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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20120824

 

Dossier : IMM-6689-11

 

Référence : 2012 CF 1012

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Halifax (Nouvelle-Écosse), le 24 août 2012

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

 

EVDOKIA REUTOV FILHA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi) à l’égard d’une décision datée du 2 mai 2011 par laquelle une agente d’examen des risques avant renvoi (ERAR) (l’agente) a rejeté la demande ERAR de la demanderesse, à l’égard d’une décision datée du 23 septembre 2011 par laquelle un agent d’exécution (l’agent d’exécution) a rejeté la demande de report de la date fixée pour le renvoi de la demanderesse du Canada et à l’égard de la mesure de renvoi prise contre celle‑ci. La décision ERAR de l’agente était fondée sur le risque auquel la demanderesse serait exposée si elle retournait au Brésil.

[2]               La demanderesse sollicite les réparations suivantes : une révision de la décision de l’agente et une ordonnance de nouvel ERAR au cours duquel la totalité de la preuve sera examinée, une révision de la décision de l’agent d’exécution, un report de la date à laquelle la demanderesse doit quitter le Canada et un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prise contre elle.

 

Les faits à l’origine du litige

[3]               La demanderesse, Evdokia Reutov Filha, est originaire du Brésil et a déménagé avec sa famille en Bolivie alors qu’elle était enfant.

[4]               La demanderesse est mariée à un homme de la Bolivie. Le couple a deux filles; l’une d’elles vit au Brésil et l’autre, aux États-Unis. La demanderesse a également une soeur qui vit en Alberta et qui est citoyenne canadienne.

[5]               En 1985, alors que la demanderesse était âgée de quatorze ans, son père a arrangé son mariage. En moins de trois ans, elle a donné naissance à deux filles. Tout au long de leur relation, l’époux de la demanderesse a agressé physiquement celle-ci, qui a déposé à plusieurs occasions des plaintes auprès de la police bolivienne. La police établissait parfois un avis de violation et demandait à la demanderesse de le remettre à son époux. Cependant, l’époux de la demanderesse a ignoré tous les avis de violation qu’elle lui a remis.

[6]               Afin d’échapper à son époux violent, la demanderesse est allée en Argentine le 14 mars 2008 et a demandé un visa de séjour canadien. Elle est restée en Argentine jusqu’à ce qu’elle obtienne un visa de séjour de six mois vers le 16 avril 2008. Après l’expiration de son visa, elle est retournée en Bolivie.

[7]               Le 6 juin 2008, la demanderesse est venue au Canada et est restée ici après l’expiration de son visa de six mois. En conséquence, le 23 novembre 2009, une mesure de renvoi a été prise contre elle. Un mandat d’arrestation aux fins d’exécution de la mesure de renvoi a été délivré deux jours plus tard.

[8]               Le 24 décembre 2009, la demanderesse a déposé une demande d’asile.

[9]               Le 7 janvier 2010, la demanderesse a été arrêtée en vue de l’exécution de la mesure de renvoi. Elle a été avisée que sa demande d’asile ne pourrait être traitée, parce qu’une mesure de renvoi était prise contre elle. Cependant, elle a obtenu l’autorisation de déposer une demande ERAR, ce qu’elle a fait vers le 25 janvier 2010.

[10]           L’année suivante, le 30 janvier 2011, la demanderesse a été blessée lors d’un grave accident d’automobile survenu à Fort McMurray, en Alberta. L’autre chauffeur était intoxiqué et a frappé de plein fouet le véhicule de la demanderesse, qui a eu les deux jambes cassées, une hanche fracturée, plusieurs dents brisées, des côtes fracturées et d’autres blessures. Depuis l’accident, la demanderesse a été incapable de reprendre son ancien emploi et a engagé une action en justice contre l’autre chauffeur devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta. La demanderesse doit également comparaître comme témoin principal de la Couronne dans la poursuite criminelle connexe.

 

La décision de l’agente

[11]           L’agente a rendu sa décision le 2 mai 2011. Les notes au dossier qui font partie de la décision ont d’abord été rédigées en français. Après en avoir fait la demande, la demanderesse a reçu une version anglaise des notes en question le 17 août 2011.

[12]           L’agente a d’abord écrit dans les notes que la demanderesse n’était pas privée de la possibilité de demander la protection aux termes des paragraphes 112(1) ou 112(2) de la Loi. Elle a également souligné que la demanderesse n’était pas visée par le paragraphe 112(3) de la Loi.

[13]           L’agente s’est ensuite attardée aux risques que la demanderesse a invoqués. Elle a d’abord résumé les faits et souligné que la demanderesse avait déposé sa demande ERAR vers le 25 janvier 2010 et qu’elle a ensuite déposé d’autres observations et éléments de preuve à différentes dates.

[14]           L’agente a souligné le risque que l’époux de la demanderesse représenterait pour celle‑ci si elle retournait en Bolivie, le dernier pays où elle a résidé en permanence. L’agente a aussi reconnu l’argument de la demanderesse selon lequel elle serait également exposée à des risques si elle retournait au Brésil, parce que son époux détenait également la citoyenneté brésilienne et pourrait facilement la trouver là-bas. De plus, il serait difficile pour la demanderesse de retourner au Brésil, parce qu’elle avait quitté ce pays depuis très longtemps et ne parlait pas le portugais. D’une façon ou d’une autre, la demanderesse a soutenu qu’elle était exposée à des risques similaires au Brésil et en Bolivie, en raison des lois primitives en vigueur dans les deux pays en matière de violence conjugale.

[15]           L’agente a mentionné que la demanderesse n’avait pas présenté de demande d’asile que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) avait rejetée, ni n’avait déjà déposé une demande ERAR qui avait été rejetée. L’agente a écrit sur le formulaire « Notes au dossier » qu’il n’y avait aucun nouvel élément de preuve.

[16]           Commentant ensuite les facteurs applicables à tous les motifs de protection, l’agente a reconnu que le risque décrit par la demanderesse figurait parmi les risques décrits aux articles 96 et 97 de la Loi. Cependant, ce risque n’était pas personnel et d’autres personnes se trouvant dans une situation similaire étaient exposées au même risque. L’agente a également souligné que la demanderesse n’était pas une personne qui ne pouvait ou, du fait du risque invoqué, ne voulait se réclamer de la protection de l’État. L’agente n’a inscrit aucun renseignement dans les sections du formulaire concernant la possibilité de refuge intérieur ou les lois d’application générale.

[17]           L’agente a conclu qu’il n’y avait aucune controverse entourant l’allégation de violation conjugale. La principale question qui se posait était plutôt de savoir si la demanderesse serait exposée à un risque au Brésil (le pays dont elle a la nationalité) et si elle pourrait se réclamer de la protection de l’État là‑bas.

[18]           L’agente a fait remarquer que, hormis le fait que l’époux de la demanderesse détenait la citoyenneté brésilienne, celle-ci n’a présenté aucun élément de preuve établissant qu’il serait intéressé à la trouver ou expliquant la façon dont il procéderait s’il voulait le faire. De plus, aucun élément de preuve montrant qu’il avait tenté de la trouver depuis qu’elle était au Canada n’a été présenté. Il n’y a pas eu non plus la moindre preuve de menaces ou d’actes de violence dont la demanderesse aurait été victime lorsqu’elle est allée rendre visite à sa fille au Brésil.

[19]           L’agente a aussi pris note du fait que la demanderesse était allée voir sa fille au Brésil trois fois en 2004 et une fois en 2006. La demanderesse a soutenu qu’elle était retournée en Bolivie après les trois voyages faits en 2004 en raison de menaces que son époux avait proférées à son endroit. Cependant, aucune allégation de cette nature n’a été formulée relativement au retour de la demanderesse en 2006. De plus, après être restée en Argentine pour le traitement de sa demande de visa canadien, la demanderesse est retournée en Bolivie, où elle est restée jusqu’à son départ pour le Canada le 6 juin 2008. L’agente n’a trouvé aucun renseignement expliquant le fait que la demanderesse était retournée vers son persécuteur après son séjour en Argentine.

[20]           En se fondant sur cette preuve, l’agente a conclu que la demanderesse n’avait pas réussi à prouver, comme elle devait le faire, que son époux voulait la trouver ou qu’il était en mesure de le faire. L’agente a donc conclu que la demanderesse n’avait pas prouvé qu’il existait une possibilité raisonnable qu’elle soit victime de violence conjugale si elle retournait au Brésil. L’agente a reconnu que la demanderesse serait vraisemblablement exposée à des difficultés si elle retournait au Brésil, mais elle a ajouté que sa fille aînée vivait là-bas. Les difficultés liées à l’adaptation à une langue différente et à un pays qu’elle a quitté lorsqu’elle était enfant ne correspondaient pas aux risques mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi. Étant donné qu’elle en était arrivée à cette décision au sujet du risque auquel la demanderesse serait exposée si elle retournait au Brésil, l’agente n’a pas évalué le risque inhérent au retour de la demanderesse en Bolivie.

[21]           Enfin, l’agente a souligné qu’elle avait consulté la demande d’asile et la demande ERAR de la demanderesse, les observations écrites que l’avocate de celle-ci avait signées le 3 février 2010 et d’autres documents reçus à différentes dates au bureau de CIC à Calgary.

 

Les questions en litige

[22]           Dans ses mémoires, la demanderesse allègue qu’il y a eu manquement aux règles de justice naturelle et, dans sa réponse, elle soutient que la question à trancher est la suivante :

            1.         L’agente a-t-elle apprécié l’ensemble de la preuve?

[23]           Après avoir examiné tous les arguments de la demanderesse, je reformulerais les questions en litige comme suit :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         Y a-t-il eu manquement aux règles de justice naturelle?

 

Les observations écrites de la demanderesse

[24]           La demanderesse soutient qu’il y a eu manquement aux règles de justice naturelle de trois façons à son endroit.

[25]           D’abord, la demanderesse fait valoir que sa demande ERAR a été rédigée en anglais, mais qu’elle a été examinée par une agente ERAR francophone dont la compétence en anglais n’était pas certaine et n’avait pas été établie. Selon la demanderesse, le fait que la décision a été rédigée en français montre que l’agente était incapable d’écrire en anglais. Par conséquent, il est peu probable que l’agente pouvait lire l’anglais et comprendre vraiment la demande de la demanderesse, qui était rédigée en anglais. Au soutien de cette allégation, la demanderesse souligne la mention suivante de l’agente : [traduction] « demande ERAR reçue au bureau de CIC à Calgary 25, 2010 », laquelle mention ne comporte pas de mois, de sorte qu’aucune date n’est indiquée.

[26]           La demanderesse souligne également que l’agente n’a pas coché la case oui ou non pour répondre à la question de savoir si « Le demandeur fait face au risque partout dans le ou les pays de nationalité ou de résidence habituelle » sur le formulaire Notes au dossier. Cet aspect est particulièrement pertinent, parce que le pays de nationalité de la demanderesse est différent de son pays de résidence habituelle.

[27]           La demanderesse ajoute que, sur le formulaire en question, l’agente a reconnu qu’il y avait de nouveaux éléments de preuve, mais elle n’a pas précisé en quoi ces éléments consistaient. Il n’y a donc pas le moindre indice permettant de croire que l’agente a tenu compte des blessures que la demanderesse a subies lors de l’accident d’automobile survenu en janvier 2011. Cette preuve aurait dû être inscrite dans la section du formulaire intitulée « Sources consultées ». L’agente aurait également dû préciser les [traduction] « autres documents reçus à différentes dates au bureau de CIC à Calgary » dont elle a tenu compte.

[28]           Dans son mémoire supplémentaire, la demanderesse relève différentes erreurs typographiques figurant dans la lettre que l’agente a envoyée à l’administrateur de la Cour fédérale. Selon la demanderesse, ces erreurs montrent que la connaissance de l’anglais de l’agente est très limitée.

[29]           La demanderesse reproche également à l’agente d’avoir omis de tenir compte de nouveaux renseignements importants, notamment le grave accident d’automobile survenu le 30 janvier 2011. Les blessures que la demanderesse a subies lors de cet accident l’ont rendue incapable de fuir son époux violent et de subvenir elle-même à ses besoins, de sorte qu’elle doit avoir recours à son époux.

[30]           La demanderesse fait également valoir que le fait d’obliger une personne blessée et non dédommagée à quitter le Canada, le pays où elle a été blessée et où elle doit subir une intervention huit jours après la date fixée pour son expulsion, constituerait un manquement aux règles de justice naturelle. Étant donné que la demanderesse a été blessée par un Canadien, elle a le droit de recevoir de l’aide du système de santé canadien. Elle a également le droit d’avoir accès au système judiciaire canadien pour obtenir un dédommagement à l’égard des blessures qu’elle a subies. La demanderesse soutient qu’à tout le moins, elle devrait être autorisée à se rétablir, ce qui nécessite d’autres interventions chirurgicales, et à poursuivre sa demande d’indemnisation avant d’être contrainte de quitter le Canada. La demanderesse souligne qu’il n’est pas utile pour elle de poursuivre sa demande d’indemnisation depuis l’Amérique du Sud.

[31]           La demanderesse affirme en dernier lieu qu’elle doit rester au Canada, parce qu’elle est un témoin clé de la Couronne dans la poursuite criminelle concernant l’accident d’automobile survenu en janvier 2011. La Couronne a besoin du témoignage de la demanderesse pour prouver que le chauffeur intoxiqué a causé des lésions corporelles à celle-ci. En l’absence de ce témoignage, l’accusé a de meilleures chances d’échapper à une sanction pénale, ce qui irait à l’encontre de l’objet du système de justice criminelle canadien.

 

Les observations écrites du défendeur

[32]           Comme argument préliminaire, le défendeur soutient que la demanderesse a déposé des documents (pièces E, F, G, H, I et J) qui portent une date postérieure à celle de la décision de l’agente. Comme l’agente n’était pas saisie de ces documents, ceux-ci sont inadmissibles lors du contrôle judiciaire et la Cour ne devrait pas en tenir compte dans l’examen de la présente demande.

[33]           Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable. La Cour devrait faire preuve d’une grande retenue à l’endroit de l’agente lors du contrôle de la décision de celle-ci. Le défendeur reconnaît qu’un manquement aux règles d’équité procédurale est normalement évalué selon la norme de la décision correcte; cependant, il précise qu’aucun manquement de cette nature n’a été commis en l’espèce.

[34]           Le défendeur ajoute que le processus ERAR est énoncé dans la Loi. Lorsqu’aucune décision relative à une demande d’asile n’a été rendue à l’égard du demandeur, comme c’est le cas en l’espèce, il est nécessaire d’examiner l’ensemble de la preuve présentée. Les demandes ERAR sont examinées en fonction des facteurs énoncés aux articles 96 à 98 de la Loi et il s’agit des seuls facteurs de risque pertinents qui peuvent s’appliquer à la demande de protection.

[35]           Le défendeur affirme que, eu égard au processus ERAR prévu par la Loi, la demanderesse a tort de soutenir que l’agente n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve, comme elle devait le faire. L’agente a tenu compte de l’ensemble de la preuve qui concernait la demande de protection. Les seuls éléments de preuve qu’elle n’a pas examinés sont ceux qui n’étaient pas pertinents.

[36]           Le défendeur affirme qu’il n’y a aucune présomption selon laquelle le fait qu’une décision a été rédigée en français signifie que le décideur ne comprenait pas les observations et les éléments de preuve présentés en anglais. Il appert plutôt clairement de la jurisprudence qu’à moins qu’un préjudice particulier ne soit établi dans un cas donné, le décideur a le droit de rendre une décision dans l’une ou l’autre des langues officielles du Canada. Le défendeur souligne que la demanderesse n’a relevé aucune interprétation erronée de ses arguments non plus qu’aucune erreur importante que comporteraient les conclusions de fait de l’agente. Il est clairement établi dans la jurisprudence qu’en l’absence de préjudice réel, il n’y a aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire.

[37]           En ce qui a trait à l’omission, dans la décision, du mois au cours duquel la demande ERAR a été reçue, le défendeur précise que l’agente a mentionné plus tôt dans sa décision que la demande ERAR avait été reçue vers le 25 janvier 2010. De plus, il appert de l’ensemble de la décision que l’agente savait que la demande avait été reçue et la date à laquelle elle l’avait été et qu’elle a examiné les documents joints à la demande ERAR pour rendre sa décision.

[38]           Le défendeur souligne que l’argument de la demanderesse selon lequel l’agente n’a pas tenu compte des considérations d’ordre humanitaire (CH) concernait l’établissement de la demanderesse, sa famille et son accident d’automobile. Toutefois, le défendeur soutient que cette omission ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle judiciaire, parce que l’agente n’avait compétence que pour examiner les facteurs de risque, et non les considérations d’ordre humanitaire.

[39]           Les risques pertinents selon l’article 97 de la Loi sont les risques causés directement par une autre personne ou organisation dans le pays où le demandeur retournerait. Le défendeur souligne que, dans Covarrubias c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 365, [2006] ACF no 1682, la Cour d’appel fédérale a décidé qu’un risque prévu à l’article 97 ne peut naître du seul fait de l’incapacité d’un pays à fournir des services médicaux. Néanmoins, l’agente n’a été saisie d’aucun élément de preuve donnant à penser que les blessures de la demanderesse l’exposeraient au risque d’être persécutée ou à un risque prévu à l’article 97 au Brésil. Il n’y avait non plus aucun élément de preuve permettant à l’agente d’associer les blessures de la demanderesse à des risques ultérieurs que représenterait son présumé persécuteur au Brésil.

[40]           De l’avis du défendeur, l’agente a examiné les arguments et éléments de preuve pertinents quant à la décision ERAR. La conclusion de l’agente au sujet du caractère insuffisant de la preuve montrant que l’ex-époux de la demanderesse retrouverait celle-ci si elle retournait au Brésil était raisonnable au vu de la preuve. La demanderesse n’a relevé aucun fait pertinent qui aurait dû être pris en compte, mais ne l’a pas été.

[41]           En résumé, le défendeur soutient que la demanderesse n’approuve tout simplement pas les conclusions de l’agente, mais n’a pas démontré que l’une ou l’autre de celles-ci était erronée. En conséquence, l’agente a rendu une décision raisonnable, eu égard à la preuve dont elle était saisie.

 

La réponse écrite de la demanderesse

[42]           En réponse à l’argument préliminaire du défendeur, la demanderesse fait valoir que l’agente n’a pas tenu compte des facteurs de risque découlant des graves blessures qu’elle avait subies. Cependant, ce n’était probablement pas la faute de l’agente. Les documents pertinents (pièces E, F, G, H, I et J) ont été acheminés à la section ERAR de Calgary dans les 48 heures de l’accident survenu le 30 janvier 2011, bien avant la date de la décision de l’agente. Toutefois, il semble que l’agente ne les ait jamais reçus à Montréal.

[43]           La demanderesse ajoute que son état de santé est un facteur pertinent et que l’agente aurait dû examiner ce facteur de façon précise, ce qu’elle n’a pas fait.

 

Analyse et décision

[44]           La première question en litige

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Lorsque la jurisprudence a établi la norme de contrôle applicable à une question précise, la cour de révision peut appliquer cette norme de contrôle (voir Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 57).

[45]           Il est bien reconnu en droit que la norme de contrôle applicable aux décisions ERAR est la norme de la décision raisonnable (voir Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 799, [2010] ACF no 980, au paragraphe 11, et Aleziri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 38, [2009] ACF no 52, au paragraphe 11). Lorsqu’elle révise la décision d’un agent en fonction de cette norme, la Cour fédérale ne devrait pas intervenir, à moins que l’agent n’ait tiré une conclusion qui n’est pas transparente, justifiée et intelligible et qui n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des éléments de preuve dont il disposait (voir l’arrêt Dunsmuir, susmentionné, au paragraphe 47, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] ACS no 12, au paragraphe 59). La cour de révision ne peut substituer à la décision l’issue qui serait à son avis préférable et il ne lui appartient pas non plus de soupeser à nouveau les éléments de preuve (voir l’arrêt Khosa, susmentionné, aux paragraphes 59 et 61).

[46]           À l’inverse, les questions de justice naturelle sont susceptibles de contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte (voir la décision Wang, susmentionnée, au paragraphe 11; Malik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1283, [2009] ACF no 1643, au paragraphe 23, et l’arrêt Khosa, susmentionné, au paragraphe 43). La décision de l’agent sur ces questions ne commande aucune déférence (voir l’arrêt Dunsmuir, susmentionné, au paragraphe 50).

 

[47]           La deuxième question en litige

            Y a-t-il eu manquement aux règles de justice naturelle?

            Même si la décision de l’agente ERAR était en litige dans la présente affaire, la demanderesse a plutôt soutenu qu’il y avait eu manquement aux règles de justice naturelle, pour les raisons suivantes :

            1.         La demande de la demanderesse, qui avait été rédigée en anglais, a été évaluée par une agente francophone dont le manque de compétence en anglais avait été établi;

            2.         L’agente n’a pas tenu compte des nouveaux éléments de preuve concernant l’accident d’automobile dont la demanderesse a été victime en janvier 2011;

            3.         La demanderesse a le droit de rester au Canada, parce qu’elle a été blessée ici par un Canadien, qu’elle reçoit des traitements médicaux à l’égard de ses blessures, qu’elle a intenté une action en justice et qu’elle est un témoin clé dans la poursuite de la Couronne.

[48]           Au soutien de son premier argument, la demanderesse fait valoir que la décision a d’abord été rédigée en français, que le mois au cours duquel la demande ERAR a été reçue a été omis, que l’agente n’a coché aucune des deux cases relatives aux déclarations figurant sur le formulaire Notes au dossier et que la lettre que l’agente a fait parvenir à l’administrateur de la Cour fédérale comportait des erreurs typographiques.

[49]           Même si ces erreurs existaient bel et bien, elles sont mineures et insignifiantes, lorsqu’il est tenu compte de l’ensemble de la décision de l’agente. Comme le défendeur l’a souligné, l’agente a mentionné correctement, plus tôt dans sa décision, le mois au cours duquel la demande de la demanderesse avait été reçue. De plus, même si la décision a été rédigée en français, elle couvre les différents aspects de la demande de la demanderesse, y compris la complexité de la situation découlant du fait que celle-ci est d’origine brésilienne, mais que sa résidence se trouve en Bolivie. L’argument de la demanderesse sur ce point ne m’apparaît donc nullement fondé. D’après un examen de l’ensemble de la décision, il n’est pas permis de dire que, étant donné que l’agente a rédigé sa décision en français, elle ne comprenait pas les observations que la demanderesse a formulées en anglais, ou encore que la demanderesse a été lésée par ce processus (voir Alexis c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 273, [2008] ACF no 493, aux paragraphes 12 à 14).

[50]           Quant au deuxième argument, la demanderesse soutient qu’elle a déposé des éléments de preuve relatifs aux blessures qu’elle a subies lors de l’accident d’automobile survenu en janvier 2011 et que l’agente aurait dû tenir compte de cette preuve lorsqu’elle a rendu sa décision le 2 mai 2011. L’agente a souligné, sur le formulaire Notes au dossier, que de nouveaux éléments de preuve avaient été reçus. Il est vrai qu’elle n’a pas précisé en quoi consistaient ces nouveaux éléments de preuve, mais aucun espace n’était prévu sur le formulaire à cette fin, pas plus qu’une description explicite de ces nouveaux éléments de preuve n’y était exigée.

[51]           L’agente mentionne de façon générale, dans la section des sources consultées du formulaire, qu’elle a consulté [traduction] « d’autres documents reçus à différentes dates au bureau de CIC à Calgary ». Cependant, elle ne renvoie nullement dans sa décision à l’accident d’automobile au cours duquel la demanderesse a subi les blessures qu’elle évoque. Il appert de la décision de l’agente que celle-ci a examiné principalement la menace que représentait l’époux de la demanderesse et à laquelle celle‑ci serait exposée si elle retournait au Brésil. L’agente n’a trouvé aucun élément de preuve donnant à penser qu’il poursuivrait la demanderesse ou qu’il serait même en mesure de le faire. Cependant, la demanderesse affirme que ses blessures sont telles qu’elle serait forcément à la charge de son époux si elle retournait en Amérique du Sud, ce qui l’exposerait à nouveau à être agressée par celui-ci. L’agente n’a pas commenté cette possibilité dans sa décision.

[52]           Dans son affidavit daté du 3 octobre 2011, la demanderesse affirme qu’elle a avisé la section ERAR de l’accident dans les 48 heures suivant celui-ci. En conséquence, elle aurait été dégagée de l’obligation de soumettre un rapport deux fois par semaine. Au soutien de son allégation, elle joint le rapport d’accident de la police et le document relatif aux accusations criminelles déposées contre le chauffeur intoxiqué. Ce dernier document est daté du 11 mai 2011, soit une date postérieure à celle de la décision de l’agente. Les autres documents joints à l’affidavit de la demanderesse en date d’octobre 2011 sont également postérieurs à la décision de l’agente.

[53]           En conséquence, le rapport d’accident de police constitue le seul élément de preuve relatif à l’accident d’automobile dont l’agente aurait été saisie. De plus, ce n’est que récemment dans son mémoire relatif à la présente demande, que la demanderesse a expliqué le fait que les blessures qu’elle a subies l’exposeraient davantage au risque d’être agressée par son époux. En conséquence, l’agente n’avait en main aucun renseignement lui permettant de lier l’accident d’automobile au risque que pourrait représenter l’époux de la demanderesse pour celle-ci.

[54]           J’en arrive donc à la conclusion que l’agente n’a pas commis d’erreur dans la façon dont elle a traité la preuve relative à l’accident d’automobile. Il était suffisant de sa part de décrire de façon générale cette preuve en renvoyant aux [traduction] « autres documents reçus à différentes dates au bureau de CIC à Calgary » dans la section des sources consultées du formulaire Notes au dossier.

[55]           Enfin, la demanderesse fait valoir qu’elle a le droit de rester au Canada, parce qu’elle a été blessée ici par un Canadien, qu’elle reçoit des traitements médicaux pour ses blessures, qu’elle a intenté une action en justice et qu’elle est un témoin clé dans la poursuite de la Couronne. La demanderesse ne cite aucune disposition législative ou décision judiciaire à l’appui de cette allégation. De plus, la révision des demandes ERAR est décrite en toutes lettres à l’alinéa 113c) de la Loi, qui exige que l’examen soit fait au regard des articles 96 à 98 de la Loi. Ces dispositions ne laissent nullement entendre que les faits susmentionnés donnent à la demanderesse le droit de s’attendre à un ERAR favorable.

[56]           Si malheureux qu’il soit, cet accident ne donne pas à la demanderesse des droits qu’elle ne possédait pas auparavant pour la seule raison qu’il s’est produit au Canada et qu’il a été causé par un Canadien. La demanderesse aurait peut-être droit à un examen plus favorable dans le cadre d’une demande CH. Toutefois, comme l’a dit le juge Evans dans Varga c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 394, [2006] ACF no 1828, lorsqu’il a comparé le processus ERAR au processus CH, « les deux procédures ne doivent pas être confondues ni faire double emploi » (au paragraphe 12).

[57]           Tel qu’il est mentionné plus haut, la demanderesse a fondé sa cause sur un manquement aux règles de justice naturelle. Cependant, plusieurs de ses arguments seraient mieux décrits comme des préoccupations concernant la décision de l’agente. Or, l’argument du manquement est assujetti à la norme de contrôle de la décision correcte, qui est plus stricte, tandis que les autres sont susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable, qui est plus souple. Néanmoins, il appert de mon analyse des arguments de la demanderesse qu’ils ne peuvent être retenus, quelle que soit la norme appliquée.

[58]           Je ne vois aucune erreur dans la décision de l’agente. Bien que celle-ci ait rédigé sa décision en français, rien ne montre que ce fait a lésé la demanderesse. J’estime également que l’agente a examiné la preuve dont elle était saisie lors de sa décision. Enfin, même s’il est très malheureux que la demanderesse ait été gravement blessée lors de l’accident d’automobile, ce fait ne lui accorde pas de droits qu’elle ne possédait pas auparavant. L’argument de l’accroissement du risque d’agression conjugale découlant de ces blessures n’a pas été porté à l’attention de l’agente et j’estime que la décision de celle-ci ne comporte aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire, eu égard à la preuve dont l’agente était saisie. En conséquence, je rejette la présente demande.

[59]           Le défendeur n’a proposé aucune question de portée générale à certifier.

[60]           La demanderesse a proposé la question suivante à titre de question grave de portée générale à certifier :

[traduction] Un changement de l’état de santé du demandeur par suite d’un grave accident d’automobile est-il pertinent quant à une décision ERAR?

 

[61]           Je ne suis pas disposé à certifier cette question à titre de question grave de portée générale, parce qu’elle ne serait pas déterminante en l’espèce.

 


JUGEMENT

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés LC 2001, c 27

 

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

. . .

 

98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

 

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

 

. . .

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

. . .

 

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

 

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

 

. . .

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6689-11

 

INTITULÉ:                                       EVDOKIA REUTOV FILHA

 

                                                            c

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 6 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 24 août 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

J. W. Kozina

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Rick Garvin

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

J. W. Kozina

Lac La Biche (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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