2004, le couple s’est séparé. La fille de la demanderesse a continué à vivre avec ses grands‑parents paternels. Les époux ont divorcé en janvier 2005. Ils ont convenu que leur fille continuerait à vivre chez ses grands‑parents paternels et que l’ex‑mari de la demanderesse en aurait la garde.

 

[6]               La demanderesse s’est remariée en mai 2005. En 2001, avant leur mariage, Tie Jun Zhang (le second mari de la demanderesse) avait demandé le statut de résident permanent au Canada dans la catégorie des travailleurs qualifiés. Après leur mariage, Tie Jun Zhang a déposé une demande de parrainage de la demanderesse à titre de conjoint. Dans le cadre du traitement de cette demande, le bureau des visas a fait parvenir à la demanderesse un formulaire de déclaration concernant une personne à charge n’accompagnant pas le demandeur et n’ayant pas fait l’objet d’un contrôle (la Déclaration). La demanderesse a signé et retourné la Déclaration. La demanderesse a signé le document sur la ligne du témoin et son mari, sur la ligne réservée au demandeur principal.

 

[7]               Le 16 novembre 2006, la demanderesse est devenue une résidente permanente du Canada.

 

[8]               En 2008, le premier mari de la demanderesse s’est remarié. En juillet 2008, la demanderesse a obtenu la garde légale de sa fille. En 2008 et 2009, la demanderesse a commencé à se soucier de plus en plus de sa fille. Elle a par conséquent décidé de présenter une demande en vue de la parrainer pour qu’elle soit admise au Canada.

 

[9]               En mars 2010, la demanderesse a déposé une demande de parrainage dans la catégorie du regroupement familial pour sa fille. Le 15 juin 2010, cette demande a été rejetée en vertu de l’alinéa 117(9)d) du Règlement au motif que la fille de la demanderesse n’avait pas fait l’objet d’un contrôle lors de l’examen de la demande de résidence permanente de la demanderesse.

 

[10]           Le 2 décembre 2010, la demanderesse a soumis une seconde demande de parrainage dans la catégorie du regroupement familial dans laquelle elle invoquait des raisons d’ordre humanitaire en vertu de l’article 25 de la Loi. Cette demande a été rejetée le 8 mars 2011. Une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision a été déposée.

 

[11]           Le 15 avril 2011, la demanderesse a interjeté appel devant la Commission de la décision du 15 juin 2010. La Commission a invité les parties à lui présenter des observations quant à la question de savoir si l’appel devait être rejeté parce que la fille de la demanderesse n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial aux termes de l’alinéa 117(9)d) du Règlement. La Commission a rendu sa décision en cabinet en se fondant sur les observations écrites déposées par les parties.

 

[12]           Le 29 juin 2011, la demanderesse est devenue une citoyenne canadienne.

 

Décision de la Commission

 

[13]           Le 11 août 2011, la Commission a rejeté l’appel de la demanderesse.

 

[14]           La Commission a d’abord résumé les faits en rappelant notamment que l’agent des visas avait fait parvenir la Déclaration à la demanderesse dans le cadre du traitement de sa demande de résidence permanente. La Commission a fait observer que les agents des visas utilisent souvent ce formulaire pour obtenir de la personne qui demande la résidence permanente qu’elle reconnaisse qu’elle est au courant des conséquences de l’alinéa 117(9)d) du Règlement. La Commission a noté que la demanderesse avait signé la Déclaration sur la ligne du témoin tandis que son mari l’avait signée sur la ligne réservée au demandeur principal (où la demanderesse aurait en fait dû signer le document).

 

[15]           La Commission a relevé que les arguments présentés par la demanderesse au sujet de la Déclaration comportaient trois volets : la demanderesse affirmait ne pas avoir compris le document qu’elle signait; l’agent des visas avait l’obligation de la conseiller au sujet des conséquences de la décision de ne pas soumettre sa fille à un contrôle; la Déclaration qui a été signée était entachée de nullité parce que la demanderesse l’avait signée à titre de témoin et non en qualité de demanderesse principale.

 

[16]           Premièrement, la Commission a fait observer qu’à lui seul, le fait que la demanderesse avait apposé sa signature au mauvais endroit ne confirmait pas qu’elle n’avait pas compris la teneur du document, ajoutant que cette irrégularité n’avait aucune incidence sur le fait qu’elle informait, par ce document, l’agent des visas qu’elle ne désirait pas que sa fille fasse l’objet d’un contrôle et qu’elle comprenait les conséquences de cette décision. La Commission a fait observer que les agents des visas devaient pouvoir se fier aux documents qui leur sont présentés lorsqu’ils rendent leur décision et que le fait de permettre aux demandeurs de se rétracter en ce qui concerne le contenu de ces documents nuirait à l’application de la Loi.

 

[17]           Deuxièmement, la Commission a indiqué que l’agent des visas n’avait pas informé la demanderesse dans la mesure requise implicitement dans le Guide du traitement des demandes à l’étranger (le Guide OP). Néanmoins, même si l’agent des visas ne s’était pas pleinement conformé aux directives prévues par le Guide OP, un refus pouvait être valide en droit. La Commission a fait observer que, sans aller jusqu’à devoir être considéré comme un document à caractère obligatoire, le Guide OP devait être considéré comme des « pratiques exemplaires » dont devaient s’inspirer les agents des visas. Selon la Commission, il revenait à la demanderesse de s’assurer qu’elle comprenait le contenu des documents qu’elle s’apprêtait à signer, ajoutant qu’elle ne pouvait se soustraire aux conséquences de sa signature en prétendant qu’elle n’avait pas compris ce qu’elle avait signé.

 

[18]           La Commission a également fait observer que, même si la demanderesse affirmait ne pas avoir reçu d’avis juridique, la Déclaration avait été transmise au conseiller de son mari, qui l’avait ensuite retransmise à la demanderesse et lui avait demandé de signer un formulaire au sujet de sa fille. La Commission a estimé que l’agent des visas ne pouvait être tenu responsable de la qualité des renseignements qui avaient été donnés à la demanderesse. De plus, il n’y a pas de manquement à la justice naturelle lorsque le bureau des visas achemine le document à l’adresse indiquée par le demandeur. La Commission a fait observer qu’il ne serait pas approprié de la part d’un agent des visas d’intervenir à l’égard d’une décision d’un demandeur quant à la forme de représentation choisie par ce dernier pour communiquer avec le bureau des visas.

 

[19]           Troisièmement, la Commission a fait observer que l’obligation imposée à la demanderesse de soumettre sa fille à un contrôle était prévue par le Règlement et que la Déclaration servait uniquement à prouver que la demanderesse avait reconnu qu’elle était au courant des dispositions de l’alinéa 117(9)d). La Commission a souligné que, dans sa déclaration solennelle, la demanderesse avait déclaré qu’elle croyait que le formulaire qu’elle avait signé visait à reconnaître que sa fille ne viendrait pas au Canada pour le moment. Elle n’avait pas cru comprendre qu’elle ne pourrait jamais la parrainer. La Commission a conclu que cette affirmation confirmait l’intention de la demanderesse de signer la Déclaration à titre de demanderesse principale et non de témoin.

 

[20]           La Commission a également cité la décision Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2009] DSAI no 1933, invoquée par la demanderesse, pour expliquer que cette affaire était différente de la présente espèce. Dans l’affaire Chen, précitée, le document portait les signatures du demandeur et du témoin à la fois en alphabet romain et en caractères chinois. En revanche, en l’espèce, les seules signatures étaient en caractères chinois et il n’était donc pas d’emblée manifeste que le document n’avait pas été correctement signé.

 

[21]           La Commission a souligné qu’il incombait à la demanderesse de veiller à remplir correctement les formulaires, ajoutant qu’elle ne devait pas tirer profit de formulaires mal remplis dont se servait le bureau des visas en toute bonne foi pour ensuite réfuter le contenu des formulaires après avoir obtenu le statut de résidente permanente.

 

[22]           La Commission a également fait remarquer que la demanderesse a soutenu, dans ses observations, que les circonstances entourant la signature de la Déclaration indiquent qu’en fait, elle n’avait pas réellement eu de choix à faire. C’était l’agent des visas qui avait décidé de ne pas soumettre la fille de la demanderesse à un contrôle. Le paragraphe 117(10) du Règlement s’appliquait donc. La Commission a toutefois estimé que la preuve dont elle disposait ne démontrait pas le bien‑fondé de cet argument. La Commission a plutôt estimé que, si l’agent des visas avait cru que la demanderesse désirait parrainer sa fille ultérieurement, il aurait probablement exigé que cette dernière fasse l’objet d’un contrôle.

 

[23]           Enfin, la Commission a cité la jurisprudence qui a été élaborée au sujet de l’interprétation de l’alinéa 117(9)d) du Règlement. Elle a fait observer que, suivant la jurisprudence, la non‑divulgation, qu’elle ait été intentionnelle ou non, suffisait à empêcher un demandeur de parrainer son enfant. Dans le cas qui nous occupe, la fille de la demanderesse n’avait pas fait l’objet d’un contrôle au moment de la demande d’immigration au Canada. Même si la demanderesse pouvait ne pas avoir compris les conséquences de ne pas avoir soumis sa fille à un contrôle, malgré les efforts déployés par le bureau des visas pour veiller à ce que ce ne soit pas le cas, ce manque de compréhension ne la soustrayait pas à l’application de l’alinéa 117(9)d) du Règlement.

 

[24]           En conclusion, la Commission a estimé que la fille de la demanderesse n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial et a, par conséquent, rejeté l’appel. La Commission a toutefois indiqué que les faits allégués en l’espèce donneraient ouverture à une demande présentée au ministre en vertu de l’article 25 de la Loi sur le fondement de raisons d’ordre humanitaire.

 

Questions en litige

 

[25]           La demanderesse soulève les points litigieux suivants :

            1.         La décision de la Commission était‑elle raisonnable?

            2.         La Commission a‑t‑elle interprété correctement le paragraphe 117(10) du Règlement?

 

[26]           Je reformulerais comme suit les questions en litige :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que la fille de la demanderesse n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial aux termes de l’alinéa 117(9)d) du Règlement?

            3.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le paragraphe 117(10) du Règlement ne s’appliquait pas en l’espèce?

 

Observations écrites de la demanderesse

 

[27]           La demanderesse affirme que, dans les observations écrites qu’elle a présentées à la Commission, elle soutenait que la Déclaration qu’elle avait déposée auprès de l’agent des visas était entachée de nullité parce que son mari l’avait signée en tant que demandeur principal. Comme il n’était que le beau‑père de sa fille, il n’avait pas le pouvoir de renoncer aux droits de la demanderesse de parrainer sa fille à l’avenir. À l’appui de cet argument, la demanderesse a cité la décision Chen, précitée.

 

[28]           La demanderesse fait valoir que la Commission a eu tort d’estimer que l’affaire Chen était différente au motif qu’il n’était pas d’emblée manifeste en l’espèce que la Déclaration n’avait pas été correctement signée. La demanderesse relève que l’alinéa 10(1)b) du Règlement prévoit que la demande prévue au Règlement doit être « signée par le demandeur ». Il est donc essentiel que la bonne personne signe les formulaires pertinents en tant que demandeur.

 

[29]           De plus, la Commission disposait d’éléments de preuve démontrant clairement que la demanderesse et son mari avaient apposé des signatures différentes sur les documents soumis à l’agent des visas qui avait traité leur demande d’immigration. Il aurait également été facile de constater que leur signature était celle différente de celle qui figurait dans les passeports qu’ils avaient soumis à l’appui de leur demande de visa.

 

[30]           Par conséquent, la Commission disposait d’amplement d’éléments de preuve tendant à démontrer que l’agent des visas qui avait examiné la demande de résidence permanente de la demanderesse en 2005 aurait dû reconnaître que la Déclaration n’avait as été signée correctement, ce qui avait causé certains malentendus et aurait dû alerter l’agent du fait que la Déclaration n’était pas conforme. La demanderesse affirme que le raisonnement que la Commission a suivi sur ce point est boiteux et que la Commission a ignoré des éléments de preuve pertinents qui contredisaient ses propres conclusions. La Commission a également commis une erreur en n’interprétant pas de façon restrictive la Déclaration.

 

[31]           Selon la demanderesse, la Commission a mal analysé la question de savoir si la Déclaration était entachée de nullité. La demanderesse signale qu’en vertu de l’alinéa 67(1)b) de la Loi, la Commission a le pouvoir de faire droit à un appel si elle estime « qu’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle ». Pour établir s’il y a eu un tel manquement, la Commission ne pouvait tenir compte que des éléments de preuve qui avaient été soumis à l’agent des visas en 2005. Or, la Commission s’est fondée de façon irrégulière sur la déclaration solennelle de la demanderesse faite en 2010.

 

[32]           La demanderesse soutient en outre que la Commission n’a pas abordé son argument suivant lequel on ne lui avait pas donné le choix de se prononcer sur l’opportunité de faire examiner sa fille par un médecin et que la Commission a également ignoré des éléments de preuve pertinents sur cette question. Dans les observations qu’elle a soumises à la Commission, la demanderesse a déclaré qu’elle n’avait pas choisi de renoncer à son droit de parrainer sa fille. Elle n’avait pas non plus choisi de ne pas soumettre sa fille à un contrôle. La Commission a commis une erreur en ne répondant pas à ces éléments et en se limitant plutôt à l’obligation qu’avait l’agent des visas d’informer la demanderesse des conséquences de l’omission de soumettre sa fille à un contrôle.

 

[33]           La demanderesse souligne que les observations qu’elle a présentées à la Commission ne se limitaient pas au défaut de l’agent des visas de suivre les lignes directrices énoncées dans le Guide OP, mais qu’elles se rapportaient également au fait que l’agent des visas ne lui avait fourni aucune instruction au sujet de la Déclaration. L’agent des visas ne lui a pas fourni d’explications au sujet de l’examen médical de sa fille. Ces faits permettent de conclure à un manquement à un principe de justice naturelle, question que la Commission n’a pas abordée.

 

[34]           La demanderesse fait valoir que, pour exercer sa compétence, la Commission n’aurait pas dû ignorer ou écarter les circonstances particulières de l’affaire dont elle était saisie. En l’espèce, la Commission a refusé d’exercer sa compétence en mettant le règlement au‑dessus de tout le reste et en refusant essentiellement d’examiner la question de savoir s’il y avait eu un manquement à l’équité procédurale.

 

[35]           La demanderesse affirme également que la Commission a commis une erreur dans son interprétation du paragraphe 117(10) du Règlement. La Commission n’a pas tenu compte du fait que l’agent des visas lui avait fourni la Déclaration et s’est fondé sur ce document pour décider qu’il n’était pas nécessaire de soumettre sa fille à un contrôle. La demanderesse rappelle que la Déclaration était entachée d’irrégularités et que la Commission n’a pas tenu compte de ce facteur.

 

[36]           En résumé, la demanderesse soutient que la décision de la Commission est viciée. Il ressort, selon elle, des circonstances de l’espèce qu’il y a eu manquement à la justice naturelle lors du traitement de sa demande d’immigration en 2005 et qu’en raison de ce manquement, sa fille n’a pas fait l’objet d’un contrôle. Par conséquent, elle n’a pas été en mesure de parrainer sa fille. La demanderesse affirme que la décision de la Commission n’est pas justifiée vu l’ensemble de la preuve, et qu’elle est par conséquent déraisonnable.

 

Observations écrites du défendeur

 

[37]           Le défendeur affirme que l’examen des faits auquel la Commission procède et l’application de l’alinéa 117(9)d) du Règlement à ces faits se traduit par une conclusion mixte de fait et de droit qui est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable. La question à trancher en ce qui concerne les questions de justice naturelle et d’équité procédurale est celle de savoir si la procédure contestée était équitable.

 

[38]           Le défendeur soutient que la décision était raisonnable. Il fait remarquer que l’alinéa 117(9)d) du Règlement a pour objet de faire en sorte que les ressortissants étrangers qui cherchent à obtenir la résidence permanente n’omettent pas de mentionner les personnes à charge qui ne les accompagnent pas dans leur demande, se soustrayant ainsi à l’obligation d’assujettir ceux‑ci à un contrôle au moment de leur demande pour profiter plus tard du traitement préférentiel et de l’admission accordés aux membres du regroupement familial.

 

[39]           Par la Déclaration, les demandeurs reconnaissent les conséquences de l’alinéa 117(9)d) du Règlement. Le défendeur indique qu’il est de jurisprudence constante, à la Section d’appel de l’immigration, que la signature de la Déclaration constitue une preuve prima facie que le demandeur a choisi de ne pas soumettre son enfant à charge à un contrôle, renonçant ainsi à tout parrainage futur, et ce, même si le demandeur a peut‑être été mal conseillé. Aux dires du défendeur, on ne peut faire abstraction de l’intention du législateur même si l’intéressé n’a pas reçu de bons conseils.

 

[40]           Le défendeur souligne que les demandeurs sont présumés être au courant de la teneur et des exigences du Règlement. Il est donc sans intérêt que la demanderesse affirme qu’elle ignorait les conséquences de ses gestes ou qu’elle ne voulait pas que ses gestes entraînent de telles conséquences.

 

[41]           Le défendeur fait valoir que l’obligation de la demanderesse de soumettre sa fille à un contrôle est prévue par le Règlement. Comme la Déclaration sert simplement de preuve confirmant que le demandeur est conscient de l’existence de l’alinéa 117(9)d) du Règlement, le fait que les signatures soient erronées ne tire pas à conséquence. De plus, les agents des visas ne sont nullement tenus de s’assurer que les signatures sont correctes et il revient au demandeur de s’assurer qu’il comprend la teneur de tout document qu’il signe.

 

[42]           Le défendeur affirme en outre que la Commission a conclu de façon raisonnable que la déclaration solennelle faite par la demanderesse en 2010 confirmait que cette dernière avait l’intention de signer, en tant que demanderesse principale, la Déclaration dans laquelle elle reconnaît les conséquences de son omission, et non en tant que témoin. Le défendeur affirme qu’il est bien établi par la jurisprudence qu’il est possible d’invoquer des éléments de preuve qui n’existaient pas nécessairement au moment de la décision lorsque la justice naturelle est en cause. Comme l’audience de la Commission est une audience de novo, la Commission peut implicitement recueillir des éléments de preuve dont ne disposait pas le premier décideur, et elle peut se fonder sur ceux‑ci pour rendre sa décision si elle estime qu’ils sont crédibles et dignes de foi.

 

[43]           Qui plus est, contrairement à ce que prétend la demanderesse, la Commission s’est expressément penchée sur son argument suivant lequel on ne lui avait pas offert le choix de signer ou non la Déclaration. Le défendeur affirme que cet argument a été implicitement abordé par la Commission lorsqu’elle a analysé l’obligation de l’agent des visas d’informer la demanderesse des conséquences d’une décision de ne pas soumettre sa fille à un contrôle.

 

[44]           Enfin, le défendeur soutient que la Commission a eu raison d’établir une distinction entre la présente espèce et l’affaire Chen, précitée, au motif que les signatures étaient, dans cette dernière affaire, en caractères romains et en caractères chinois, alors que, dans la présente affaire, la Déclaration n’avait été signée qu’en caractères chinois. Il n’était donc pas d’emblée manifeste pour l’agent des visas que, contrairement à l’affaire Chen, précitée, les intéressés n’avaient pas signé au bon endroit.

 

[45]           Le défendeur fait également valoir que l’analyse que la Commission a faite du paragraphe 117(10) était correcte. Il n’y avait rien au dossier qui permettait de penser que l’agent des visas avait estimé que la fille de la demanderesse ne pouvait pas faire l’objet d’un contrôle comme l’exige le paragraphe 117(10) du Règlement. En l’espèce, c’est plutôt la signature de la Déclaration qui est à l’origine de la décision de ne pas soumettre l’enfant à un contrôle. Le défendeur affirme par conséquent que la Commission n’a pas commis d’erreur susceptible de révision et que la présente demande devrait être rejetée.

 

Analyse et décision

 

[46]           Première question

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Si la jurisprudence établit déjà la norme de contrôle applicable à une question donnée soumise à la Cour, la cour de révision peut adopter cette norme (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 57).

 

[47]           La question de savoir si un demandeur est exclu de la catégorie du regroupement familial aux termes de l’alinéa 117(9)d) du Règlement est une question mixte de fait et de droit qui commande l’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable (Moudoodi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 761, [2010] ACF no 932, au paragraphe 10).

 

[48]           Lorsqu’elle procède au contrôle de la décision de la Commission en appliquant la norme de la décision raisonnable, la Cour ne doit intervenir que si la Commission est arrivée à une conclusion qui n’est pas transparente, justifiable et intelligible et n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, vu l’ensemble de la preuve dont elle disposait (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59). Les cours de révision ne peuvent substituer la solution qu’elles jugent elles‑mêmes appropriée à celle qui a été retenue et il ne rentre pas dans leurs attributions de soupeser à nouveau les éléments de preuve (arrêt Khosa, précité, aux paragraphes 59 et 61).

 

[49]           Deuxième question

            La Commission a‑t‑elle commis une erreur en estimant que la fille de la demanderesse n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial aux termes de l’alinéa 117(9)d) du Règlement?

            L’alinéa 117(9)d) du Règlement indique que ne sont pas considérés comme appartenant à la catégorie du regroupement familial l’étranger qui, à l’époque où son répondant a présenté sa demande de résidence permanente, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’ayant pas fait l’objet d’un contrôle. Les tribunaux ont souvent répété que cette disposition « a pour but de veiller à ce que les étrangers qui demandent la résidence permanente n’omettent pas, dans leur demande, des personnes à leur charge qui ne les accompagnent pas, évitant ainsi que leur admissibilité soit déterminée à ce moment, et qu’ensuite, une fois qu’ils ont obtenu leur propre statut de résident permanent, ils cherchent à parrainer les personnes à leur charge en profitant du traitement et des formalités d’admission préférentiels qui sont réservés aux membres de la catégorie du “regroupement familial” » (Natt c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 810, [2004] ACF no 997, au paragraphe 14).

 

[50]           Dans le cas qui nous occupe, à l’époque où a été faite la demande de résidence permanente de la demanderesse, la fille de cette dernière était un membre de la famille qui ne l’accompagnait pas et qui n’avait pas fait l’objet d’un contrôle. La fille de la demanderesse tombait donc directement sous le coup de l’alinéa 117(9)d) du Règlement.

 

[51]           À l’époque de sa demande de résidence permanente, la demanderesse et son mari avaient également signé une déclaration par laquelle ils reconnaissaient les conséquences de leur décision de ne pas inclure la fille de la demanderesse dans leur demande et de ne pas la soumettre à un contrôle d’immigration. Après avoir cité l’alinéa 117(9)d) du Règlement, la Déclaration énonce explicitement ce qui suit :

[traduction] Je reconnais donc que je ne pourrai parrainer la personne à charge susmentionnée, puisqu’elle n’a pas fait l’objet d’un contrôle, tant que l’alinéa susmentionné demeure en vigueur.

 

 

[52]           La demanderesse affirme toutefois que la Déclaration est entachée de nullité étant donné qu’elle et son mari ne l’ont pas correctement signée. À l’appui de son argument, la demanderesse cite la décision Chen, précitée. On trouve dans les paragraphes suivants de la décision Chen, précitée, les motifs de cette décision :

37     Les deux séries de documents ont été signées le 13 septembre 2004. Les deux séries ont été signées par M. Wu, l’époux de lappelante, à l’époque de la demande présentée par celle‑ci. Alors que M. Wu est le père biologique de Mme Yi, il nest que le beau‑père du demandeur, M. Qi. Un parent biologique peut parrainer un enfant appartenant à la catégorie du regroupement familial, mais un beau‑parent ne peut pas parrainer lenfant à charge de son époux, parce que cet enfant à charge nappartient pas à la catégorie du regroupement familial par rapport à lui‑même.

 

[...]

 

41     Seule lappelante pouvait parrainer le demandeur. Puisque seule lappelante avait le droit de parrainer le demandeur, elle seule pouvait renoncer à ses droits de parrainage futur. Par conséquent, lorsque M. Wu a signé la déclaration relative à la personne à charge non incluse et la déclaration de séparation concernant le fils de lappelante, il a renoncé aux droits de lappelante, ce quil navait pas le pouvoir de faire.

[…]

 

43     Le contenu de la déclaration de séparation signée par M. Wu le 13 septembre 2004 concernant le fils de lappelante est révélateur. Le document est essentiellement un formulaire quil faut remplir et signer. Dans lespace fourni sur le document à la suite du mot dactylographié [traduction] « Je », le nom complet de M. Wu a été écrit à la main, de même que les mots suivants : [traduction] « Demandeur de la résidence permanente au Canada. » Ces annotations sont suivies des mots dactylographiés : [traduction] « Déclare par la présente que je comprends entièrement que, si je suis admis(e) au Canada, cette action de la part du gouvernement du Canada ne lobligera pas à accorder ladmission à mon épouse/époux/conjoint(e) de fait/fils/fille/ petit‑enfant. » Les mots [traduction] « épouse/époux/conjoint(e) de fait/fils/fille/petit‑enfant » sont tous raturés, et les mots [traduction] « personne à charge (fils) de l’épouse, Yang Zhong Qi » ont été écrits à la main dans lespace prévu pour les noms. Le document porte la signature de M. Wu en alphabet romain et en caractères chinois, ainsi que la signature dun témoin, un certain Tan Shao Zhen, en alphabet romain et en caractères chinois.

 

44     Comme il a été indiqué plus haut, les déclarations relatives aux personnes à charge non incluses et les déclarations de séparation concernant Mme Yi et le demandeur ont été reçues par le bureau des visas le 23 septembre 2004. Lorsque ces documents ont été examinés, il aurait dû être évident pour lagent chargé de lexamen que la mauvaise personne avait signé la déclaration relative à la personne à charge non incluse et la déclaration de séparation concernant le demandeur. Néanmoins, les documents viciés concernant le demandeur ont été considérés comme étant valides, et le visa de lappelante a été délivré le 28 décembre 2004.

 

45     Le tribunal conclut que, puisque la mauvaise personne a signé la déclaration relative à la personne à charge non incluse et la déclaration de séparation concernant le demandeur, ces documents sont nuls et de nul effet, même sils ont par la suite servi de fondement à la délivrance du visa de résident permanent de lappelante le 28 décembre 2004. De plus, la totalité de la succession d’événements tombe sous le coup du paragraphe 117(10), puisque lagent des visas était au courant de lexistence du demandeur et celui‑ci na pas fait lobjet dun contrôle, car, sur la foi des documents, il a été établi que le contrôle n’était pas nécessaire dans les circonstances. Le paragraphe 117(10) sapplique au vu des faits. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[53]           En l’espèce, la Commission a fait observer que la Déclaration ne portait que des signatures en caractères chinois et qu’il n’était donc pas d’emblée manifeste, contrairement à l’affaire Chen, qu’elle n’avait pas été correctement signée. La Commission s’est également fondée sur la déclaration solennelle de 2010 dans laquelle la demanderesse affirmait qu’elle croyait qu’en signant la Déclaration, elle reconnaissait que sa fille ne pourrait venir au Canada pour le moment et non qu’il lui serait interdit de façon permanente de la parrainer. Suivant la Commission, cette déclaration confirmait l’intention de la demanderesse de signer la Déclaration en tant que demanderesse principale et non en tant que témoin.

 

[54]           La demanderesse reproche à la Commission de s’être fondée sur la déclaration solennelle de 2010 étant donné que l’agent des visas ne l’avait pas en mains en 2005. Toutefois, selon le paragraphe 175(1) de la Loi :

175. (1) Dans toute affaire dont elle est saisie, la Section d’appel de l’immigration :

 

. . .

 

b) n’est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve;

 

c) peut recevoir les éléments qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision.

 

175. (1) The Immigration Appeal Division, in any proceeding before it,

 

 

. . .

 

(b) is not bound by any legal or technical rules of evidence; and

 

(c) may receive and base a decision on evidence adduced in the proceedings that it considers credible or trustworthy in the circumstances.

 

 

 

[55]           Ces dispositions autorisent de toute évidence la Commission à tenir compte de la déclaration solennelle de 2010 même si l’agent des visas ne l’avait pas en mains en 2005. Le droit de la Commission de tenir compte de nouveaux éléments de preuve a été confirmé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 RCS 100, au paragraphe 27. Il convient également de signaler que la Cour doit faire preuve d’un degré élevé de déférence envers l’appréciation que la Commission a faite de la crédibilité des témoins et de la preuve (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Kimbatsa, 2010 CF 346, [2010] ACF no 389, au paragraphe 38).

 

[56]           La Commission n’a donc pas commis d’erreur en se fondant sur la déclaration solennelle faite en 2010 par la demanderesse et sur l’affirmation que la demanderesse y faisait au sujet de ce qu’elle croyait comprendre des conséquences de sa signature de la Déclaration.

 

[57]           Comme il a été démontré, les faits de la présente affaire sont effectivement différents de ceux de l’affaire Chen, précitée. Contrairement à ce qui s’est produit dans l’affaire Chen, précitée, la demanderesse a, dans le cas qui nous occupe, signé la Déclaration, bien qu’au mauvais endroit. Dans la déclaration solennelle qu’elle a faite en 2010, la demanderesse affirmait également qu’elle avait l’intention de signer la Déclaration même si elle ne comprenait pas ou n’était pas consciente des conséquences de sa signature.

 

[58]           La question de l’ignorance du demandeur a été abordée dans l’arrêt Jankovic c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 1482, [2003] ACF no 1878 (au paragraphe 53) :

Le demandeur ne nie pas qu’il ait été exclu de la demande présentée par son père en 1992. Le père prétend plutôt qu’il n’était pas au courant des conséquences de cette exclusion. Toutefois, le père est présumé être au courant des règles et des lois régissant les demandes qu’il présente. Le public peut obtenir les lois et il appartient à l’individu qui présente une demande de s’assurer qu’il satisfait aux exigences des lois et qu’il est au courant des conséquences de ses choix. Personne n’a mal informé le père au cours de la période pertinente ou ne l’a empêché d’obtenir des avis à l’égard des conséquences de ses choix. Il n’y a pas eu un manque d’équité procédurale et le défendeur n’était pas tenu d’informer le père des conséquences futures. En outre, le père a catégoriquement déclaré que c’est la mère de son fils qui en avait la garde à ce moment et qu’elle n’avait pas l’intention d’émigrer au Canada.  [Non souligné dans l’original.]

 

 

[59]           Comme la Cour l’a expliqué, la demanderesse est présumée être au courant des règles et des lois régissant les demandes qu’elle présente, de sorte que son ignorance ou sa mauvaise interprétation des conséquences de la signature de la Déclaration n’a aucune incidence sur la question. L’agent des visas n’avait aucune obligation légale d’expliquer à la demanderesse les exigences de l’alinéa 117(9)d). Il a également lieu de signaler que la demanderesse ne peut exciper des mauvais conseils qu’elle a reçus pour écarter l’application de l’alinéa 117(9)d) et d’une déclaration qu’elle a signée (Cha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] DSAI no 2782, au paragraphe 9).

 

[60]           Il est de jurisprudence constante que les conséquences de l’alinéa 117(9)d) du Règlement peuvent être sévères (David c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 546, [2007] ACF no 740, au paragraphe 10; Desalegn c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 268, [2011] ACF no 316 au paragraphe 4). L’intention du demandeur ne peut toutefois atténuer leur sévérité. Ainsi que la Cour l’a fait observer dans la décision Kimbatsa, précitée :

51        Toute cette jurisprudence est unanime. Une divulgation erronée qui résulte en l’absence du contrôle d’un étranger empêche cet étranger d’être considéré comme appartenant à la catégorie du regroupement familial sujette à parrainage, et ce, peu importent les motifs de la divulgation erronée. Ainsi, que la divulgation erronée ait été faite de bonne foi ou non, ou qu’elle résulte de circonstances exceptionnelles ou non, l’exclusion de la catégorie du regroupement familial du répondant sera prononcée.

 

[…]

 

53        L’intention du Parlement est on ne peut plus claire. Le généreux régime d’immigration applicable à la catégorie du regroupement familial est assujetti à la condition expresse de déclarations véridiques et exactes du répondant dans sa demande de résidence permanente, permettant ainsi aux autorités canadiennes de contrôler au préalable l’ensemble des personnes qui sont susceptibles de faire partie de la catégorie du regroupement familial advenant l’octroi de la résidence permanente au répondant éventuel. Tout étranger qui n’est pas contrôlé est ainsi exclu de la catégorie du regroupement familial du répondant, peu importe les motifs de la déclaration erronée du répondant. Par contre, le ministre peut pallier les divulgations erronées si des circonstances d’ordre humanitaire le justifient comme le permet le paragraphe 25(1) de la Loi. Il s’agit là d’une approche qui assure l’intégrité du système d’immigration. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[61]           En résumé, je conclus que la Commission est parvenue à une décision raisonnable fondée sur la preuve dont elle disposait, y compris les faits entourant la demande d’immigration de la demanderesse et la signature de la Déclaration. La décision de la Commission était transparente, justifiable et intelligible et appartenait aux issues acceptables.

 

[62]           Troisième question

            La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le paragraphe 117(10) du Règlement ne s’appliquait pas en l’espèce?

            La demanderesse affirme également que la Commission a commis une erreur dans son interprétation du paragraphe 117(10) du Règlement. Cette disposition prévoit que, sous réserve du paragraphe (11), l’alinéa (9)d) ne s’applique pas à l’étranger qui est visé et qui n’a pas fait l’objet d’un contrôle parce qu’un agent a décidé que le contrôle n’était pas exigé par la Loi ou par l’ancienne loi, selon le cas.

 

[63]           Ainsi, on trouve au paragraphe 117(10) une exception qui vient atténuer la rigueur de l’alinéa 117(9)d). Toutefois, cette exception ne s’applique que lorsque le demandeur n’a pas fait l’objet d’un contrôle parce qu’un agent a décidé que le contrôle n’était pas exigé par la Loi ou par l’ancienne loi.

 

[64]           Dans le cas qui nous occupe, la demanderesse affirme que l’agent s’est fondé sur la Déclaration viciée pour décider qu’il n’était pas nécessaire de soumettre sa fille à un contrôle. Le paragraphe 117(10) s’appliquait donc en l’espèce suivant la demanderesse. À l’inverse, le défendeur affirme qu’il n’y a rien au dossier qui permette de penser que l’agent des visas a estimé que la fille de la demanderesse ne devait pas faire l’objet d’un contrôle; le paragraphe 117(10) ne s’appliquerait donc pas, suivant le défendeur.

 

[65]           Dans sa décision, la Commission a jugé que, suivant la preuve dont elle disposait, le bien‑fondé de l’argument de la demanderesse n’avait pas été démontré. La Commission a estimé que, si l’agent des visas avait pensé que la demanderesse voulait parrainer sa fille à l’avenir, celle‑ci aurait probablement fait l’objet d’un contrôle.

 

[66]           Je suis d’accord avec la Commission pour dire que celle‑ci ne disposait d’aucun élément de preuve appuyant la prétention de la demanderesse. L’agent des visas a fait parvenir la Déclaration au consultant en immigration de la demanderesse dont le nom figurait au dossier. Ce consultant a transmis la Déclaration à la demanderesse pour qu’elle la signe. La demanderesse et son mari ont tous les deux signé la Déclaration en caractères chinois, au mauvais endroit, puis l’ont retournée à l’agent des visas. La Commission a conclu de façon raisonnable que l’erreur de signature n’était pas d’emblée manifeste et que la demanderesse tenait à signer la Déclaration même si elle n’en comprenait pas pleinement toutes les conséquences. Aucun de ces faits ne permet de penser que l’agent des visas a effectivement décidé que la fille de la demanderesse n’était pas tenue de la par la loi de faire l’objet d’un contrôle. Je suis par conséquent d’avis de rejeter cet argument étant donné que la décision rendue par la Commission sur cette question était également raisonnable eu égard à l’ensemble de la preuve dont elle disposait.

 

[67]           Vu mes conclusions, la demande de contrôle doit être rejetée.

 

[68]           Aucune des parties n’a souhaité me soumettre une question grave de portée générale aux fins de certification.


JUGEMENT

 

LA COUR REJETTE la demande de contrôle judiciaire.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


ANNEXE

 

Dispositions législatives applicables

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

12. (1) La sélection des étrangers de la catégorie « regroupement familial » se fait en fonction de la relation qu’ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent, à titre d’époux, de conjoint de fait, d’enfant ou de père ou mère ou à titre d’autre membre de la famille prévu par règlement.

 

13. (1) Tout citoyen canadien et tout résident permanent peuvent, sous réserve des règlements, parrainer l’étranger de la catégorie « regroupement familial ».

 

65. Dans le cas de l’appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d’une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d’ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s’il a été statué que l’étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire.

 

 

67. (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

 

 

 

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

 

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

 

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

 

 

(2) La décision attaquée est cassée; y est substituée celle, accompagnée, le cas échéant, d’une mesure de renvoi, qui aurait dû être rendue, ou l’affaire est renvoyée devant l’instance compétente.

 

 

 

 

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

12. (1) A foreign national may be selected as a member of the family class on the basis of their relationship as the spouse, common‑law partner, child, parent or other prescribed family member of a Canadian citizen or permanent resident.

 

 

 

13. (1) A Canadian citizen or permanent resident may, subject to the regulations, sponsor a foreign national who is a member of the family class.

 

65. In an appeal under subsection 63(1) or (2) respecting an application based on membership in the family class, the Immigration Appeal Division may not consider humanitarian and compassionate considerations unless it has decided that the foreign national is a member of the family class and that their sponsor is a sponsor within the meaning of the regulations.

 

67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

 

(a) the decision appealed is wrong in law or fact or mixed law and fact;

 

(b) a principle of natural justice has not been observed; or

 

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

(2) If the Immigration Appeal Division allows the appeal, it shall set aside the original decision and substitute a determination that, in its opinion, should have been made, including the making of a removal order, or refer the matter to the appropriate decision‑maker for reconsideration.

 

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

 

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227

 

117.(9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

 

. . .

 

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet, l’étranger qui, à l’époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle.

 

(10) Sous réserve du paragraphe (11), l’alinéa (9)d) ne s’applique pas à l’étranger qui y est visé et qui n’a pas fait l’objet d’un contrôle parce qu’un agent a décidé que le contrôle n’était pas exigé par la Loi ou l’ancienne loi, selon le cas.

 

 

(11) L’alinéa (9)d) s’applique à l’étranger visé au paragraphe (10) si un agent arrive à la conclusion que, à l’époque où la demande visée à cet alinéa a été faite :

 

 

a) ou bien le répondant a été informé que l’étranger pouvait faire l’objet d’un contrôle et il pouvait faire en sorte que ce dernier soit disponible, mais il ne l’a pas fait, ou l’étranger ne s’est pas présenté au contrôle;

 

b) ou bien l’étranger était l’époux du répondant, vivait séparément de lui et n’a pas fait l’objet d’un contrôle.

 

117.(9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

 

 

. . .

 

(d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non‑accompanying family member of the sponsor and was not examined.

 

 

(10) Subject to subsection (11), paragraph (9)(d) does not apply in respect of a foreign national referred to in that paragraph who was not examined because an officer determined that they were not required by the Act or the former Act, as applicable, to be examined.

 

(11) Paragraph (9)(d) applies in respect of a foreign national referred to in subsection (10) if an officer determines that, at the time of the application referred to in that paragraph,

 

(a) the sponsor was informed that the foreign national could be examined and the sponsor was able to make the foreign national available for examination but did not do so or the foreign national did not appear for examination; or

 

(b) the foreign national was the sponsor’s spouse, was living separate and apart from the sponsor and was not examined.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑6028‑11

 

INTITULÉ :                                                  XIAO LING DU

 

                                                                        et

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 29 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 19 septembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dean D. Pietrantonio

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Kim Sutcliffe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Dean D. Pietrantonio

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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