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Date : 20120918

Dossier : IMM-6016-11

Référence : 2012 CF 1092

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 septembre 2012

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

 

BALASUBRAMANIYAM SINNACHAMY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, M. Balasubramaniyam Sinnachamy, un citoyen tamoul du Sri Lanka, souhaite rejoindre son fils au Canada. Celui‑ci est venu au Canada en qualité de demandeur d’asile en décembre 1996 et est maintenant un citoyen canadien. Parrainé par ce fils, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente en 2009 en son nom et au nom de sa femme et de ses deux filles à charge.

 

[2]               Un agent d’immigration (l’agent) a rejeté la demande dans une décision datée du 2 août 2012. L’agent a conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour deux raisons sous le régime du paragraphe 11(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Premièrement, l’agent a conclu que le demandeur avait donné des renseignements incomplets et incohérents sur son passé et ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il n’était pas interdit de territoire. Deuxièmement, l’agent a déterminé que le demandeur était interdit de territoire pendant deux ans parce qu’il avait fait une présentation erronée des [traduction] « détails des arrestations, des détentions et des lieux de résidence » ou n’avait pas révélé ces détails, selon l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, ce qui, de l’avis de l’agent, avait entraîné ou avait risqué d’entraîner des erreurs dans le traitement de sa demande de résidence permanente et, ainsi, de mener à une décision erronée.

 

[3]               Le demandeur demande à la Cour d’infirmer la décision. Il soulève les questions suivantes :

 

1.                  L’agent a-t-il commis une erreur en concluant que le demandeur avait fait une présentation erronée de renseignements ou n’avait pas révélé des renseignements étant donné que ces renseignements figuraient dans des documents faisant partie de la demande et qu’il avait donné tous les détails que l’agent lui reprochait de ne pas avoir révélés?

 

2.                  L’agent a-t-il commis une erreur en concluant que le demandeur avait fait une présentation erronée étant donné qu’il avait clairement fourni les renseignements au moment opportun?

 

3.                  L’agent a-t-il omis de bien prendre en considération les explications et d’exercer son pouvoir discrétionnaire concernant la question de savoir s’il devait conclure à une présentation erronée?

 

4.                  L’agent a-t-il commis une erreur dans sa conclusion fondée sur l’article 11 de la LIPR?

 

[4]               La question déterminante en l’espèce est de savoir si la décision de l’agent selon laquelle il y a eu présentation erronée au sens du paragraphe 40(1) de la LIPR était raisonnable. Si cette conclusion était raisonnable, cela signifie que le demandeur ne s’était pas acquitté de son fardeau de démontrer qu’il n’était pas interdit de territoire comme l’exige l’article 11 de la LIPR.

 

[5]               Les parties conviennent que la norme de contrôle de la raisonnabilité s’applique à la décision (voir, par exemple, Berlin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1117, au paragraphe 10, 397 FTR 205 [Berlin]; Sivayogaraja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1112, au paragraphe 9, [2010] ACF no 1466; Osisanwo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1126, aux paragraphes 14 et 15, 398 FTR 55 [Osisanwo]). Lorsque cette norme s’applique, le rôle de la Cour consiste à déterminer si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]).

 

[6]               Le demandeur reconnaît qu’il n’a pas indiqué les différentes périodes pendant lesquelles il a été détenu par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET) ou d’autres organisations dans sa demande et dans celle de sa femme. De même, ni le demandeur ni sa femme n’ont mentionné les périodes durant lesquelles ils avaient vécu avec les TLET, dont la plus longue avait duré trois  mois. Il faut déterminer si ces omissions constituent des présentations erronées, compte tenu des faits présentés à l’agent.

 

[7]               Les notes inscrites dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (le STIDI) qui se trouvent dans le dossier certifié du tribunal (le DCT) indiquent que l’examen de la demande a débuté vers mars 2010. Le 25 juin suivant, une lettre a été envoyée au demandeur afin qu’il fournisse certains renseignements, notamment le Formulaire de renseignements personnels (le FRP) renfermant un exposé circonstancié que son fils avait présenté à son arrivée au Canada. Le demandeur a produit le FRP de son fils en août 2010. Il y était question de manière plutôt générale, dans l’exposé circonstancié, des détentions de sa mère et de son père (le demandeur) par les TLET.

 

[8]               Il ressort clairement des notes du STIDI que le FRP a suscité des préoccupations chez l’agent qui l’a examiné. Ce dernier a écrit dans ces notes : [traduction] « Le fils fait état de problèmes avec les TLET dans son FRP. » Une autre lettre a été envoyée au demandeur le 22 mars 2011 afin d’obtenir des renseignements additionnels. Dans une lettre datée du 19 avril 2011, le demandeur a fourni des renseignements additionnels sur ses démêlés avec les TLET et a admis que sa femme et lui avaient été arrêtés et détenus par les TLET à maintes reprises et que lui et sa famille avaient été détenus dans un camp de réfugiés durant trois mois par l’ASL en 1997.

 

[9]               Le demandeur fait principalement valoir qu’il a communiqué tous les renseignements concernant ses détentions et ses changements d’adresse avant de connaître les préoccupations suscitées par sa demande. En outre, il a interprété la question de savoir s’il avait déjà été détenu ou emprisonné comme si elle concernait uniquement les arrestations par les forces gouvernementales. Selon le demandeur, les renseignements contenus dans le FRP concernant ses détentions et celles de sa femme étaient parfaitement conformes aux renseignements qu’il avait donnés de son plein gré par la suite dans ses lettres du 19 avril 2011 et du 9 juin 2011. Le demandeur affirme que, compte tenu de ces faits, c’est de façon tout à fait involontaire qu’il n’a pas révélé ses détentions par les TLET.

 

[10]           Je ne suis pas de cet avis.

 

[11]           D’abord, contrairement à ce que le demandeur affirme, l’information relative aux détentions ne figurait pas toujours dans sa demande. Le FRP de son fils n’a pas été produit volontairement, mais seulement après une demande expresse des agents d’immigration qui examinaient le dossier. Il appert que le demandeur a ensuite fourni des renseignements qui semblent conformes à l’information contenue dans le FRP. Toutefois, si le demandeur n’avait pas été forcé de produire le FRP et des renseignements additionnels, les détentions aux mains des TLET n’auraient peut‑être pas été découvertes.

 

[12]           Les préoccupations de l’agent sont exposées clairement dans les notes du STIDI. Ces préoccupations ont mené à l’envoi de la lettre du 22 mars 2011. Ce n’est qu’après avoir reçu cette lettre que le demandeur a fourni des détails concernant ses détentions par les TLET.

 

[13]           En somme, le dossier montre que le demandeur n’était pas disposé à fournir des renseignements concernant ses rapports avec les TLET. L’information n’a été donnée qu’après que les préoccupations ont été exprimées : a) dans la demande visant le FRP du fils du demandeur et b) dans la lettre du 22 mars 2011.

 

[14]           Il ne fait aucun doute que les rapports du demandeur avec les TLET, une organisation terroriste désignée, sont très importants au regard d’une demande de résidence permanente. Comme l’agent l’a écrit dans les notes du STIDI :

[traduction] l’information [concernant les détentions et les lieux de résidence] est fondamentale pour déterminer l’admissibilité. Ils viennent d’une région où il y a une guerre, des pots‑de‑vin, des violations des droits de la personne, du terrorisme et une foule d’autres problèmes graves. Les renseignements que nous obtenons d’une personne déterminent le type d’enquête et d’appréciation que nous effectuerons. Le fait que les renseignements ne sont pas véridiques aura une incidence sur la décision que nous rendrons relativement à l’admissibilité d’une personne.

 

[15]           Il est raisonnable de croire que le demandeur savait bien que tout rapport avec les TLET serait examiné attentivement dans le cadre de l’examen de sa demande. Je conclus – comme l’agent semble aussi l’avoir fait – que le demandeur savait probablement que les détentions par les TLET auraient dû être mentionnées dans sa demande et qu’il a délibérément omis d’en faire état.

 

[16]           Le demandeur invoque un certain nombre de décisions où il a été jugé que les omissions dans une demande de résidence permanente n’étaient pas des présentations erronées (Osisanwo, ci‑dessus; Koo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 931, [2009] 3 RCF 446; Berlin, ci‑dessus). Or, ces affaires sont différentes de celle dont la Cour est saisie en l’espèce. Ainsi, dans Osisanwo, la demanderesse croyait honnêtement la présumée présentation erronée concernant l’identité du père d’un enfant, laquelle était corroborée par le certificat de naissance de ce dernier. Dans Koo, les omissions n’étaient pas importantes, l’agente n’avait pas procédé à une analyse de l’importance des renseignements omis et le demandeur avait fourni certains des renseignements dans les documents à l’appui produits avec la demande originale. De même, dans Berlin, le demandeur avait fourni les renseignements qu’on lui reprochait d’avoir omis avec sa demande originale.

 

[17]           Le demandeur soutient qu’il a expliqué de manière raisonnable pourquoi il n’avait pas parlé des détentions ou des lieux de résidence dans sa demande et que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte de ces explications. En ce qui concerne les détentions, le demandeur a écrit, dans sa lettre du 9 juin 2011, que les arrestations et les détentions n’avaient pas été mentionnées parce qu’elles n’étaient pas [traduction] « attribuables aux forces gouvernementales et ne concernaient pas une violation aux lois du pays ». De plus, le demandeur a expliqué qu’il n’avait pas révélé ces renseignements [traduction] « pour éviter toute confusion ». Aucune erreur n’a été commise, à mon avis. L’agent n’est pas tenu d’accepter chaque explication ou chaque excuse. En l’espèce, les explications ne sont tout simplement pas crédibles, compte tenu de l’historique du conflit sévissant au Sri Lanka. L’agent n’a pas omis de prendre les excuses en considération. Celles‑ci n’étaient tout simplement pas suffisantes pour le convaincre que le demandeur avait commis involontairement une erreur ou avait mal compris de bonne foi les questions posées. De plus, compte tenu de la gravité de la présentation erronée, l’agent n’a pas commis une erreur en n’exerçant pas son pouvoir discrétionnaire de manière à ne pas tenir compte des omissions.

 

[18]           En somme, le dossier étaye amplement la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur avait directement ou indirectement fait une présentation erronée sur des faits importants quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ces faits, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’administration de la justice.

 

[19]           Aucune partie ne propose une question à certifier. Aucune question ne sera certifiée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6016-11

 

INTITULÉ :                                      BALASUBRAMANIYAM SINNACHAMY c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 11 septembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 18 septembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jacqueline Swaisland

 

                                 POUR LE DEMANDEUR

 

Asha Gafar

                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

                                 POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

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