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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20120720

Dossier : T-463-09

Référence :  2012 CF 917

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 juillet 2012

En présence de madame la juge Bédard

 

 

ENTRE :

 

NATURE'S SOURCE INC.

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

NATURSOURCE INC.

 

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 [la Loi] à l’égard d’une décision rendue par la Commission des oppositions des marques de commerce, en qualité de déléguée du Registraire des marques de commerce (la Commission), en date du 16 janvier 2009, dans laquelle la Commission a refusé en partie la demande d’enregistrement de la marque de commerce Nature’s Source. La Commission a conclu  qu’il existait une probabilité de confusion avec la marque de commerce, Naturosource, de la défenderesse.   

 

I. Contexte

[2]               La demanderesse exploite des magasins au détail/services de consultations thérapeutiques qui se spécialisent dans la vente de vitamines, de suppléments nutritifs, de produits de régime et d’amaigrissement et de produits de condition physique. L’entreprise est en affaires depuis 1998 et elle compte cinq magasins de détail dans le Sud de l’Ontario. La demanderesse fait valoir qu’elle offre aussi  par l’entremise de ses magasins de détail des services de consultation en nutrition ainsi que des services de santé alternatifs. De l’avis de la demanderesse, la plupart de ses employés ont reçu une formation professionnelle et offrent à des clients des services gratuits de consultation en vue de les guider vers des produits convenant à leur situation particulière.   

 

[3]               Le 1er avril 1999, la demanderesse a initialement produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce Nature’s Source en liaison avec certaines marchandises et services, y compris des services de magasins de détail, des services de franchisage et des services de commerce électronique. La demanderesse a modifié sa demande le 29 novembre 2006 par la suppression de toutes les marchandises et la modification de l’état déclaratif des services. La demanderesse a modifié une deuxième fois sa demande le 24 novembre 2008, la date de l’audience.  La demande finale excluait expressément les services de magasin de détail en liaison avec les marchandises fabriquées par l’Opposante. Voici le dernier état déclaratif des services pour lesquels la demanderesse demandait l’enregistrement :  

a.       Service de magasin de détail spécialisé dans la vente de suppléments nutritifs, de vitamines et de suppléments minéraux, de suppléments aux herbes, de produits aux fibres, et produits de régime et d’amaigrissement, produits de condition physique, [traduction] excluant les céréales, céréales granola, grignotines granola, porridge, noix rôties, graines rôties, mélanges de fruits séchés et de noix, et biscuits.

b.      Services de santé, nommément : services consultatifs en nutrition; consultation en naturopathie et en homéopathie, aromathérapie, chiropratique, iridologie, massage, réflexologie, shiatsu, et amaigrissement ; 

c.       Services de franchisage, nommément offre d’aide technique dans l’établissement et/ou l’exploitation de boutiques au détail spécialisées en services cliniques et dans la vente de suppléments nutritifs, de vitamines et de suppléments minéraux, de suppléments aux herbes, de produits aux fibres, et de produits de régime et d’amaigrissement, [traduction] excluant les céréales, céréales granola, grignotines granola, porridge, noix rôties, graines rôties, mélanges de fruits séchés et de noix, et biscuits ; 

d.      Services de commerce électronique, nommément : conception et exploitation d’une boutique électronique qui offre une gamme complète de produits de santé et de beauté, [traduction] excluant les céréales, céréales granola, grignotines granola, porridge, noix rôties, graines rôties, mélanges de fruits séchés et de noix, et biscuits.  

 

 

[4]               La défenderesse produit des grignotines santé, comme des céréales, des noix rôties, des mélanges de noix et de fruits séchés et des biscuits sous la marque de commerce Natursource. La défenderesse utilise sa marque de commerce en liaison avec ce qu’elle produit depuis 1980 et sa marque de commerce a été enregistrée le 22 avril 1983. Les produits de la défenderesse sont distribués à travers le Canada, les États-Unis et en Amérique latine et sont vendus dans de grands supermarchés comme Sobey’s, Bourassa,  Costco Whole Sale, d’importantes chaînes de café-restaurant, comme  Starbucks et Second Cup, dans de grandes pharmacies, comme Shoppers Drug Mart et la Pharmacie Jean Coutu, ainsi que dans des magasins d’aliments santé dans les régions de Montréal et de Toronto. La défenderesse exploite également un site Web.  

 

[5]               La défenderesse s’est opposée sur le fondement de plusieurs motifs, mais il n’y a que les motifs présentés ci-après qui ont trait à une probabilité de confusion entre les services de la demanderesse et les marchandises de la défenderesse :   

a.                   La Marque n’est pas enregistrable en vertu des alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées  Natursource et Multi-Nature de la défenderesse;

b.                  La demanderesse n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des alinéas 38(2)c) et 16(1)c) de la Loi parce qu’à la date pertinente, en ce qui concerne les Services (1) et (2), la Marque créait de la confusion avec les noms commerciaux de la défenderesse;

c.                   La demanderesse n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des alinéas 38(2)c) et 16(1)c) de la Loi parce qu’à la date pertinente, en ce qui concerne les Services (3) et (4), la Marque créait de la confusion avec les noms commerciaux de la défenderesse;

d.                  En vertu des dispositions de l’alinéa 38(2)d) et de l’article 2 de la Loi, la Marque de la demanderesse n’est pas distinctive à l’égard de la demanderesse car elle ne distingue pas les Services des marchandises et des services des autres propriétaires, notamment des marchandises énumérées dans les certificats d’enregistrement de la demanderesse. 

 

 

II. La décision visée par le contrôle

[6]               La Commission a accueilli la demande à l’égard des services de santé décrits au paragraphe (2) de la demande, mais a refusé la demande en liaison avec les services décrits aux paragraphes (1), (3) et (4). 

 

[7]               Dans son opposition, la défenderesse a fait valoir qu’il y avait probabilité de confusion de la marque de la demanderesse avec deux de ses marques :  Natursource et Multi-Source. Cependant, la Commission n’a examiné que si la marque de la demanderesse créait de la confusion avec la marque Natursource de la défenderesse parce que la Commission était d’avis que c’était le meilleur cas de confusion. Dans les présentes procédures, les parties, à l’instar de la Commission, ont limité leurs observations à la probabilité de confusion entre la marque de commerce de la demanderesse et la marque de commerce Natursource de la défenderesse. Aucune mention ne sera donc faite de la deuxième marque de commerce de la défenderesse.

 

[8]               Dans l’évaluation qu’elle a faite de la probabilité de confusion, la Commission a tenu compte des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi.  

 

[9]               La Commission a conclu que les deux marques étaient faibles. Elle a jugé que la marque Nature’s Source de la demanderesse n’avait pas de caractère distinctif inhérent parce que la combinaison des mots « nature » et « source » évoque les services qu’elle offre. Elle a aussi conclu que la marque de commerce Natursource évoque également les marchandises de la défenderesse. Cependant, la Commission a fait remarquer que la marque de la défenderesse avait acquis, au fil des ans, un caractère distinctif par suite d’un usage étendu; le facteur prévu à l’alinéa 6(5)a) jouait donc en faveur de la défenderesse.  

 

[10]           La Commission a jugé que le facteur relatif à la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage jouait également en faveur de la défenderesse.  

 

[11]           En ce qui concerne le facteur énuméré à l’alinéa 6(5)c) de la Loi, le genre de marchandises, services ou entreprises, la Commission a établi qu’il y avait un certain lien entre les marchandises et services respectifs des parties et qu’il pourrait y avoir un certain chevauchement. Voici comment la Commission résume les éléments de preuve qu’elle a examines par rapport à ce critère :  

Les produits de l’Opposante vendus au Canada en liaison avec sa marque de commerce NATURSOURCE sont des céréales, céréales granola, grignotines granola, porridge, noix rôties, graines rôties, mélanges de fruits séchés et de noix, et biscuits. Ils sont vendus dans les supermarchés, dépanneurs, épiceries, magasins d’aliment santé, machines distributrices, pharmacies, et par les sociétés aériennes, exploitants de services alimentaires, et dans des paniers cadeaux corporatifs. La Requérante prodigue ses Services à une clientèle intéressée à les obtenir parce que des praticiens les leur recommandent (médecins, chiropraticiens, naturopathes, homéopathes). Des thérapeutes, nutritionnistes, naturopathes et biochimistes peuvent être consultés sur place à chacun des sites exploités par la Requérante.

 

 

[12]           La Commission a conclu qu’il existe un certain chevauchement entre les produits de la défenderesse, des produits alimentaires, et les services de magasin de détail de la demanderesse, ses services de franchisage et ses services de commerce électronique spécialisés dans la vente de suppléments nutritifs, de vitamines et de suppléments minéraux, de suppléments aux herbes, et de produits de régime et d’amaigrissement et de produits de condition physique. 

 

[13]           En ce qui concerne le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)d), la nature du commerce, la Commission a indiqué que le commerce respectif des parties ne pouvait se distinguer suivant le principe que l’une d’elles vend des marchandises alors que l’autre offre des services. La Commission a conclu qu’il pourrait y avoir un chevauchement entre les commerces respectifs des parties « si une relation était établie entre les marchandises de [la défenderesse] et les Services de la [demanderesse] ».La Commission a conclu à l’existence d’une telle relation sur le fondement de sa conclusion que les marchandises vendues par la défenderesse pourraient entrer dans la catégorie générale de produits alimentaires de régime et de condition physique et que ces produits étaient vendus dans des magasins de produits diététiques. De l’avis de la Commission, la possibilité de chevauchement n’est pas éliminée du fait que la demanderesse a expressément exclu dans sa demande d’enregistrement les produits vendus par la défenderesse.  

 

[14]           En ce qui a trait au facteur prévu à l’alinéa 6(5)e), la Commission a affirmé que les marques se ressemblent tant phonétiquement que visuellement. Par ailleurs, les idées qu’elles sous-tendent offrent certaines similitudes, dont l’origine naturelle des marchandises de la défenderesse et des services de la demanderesse.    

 

[15]           La Commission a aussi examiné deux facteurs additionnels soulevés par la demanderesse : l’état du registre et l’inexistence de cas réels de confusion.

 

[16]           En ce qui concerne le fait qu’il n’existait pas de preuve de confusion même si les marques ont coexisté pendant une période de plus de neuf ans, la Commission a mentionné que la demanderesse exploitait des magasins dans le  sud de l’Ontario alors que la défenderesse avait ses activités à Montréal. Par conséquent, il existait une faible possibilité que la défenderesse se rende compte de cas de confusion.

 

[17]           En ce qui concerne l’état du registre, la Commission a examiné seulement les marques de commerce dont la phonétique est équivalente ou les traductions françaises de la marque de commerce. De l’avis de la Commission, les quatre mentions déposées en preuve ne sont pas suffisantes pour en inférer que « le consommateur a l’habitude de trouver sur le marché de telles marques de commerce et qu’il peut donc les différencier. »  La Commission a indiqué que, faute de preuve, elle avait volontairement écarté les mentions à l’intérieur desquelles la combinaison des mots « source » et « naturelle » constituait une description claire des marchandises, comme par exemple «  EAU DE SOURCE NATURELLE ».  

 

[18]           La Commission a ensuite examiné les motifs d’opposition qui avaient trait au droit à l’enregistrement de la marque et à son caractère distinctif. La Commission a conclu que la défenderesse avait présenté une preuve suffisante pour établir l’emploi antérieur de sa marque de commerce depuis les dates pertinentes en vertu des paragraphes 16(1) et (3) de la Loi et qu’elle n’avait pas abandonné cet emploi depuis la date de publication de la demande de la demanderesse. 

 

[19]           La Commission a indiqué que la question principale portait sur la probabilité de confusion entre la marque de commerce Nature’s Source de la demanderesse et la marque de commerce Natursource ainsi que les noms commerciaux Natursource Inc. et Naturesource de la défenderesse. En ce qui a trait aux motifs d’opposition fondés sur le droit à l’enregistrement et sur le caractère distinctif, la Commission a jugé qu’il y tout autant lieu d’appliquer à cette question les conclusions tirées de l’examen de l’enregistrabilité de la marque de la défenderesse. La Commission a jugé que la différence des dates pertinentes quant à ces deux questions ne constituait pas un facteur déterminant dans l’analyse.    

 

[20]           La Commission a conclu que la demanderesse ne s’était pas acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa marque de commerce n’offre aucune probabilité de confusion avec la marque de commerce de la défenderesse lorsqu’employée avec les services de magasin de détail, les services de franchisage et les services de commerce électronique. Cependant, la Commission a rejeté l’opposition en ce qui concerne la demande d’utilisation de la  marque de commerce en liaison avec les services de santé.   

 

III. La question en litige

[21]           La question est de savoir si la Commission a commis une erreur en concluant qu’il existe une probabilité de confusion entre la marque de commerce Nature’s Source de la demanderesse employée en liaison avec les services de magasin de détail, de franchisage et de commerce électronique et la marque de commerce et le nom commercial de la défenderesse.

 

[22]           Les deux parties conviennent que, dans les circonstances, le choix d’une date par rapport à une autre n’a pas d’incidence importante sur l’issue de l’analyse de la confusion.  

 

IV. La norme de contrôle

[23]           Les parties conviennent que la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique habituellement aux décisions de la Commission lorsqu’aucun élément de preuve additionnel n’est déposé à l’appui de l’appel. De plus, lorsque des éléments additionnels de preuve substantielle, qui auraient pu avoir une incidence sur la décision de la Commission, sont déposés dans le cadre de l’appel, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.  Notre Cour doit procéder à sa propre évaluation eu égard à l’ensemble de la preuve, y compris aux  éléments de preuve additionnels. Dans la décision Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 CF 145, au par. 51, le juge Rothstein, s’exprimant au nom de la majorité, examine la question de la  norme de contrôle applicable :    

51        Je pense que l'approche suivie dans les affaires Benson & Hedges et McDonald's Corp. est conforme à la conception moderne de la norme de contrôle. Même s'il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d'un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l'objet d'une certaine déférence. Compte tenu de l'expertise du registraire, et en l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d'expertise, qu'elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu'elles résultent de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire. [C’est nous qui soulignons.]

 

 

[24]           En l’espèce, les deux parties ont déposé une preuve additionnelle.

 

[25]           La demanderesse fait valoir que la norme de contrôle applicable devrait être celle de la décision correcte puisque les deux parties ont présenté de nouveaux éléments de preuve qui sont substantiels et auraient pu avoir un effet sur la décision prise par la Commission. La défenderesse est d’avis contraire et soutient qu’une partie de la nouvelle preuve reprend simplement les éléments de preuve déposés devant la Commission et que le reste de la preuve n’est pas pertinent.  

 

[26]           En toute déférence, je suis d’avis que les éléments de preuve additionnels déposés par les parties ne sont pas importants et n’auraient pas influé sur la décision de la Commission.  

 

[27]           La demanderesse a déposé un affidavit devant la Commission, souscrit par M. Sanjiv Jagota, le président et chef de la direction de la demanderesse. Dans son affidavit, M. Jogota décrit l’entreprise de la demanderesse et donne des renseignements sur ses ventes et les activités et les dépenses de publicité. Dans le cadre de l’appel, la demanderesse a déposé un second affidavit, souscrit par M. Jagota, dans lequel celui-ci donne davantage de détails sur la nature de l’entreprise de la demanderesse. M. Jagota a aussi été contre-interrogé relativement à ses affidavits. La demanderesse fait valoir que ces éléments de preuve additionnels renforcent l’affirmation portant qu’elle exploite un service de consultations thérapeutiques, non un magasin d’aliments santé, et que les ventes de produits alimentaires ne représentent que 2,5 % de ses ventes totales. En toute déférence, je ne crois pas que les renseignements additionnels auraient amené le registraire à une compréhension différente de la nature de l’entreprise et du commerce de la demanderesse. Il ressort de la décision de la Commission, et tout particulièrement des extraits ci-après, que la Commission ne s’est pas méprise sur la nature de l’entreprise de la demanderesse et qu’elle a compris que celle-ci vendait des suppléments et des vitamines et non des produits alimentaires :    

 

…                    […] Sont vendus dans les magasins de détail, dont la spécialité est le commerce des suppléments, des suppléments nutritifs, des suppléments de vitamines et minéraux, des suppléments aux herbes, des produits de régime et d’amaigrissement, et des produits de condition physique.

.

 

[…] La Requérante prodigue ses Services à une clientèle intéressée à les obtenir parce que des praticiens les leur recommandent (médecins, chiropraticiens, naturopathes, homéopathes). Des thérapeutes, nutritionnistes, naturopathes et biochimistes peuvent être consultés sur place à chacun des sites exploités par la Requérante. 

 

[28]           La demanderesse a également déposé un affidavit souscrit par Mme Jane Griffith, conseillère en recherche. L’affidavit de Mme Griffith décrit sa recherche au sujet d’exemples d’emploi des termes « nature » et « source » en liaison avec des produits de vente au Canada et de la définition de ces termes dans le dictionnaire. À mon avis, les définitions que le dictionnaire donne des termes « source » et « nature » n’auraient pas eu d’incidence sur l’analyse de la Commission. Dans sa décision, la Commission indique que ces termes évoquent l’origine naturelle des marchandises de la défenderesse et des produits que vend la demanderesse dans ses magasins de détail. Quant aux exemples de produits portant des marques de commerce ou des noms commerciaux qui comportent les mots « source » et « nature » employés seuls ou en liaison avec d’autres mots,  je ne crois pas qu’ils auraient pu avoir une incidence sur la décision de la Commission. Il n’y avait pas suffisamment d’exemples de produits dont la marque comportait les mots « nature » et « source » employés non en liaison avec d’autres mots pour avoir une incidence sur la conclusion de la Commission quant à l’incidence de l’état du registre. En outre, la Commission a clairement indiqué qu’elle avait écarté  les marques de  commerce dont la phonétique n’était pas équivalente des marques de commerce en litige. Par conséquent, les exemples de produits, dont la marque comporte les termes « nature » et « source » en liaison avec d’autres mots, sont de même nature que les éléments de preuve déjà examinés par la Commission. Il en va de même des renseignements fournis dans le deuxième affidavit de M. James Haggerty. Par conséquent, ces éléments de preuve additionnels, qui ont trait à des marques de commerce et à des noms de produit où les termes « nature » et/ou « source » sont utilisés en liaison avec d’autres mots, sont de même nature que la preuve déjà écartée par la Commission.

 

[29]           Les éléments de preuve additionnels déposés par la défenderesse ne sont pas importants puisqu’ils ne comportent aucun élément qui aurait vraisemblablement changé les conclusions de la Commission. Selon la demanderesse, ces éléments de preuve indiquent que seulement une partie des ventes de la défenderesse aurait pu contribuer au caractère distinct de sa marque de commerce puisqu’une partie de ses ventes sont des ventes sous marque maison ou des produits en vrac qui ne sont pas vendus sous la marque Natursource. À mon avis, cet élément n’aurait eu aucune incidence sur la décision de la Commission puisque la preuve indique clairement qu’au moins 85 % des ventes de la défenderesse sont des ventes de produits portant sa marque de commerce.

 

[30]           Je suis donc d’avis que les éléments de preuve additionnels déposés dans le cadre de l’appel ne constituent pas une preuve substantielle et que la décision de la Commission est susceptible de contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable. Dans l’arrêt Mattel, Inc c.3894207 Canada Inc, 2006 CSC, aux par. 36 et 37, [2006] 1 RCS 772 [Mattel], la Cour suprême a fait ressortir l’expertise de la Commission et la retenue dont il faut faire preuve à l’égard de cette expertise :

36        La détermination de la probabilité de confusion requiert une expertise que la Commission (qui procède quotidiennement à des évaluations de ce genre) possède dans une plus grande mesure que les juges en général.  Il faut donc faire preuve d’une certaine retenue judiciaire à l’égard de la décision de la Commission, comme la Cour l’a souligné dans Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp., [1969] R.C.S. 192, p. 200 :

 

[traduction]  À mon avis, il faut attribuer beaucoup de poids à la décision du registraire sur la question de savoir si une marque de commerce crée de la confusion et la conclusion d’un fonctionnaire qui, au cours de son travail quotidien, doit rendre des décisions sur ce point et sur d’autres questions connexes en vertu de la Loi ne doit pas être rejetée à la légère, mais comme l’a déclaré le juge Thorson, alors président de la Cour de l’Échiquier, dans l’affaire Freed and Freed Limited c. The Registrar of Trade Marks et al [[1951] 2 D.L.R. 7, p. 13] :

 

. . . le fait de se fonder sur la décision du registraire portant que deux marques se ressemblent au point de créer de la confusion ne doit pas aller jusqu’à décharger le juge qui entend l’appel de cette décision de l’obligation de trancher la question en tenant dûment compte des circonstances de l’espèce.

 

37        Cela signifie en pratique que la décision du registraire ou de la Commission [traduction] « ne devrait pas être annulée à la légère, compte tenu des connaissances spécialisées dont disposent ces instances décisionnelles » : McDonald’s Corp. c. Silcorp Ltd. (1989), 24 C.P.R. (3d) 207 (C.F. 1re inst.), p. 210, conf. par [1992] A.C.F. no 70 (QL) (C.A.).  L’admission d’un nouvel élément de preuve pourrait évidemment (selon sa nature) affaiblir le fondement factuel de la décision rendue par la Commission et lui enlever le poids que lui confère l’expertise de la Commission.  Toutefois, le pouvoir dont dispose le juge des requêtes d’admettre et d’examiner un nouvel élément de preuve n’empêche pas en soi que l’expertise de la Commission constitue un facteur pertinent : Lamb c. Canadian Reserve Oil & Gas Ltd., [1977] 1 R.C.S. 517, p. 527‑528.

 

[31]           Voici comment l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick,  2008 CSC, par. 47, [2008] 1 RCS 190définit le rôle de la cour dans le cadre d’une révision suivant la norme de la décision raisonnable : 

47        La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables.  Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables.  La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité.  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

V. Position des parties

[32]           Indépendamment du fait que la demande d’enregistrement a été refusée à l’égard de trois catégories de services, les parties ont, dans leurs observations, mis l’accent sur les services de magasin de détail puisque les deux autres services sont en quelque sorte subordonnés aux services de détail. Il ressort également clairement de la décision de la Commission que celle-ci a également axé son analyse sur les services de magasin de détail. La présente décision porte donc sur les arguments présentés à l’égard des services de magasin de détail.

 

[33]           Les parties ont également convenu que les dates différentes applicables pour l’examen des différents motifs d’opposition n’ont aucune importance en l’espèce, et elles ne se sont pas attardées aux dates auxquelles la probabilité de confusion devait être établie.   

 

A) La position de la demanderesse

[34]           La demanderesse fait valoir que le consommateur qui entre dans son magasin ne tiendrait probablement pas pour acquis      que ce magasin est exploité par le producteur des marchandises de la défenderesse et que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il existait une probabilité de confusion.

 

[35]           Dans ses observations, la demanderesse a mis l’accent sur trois des critères énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi.    

 

[36]           La demanderesse souscrit à la conclusion de la Commission portant que les deux marques de commerce sont faibles et reproche à la Commission de ne pas avoir accordé suffisamment de poids à cette conclusion. Puisque les deux marques sont faibles, celle de la défenderesse ne devrait pas bénéficier d’une protection générale et de petites différences devraient permettre d’éviter la confusion. La demanderesse met l’accent sur les éléments de preuve additionnels qui font ressortir l’emploi par des tiers de marques tirées du registre et du marché. Selon la preuve, les termes « nature » et « source » sont couramment utilisés pour décrire des marchandises qui sont d’origine naturelle. Les définitions du dictionnaire confirment également la faiblesse des marques. La demanderesse soutient donc que la Commission a accordé trop de poids au caractère distinctif acquis de la marque de commerce de la défenderesse.

 

[37]           La demanderesse a fait également valoir que la preuve additionnelle déposée par la défenderesse établit également que ce ne sont pas toutes les marchandises de la défenderesse qui sont vendues sous la marque de commerce de celle-ci et que seulement une partie de ses ventes a contribué à l’établissement du caractère distinctif de sa marque de commerce.

 

[38]           La demanderesse soutient également que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il y avait un chevauchement entre les services de magasin de détail qu’elle offre et les marchandises de la défenderesse. Subsidiairement, s’il existe un chevauchement, il est si faible que cela n’a pas d’importance.  

 

[39]           La demanderesse soutient en outre que la Commission a commis une erreur en concluant que les marchandises vendues par la défenderesse pourraient entrer dans la catégorie générale de produits alimentaires de régime et de condition physique. La défenderesse ne produit que des produits alimentaires. Selon la preuve, la demanderesse n’exploite pas de magasins d’aliments santé, mais des services de consultation thérapeutique, où elle offre des produits naturels et des services professionnels de soins de santé parallèles. La demanderesse insiste sur le fait que les marchandises qu’elle vend ne portent pas sa marque de commerce. Elle reconnaît qu’elle vend des produits alimentaires dans ses magasins de détail, mais que ces ventes représentent un pourcentage trop faible de ses ventes totales (2,5 %) pour être significatif. La demanderesse fait également valoir que sa demande excluait expressément les marchandises vendus par la défenderesse et que cette exclusion aurait dû amenée la Commission à éliminer toute probabilité de confusion.

 

[40]           La demanderesse fait aussi ressortir que la nature spécialisée de ses magasins et de sa clientèle, compose de personnes qui emploient des méthodes de guérison naturelles de rechange. Elle indique aussi que, dans la plupart des cas, elle emploie du personnel professionnel et expérimenté et que la majorité des produits vendus dans ses magasins de détail ne peuvent être dispensés sans les conseils de ce personnel.   

 

[41]           Selon la demanderesse, même si elle reconnaît que le nombre d’années pendant lesquelles la marque de commerce a été employée joue en faveur de la défenderesse, la Commission a sous-estimé le fait que les deux marques de commerce ont coexisté sur le marché sans confusion pendant une longue période. Elle soutient qu’il était déraisonnable pour la Commission de limiter ses conclusions sur ce point à son hypothèse voulant qu’il soit peu probable que des cas de confusion soient portés à l’attention de la défenderesse. De l’avis de la demanderesse, l’absence de preuve d’une confusion réelle est pertinente et la Commission aurait dû en tenir compte.

 

B) La position de la défenderesse

[42]           La défenderesse fait valoir que la conclusion de la commission quant à la probabilité de confusion était raisonnable et que la décision est conforme à la preuve, est bien fondée et motivée. Elle insiste sur le fait que la décision doit être considérée dans son ensemble et que tous les facteurs doivent être soupesés ensemble. À son avis, les éléments de preuve additionnels présentés en appel ne servent qu’à renforcer les conclusions de la Commission.  

 

[43]           La défenderesse maintient que la preuve étaye la conclusion portant que la marque de commerce de la défenderesse était plus connue et avait acquis un caractère distinctif. La durée pendant laquelle la marque de commerce a été employée joue également en sa faveur et ce fait n’est pas contesté. 

 

[44]           La défenderesse soutient aussi que les deux marques se ressemblent et évoquent des idées qui ont des similitudes puisque ces deux marches laissent croire qu’il s’agit de produits d’origine naturelle.  

 

[45]           La défenderesse soutient aussi qu’il était raisonnable de conclure qu’il existe un chevauchement entre les services de la demanderesse et les marchandises de la défenderesse. En réponse aux arguments de la demanderesse, la défenderesse fait ressortir d’une part, que la Commission n’a jamais conclu que la principale activité de la demanderesse était la vente de nourriture et d’autre part, qu’elle a reconnu que la demande d’enregistrement excluait expressément les marchandises de la défenderesse. De l’avis de la défenderesse, cette exclusion ne permet pas de conclure qu’un consommateur n’est pas susceptible de confondre la source à la fois des marchandises et des services. S’il existe un lien entre les services et les marchandises, cela pourrait permettre de conclure à l’existence d’un chevauchement entre les activités des parties et d’une probabilité de confusion.

 

[46]           La défenderesse soutient également qu’il existe en l’espèce un lien entre ses marchandises et  les services de la demanderesse. Les deux parties exploitent des entreprises de produits naturels et ciblent toutes deux la même clientèle, des gens préoccupés par leur santé et qui veulent vivre plus longtemps en utilisant des produits naturels. Les produits de la défenderesse se trouvent en grande partie dans des magasins de détail semblables à ceux qu’exploite la demanderesse. Le fait que la demanderesse ne vent pas les produits de la défenderesse ne suffit pas en soi à écarter une probabilité de confusion. La défenderesse fait tout particulièrement ressortir le fait que plus de 50 % des produits vendus par la demanderesse ne sont même pas des produits énumérés dans la sa demande d’enregistrement et entrent dans la même catégorie que ceux de la défenderesse : ce sont des produits de soins personnels, des produits pour soins à domicile, des thés et des herbes, des produits santé et de régime et des grignotines et des boissons. Même si les aliments et les boissons ne représentent qu’une infime partie des ventes totales, ils sont toujours situés à un endroit privilégié près de la caisse. La défenderesse maintient que la Commission n’a pas commis d’erreur en concluant que les marchandises vendues par la demanderesse pourraient entrer dans la catégorie générale de produits alimentaires, de régime et de condition physique.  

 

[47]           La défenderesse fait valoir que l’état du registre ne constitue pas un facteur distinct. Il doit être soupesé dans le contexte de tous les autres facteurs déterminants. Elle soutient aussi que les éléments de preuve additionnels présentés au sujet de la liste des marques de commerce qui emploient les termes « nature » et « source » ne sont pas pertinent puisque ces termes ne sont pas les seules composantes des marques en question et sont surtout liés à un autre nom commercial déjà connu par le public et utilisés comme une description de la marque de commerce. De l’avis de la défenderesse, le cas de l’emploi des termes « nature » et « source » en combinaison avec un autre nom commercial qui décrit le produit ou une nouvelle ligne de produits est totalement différent. En l’espèce, les termes « nature » et « source » sont les seules composantes des marques de commerce.     

 

VI. Analyse  

[48]           Les parties s’entendent sur les principales applicables.

 

[49]           Il est utile de rappeler le concept de monopole sous-jacent au droit des marques de commerce. Dans l’arrêt Mattel, précité, au par. 21, la Cour a affirmé ce qui suit :

21        […] Sa prétention à un monopole ne repose pas sur le fait qu’il confère un avantage au public, comme en matière de brevet ou de droit d’auteur, mais sur le fait qu’il sert un intérêt important du public en garantissant aux consommateurs que la source de laquelle ils achètent est bien celle qu’ils croient et qu’ils obtiennent la qualité qu’ils associent à cette marque de commerce en particulier.  Les marques de commerce font donc en quelque sorte office de raccourci qui dirige les consommateurs vers leur objectif et, en ce sens, elles jouent un rôle essentiel dans une économie de marché.  Le droit des marques de commerce repose sur les principes de l’équité dans les activités commerciales.  On dit parfois qu’il sert à maintenir l’équilibre entre la libre concurrence et la juste concurrence.

 

[50]           Dans l’arrêt Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, au par. 1, [2011] 2 RCS 387 [Masterpiece], la Cour suprême a reformulé l’incidence de la confusion entre deux marques de commerce similaires :

1          […]  Dans les cas où les marques de commerce de différentes entreprises sont similaires, le consommateur peut ne pas savoir quelle société offre les marchandises ou les services qui l’intéressent.  La confusion entre les marques de commerce nuit à l’objectif qui consiste à fournir aux consommateurs une indication fiable de l’origine des marchandises ou des services […]  

 

[51]           Comme l’explique l’arrêt Masterpiece, précité, au par. 40, le critère qui sert à décider s’il y a confusion en vertu de la Loi a été péremptoirement réitéré par le juge Binnie dans l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 RCS 824 [Veuve Clicquot]:

40        Il est utile, en commençant l’analyse relative à la confusion, de se rappeler le critère prévu dans la Loi.  Dans Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 R.C.S. 824, par. 20, le juge Binnie a reformulé la démarche traditionnelle de la façon suivante :

 

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

 

Le juge Binnie renvoie avec approbation aux propos tenus par le juge Pigeon dans Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp., [1969] R.C.S. 192, p. 202, pour faire ressortir ce qu’il ne faut pas faire, à savoir un examen minutieux des marques concurrentes ou une comparaison côte à côte.

 

[52]           En l’espèce, la question est de savoir si, à partir de sa première impression, le  « consommateur ordinaire plutôt pressé » à la vue de la marque de commerce Nature’s Source en liaison avec le service de vente de divers produits naturels, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce ou du nom commercial Natursource de la défenderesse, en liaison avec les marchandises qu’elle fabrique, considérerait que les services de la demanderesse et les produits alimentaires de la défenderesse proviennent d’un seul et même fournisseur.   . 

 

[53]           Le paragraphe 6(5) de la Loi prévoit l’approche qu’il faut appliquer pour évaluer la confusion :  

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

 

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

 

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

 

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

 

 

d) la nature du commerce;

 

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent..

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

 

 

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

 

 

 

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

 

 

(c) the nature of the wares, services or business;

 

 

(d) the nature of the trade; and

 

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

 

[54]           Il importe de se rappeler que les circonstances et les facteurs, énoncés au par. 6(5) ne sont pas exhaustifs, que l’évaluation doit être effectuée selon le contexte et que le poids accordé à chaque facteur peut varier (Veuve Clicquot, précité, au par. 27).

 

[55]           Il est aussi utile de garder à l’esprit que, dans l’arrêt Masterpiece, précité, au par. 53, la Cour suprême affirme qu’il faut s’attarder aux termes employés dans la demande d’enregistrement de la marque de commerce et à « ce que l’enregistrement permettrait [au requérant] de faire, et non pas [à] ce qu’[il] fait actuellement. » La Cour ajoute au par. 59 que même si l’emploi réel de la marque n’est certes pas dénué de pertinence, « il ne doit pas non plus remplacer complètement l’examen d’autres emplois qui pourraient être faits en conformité avec l’enregistrement. »

 

[56]           En l’espèce, la question n’est pas de savoir si la Cour serait arrivée à la même conclusion que la Commission, mais si la décision de cette dernière appartient aux issues possibles acceptables. À mon avis, la réponse est affirmative et l’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

 

[57]           Les deux parties conviennent que leurs marques respectives sont faibles et qu’elles se composent de mots usuels qui laissent croire à l’origine naturelle des services et produits des parties; ni l’une ni l’autre de ces marques n’ont un caractère distinctif inhérent. Selon la preuve, les deux marques de commerce ont acquis un certain caractère distinctif et sont devenus connues à un certain degré par l’usage. Cependant, la Commission a conclu que la marque de commerce de la défenderesse a acquis davantage de caractère distinctif par suite d’un usage étendu sur une longue période et cette conclusion s’appuie sur la preuve.

 

[58]           La demanderesse fait valoir que la Commission n’a pas accordé un poids approprié à la faiblesse des marques de commerce puisque les termes « source » et « natural » sont habituellement utilisés pour décrire des marchandises en provenance d’une source naturelle. La marque de commerce de la défenderesse devrait donc recevoir une protection étroite. La Commission a conclu qu’il n’était pas pertinent de comparer les marques de commerce des parties à des marques de commerce de tierces parties, qui ne sont pas phonétiquement identiques. Cette approche n’était pas déraisonnable et les éléments de preuve relatifs à l’utilisation des termes « source » et « natural » en liaison avec d’autres mots ne diminuent pas le caractère distinctif de la marque de commerce de la défenderesse. Par ailleurs, la Commission n’a pas fondé sa décision seulement sur la conclusion que le caractère distinctif acquis de la marque de la défenderesse et il lui appartenait d’établir le poids à accorder à ce facteur.

 

[59]           La demanderesse soutient également que le caractère distinctif devrait être atténué par le fait que ce ne sont pas toutes les ventes de la défenderesse qui sont des ventes de produits arborant sa marque. En toute déférence, cet argument doit échouer. Il est vrai que la preuve additionnelle illustre que la défenderesse vend certains de ses produits sous étiquette privée, mais cette preuve démontre également que la grande partie (85 %) des produits vendus de la défenderesse arborent sa marque de commerce. À mon avis, la proportion de produits sans marque n’est pas suffisante pour avoir peut-être eu une incidence sur la décision de la Commission quant au caractère distinctif de la marque de commerce de la défenderesse.   

 

[60]           Il est évident que le facteur de la durée pendant laquelle la marque de commerce a été en usage joue en faveur de la défenderesse et la demanderesse n’a pas fait valoir que la conclusion de la commission à cet égard était erronée.

 

[61]           La demanderesse accorde une grande importance à la nature des marchandises et des services et à la nature du commerce. Elle soutient que la Commission a mal caractérisé son entreprise et elle insiste sur le fait qu’elle n’exploite pas un magasin d’aliments santé, mais qu’elle offre un service de  consultations thérapeutiques qui s’apparente davantage à une pharmacie de produits naturels. De plus, de l’avis de la demanderesse, la Commission n’a pas examiné le fait que la demande qu’elle avait présentée excluait expressément la vente au détail de produits du type de ceux fabriqués par la défenderesse. Avec égards, je ne souscris pas à cet argument.

 

[62]           Il ne fait aucun doute que les services de la demanderesse et les marchandises de la défenderesse ne sont pas de la même catégorie et la Commission a reconnu ce fait. À mon avis, la Commission avait une bonne compréhension de la nature des entreprises de chaque partie et elle n’a pas conclu que la demanderesse exploite des magasins d’aliments santé. Cependant, elle a conclu qu’il existait un chevauchement et un lien entre les services de la demanderesse et les marchandises de la défenderesse. Plus précisément, la Commission a conclu que les produits de la défenderesse pourraient entrer dans la catégorie générale de produits alimentaires, de régime et de condition physique. À son avis, l’exclusion par la demanderesse des produits vendus par la défenderesse n’éliminait pas la possibilité de chevauchement.

 

[63]           À mon avis, la conclusion de la Commission sur ce point est raisonnable. Les deux entreprises ciblent des consommateurs qui prennent soin de leur santé et qui préfèrent des produits à base d’ingrédients naturels qui sont sains. Même si la demanderesse n’exploite pas une entreprise alimentaire en soi, les produits qu’elle vend sont des produits que les gens avalent à titre de suppléments et de vitamines. À tout le moins, on ne peut affirmer que la demanderesse est étrangère à l’industrie des aliments santé. Par ailleurs, les produits vendus dans les magasins au détail de la demanderesse et les produits fabriqués par la défenderesse entrent dans la même catégorie de produits naturels. Les produits de la défenderesse, qui sont des grignotines santé de haut de gamme, ne sont peut-être pas encore vendus dans les magasins au détail de la demanderesse, mais ils le sont dans des établissements du même type. Sur le fondement des éléments de preuve et de la nature des entreprises respectives des parties, je n’estime pas qu’il était déraisonnable pour la Commission de conclure qu’il existait un certain type de lien entre les services de la demanderesse et les marchandises de la défenderesse.

 

[64]           La Commission a aussi conclu que les marques de commerce des parties se ressemblent  et que les idées qu’elles sous-tendent sont similaires, dont l’origine naturelle des services de la demanderesse et des marchandises de la défenderesse. Je ne constate aucune erreur dans cette conclusion. Dans l’arrêt Masterpiece, précité, au par. 49, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il arrive que « le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) ».

 

[65]           La demanderesse soutient que la Commission aurait dû accorder un poids au fait qu’il  n’existait pas de preuve de confusion réelle. À mon avis, il n’était pas déraisonnable pour la Commission d’accorder peu de poids à ce facteur eu égard à la faible possibilité que la défenderesse apprenne l’existence de véritables cas de confusion. Même si les ses produits sont distribués à l’échelle nationale, la demanderesse exploite son entreprise à Montréal, loin des magasins au détail de la demanderesse ou des consommateurs des services de celle-ci.  

 

[66]           La demanderesse fait valoir que la preuve additionnelle démontre qu’il y a 33 autres marques de commerce déposées qui emploient les termes « nature » et « source », leurs équivalents en français ou des termes similaires, qui devraient permettre de conclure que les sont consommateurs sont habitués à faire de petites distinctions entre les marques de commerce. À mon avis, la vaste majorité de ces marques de commerce utilisent les termes « nature » et « source » en liaison avec d’autres termes, alors qu’en l’espèce, ces deux termes sont les seuls mots qui composent les marques de commerce. Dans ce contexte, il n’était pas déraisonnable pour la Commission de conclure que les seules marques de commerce de tierces parties qui n’étaient pas pertinentes étaient celles qui étaient phonétiquement équivalentes à celles des parties ou leur équivalent en français. Les quatre cas relevés dans le registre ne permettaient pas de conclure que les consommateurs seraient habitués à voir ces marques de commerce sur le marché et à les distinguer.   

 

[67]           Les deux parties ont fait référence à plusieurs décisions de notre Cour que ce soit pour faire ressortir les similitudes entre les faits dans ces affaires ou pour les distinguer. Il importe de signaler que chaque affaire doit être appréciée selon les faits qui lui sont propres, et en l’espèce, je n’estime pas nécessaire de mentionner chacune de ces décisions.

 

[68]           Pour tous ces motifs, j’estime que la décision de la Commission était raisonnable et que l’appel est rejeté. 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que l’appel est rejeté avec dépens en faveur de la défenderesse.

 

 

“Marie-Josée Bédard”

Juge

 

 

 

 

 

 

 

                 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-463-09

 

INTITULÉ :                                      NATURE’S SOURCE INC. c. NATURSOURCE INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 27 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            La juge BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 20 juillet 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stéphane Caron et Me Nicole Vigneault

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Jean-Luc Couture

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Therrien Couture Avocats S.E.N.C.R.L.

Saint-Hyacinthe (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

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