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Date : 20120911

Dossier : T‑456‑11

Référence : 2012 CF 1074

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 11 septembre 2012

En présence de M. le juge Hughes

 

 

ENTRE :

 

CATHERINE LAWTON

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse, Catherine Lawton, a joint les rangs de la fonction publique fédérale en juillet 1976. À partir de septembre 1997, elle a commencé à travailler avec le prédécesseur du défendeur, l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) comme cadre. Elle a occupé jusqu’en mai 2004 le poste de directrice des Ressources humaines (région du Pacifique) (EC‑2). Après mai 2004, la demanderesse a continué à titre d’employée engagée pour une période indéterminée et elle a été assignée à un poste administratif au sein de l’ARC. Pendant la plus grande partie de cette période, elle a été affectée sous forme d’échange à l’Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada (l’AGRHFPC, maintenant connue sous le nom d’Agence de la fonction publique du Canada ou AFPC). Le 26 juin 2008, l’ARC aurait mis fin à son emploi. Elle a déposé un grief. La personne qui a entendu son grief, Mme Cheryl Fraser, l’a rejeté le 18 novembre 2009. La Cour est saisie de la demande de contrôle judiciaire de cette décision.

 

[2]               La demanderesse demande à la Cour d’annuler la décision rejetant le grief et de renvoyer l’affaire avec les directives appropriées. Pour les motifs qui suivent, je rejette la demande.

 

RELATIONS CONTRACTUELLES ENTRE LA DEMANDERESSE, L’ARC et L’AGRHFPC

 

[3]               La série de contrats intervenus entre la demanderesse Mme Lawton, l’ARC et l’AGRHFPC est au cœur du litige sur lequel notre Cour est appelée à se prononcer.

 

[4]               Le 3 mai 2004, M. Roderick Quiney a signé au nom de l’ARC une entente appelée dans la présente instance une entente relative au poste « flex » ou contrat PRAS. Mme Lawton a signé cette entente le 11 mai 2004. On constate d’emblée que les signatures ont été apposées à huit jours d’intervalle, mais on ignore à quel moment le document a été soumis à Mme Lawton ou reçu par celle‑ci en vue de sa signature et combien de temps elle a eu pour en examiner les modalités.

 

[5]               L’ARC a fait parvenir pour signature le contrat PRAS à Mme Lawton accompagné d’une lettre explicative, dont voici un extrait :

                        [traduction] 

J’ai le plaisir de vous offrir une mutation latérale au titre de l’effectif de la marge de manœuvre (effectif « flex ») en tant que conseillère des projets spéciaux du sous‑commissaire, Opérations régionales ‑ Région du Pacifique, au niveau 1 du Groupe des cadres (EX‑1). L’affectation à ce poste « flex » commencera le 1er avril 2004 et se terminera le 12 octobre 2007, date à laquelle vous avez accepté de quitter l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’Agence du revenu du Canada) et de prendre votre retraite.

 

 

[6]               Le contrat PRAS stipulait notamment ce qui suit :

[traduction]

Du point de vue administratif, vous ferez l’objet d’une mutation latérale au poste numéro 30118689, au titre de la marge de manœuvre, pour la période comprise entre le 1er avril 2004 et le 12 octobre 2007, au plus tard. À la fin de la période d’affectation, vous prendrez votre retraite de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’Agence du revenu du Canada).

 

[...]

 

Signataires

 

J’atteste que je comprends et que j’accepte la mutation susmentionnée au titre de l’effectif de la marge de manœuvre et que j’accepte les modalités énoncées ci‑dessus. Je comprends également qu’en signant la présente entente, le commissaire adjoint, M. Rod Quiney, Opérations régionales ‑ Région du Pacifique, accepte ma démission de sorte que je cesserai d’être une employée de l’Agence au plus tard à la fin de la journée du 12 octobre 2007.

 

« C.A. Lawton »                                  11 mai 2004               

Cathy Lawton                                      Date

 

Je confirme que je comprends et que j’accepte toutes les modalités de la présente entente. J’accepte la démission de Mme Cathy Lawton de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (Agence du revenu du Canada) en vue de sa retraite, le tout devant prendre effet au pus tard à la fin de la journée du 10 octobre 2007.

 

« R. Quiney »                                      3 mai 2004                 

M. Roderick Quiney                            Date

Commissaire adjoint

Opérations régionales

Région du Pacifique

 

 

[7]               Il est acquis aux débats que la date du 10 octobre 2007 ayant été dactylographiée qui figurait dans la lettre et dans le contrat a été modifiée au moyen d’une note manuscrite et qu’elle a été paraphée pour tenir compte de la date du 55e anniversaire de naissance de Mme Lawton, le 11 octobre 2007. Les prestations de pension de Mme Lawton s’en trouvaient ainsi bonifiées.

 

[8]               Au cours de l’argumentation, ce contrat a été désigné sous le nom de PRAS no 1.

 

[9]               Par la suite, Mme Lawton, M. Quiney, pour le compte de l’ARC, et deux personnes qui agissaient pour le compte de l’AGRHFPC ont signé une entente en juin et en juillet 2005 que les parties ont, pendant l’audience que j’ai présidée, appelée le contrat IAA no 1. Ce contrat prévoyait que Mme Lawton serait détachée de l’ARC auprès de l’AGRHFPC. On y trouvait notamment les clauses suivantes :

 

                        [traduction] 

LETTRE D’ENTENTE

 

Voici les modalités régissant l’affectation de Mme Catherine Lawton, une employée de l’Agence du revenu du Canada à Vancouver (Colombie‑Britannique), à l’Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada, à Ottawa (Ontario). Mme Lawton travaillera depuis Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Il est convenu que l’affectation prendra effet le 27 juin 2005 et se poursuivra jusqu’au 2 septembre 2005 sous réserve de sa reconduction avec le consentement de toutes les parties ou d’une résiliation sur préavis écrit d’un mois donné par l’une ou l’autre des parties.

 

[...]

 

Il est convenu qu’à la fin de l’affectation, Mme Lawton reprendra un poste équivalent à celui qu’elle occupe présentement et qu’elle sera rémunérée à un taux au moins égal à son salaire actuel majoré de toute augmentation qui pourrait lui échoir au cours de la période d’affectation suivant le barème des salaires de l’Agence du revenu du Canada, sous réserve de la conclusion d’une entente différente par tous les intéressés. Si l’Agence du revenu du Canada fait l’objet d’une réduction de ces effectifs au cours de la période d’affectation ou à la fin de celle‑ci, Mme Lawton continuera à être régie par les conditions d’emploi ou par la convention collective qui s’applique à elle et elle aura droit au même traitement et aux mêmes droits que tous les autres employés de l’Agence du revenu du Canada.

 

 

[10]           Comme on peut le constater, le contrat IAA no 1 aurait expiré le 2 septembre 2005 (c.‑à‑d. avant le 12 octobre 2007, date prévue par le PRAS no 1), mais les parties ont prévu la possibilité d’une reconduction de la période stipulée dans ledit contrat. En fait, le contrat a été reconduit à cinq reprises. La première reconduction, désignée le contrat IAA no 2, a eu pour effet de proroger le contrat en question au 30 décembre 2005. La clause de prorogation stipulait ce qui suit :

                        [traduction]

L’Agence du revenu du Canada et l’Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada conviennent de prolonger l’affectation de Mme Catherine Lawton jusqu’au 30 décembre 2005 aux mêmes conditions que celles stipulées dans l’entente initiale qui devait se terminer le 2 septembre 2005.

 

 

[11]           La seconde prorogation, le contrat IAA no 3, a eu pour effet de proroger le contrat au 31 mars 2006. La troisième prorogation, le contrat IAA no 4, a quant à elle prorogé le contrat au 31 décembre 2006, et la quatrième, soit le contrat IAA no 5, au 31 décembre 2007, c’est‑à‑dire après la date du 12 octobre 2007 prévue dans le PRAS no 1. Le libellé de tous ces contrats était identique à l’exception des dates.

 

[12]           En mars 2007, l’ARC a fait parvenir à Mme Lawton un document censé être un projet de contrat, avec des espaces laissés en blanc pour les signatures et visant à prolonger au 28 décembre 2007 la période visée par le PRAS no 1. Voici un extrait de la lettre qui accompagnait ce document :

                        [traduction] 

J’ai le plaisir de confirmer la prorogation du poste de cadre (EC) « flex » en tant que conseillère des projets spéciaux du sous‑commissaire, Opérations régionales ‑ Région du Pacifique, groupe et niveau EC‑2 du 13 octobre 2207 au 28 décembre 2007.

 

 

[13]           Le projet de contrat prévoyait notamment ce qui suit :

[traduction] 

1.       La présente entente énonce les modalités de la prorogation de votre poste de cadre (EC) « flex » en tant que conseillère des projets spéciaux du commissaire adjoint, Opérations régionales, région du Pacifique, du 13 octobre 2007 au 28 décembre 2007.

          Prière de noter qu’il s’agit de la dernière prorogation accordée pour ce poste « flex ». Votre retraite de l’Agence du revenu du Canada prendra effet à la fin de cette période le 28 décembre 2007 et comme il est prévu aux termes de l’entente initiale.

 

[14]           Pendant l’audience, les parties ont à l’occasion désigné ce projet de contrat sous le nom de PRAS no 2.

 

[15]           Mme Lawton a refusé de signer ce projet de contrat IAA notamment parce qu’il y était prévu qu’elle démissionnerait en date du 28 décembre 2007. Elle a retourné ce document le 23 mars 2007 à l’assistant de M. Quiney avec la note suivante :

                        [traduction] 

Comme nous en avons discuté, je vais attendre d’avoir en main l’entente relative au poste « flex » révisée avant de signer. Merci.

 

 

[16]           Selon toute vraisemblance, l’ARC n’a rien fait jusqu’au 13 ou au 14 septembre 2007, lorsque l’adjoint de M. Quiney a envoyé à l’adjoint du supérieur de M. Quiney un courriel dans lequel il écrivait :

                        [traduction] 

[...] elle (Mme Lawton) n’est pas disposée à le signer tant que la date de retraite du 28 décembre 2007 ne sera pas retirée de l’entente.

 

[17]           Le document PRAS no 2 n’a jamais été modifié et il n’a jamais été signé.

 

[18]           Malgré ce qui précède, ou peut‑être parce qu’ils ignoraient les modalités qui précèdent ou n’en ont pas tenu compte, l’ARC, l’AGRHFPC et Mme Lawton ont signé une autre prorogation du contrat IAA, désigné le contrat IAA no 6, qui a prorogé la durée dudit contrat au 26 juin 2007. Ce document portait :

[traduction] 

L’Agence du revenu du Canada et l’Agence de la fonction publique du Canada acceptent de proroger au 26 juin 2008 l’affectation de Mme Catherine Lawton aux mêmes conditions que celles stipulées dans l’entente initiale qui devait se terminer le 31 décembre 2007.

 

 

[19]           L’état d’esprit de l’ARC est fort probablement exprimé dans un courriel du 8 mai 2008 adressé par M. Quiney à son supérieur. En voici un extrait :

[traduction] 

[...] J’avais l’impression que nous avions prorogé le contrat, ce qui pourrait supposer que j’ai signé pour autoriser la prorogation jusqu’en juin et que j’ai remis le document à Cathy pour qu’elle le signe. Rosa sait sans doute ce qui a été signé bien que nous ayons probablement oublié tous les deux si Cathy affirme qu’elle a encore l’original en mains. Rosa ne viendra probablement pas au bureau aujourd’hui.

 

Je suis content d’en parler, mais j’imagine que seulement deux choix s’offrent à Cathy. Ou bien elle signe et commence à recevoir sa pension à compter de la date de prise d’effet de 2007 ou bien elle signe et elle continue à toucher son salaire jusqu’en juin. Je crois avoir été juste et là encore, si elle peut obtenir une autre prorogation de l’AFP, je n’aurais pas d’hésitation à accorder la prorogation, mais je crois comprendre qu’elle ne travaille plus pour eux.

 

 

[20]           J’ai omis les renvois que l’on trouve dans ce courriel aux nombreux échanges que Mme Lawton a eus avec M. Quiney et d’autres employés de l’ARC à compter du moment où elle a signé le premier des contrats, le PRAS no 1 jusqu’à la fin juin 2008.

 

[21]           À un moment donné avant juin 2008, une autre personne, M. Darrell Mahoney, a assumé le poste de M. Quiney à l’ARC. Il a échangé de la correspondance avec Mme Lawton. Le 4 juin 2008, M. Mahoney a écrit à Mme Lawton pour l’informer qu’à compter du 26 juin 2008, elle cesserait d’être une employée de l’ARC. Voici le texte de cette lettre :

                        [traduction]

Madame,

 

Nous accusons réception de votre lettre du 30 mai 2008 qui a été soumise à mon attention. J’ai pris connaissance de votre lettre et j’ai attentivement examiné votre point de vue sur la question. J’ai également fouillé la question avec la Direction des programmes pour les cadres de direction de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) pour m’assurer de bien comprendre tous les faits relatifs à votre situation.

 

Selon les discussions que j’ai eues avec la Direction des programmes pour les cadres de direction, vous avez accepté de démissionner de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) en signant le contrat initial relatif au poste « flex », daté du 27 avril 2004. Dans ce contrat, vous vous êtes engagée à quitter l’ARC et à prendre votre retraite le 12 octobre 2007. Votre démission a été acceptée par écrit par M. Rod Quiney, commissaire adjoint, région du Pacifique, le 3 mai 2004.

 

Je crois qu’il est important de signaler que le dossier ne contient aucun indice ou élément susceptible de confirmer que vous auriez, comme vous le prétendez, subi des pressions en vue de remettre votre démission ou encore que vous auriez été forcée de démissionner.

 

Je tiens à répéter que, depuis qu’elle a commencé à mettre en œuvre l’entente de préretraite, l’Agence du revenu du Canada a agi de bonne foi et a tout fait pour tenir compte de votre situation.

 

De plus, dans ma lettre précédente du 14 mai 2008, je vous ai offert l’occasion de signer et de retourner le document prorogeant au 26 juin 2008 l’entente de préretraite. Comme vous n’avez pas signé ce document, la condition du contrat initial relatif au poste « flex » prévoyant que vous démissionnerez de l’Agence du revenu du Canada à l’expiration de l’entente de préretraite prendra donc effet. Par conséquent, vous cesserez d’être une employée de l’Agence du revenu du Canada le 26 juin 2008 (à la fin du jour ouvrable).

 

Veuillez agréer, Madame, l’expression de nos sentiments distingués.

 

 

[22]           Il est acquis aux débats que, jusqu’au 26 juin 2008, Mme Lawton a continué à être rémunérée par l’ARC et que, suivant l’avocat de l’ARC, sa pension actuelle est calculée en fonction du fait qu’elle a été une employée de l’ARC jusqu’au 26 juin 2008. L’avocat de l’ARC a déclaré lors de l’audience que j’ai présidée que l’ARC n’avait pas l’intention de chercher à se faire rembourser l’argent ainsi payé ou de recalculer les prestations de pension de Mme Lawton.

 

LE GRIEF

[23]           Par l’intermédiaire de ses avocats, la demanderesse, Mme Lawton, a soumis à l’ARC un grief formel à l’encontre de la décision de mettre fin à son emploi. Ils ont adressé à l’ARC une lettre datée du 10 juillet 2008 dans laquelle ils demandaient que le grief [traduction] « soit porté directement au dernier palier en vue de la tenue d’une audience ».

 

[24]           Comme Mme Lawton occupait un poste de cadre (EC‑2) au sein de l’ARC, sa situation n’est pas régie par un contrat du genre de celui qui pourrait lier un employé syndiqué. La Loi sur l’Agence du revenu du Canada, LC 1999, ch. 17, prévoit à ses alinéas 51(1) g) et i), que l’ARC peut prévoir le licenciement de ses employés, et d’autres questions connexes. L’article 54 prévoit que l’ARC élabore un programme régissant notamment les recours offerts aux employés. Voici le texte de ces dispositions :

51. (1) L’Agence peut, dans l’exercice de ses attributions en matière de gestion des ressources humaines :

 

. . .

 

g) prévoir, pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur et préciser dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces mesures peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie;

 

. . .

 

i)  prendre les autres mesures qu’elle juge nécessaires à la bonne gestion de son personnel, notamment en ce qui touche les conditions de travail non prévues de façon expresse par le présent paragraphe.

 

. . .

 

54. (1) L’Agence élabore un programme de dotation en personnel régissant notamment les nominations et les recours offerts aux employés.

 

(2) Sont exclues du champ des conventions collectives toutes les matières régies par le programme de dotation en personnel.

 

51. (1) The Agency may, in the exercise of its responsibilities in relation to human resources management,

 

. . .

 

(g) provide for the termination of employment or the demotion to a position at a lower maximum rate of pay, for reasons other than breaches of discipline or misconduct, of persons employed by the Agency and establish the circumstances and manner in which and the authority by which or by whom those measures may be taken or may be varied or rescinded in whole or in part;

 

. . .

 

(i) provide for any other matters that the Agency considers necessary for effective personnel management, including terms and conditions of employment not otherwise specifically provided for in this subsection.

 

. . .

 

54. (1) The Agency must develop a program governing staffing, including the appointment of, and recourse for, employees.

 

 

(2) No collective agreement may deal with matters governed by the staffing program.

 

 

 

[25]           Les avocats des deux parties s’entendent pour dire qu’il n’y a pas de règlement, de lignes directrices ou d’énoncés de politique qui précisent la procédure à suivre pour statuer sur un grief formulé par un cadre de l’ARC. Aucun document ne prévoit qui peut entendre le grief et comment l’examen du grief doit se dérouler. Ces questions semblent être régies par la coutume et par analogie avec d’autres processus. On m’informe qu’habituellement les griefs sont entendus par un commissaire adjoint de l’ARC et que la personne qui formule le grief, parfois assistée par un avocat, présente sa cause par écrit ou oralement, ou les deux, et dépose à l’appui les documents et les autres éléments qu’elle estime pertinents. Aucun témoignage sous serment n’est entendu. Normalement l’ARC ne présente pas d’observations.

 

[26]           Dans le cas qui nous occupe, le grief a été entendu par la commissaire adjointe Fraser. Elle ne serait auparavant jamais intervenue dans le dossier. Mme Lawton, par l’entremise de son avocat, a soumis des observations écrites fouillées, appuyées par un volumineux recueil contenant plusieurs documents. Son avocat a présenté des observations orales. L’ARC n’était pas représentée à l’audience, bien qu’une personne ayant une formation juridique était présente, vraisemblablement pour aider Mme Fraser. Il n’y a pas de procès‑verbal de l’audience. Il ressort du dossier devant moi que Mme Fraser n’est pour ainsi dire pas intervenue, sauf pour demander à Mme Lawton où elle travaillait au moment de l’audience.

 

[27]           Plusieurs questions ont été soulevées au nom de Mme Lawton lors de l’audition du grief. Certaines d’entre elles ont été abandonnées. Les deux questions qui sont toujours en litige devant notre Cour sont les suivantes :

                   1.         Mme Lawton a‑t‑elle agi sous la contrainte lorsqu’elle a signé le PRAS no 1 de sorte qu’elle ne peut être considérée comme étant liée par le contrat?

                   2.         Compte tenu de la conduite des parties et notamment de la prorogation des contrats au‑delà du délai stipulé dans le contrat PRAS no 1, les ententes subséquentes ont‑elles eu pour effet d’annuler toute entente par laquelle Mme Lawton a accepté de mettre fin à son emploi au sein de l’ARC?

 

[28]           Mme Lawton demande l’annulation de la présumée cessation de son emploi et que l’ARC continue à l’employer pour une période indéterminée.

 

[29]           Mme Fraser a rendu sa décision par lettre adressée à l’avocat de Mme Lawton, datée du 18 novembre 2009. Le grief a été rejeté. Voici les extraits de cette lettre portant sur les questions toujours en litige :

                        [traduction] 

Maître,

La présente fait suite à l’audition du grief formel déposé au nom de Mme Catherine Lawton, tenue le 16 octobre 2009, relativement à la cessation de son emploi à l’Agence du revenu du Canada (ARC) et au refus de lui verser la rémunération au rendement prévue par l’entente ou contrat initial du 3 mai 2004 prévoyant sa mutation latérale à un poste « flex ».

 

J’ai examiné attentivement tous les aspects du dossier de Mme Lawton et après avoir délibéré, j’arrive aux conclusions suivantes.

 

En ce qui concerne le premier grief formulé par Mme Lawton au sujet de la cessation involontaire de son emploi, Mme Lawton affirme : 1) qu’elle a subi des pressions pour démissionner de l’ARC ou a été forcée de démissionner; 2) [non en litige]; 3) l’ARC a mis illégalement fin à l’emploi de Mme Lawton en date du 26 juin 2008.

 

1)  Mme Lawton a subi des pressions pour démissionner de l’ARC ou a été forcée de démissionner.

 

Il ressort à l’évidence du libellé de l’entente de préretraite relative au poste « flex » que Mme Lawton avait l’intention de prendre sa retraite à l’expiration de l’entente relative au poste « flex » (« Je comprends également qu’en signant la présente entente, le commissaire adjoint, M. Rod Quiney, Opérations régionales – Région du Pacifique, accepte ma démission et ma décision de prendre ma retraite [...] ». Mme Lawton a signé l’entente relative au poste « flex » le 11 mai 2004 par laquelle elle s’est engagée à prendre sa retraite le 12 octobre 2007, tandis que M. Quiney l’a signée le 3 mai 2004. Mme Lawton a donc bénéficié d’une période d’au moins huit jours pour décider de l’opportunité de signer l’entente. À mon avis, elle a ainsi eu amplement l’occasion d’examiner attentivement l’entente de préretraite relative au poste « flex » que la direction lui offrait, y compris l’obligation de donner sa démission.

 

Compte tenu de son statut de cadre de direction et du poste de directrice des Ressources humaines qu’elle occupait, Mme Lawton devait bien connaître les modalités du Cadre stratégique de l’effectif de la direction de l’ARC, y compris l’obligation pour tout cadre signant une entente de préretraite relative à un poste « flex » de s’engager par écrit à prendre sa retraite à une date précise et l’obligation pour le gestionnaire délégué d’accepter sa démission par écrit à une date précise. De plus, Mme Lawton a modifié la date effective de sa démission en remplaçant la date du 10 octobre 2007 par celle du 12 octobre 2007, et paraphé ce changement.

 

Il semble donc que Mme Lawton n’avait aucune réserve en ce qui concerne la clause portant sur sa démission qui était stipulée dans l’entente de préretraite relative au poste « flex », compte tenu du fait qu’elle a modifié la date de sa démission, ce qui démontrait qu’elle s’était effectivement penchée sur cette condition de l’entente de préretraite relative au poste « flex ».

 

La thèse de Mme  Lawton voulant qu’elle ait dit à M. Quiney le 30 mars 2004, avant de signer l’entente de préretraite relative au poste « flex » qu’elle ne voulait pas s’engager à remettre sa démission et qu’elle voulait travailler après l’âge de 55 ans et que celui‑ci lui aurait répondu de ne pas s’en faire ne repose que sur son propre témoignage. Les seuls éléments de preuve que Mme Lawton a fournis à l’appui de son allégation sont les notes qu’elle avait inscrites sur son calendrier personnel et qui ne sont corroborées par aucun autre élément de preuve. De plus, cette thèse n’est pas compatible avec les modalités explicites de l’entente de préretraite relative au poste « flex » que Mme Lawton a de son plein gré signée le 11 mai 2004 et par lequel elle a formellement accepté de remettre sa démission à l’expiration de ladite entente.

 

Dans le cas qui nous occupe, je suis d’avis qu’il incombe à Mme Lawton de démontrer qu’elle a été forcée de démissionner par M. Quiney ou que celui‑ci a exercé des pressions sur elle pour qu’elle démissionne. Les allégations de Mme Lawton selon lesquelles M. Quiney a exercé des pressions sur elle pour qu’elle signe l’entente de préretraite relative au poste « flex » et l’a menacée en lui disant qu’il ne lui donnerait pas son appui si elle devait reprendre son poste d’attache ne sont corroborées par aucun autre élément de preuve et ne reposent que sur le témoignage de Mme Lawton.

 

On ne trouve ni au dossier ni ailleurs d’élément de preuve permettant de penser que M. Quiney ne s’est pas bien comporté envers Mme Lawton. Mme Lawton n’a jamais porté plainte pour harcèlement ni exprimé de préoccupations au sujet de la conduite de M. Quiney. Qui plus est, on ne trouve au dossier aucun indice permettant de penser que Mme Lawton souffrait d’une maladie qui aurait pu altérer son jugement au moment où elle a signé l’entente de préretraite relative au poste « flex ».

 

Le fait que l’entente de préretraite relative au poste « flex »  ait été prorogée de trois ans et demi ne signifie pas que la direction voulait forcer Mme Lawton à prendre sa retraite. La direction voulait simplement tenir compte des besoins de Mme Lawton en s’assurant que l’entente dure jusqu’à ce qu’elle ait atteint l’âge de 55 ans, ce qui lui permettait de prendre sa retraite avec une pension (réduite).

 

J’ai également tenu compte du fait que Mme Lawton a attendu jusqu’en 2007 avant d’alléguer qu’elle avait subi des pressions pour qu’elle prenne sa retraite. Le fait qu’elle ait attendu deux ans et demi avant de faire valoir ce point auprès de la direction permet de douter de la crédibilité de ces allégations.

 

Compte tenu de ce qui précède, j’estime que Mme Lawton n’a pas démontré qu’elle a subi des pressions en vue de prendre sa retraite ni qu’elle a été forcée de démissionner de l’ARC. Je suis convaincue que la direction a agi de façon appropriée et que Mme Lawton a signé de son plein l’entente de préretraite relative au poste « flex ».

 

            2)  [non en litige]

 

[...]

 

3)  L’ARC a mis illégalement fin à l’emploi de Mme Lawton le 26 juin 2008.

 

Il semble acquis qu’en janvier 2007, il y a eu une demande de prorogation de l’affectation à l’AFPC jusqu’au 31 décembre 2007, mais il ressort de la preuve prépondérante au dossier que, bien que la direction ait été disposée à permettre à Mme Lawton de continuer de poursuivre son affectation au sein de l’AFPC, elle n’a jamais accepté d’annuler la clause relative à la retraite prévue par l’entente de préretraite relative au poste « flex » ainsi que le démontrent diverses notes d’information adressées au commissaire Baker, les communications échangées entre Caroline Williams de la Direction des programmes pour les cadres de direction (DPCD) et Mme Lawton, ainsi que des lettres adressées par le commissaire Baker à Mme Lawton le 19 mars 2007 et le 16 novembre 2007 confirmant que la direction acceptait de proroger la durée de l’entente de préretraite relative au poste « flex ». Chacune de ces lettres était accompagnée d’une entente de prorogation dans laquelle on trouvait une déclaration indiquant la date à laquelle la retraite de Mme Lawton prendrait effet, à la fin de la période de prorogation (respectivement le 28 décembre 2007 et le 26 juin 2008).

 

Les lettres susmentionnées adressées par le commissaire Baker à Mme Lawton ainsi que les autres éléments de preuve au dossier indiquent que, même si la direction était disposée à reporter la date de retraite de Mme Lawton alors qu’elle poursuivait son affectation au sein de l’AFPC, la direction a toujours exigé que la démission de Mme Lawton au terme de son affectation soit officiellement confirmée par une entente de prorogation formelle de l’entente de préretraite relative au poste « flex ».

 

Il est évident que l’entente de préretraite relative au poste « flex » était le seul instrument juridique énonçant les modalités du lien d’emploi entre Mme Lawton et l’ARC conformément au Cadre stratégique pour l’effectif de la direction (EC) de l’ARC. L’entente d’échange conclue avec l’AFPC ne pouvait modifier les modalités de l’entente de préretraite relative au poste « flex ». Le commissaire de l’ARC était la seule personne à qui avait été délégué le pouvoir de modifier les conditions de l’entente de préretraite relative au poste « flex », y compris l’exigence que Mme Lawton prenne sa retraite à la fin de l’entente en question. Le fait que Mme Lawton ait pu avoir l’impression que l’ARC ne s’attendait plus à ce qu’elle prenne sa retraite ne suffit pas. L’entente de préretraite relative au poste « flex » dans laquelle se trouvait la clause de retraite ne pouvait être modifiée ou annulée que par accord mutuel, ce qui ne s’est pas produit en l’espèce puisque seule Mme Lawton souhaitait modifier la clause relative à la retraite.

 

Décision

 

Il est de jurisprudence constante que la décision d’un employé de donner sa démission est une décision qui lui est personnelle et que l’employeur ne peut la lui imposer. La démission se manifeste par une intention ainsi que par certains éléments de preuve objectifs démontrant l’intention de démissionner. Par conséquent, c’est à l’employé qu’il incombe de démontrer qu’il n’avait pas l’intention subjective de remettre sa démission.

 

Dans le cas qui nous occupe, je suis convaincue que la direction a agi de façon appropriée et qu’elle a respecté les pouvoirs que lui confère le Cadre stratégique pour l’effectif de la direction (EC) de l’ARC. Rien ne permet de penser que la démission de Mme Lawton n’était pas volontaire ou que l’ARC l’a contrainte de remettre sa démission. Rien ne permet de penser non plus que la direction (y compris M. Quiney, Mme Williams, M. Mahoney, Mme Gauvin et M. Baker) ont discuté ou même envisagé la possibilité d’annuler l’entente initiale par laquelle Mme Lawton s’était engagée à démissionner de l’ARC.

 

Au contraire, dès qu’elle a commencé à mettre en application l’entente de préretraite, l’ARC a agi de bonne foi et a tout fait pour tenir compte des aspirations professionnelles de Mme Lawton en approuvant rapidement les prorogations de son affectation à l’AFPC à la condition que Mme Lawton accepte de signer une modification à l’entente de préretraite relative au poste « flex » pour confirmer la nouvelle date de sa retraite. De plus, cela est confirmé par les renseignements au dossier qui montrent clairement que la direction a toujours exigé que Mme Lawton signe l’entente de préretraite relative au poste « flex » prévoyant une nouvelle date de retraite.

 

Vu ce qui précède, le grief formulé par Mme Lawton au sujet de sa cessation involontaire d’emploi est rejeté.

 

[non en litige]

 

Veuillez accepter, Maître, l’expression de nos sentiments distingués.

 

« C. Fraser »

Cheryl Fraser

Commissaire adjointe

Direction générale des ressources humaines

 

cc. Darrell Mahoney, commissaire adjoint, région du Pacifique

 

 

 

AUTRES INSTANCES JUDICIAIRES

[30]           Le 8 juillet 2008, Mme Lawton a introduit une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 4 juin 2008 par laquelle M. Mahoney a mis fin à son emploi au sein de l’ARC. Cette demande porte le numéro de dossier T‑1040‑08. Aux termes d’une ordonnance datée du 17 février 2011, le juge Blanchard de notre Cour a rejeté cette demande avec dépens et a accordé une prorogation de délai pour permettre le dépôt d’un avis de demande en vue de permettre que la décision relative au grief rendue par Mme Fraser puisse faire l’objet d’un contrôle judiciaire. La présente demande, qui porte le numéro de dossier T‑456‑11, a par conséquent été introduite. Le juge Blanchard a formulé de brefs motifs dans lesquels il a déclaré que pour l’adjudication des dépens dans la présente instance il serait sans doute opportun de tenir compte du fait qu’une grande partie des travaux préparatoires avaient déjà été effectués dans le dossier T‑1040‑08.

 

[31]           Mme Lawton a également introduit une action au civil contre l’ARC le 18 mars 2011 devant la Cour suprême de la Colombie‑Britannique. Le dossier qui m’a été soumis ne permet pas de savoir avec certitude l’état d’avancement de cette affaire. Mme Lawton a présenté une requête en vue de faire suspendre la présente instance compte tenu de l’action introduite en Colombie‑Britannique. La juge Simpson, de notre Cour, a rejeté cette requête aux termes d’une ordonnance prononcée le 28 avril 2011.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[32]           Bien que la question fondamentale qui m’est soumise soit celle de savoir si la décision relative au grief devrait être annulée et renvoyée pour faire l’objet d’une nouvelle décision avec ou sans directives, voici les questions que la demanderesse a soumises à notre examen :

 

PREMIÈRE QUESTION :  La conclusion tirée au sujet des pressions indues ou de la contrainte dont Mme Lawton aurait fait l’objet lorsqu’elle a signé le contrat PRAS no 1 est‑elle fondée ou se situe‑t‑elle dans les limites acceptables du raisonnable?

 

DEUXIÈME QUESTION : La personne qui a entendu et tranché le grief a‑t‑elle manqué à son obligation d’agir avec équité et violé les principes de justice naturelle en omettant de tenir compte d’éléments de preuve pertinents et en tenant irrégulièrement compte d’autres éléments de preuve?

 

TROISIÈME QUESTION :            La présumée cessation de l’emploi de Mme Lawton à l’ARC était‑elle légale?

 

 

PRINCIPES GÉNÉRAUX ET NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE AU GRIEF

[33]           Il est utile de commencer notre analyse en nous demandant sur quoi porte précisément le litige. Mme Lawton souhaite essentiellement faire annuler la présumée cessation de son emploi au sein de l’ARC et réintégrer cet organisme pour une période de temps indéterminée. Tel était l’objet de son grief. Elle a échoué. Devant notre Cour, elle cherche à faire annuler la décision qui a été rendue sur le grief, idéalement avec des directives de la Cour ou des indications qui amèneraient la personne appelée à statuer de nouveau sur ledit grief à trancher en sa faveur.

 

[34]           La question cruciale soulevée par le grief tourne autour de l’application des principes du droit des contrats aux faits pertinents de l’espèce. Tout d’abord, peut‑on annuler le contrat PRAS no 1 pour cause de contrainte? Pour répondre à cette question, il convient d’examiner les règles du droit des contrats relatives à la contrainte et d’examiner les faits pertinents pour déterminer s’il y a eu en l’espèce contrainte au sens du droit des contrats.

 

[35]           La deuxième question est celle de savoir si le contrat PRAS no 1 a été résilié ou s’il a été prorogé ou s’il a tout simplement été invalidé en raison des circonstances? Là encore, il convient d’appliquer les règles du droit des contrats aux faits pertinents de l’espèce.

 

[36]           Chacune de ces questions implique des questions mixtes de fait et de droit.

 

[37]           Examinons maintenant le grief. La procédure de règlement des griefs s’apparente peu à une procédure judiciaire. La personne qui est chargée d’examiner le grief est un des hauts dirigeants de l’ARC et rien ne permet de penser que cette personne a une formation juridique. Aucun élément de preuve n’a été présenté sous serment. Seul l’avocat de Mme Lawton a présenté des observations oralement et par écrit. Le dossier est constitué de documents provenant du dossier de Mme Lawton et de documents internes de l’ARC obtenus par l’avocat de Mme Lawton après en avoir demandé officiellement la communication. L’ARC n’a pas participé activement à l’affaire. Essentiellement, on a demandé à un cadre supérieur de l’ARC d’examiner la décision prise par un cadre de l’ARC occupant un poste plus élevé que le sien. Je considère que, de fait, ce grief s’inscrit dans le processus administratif de l’ARC et qu’il ne s’agit pas d’une instance quasi judiciaire ou d’un processus d’examen indépendant.

 

[38]           Ce qui est en jeu en l’espèce est le droit de Mme Lawton de continuer à occuper un emploi valable au sein de l’ARC. La juge Dawson (maintenant juge à la Cour d’appel) a examiné, dans l’affaire Anderson c Canada (Agence des douanes et du revenu), 2003 CFPI 667, une situation semblable à la présente. Elle a souligné que lorsque le droit de continuer à exercer un emploi était en jeu, il existait une obligation d’agir avec équité envers l’intéressé. Voici ce qu’elle écrit aux paragraphes 38 et 42 :

38     L’examen de ces arguments doit commencer par le postulat bien établi selon lequel la notion d’équité est variable et contextuelle, non abstraite ou absolue. Dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux pages 837 et suivantes, la Cour suprême a confirmé que les facteurs qui serviront à déterminer quels droits procéduraux l’obligation d’équité produit dans un ensemble donné de faits sont les suivants :

i) la nature de la décision qui est prise et la procédure suivie pour la prendre;

ii) la nature du régime législatif, et les termes de la loi en conformité de laquelle agit le décideur;

iii) l’importance de la décision pour la personne concernée;

iv) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision; et

v) le choix procédural fait par le décideur, en particulier lorsque la loi donne au décideur le droit de choisir ses propres procédures.

 

. . .

 

42     S’agissant du troisième facteur, l’importance d’une décision de ce genre est significative sur le plan personnel. Cependant, la décision selon laquelle un candidat répond ou ne répond pas aux conditions essentielles d’un poste n’a pas sur lui les mêmes répercussions que la décision qui compromet le droit d’une personne de conserver son emploi. Un candidat n’a en général aucun droit d’occuper un nouveau poste, et il peut dans l’avenir poser sa candidature pour le même poste ou un autre poste. Lorsqu’on juge qu’un candidat ne remplit pas les conditions essentielles d’un poste, ce qu’il perd, c’est le droit d’être évalué d’après les qualités requises pour le poste, en même temps que tous les autres qui remplissent les conditions essentielles du poste.

 

 

[39]           Le juge O’Keefe de notre Cour a examiné une situation dans laquelle le grief avait été formulé par une personne qui avait des liens avec la direction d’un organisme gouvernemental. Dans l’affaire Appleby‑Ostroff c Canada (Procureur général), 2010 CF 479, le juge O’Keefe a estimé, après avoir examiné la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, qu’un emploi au sein de la fonction publique est généralement assimilé à un emploi contractuel ordinaire, ajoutant d’une part que les règles générales du droit des contrats s’appliquaient sauf dans le cas où elles cèdent le pas devant les termes explicites d’une loi ou d’un contrat, et d’autre part qu’une décision prise au dernier palier d’une procédure de grief par un cadre interne commande un degré de déférence moindre. Voici ce qu’il écrit aux paragraphes 44 et 52 de sa décision :

44     La Cour suprême du Canada a décrété qu’en général un emploi dans le secteur public est aujourd’hui considéré comme une relation d’emploi contractuelle ordinaire et que le droit général des contrats s’applique, sauf s’il cède expressément le pas à des dispositions explicites d’une loi ou de l’entente (voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 95, Wells c. Terre‑Neuve [1999] 3 R.C.S. 199, [1999] A.C.S. no 50 (QL), aux paragraphes 29 et 30.) En l’espèce, l’employée demanderesse, comme l’intimé dans l’arrêt Assh, précité, est confrontée à la présomption unilatérale de l’existence de politiques dans les conditions de son contrat d’emploi, des politiques qui, dans le cas présent, ont été publiés par le Conseil du Trésor. Cette capacité d’apporter concrètement des changements unilatéraux au contrat d’emploi est expressément prévue par diverses lois auxquelles je ferai référence plus loin. Quoi qu’il en soit, et pour les besoins de la présente analyse, la demanderesse et le défendeur conviennent tous deux que la politique applicable est devenue un élément des conditions d’emploi, qu’il s’agisse de la PTCCD ou de la DRE. Selon moi, l’une ou l’autre de ces deux politiques peut être considérée comme un sous‑ensemble des conditions du contrat d’emploi.

 

. . .

 

52    À mon avis, l’absence d’un arbitre indépendant, au dernier palier de la procédure de griefs, dénote fortement qu’il convient d’accorder moins de retenue à ces décideurs. Les personnes qui tranchent de tels griefs le font dans le cadre de leurs fonctions de gestion; elles ne sont pas choisies pour leur expertise en la matière ou en droit. En fait, en l’espèce, le président de l’OTC, un gestionnaire ayant une expertise particulière dans le domaine des transports, jugeait sa propre décision sous‑jacente.

 

 

[40]           En conséquence, compte tenu des circonstances de l’espèce, j’estime que l’examen de la décision relative au grief est assujetti aux normes suivantes :

▪      une obligation stricte d’agir avec équité;

▪      les conclusions de fait doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable et elles commandent un faible degré de déférence;

▪      les conclusions de fait sont assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte.

 

PREMIÈRE ET DEUXIÈME QUESTIONS

PREMIÈRE QUESTION :  La conclusion tirée au sujet des pressions indues ou de la contrainte dont Mme Lawton aurait fait l’objet lorsqu’elle a signé le contrat PRAS no 1 est‑elle fondée ou se situe‑t‑elle dans les limites acceptables du raisonnable?

DEUXIÈME QUESTION : La personne qui a entendu et tranché le grief a‑t‑elle manqué à son obligation d’agir avec équité et violé les principes de justice naturelle en omettant de tenir compte d’éléments de preuve pertinents et en tenant irrégulièrement compte d’autres éléments de preuve?

 

[41]           De fait, l’avocat de Mme Lawton a fait valoir en un temps son point de vue sur la première et la deuxième questions. Je les examinerai donc ensemble.

 

[42]           Premièrement, Mme Fraser n’a pas énoncé les règles de droit applicables dans sa décision; elle s’est contentée d’énumérer certains éléments de fait qui l’ont amenée à conclure que Mme Lawton n’avait pas subi de pressions en vue de signer le contrat PRAS no 1 ou été forcée de le signer. Il s’agit du contrat qui prévoyait qu’elle devait prendre sa retraite en date du 12 octobre 2007.

 

[43]           Le concept initial de la contrainte a été établi en common law pour permettre aux tribunaux d’annuler un contrat qu’une personne avait été forcée de signer sous la menace de violence physique. L’equity a étendu la portée ce concept de manière à permettre aux tribunaux d’annuler un contrat ou de ne pas en exiger l’exécution lorsque des pressions illégitimes ont été exercées sur une personne pour la force à signer ou à conclure un contrat. Ainsi que le professeur Fridman l’écrit dans son ouvrage The Law of Contract in Canada, 6e éd., Carswell, 2011, à la page 306 :

                        [traduction]

L’idée essentielle à la base du moyen de défense fondé sur la contrainte est qu’une personne a exercé des pressions inacceptables et illégitimes sur une autre personne pour amener cette dernière à faire contre son gré une chose qui va à l’encontre de ses intérêts.

 

 

[44]           Toutefois, comme le professeur Fridman le précise, aux pages 309 et 310 en citant l’arrêt rendu par le Conseil privé dans l’affaire Pao On c Lau Yiu Long, [1979] 3 All ER 65, il importe de se demander si l’intéressé disposait de solutions de rechange et de savoir quelles mesures cette personne a prises après avoir signé le contrat. Voici ce que le professeur Fridman écrit :

                        [traduction] 

[...] Le critère de la contrainte économique qui a été accepté dans cette affaire est celui qui a été énoncé par le Conseil privé dans l’arrêt Pao On c. Lau Yiu Long. Rappelons que la question en litige concernait la menace de rompre un contrat, cette fois‑ci pour forcer ou contraindre l’autre partie à signer une garantie suivant laquelle le prix de certaines actions qui faisaient l’objet de l’opération principale ne serait pas inférieur au prix précisé à une date déterminée (obligeant les défendeurs à indemniser les demandeurs advenant le cas où la valeur des actions tombait sous ce prix). Le Conseil privé a jugé que le moyen de défense de la contrainte n’avait pas été établi. Toutefois, le Conseil privé a également : (i) reconnu l’existence du moyen de défense fondé sur la contrainte économique; (ii) précisé la nature des pressions constituant une contrainte; (iii) défini le concept sous‑jacent de contrainte en pareils cas.

 

[traduction] 

Peu importe la forme qu’elle revêt, la contrainte suppose qu’une coercition a été exercée sur la volonté de la partie concernée au point de vicier son consentement [...] Dans une situation contractuelle, les pressions commerciales ne suffisent pas. On doit être en présence d’un acte qui pourrait être considéré en droit comme une coercition exercée sur une partie emportant vice de consentement [...] Pour décider si une coercition sur la volonté fait en sorte qu’il ne peut y avoir eu de consentement véritable, il importe de déterminer si la personne qui aurait été victime de coercition a protesté; si, au moment où elle aurait été forcée de signer le contrat, d’autres solutions s’offraient à elle – notamment si elle disposait d’une voie de recours adéquate –, si elle a reçu des conseils d’une personne impartiale et si, après avoir signé le contrat, elle a entrepris des démarches pour l’annuler.

 

Ces divers facteurs sont depuis longtemps reconnus, tant en Angleterre qu’au Canada, comme des éléments essentiels pour obtenir gain de cause dans une action en remboursement d’argent payé sous la contrainte dans le cadre d’une action en restitution. Ces facteurs sont maintenant considérés comme des éléments essentiels pour invoquer avec succès la défense fondée sur la contrainte dans le cas où des menaces de type économique ou commercial ont été proférées sans qu’un préjudice ait été causé à la personne visée ou à ses biens. Ainsi que le Conseil privé l’a déclaré [traduction] « [...] il n’y a rien en principe qui s’oppose à reconnaître la contrainte économique comme un facteur qui rend le contrat susceptible d’annulation, à condition toujours que les agissements reprochés équivaillent à une coercition sur la volonté propre à constituer un vice de consentement. Il faut démontrer que ce n’est pas de plein gré que le paiement a été fait ou que le contrat a été signé ».

 

[45]           Ces principes ont été appliqués dans la décision du juge Himel de la Cour supérieure de l’Ontario dans l’affaire Segal c Qu, [2001], OJ no 2646, aux paragraphes 58 et 59 :

                        [traduction]

58     Traditionnellement, en common law, il fallait [traduction] « des menaces de mort ou de lésions corporelles graves » pour pouvoir conclure à la contrainte (R. c. Mena (1987), 34 C.C.C. (3d) 304 (C.A. Ont.)). Les menaces doivent être proférées avec l’intention d’amener quelqu’un à signer un contrat contre son gré au point où cette coercition vicie le consentement (Byle c. Byle (1990), 65 D.L.R. (4th) 641 (C.A. C.B.)). Dans la décision Clutchey c. Clutchey, [1995] O.J. no 889 (Div. gén.), le juge Sills élargit la notion de la coercition pour y inclure outre la violence physique [traduction] « toute coercition, intimidation ou pression illégitime ».

 

59     L’abus d’influence est censé englober les abus de pouvoir plus subtils que la simple contrainte, mais l’élément essentiel demeure la suffisance du consentement. Bien que certaines relations créent une présomption d’abus d’influence, cette présomption n’existe pas entre mari et femme (Bank of Montreal c. Stuart, [1911] A.C. 120 (C.P.)). Pour démontrer qu’il y a eu abus d’influence dans une situation comme la présente, le demandeur doit prouver [traduction] « la capacité d’une personne de dominer la volonté d’une autre, que ce soit par manipulation, par contrainte ou par pur, mais subtil, abus d’autorité » (Geffen c. Succession Goodman (1991), 81 D.L.R. (4th) 211 (C.S.C.) (la juge Wilson)). Il faut également examiner les rapports antérieurs des parties pour déterminer s’ils étaient marqués par une domination qui s’est poursuivie au moment où le contrat a été signé.

 

[46]           Ainsi, pour déterminer s’il y a eu contrainte, abus d’influence ou coercition, la Cour doit examiner les rapports qui existaient entre les parties et les circonstances qui existaient à l’époque, ainsi que la conduite subséquente de la personne qui cherche à faire annuler le contrat.

 

[47]           En l’espèce, Mme Fraser a examiné les circonstances qui existaient au moment de la signature. À cet égard, l’avocat de Mme Lawton a notamment fait valoir ce qui suit :

 

▪   Mme Fraser a déclaré que Mme Lawton avait eu huit jours pour prendre la décision de signer, alors que le dossier n’indique pas à quel moment le contrat a été soumis à Mme Lawton;

▪   Mme Fraser n’a pas tenu suffisamment compte du témoignage non contredit de Mme Lawton selon lequel elle s’était [traduction] sentie obligée » de signer;

▪   Mme Fraser a ignoré le fait que, selon Mme Lawton, M. Quiney lui aurait dit qu’elle pourrait obtenir un emploi ailleurs au sein de la fonction publique;

▪   Mme Fraser a ignoré les éléments de preuve relatifs aux inscriptions que Mme Lawton avait faites sur son calendrier à l’époque, notamment celle qui indiquait que M. Quiney lui a dit que [traduction] « bien des choses peuvent arriver en quatre ans » et de « ne pas s’en faire ».

 

[48]           On a déposé dans la présente instance, mais non dans le cadre du processus de grief, les affidavits souscrits par des collègues de Mme Lawton affirmant qu’elle leur avait dit qu’elle s’était sentie obligée de signer et rapportant certains propos que M. Quiney lui a tenus. Je n’accorde aucune valeur à ces affidavits. Ce que M. Quiney a pu dire à Mme Lawton selon ces témoins n’est rien d’autre que du ouï‑dire. La personne qui a statué sur le grief n’était pas saisie de la question de savoir si Mme Lawton a dit aux témoins en question qu’au moment où elle a signé l’entente ou vers cette époque elle s’était sentie obligée d’y consentir.

 

[49]           Mme Fraser n’avait pas l’obligation de se référer à chaque élément de preuve. Il lui était loisible d’accorder la valeur qu’elle voulait aux affirmations de l’avocat de Mme Lawton. Mme Lawton n’a pas témoigné et elle n’a pas déposé d’affidavit ou d’autres éléments de preuve de cette nature. On a demandé à Mme Fraser d’examiner les documents et de considérer la thèse voulant que Mme Lawton se soit sentie forcée à conclure l’entente. J’estime que les conclusions tirées par Mme Fraser sont raisonnables et que ce sont des conclusions auxquelles je serais également arrivé au vu du dossier soumis à Mme Fraser. Le dossier permettait raisonnablement de conclure que, bien que Mme Lawton eût peut‑être préféré ne pas signer une entente prévoyant qu’elle devait démissionner à une date déterminée, elle a accepté de le faire. Il était raisonnablement loisible à Mme Fraser de conclure que Mme Lawton n’avait fait l’objet d’aucune contrainte, pression, coercition ou autres agissements semblables, de nature à rendre le contrat nul ou annulable.

 

[50]           Dans sa décision Mme Fraser tire également des conclusions au sujet des agissements de Mme Lawton à la suite de la signature du contrat. L’avocat de Mme Lawton conteste certaines de ces conclusions, notamment les suivantes :

▪   Mme Lawton n’a jamais déposé de plainte pour harcèlement alors qu’il n’y a rien au dossier qui permet de confirmer ou d’infirmer ce point;

▪   il n’y a pas d’indications au dossier permettant de penser que Mme Lawton souffrait d’une maladie qui aurait pu altérer son jugement;

▪   Mme Lawton a attendu deux ans et demi avant d’alléguer qu’elle avait subi des pressions pour prendre sa retraite; si cela constituait une source de préoccupation pour Mme Fraser, elle aurait dû en faire part à Mme Lawton et lui donner l’occasion de répondre.

 

[51]           L’avocat de Mme Lawton soutient que Mme Fraser aurait dû faire part de ses préoccupations à Mme Lawton avant de tirer des conclusions. Je suis d’accord pour dire que rien ne permettait à Mme Fraser de tirer des conclusions quant à savoir si Mme Lawton avait ou non déposé une plainte pour harcèlement ou si elle avait ou non souffert d’une maladie. Je suis toutefois convaincu que la preuve versée au dossier du grief démontre que Mme Lawton n’a pris aucune mesure en temps utile pour exprimer ses préoccupations au sujet du fait qu’elle avait subi des pressions pour signer le contrat. Mme Fraser a tiré une conclusion factuelle raisonnable vu l’ensemble de la preuve devant elle et suivant laquelle Mme Lawton a attendu deux ans et demi avant d’effectivement soulever la question des pressions indues.

 

[52]           L’avocat de l’ARC attire l’attention de la Cour sur un courriel adressé par Mme Lawton à M. Quiney le 28 juin 2004 dans lequel Mme Lawton signale qu’elle est [traduction] « à environ trois ans de la retraite » sans par ailleurs soulever que l’entente à cet égard n’est pas exécutoire ou que son consentement a été obtenu de façon irrégulière. L’avocat de Mme Lawton soutient que ce courriel a été utilisé à l’étape du grief au soutien de l’argument portant sur une question dont je ne suis pas saisi, et que je ne peux en tenir compte. Je refuse d’en ignorer l’existence. Le courriel en question faisait partie de la liasse de documents déposés par Mme Lawton lors de l’examen du grief. Mme Fraser pouvait examiner tous les documents. On ne peut compartimenter son esprit.

 

[53]           J’estime que les conclusions tirées par Mme Fraser s’accordent avec les règles de droit applicables bien qu’elle n’ait pas fait mention de celles‑ci et que ses conclusions de fait sont raisonnables. Il n’y a rien qui justifierait d’annuler sa décision pour ce qui est de la première ou de la deuxième question.

 

TROISIÈME QUESTION

TROISIÈME QUESTION :            La présumée cessation de l’emploi de Mme Lawton à l’ARC était‑elle légale?

 

[54]           En ce qui concerne cette question, l’avocat de Mme Lawton soutient essentiellement ce qui suit :

 

▪      le contrat PRAS no 1 était expiré et il reposait sur une série de contrats aux termes desquels Mme Lawton avait, de fait, été engagée pour une période indéterminée;

▪      par sa conduite, y compris celle de M. Quiney, et par les déclarations faites par M. Quiney à Mme Lawton, l’ARC a effectivement renoncé à la clause du contrat PRAS no 1 relative à la cessation d’emploi.

 

[55]           Dans la décision qu’elle a rendue au sujet du grief, Mme Fraser a conclu que les contrats n’avaient pas supprimé l’obligation de Mme Lawton de prendre sa retraite et que seul le commissaire de l’ARC pouvait modifier les modalités de l’entente par laquelle Mme Lawton avait accepté de prendre sa retraite. Mme Lawton ne pouvait unilatéralement modifier la clause relative à la retraite.

 

[56]           Dans cette décision, Mme Fraser n’expose pas et n’examine pas les règles de droit applicables en matière de modification et de révision des contrats. Je cite de nouveau le professeur Fridman. Aux pages 121 et 122 de son ouvrage, l’auteur revoie aux commentaires de Lord Cairns de la Chambre des lords dans l’arrêt Hughes c Metropolitan Railway Co, (1854), 5 HL Cas 185 :

[traduction] 

[...] On a effectivement souligné que même pour modifier un contrat existant ou pour renoncer valablement à des droits contractuels qui se traduiraient par une sorte de modification au contrat initial intervenu entre les parties, la common law exige l’existence d’une contrepartie pour que cette nouvelle entente soit valide et exécutoire.

 

            Ce principe de common law a été quelque peu modifié par la doctrine reconnue en equity exposée par Lord Cairns dans l’arrêt Hughes dans les termes suivants :

 

[traduction]

 

[...] c’est le premier principe qui guide toutes les cours d’equity, que lorsque des personnes qui ont consenti à des clauses précises et explicites entraînant certaines conséquences juridiques – certaines sanctions ou déchéances de droits – adoptent ultérieurement par leur acte personnel ou de leur plein gré une ligne de conduite qui a pour effet de laisser supposer à l’une des parties que les droits stricts découlant du contrat ne seront pas exercés, ou resteront en suspens, ou demeureront inappliqués, la personne qui, autrement eût pu faire valoir ces droits ne pourra le faire lorsque cela serait injuste, eu égard à ce qui s’est ainsi passé entre les parties.

 

La doctrine exposée dans l’arrêt Hughes a permis de veiller à ce que les tribunaux jouissent d’une certaine souplesse lorsqu’ils se prononcent sur des droits stricts découlant d’un contrat et que l’entente intervenue entre les parties peut être interprétée de manière à légitimer une telle souplesse. Les tribunaux ont donné effet aux termes employés par les parties et à leurs intentions et non à une quelconque doctrine reconnue en equity qui pourrait permettre à un tribunal de dénaturer les droits et les obligations stipulés au contrat s’il était raisonnable de le faire. Les propos tenus par lord Cairns dans l’arrêt Hughes ne permettent pas de penser que les tribunaux d’equity ont le pouvoir de faire abstraction de l’exigence stricte, prévue par la common law, de contrepartie pour créer des droits et des obligations contractuels qui n’auraient pas autrement existé. Cette irrecevabilité en equity pourrait, pour reprendre les propos d’un juge canadien, constituer [traduction] « un moyen de contourner l’exigence de contrepartie prévue par la common law pour rendre une promesse obligatoire ». Toutefois, historiquement, [traduction] « on a tenu à éviter d’aller jusqu’à accorder une réparation dans des situations dans lesquelles le demandeur n’entretient aucun rapport juridique avec le défendeur, agit à son détriment sur la foi d’une promesse faite par le défendeur et poursuit ensuite ce dernier sur la foi de cette promesse ».

 

 

[57]           La Cour suprême de l’Ontario a examiné ces principes dans l’affaire Tudale Explorations Ltd c Bruce, et al (1978), 20 OR (2d) 593, dans laquelle la Cour écrit, sous la plume du juge Grange, aux paragraphes 13 et 14 :

                        [traduction] 

13     Je suis d’avis que le principe à appliquer, peu importe sa désignation – renonciation, préclusion promissoire, modification au contrat ou tout simplement promesses exécutoires –, découle des propos tenus par Lord Cairns dans l’arrêt Hughes c. Metropolitan R. Co. (1877), 2 App. Cas. 439, à la p. 448 :

 

[traduction] 

[...] c’est le premier principe qui guide toutes les cours d’equity, que lorsque des personnes qui ont consenti à des clauses précises et explicites entraînant certaines conséquences juridiques – certaines sanctions ou déchéances de droits – adoptent ultérieurement par leur acte personnel ou de leur plein gré une ligne de conduite qui a pour effet de laisser supposer à l’une des parties que les droits stricts découlant du contrat ne seront pas exercés, ou resteront en suspens, ou demeureront inappliqués, la personne qui, autrement eût pu faire valoir ces droits ne pourra le faire lorsque cela serait injuste, eu égard à ce qui s’est ainsi passé entre les parties.

 

Ce principe a été accepté par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Conwest Exploration Co. Ltd. et al. c. Letain, [1964] R.C.S. 20, à la p. 28, 41 D.L.R. (2d) 198, à la p. 206, ainsi que dans de nombreuses autres décisions canadiennes. Dans l’arrêt Central London Property Trust Ltd. c. High Trees House Ltd., [1947] 1 K.B. 130, le juge Denning a esquissé ce principe d’abord pour justifier une modification verbale à un contrat écrit, y compris une modification devant se faire par écrit, liée à une déclaration sans contrepartie et à une déclaration portant non seulement sur un fait existant, mais également sur des faits à venir. Il doit s’agir d’une déclaration claire à laquelle on avait l’intention de donner suite et à laquelle on a effectivement donné suite. La règle actuelle est maintenant exprimée par l’auteur Snell dans son ouvrage Snell’s Principles of Equity, 27e éd. (1973), à la p. 563 dans les termes suivants :

 

[traduction] 

Lorsque par ses paroles ou sa conduite, une partie à une transaction fait à l'autre partie une promesse claire ou lui donne une assurance claire visant à modifier leurs rapports juridiques (que ces rapports soient contractuels ou autres) et lorsque l'autre partie agit sur la foi de cette promesse ou de cette assurance, modifiant ainsi sa situation à son détriment, on ne saurait permettre à la partie qui a fait la promesse ou donné l'assurance d'agir d'une manière incompatible avec celle-ci.

 

14     On constate qu’ainsi formulée, la règle en question ne dépend nullement de l’existence d’une contrepartie ou du respect de certaines règles formelles et qu’il n’importe absolument pas de savoir si la promesse a eu pour effet de modifier le contrat ou encore si le contrat initial était ou non visé par la Statute of Frauds, R.S.O. 1970, ch. 444.

 

 

[58]           Ainsi, les règles de droit relatives à la modification des contrats exigent que, par ses agissements l’une des parties au contrat laisse supposer à l’autre qu’elle n’exigera pas que certaines des obligations prévues au contrat soient exécutées. Toutefois, les tribunaux doivent faire preuve de prudence lorsqu’il s’agit de passer outre aux termes contractuels stricts d’un contrat surtout lorsque la partie visée n’a pas agi à son propre détriment.

 

[59]           Un autre élément dont il convient de tenir compte en l’espèce est le fait que l’une des parties, l’ARC, n’est pas une personne ordinaire, mais bien un organisme gouvernemental. Cet organisme a publié un Cadre stratégique pour l’effectif de la direction (EC) (la politique). En ce qui concerne les postes « flex » (appelés postes de la marge de manœuvre dans les extraits de la politique reproduits ci‑dessous), la politique prévoit qu’une mutation latérale ne constitue pas un changement de titularisation. Ce type de poste (dans le cas qui nous occupe, la mutation de Mme Lawton à l’AGRHFPC) est normalement d’une durée de deux ans et sert normalement de transition en vue d’un prochain départ à la retraite. Je reproduis les passages pertinents de l’article 5.2 :

Nominations à un poste de la marge de manœuvre

 

  Un EC peut être muté latéralement à un poste non classifié; par exemple, un poste de la marge de manœuvre. Cela ne constitue pas un changement de titularisation. Le commissaire et premier dirigeant doit approuver toutes les nominations à des postes de la marge de manœuvre dans le cas des niveaux EC‑2 à EC‑6. Le commissaire et premier dirigeant est également le seul à autoriser la création de postes EC de la marge de manœuvre.

 

  Dans le cas d’un poste EC‑1 de la marge de manœuvre, le commissaire et premier dirigeant doit approuver l’utilisation d’un poste de la marge de manœuvre. Les gestionnaires délégués peuvent ensuite signer la lettre d’offre et l’entente de la marge de manœuvre.

 

  Un poste de la marge de manœuvre ne peut servir à accorder une promotion à un employé.

 

  Un poste de la marge de manœuvre ne peut servir à accorder une rémunération d’intérim à un employé qui remplace un employé occupant un poste de la marge de manœuvre, car le travail n’a pas été évalué et que le poste n’est pas classifié. Par conséquent, aucune échelle salariale n’a été attribuée au travail accompli.

 

  La durée d’un poste de la marge de manœuvre est normalement de deux (2) à trois (3) ans. L’entente relative au poste de la marge de manœuvre doit préciser la date du début et la date de fin, ainsi qu’un énoncé pour préciser ce qui se passera à la fin de ladite période (par exemple, retraite, mutation latérale à un poste classifié ou prorogation du poste de la marge de manœuvre). L’entente doit également comprendre une courte description des tâches à accomplir, en plus d’indiquer si l’employé aura des responsabilités en matière de gestion des personnes pendant la durée du poste de la marge de manœuvre.

 

  Un poste de la marge de manœuvre peut aussi servir de transition dans le cas d’un prochain départ à la retraite. Dans ce cas, le cadre de direction doit s’engager par écrit à prendre sa retraite à une date précise et le gestionnaire délégué doit accepter la démission par écrit.

 

  Le consentement de l’employé est normalement exigé en cas de nomination à un poste de la marge de manœuvre, sauf dans des situations particulières, telles que les situations de conflits d’intérêts, de harcèlement ou d’incapacité.

 

  Lorsque les besoins opérationnels exigent un recrutement rapide, on peut se servir d’un poste de la « marge de manœuvre spécial aux fins de recrutement » pour nommer quelqu’un de l’extérieur à un poste non classifié. La nomination qui en découle peut être pour une période déterminée ou pour une période indéterminée, cela doit être précisé dans la lettre d’offre.

 

 

[60]           À son article 10.4, la politique prévoit ce qui suit au sujet de la démission :

10.4 Démission

 

  Toutes les démissions de l’ARC, y compris celles pour départ à la retraite, doivent être signifiées par écrit au gestionnaire immédiat. Les démissions doivent être acceptées par écrit par le gestionnaire immédiat (ou un supérieur) dans un document précisant la date à laquelle la démission entre en vigueur. La démission entre en vigueur à compter de la date indiquée par le gestionnaire immédiat.

 

 

[61]           Les avocats des deux parties ont longuement débattu la question de savoir si cette politique avait force de loi ou pouvait être assimilée à une loi ou à un règlement. J’estime que cette question n’est pas pertinente étant donné que la politique servait à tout le moins à informer chacune des parties du cadre de fonctionnement et que, connaissant son existence, Mme Lawton, qui travaillait elle‑même dans le domaine des ressources humaines, aurait dû s’attendre à ce que bien plus que de simples déclarations ou retards soient nécessaires pour qu’il soit possible de considérer que l’ARC avait effectivement accepté d’annuler ou de modifier les stipulations de son contrat en ce qui concerne la démission.

 

[62]           Je reproduis certaines des observations écrites présentées par l’avocat de Mme Lawton lors de l’examen du grief concernant la position de Mme Lawton à cet égard :

                        [traduction] 

98.              La force de l’engagement tacite que QUINEY a pris envers LAWTON au cours de leur rencontre du 30 mars 2004 en vue d’aider LAWTON à continuer à travailler au sein de la fonction publique après la date d’expiration de l’entente relative au poste « flex » ressort à l’évidence du fait que QUINEY a constamment appuyé et signé les ententes de prorogation de l’affectation à l’AFPC suite à un échange de poste (onglets 15 et 19), et ce, même en l’absence de toute prorogation simultanée de l’entente initiale relative au poste « flex » de LAWTON.

 

99.              En date du 5 mai 2008, LAWTON travaillait toujours pour l’AFPC dans le cadre de l’échange de poste, et ce, avec l’appui de QUINEY, malgré l’expiration de son entente de préretraite relative au poste « flex » no 1 le 12 octobre 2007. Malgré le fait que LAWTON ait persisté à refuser de signer deux prorogations de l’entente de préretraite relative au poste « flex » no 1 par lesquelles elle se serait engagée à prendre sa retraite à des dates précises (onglets 16 et 21) et, malgré l’insistance de DPCD quant à la nécessité que ces prorogations soient signées, la déclaration que QUINEY a faite à WILLIAMS le 5 mai 2008 montre qu’il était d’accord pour que Mme LAWTON continue à travailler au sein de la fonction publique :

 

[traduction]

[...] Je crois avoir été juste et là encore, si elle peut obtenir une autre prorogation de l’AFP, je n’aurais pas d’hésitation à accorder la prorogation, mais je crois comprendre qu’ils n’ont plus de travail pour elle (onglet 25).

 

100.          On se souviendra que QUINEY avait auparavant informé WILLIAMS le 10 septembre 2007 qu’il appuyait sans réserve les prorogations de l’affectation de LAWTON au sein de l’AFPC étant donné que la fonction publique [traduction] « a investi dans Cathy pendant de nombreuses années et que cela permet de rentabiliser cet investissement. Elle joue un rôle important au sein de l’AFPC et nous prenons cette mesure dans l’intérêt de l’ensemble de la fonction publique » (onglet 20).

 

101.          La preuve confirme que l’ARC a eu l’occasion de proroger l’affectation de LAWTON à l’AFPC par suite d’un échange après la date à laquelle LAWTON a été licenciée, et ce, sans frais pour l’ARC. Le refus de MAHONEY de proroger l’affectation et d’honorer par ailleurs l’engagement de QUINEY de faciliter la poursuite de l’emploi de Mme LAWTON au sein de la fonction publique est, dans le meilleur des cas, une répudiation de cet engagement tacite sur la foi duquel LAWTON a signé à contrecœur l’entente de préretraite relative au poste « flex » no 1 et, dans le pire des cas, une démonstration de la mauvaise foi de l’ARC.

 

102.          L’affirmation de l’Agence suivant laquelle elle a [traduction] « agi de bonne foi et a tout fait pour accommoder [LAWTON] » (onglets 30 et 35) n’est aucunement fondée et n’est nullement appuyée par la preuve. Au contraire, la façon dont l’Agence a traité LAWTON en finissant par la congédier était illégale. Les agissements de l’ARC en général et de QUINEY en particulier témoignent que l’on avait prémédité le renvoi de LAWTON de son poste d’attache et que l’on avait prévu qu’ultimement elle serait congédiée. Ces agissements ne constituent rien de moins qu’un abus de pouvoir qui s’est traduit par la signature sous la contrainte par LAWTON de l’entente de préretraite relative au poste « flex » no 1. Ce document est invalide parce qu’il est abusif et que l’ARC aurait dû le considérer comme tel.

 

[63]           L’avocat de Mme Lawton, se fondant sur l’autorisation donnée par le commissaire suivant un document intitulé « Délégation des pouvoirs en matière de ressources humaines », a soutenu que le commissaire avait délégué à des personnes comme M. Quiney le pouvoir d’accepter la démission de personnes comme Mme Lawton et qu’on pouvait en inférer que M. Quiney avait le pouvoir de proroger une exigence de démission ou d’y renoncer. Je rejette cet argument : une délégation de pouvoir de cette nature ne doit pas se voir accorder une portée plus large que ce qui y est expressément prévu c’est‑à‑dire l’acceptation d’une démission, ce qui ne permet pas de modifier ou de réécrire une entente de démission.

 

[64]           Les parties n’ont en fait signé aucun document qui aurait modifié les clauses du contrat PRAS no 1 ou aurait emporté renonciation à celui‑ci. Des gestes concrets ont été posés, en l’occurrence, les diverses prorogations de contrats – en particulier les contrats no 5 et no 6 – auxquels l’ARC était signataire et qui ont eu pour effet de proroger l’affectation de Mme Lawton au‑delà de la date prévue dans le contrat PRAS no 1. Mme Lawton a refusé de signer le contrat PRAS no 2 qui prévoyait qu’elle devait démissionner à une date ultérieure à celle prévue dans le contrat PRAS no 1. Ces agissements permettent de penser que l’ARC a acquiescé à la prorogation de la date de démission de Mme Lawton à la date la plus éloignée prévue par le contrat IAA no 6 du 28 juin 2008. Dans cette mesure, je rejette les arguments de l’avocat de l’ARC suivant lesquels le paiement du salaire de Mme Lawton jusqu’au 28 juin 2008 et le calcul de sa pension en fonction de cette date étaient soit des mesures [traduction]  « illégales », soit tout simplement « une bonne affaire ». Le contrat PRAS no 1 avait fait l’objet d’une renonciation dans la mesure où la date de démission applicable avait été reportée au 28 juin 2008, mais il n’y avait pas eu renonciation à l’obligation de démissionner.

 

[65]           Je souscris à la démarche suivie par la juge Russell de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique dans la décision Green‑Davies c Canada (Attorney General), 2005 BCSC 1321 dans lequel la juge écrit, aux paragraphes 21 à 26 :

                        [traduction] 

21     Je vais commencer par examiner la question de savoir si Mme Green‑Davies a obtenu une poste de durée indéterminée au sein de la CISR, étant donné qu’il semble important d’examiner la cause de Mme Green‑Davies, et ce, peu importe que j’estime ou non que notre Cour devrait refuser d’exercer sa compétence résiduelle.

 

22     Le fait que Mme Green‑Davies se soit acquittée des fonctions de directrice régionale des Ressources humaines pendant cinq ans et demi a pu l’amener à croire qu’elle avait droit au poste, mais les faits démontrent à l’évidence que pendant toute la période où elle s’est acquittée de ses fonctions, elle était régie par les modalités de l’entente de détachement et par les diverses prorogations dont celle‑ci avait fait l’objet. Elle demeurait une employée de la fonction publique du Canada prêté par le MAC.

 

23     Elle ne pouvait obtenir un poste à durée indéterminée par suite de son détachement auprès de la CISR par suite d’une sorte d’« occupation adversative ».

 

24     Par ailleurs, l’entente de détachement et les prorogations dont celle‑ci a fait l’objet stipulaient dans les termes les plus nets qu’au cours de son détachement, Mme Green Davies continuait à relever du MAC en ce sens qu’elle devait retourner au MAC à la fin de son détachement [traduction] « à moins que d’autres modalités soient convenues par tous les intéressés ».

 

25     Mme Green‑Davies convient que le directeur régional a effectivement convenu [traduction]  « d’autres modalités » de même que l’a fait son supérieur immédiat lorsqu’il lui a promis le poste, et qu’elle a accepté leur offre de devenir une employée du CISR engagée pour une période indéterminée en qualité de directrice régionale du personnel.

 

26     Même en tenant pour acquis que cette promesse a été faite à Mme Green‑Davies et que cette dernière l’a acceptée et que l’on a entrepris des démarches en vue de la nommer, cette thèse pose problème en ce sens que la promesse elle‑même est inexécutoire compte tenu du défaut de respecter la procédure de nomination prévue dans les lois et les règlements fédéraux applicables précisant les conditions de son emploi, notamment la LEFP. Il n’y a pas de nomination à moins que celle‑ci soit officialisée conformément à la procédure prévue par la LEFP (Farrell c. Canada (2002), 225 F.T.R. 239, 2002 CFPI 1271), aux paragraphes 9 et 10 et à la page 241 :

 

[9]   Il est de jurisprudence constante qu’une personne ne peut devenir un employé de Sa Majesté du chef du Canada sans qu’une nomination précise soit effectuée selon la procédure établie conformément à ces lois. [...]

[10] Le principe que la nomination d’un employé de la fonction publique doit être effectuée en conformité avec les pouvoirs conférés par la loi est un principe de longue date. Un fonctionnaire ne peut être nommé autrement et sa nomination ne peut être inférée des faits articulés que s’il existe des faits selon lesquels la procédure prescrite a été suivie

 

 

[66]           Je souscris à la conclusion à laquelle Mme Fraser est arrivée dans la décision qu’elle a rendue au sujet du grief en affirmant que le contrat PRAS no 1 ne pouvait être annulé ou modifié que par accord mutuel et qu’un tel accord n’est jamais intervenu en l’espèce (sauf dans la mesure où, comme je l’ai déjà précisé, les parties ont convenu de proroger l’entente au 28 juin 2008) étant donné qu’une seule partie, Mme Lawton, souhaitait modifier la clause de retraite alors que telle n’était pas la volonté de la CSA.

 

DISPOSITIF ET DÉPENS

[67]           Par conséquent, j’estime que même s’il existe certaines incohérences dans les conclusions de fait que l’on trouve dans la décision relative au grief, les conclusions factuelles tirées en dernière analyse étaient raisonnables sauf en ce qui concerne la prorogation de la date de cessation d’emploi au 28 juin 2008. Sur le plan pratique, l’ARC a, par l’entremise de son avocat, donné l’assurance à la Cour qu’elle agissait comme si la date d’expiration avait effectivement été prorogée de cette façon. Je conclus également que, même si la décision ne fait pas expressément mention des principes juridiques en cause, elle est conforme à ceux‑ci.

 

[68]           Compte tenu du fait que l’ARC s’est déjà vu adjuger ses dépens initiaux par le juge Blanchard dans son ordonnance du 17 février 2011 dans le dossier T‑1040‑08 que j’ai déjà mentionné, j’adjuge les dépens de la présente espèce à l’ARC et je les fixe à la somme de 1 500 $.


JUGEMENT

 

POUR LES MOTIFS QUI ONT ÉTÉ EXPOSÉS, LA COUR :

1.                  REJETTE la demande;

2.                  ADJUGE les dépens à la défenderesse et les fixe à la somme de 1 500 $.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑456‑11

 

INTITULÉ :                                                  CATHERINE LAWTON c
AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 4 septembre 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 11 septembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ronald M. Snyder

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Valerie J. Anderson

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson SRL

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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