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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20120816

Dossier : IMM-421-12

Référence : 2012 CF 1000

[traduction certifiée non révisée]

Ottawa (Ontario), le 16 août 2012

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

 

PRATHEEPAN PARAMSOTHY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision en date du 5 décembre 2011 de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (SPR) concluant que le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

[2]               Pour les motifs qui seront exposés, je suis d’avis que la SPR a commis une erreur de droit, en ce qu’elle n’a pas appliqué le bon critère pour établir si le demandeur craignait avec raison d’être persécuté au sens de l’article 96.

 

Les faits

 

[3]               Le demandeur est un Tamoul du nord du Sri Lanka âgé de 30 ans qui se dit victime de persécution de la part de groupes paramilitaires, de l’armée sri-lankaise et de la police. Il allègue qu’en raison de son âge, de son sexe et de son origine ethnique, il peut être perçu comme un sympathisant des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET) par le gouvernement du Sri Lanka, même s’il n’a eu aucun lien avec eux.

 

[4]               Il déclare que le 10 septembre 2009, alors qu’il vivait à Trincomalee, des gens armés l’ont interpellé dans la rue et l’ont interrogé. Ils ont vérifié ses pièces d’identité et l’ont laissé partir. Effrayé, il est allé passer la nuit chez sa tante. Le lendemain, il a appris que les personnes auxquelles il avait parlé la veille et des officiers de l’armée s’étaient rendus chez lui et avaient demandé à le voir. Il a décidé de déménager à Colombo. Alors qu’il vivait à Colombo, il a appris qu’il était toujours recherché.

 

[5]               La police est allée chez le demandeur à Colombo, a fouillé sa chambre et lui a demandé pourquoi il vivait à Colombo. Le demandeur a répondu qu’il cherchait un emploi à l’étranger, et la police est partie.

 

[6]               En février 2010, tandis qu’il se rendait à pied à une boulangerie, une fourgonnette blanche s’est arrêtée à sa hauteur. Le demandeur a été poussé dans la fourgonnette et a été enlevé. Il a été emmené dans un lieu inconnu, où il a été battu, interrogé à propos de ses liens avec les TLET et accusé de les appuyer. Il a été détenu pendant une journée, puis libéré après le versement d’une rançon aux ravisseurs. Le demandeur s’est rendu compte que ses ravisseurs étaient membres de la faction Karuna, un groupe paramilitaire tamoul allié au gouvernement sri‑lankais. Une fois libéré, le demandeur a décidé de quitter le Sri Lanka le 16 avril 2010.

 

[7]               Le demandeur a traversé les États-Unis pour se rendre au Canada, où il est arrivé le 24 juin 2010. Il a immédiatement demandé l’asile.

 

La décision soumise au contrôle

 

[8]               La SPR n’a pas jugé crédible le témoignage du demandeur. Elle a estimé que le témoignage rendu à l’audience et le formulaire de renseignements personnels étaient entachés de contradictions et omissions importantes touchant des éléments essentiels de la demande, et elle a tiré une conclusion défavorable en matière de crédibilité.

 

[9]               S’agissant du fondement objectif de la crainte éprouvée par le demandeur à l’égard du gouvernement sri‑lankais, la SPR a conclu selon la prépondérance des probabilités que, même si le demandeur était un jeune homme originaire du nord-est du pays, le gouvernement ne cherchait pas à l’arrêter et ne lui imputait pas de liens avec les TLET.

 

[10]           Elle a également jugé qu’étant donné que le beau-frère du demandeur, qui a la même origine ethnique et vit aussi dans l’est du Sri Lanka, n’a connu aucune difficulté depuis la fin de la guerre, il est peu probable que le demandeur éprouve des difficultés à son retour.

 

[11]           Selon la SPR, en outre, la situation a changé au Sri Lanka. Elle a signalé qu’à la fin de la guerre, au mois de mai 2009, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) avait indiqué qu’en l’absence d’indicateurs clairs et fiables que les demandeurs d’asile tamouls du nord du Sri Lanka ne répondaient pas aux critères, la qualité de réfugié devrait leur être reconnue, mais que depuis l’amélioration de la situation pour les Tamouls, la position du HCR avait changé en 2010. Le 5 juillet 2010, le HCR a indiqué, dans les Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Asylum Seekers from Sri Lanka, qu’il n’était plus nécessaire d’appliquer les mécanismes de protection de groupe pour les Sri‑Lankais d’origine tamoule venant du nord du pays.

 

[12]           La SPR a considéré que ces lignes directrices du HCR signifiaient que la demande d’asile de l’intéressé devait être évaluée en fonction de ses faits propres.

 

[13]           Elle a signalé que les mesures de sécurité appliquées par le gouvernement du Sri Lanka visaient les jeunes Tamouls de sexe masculin du nord et de l’est du pays qui avaient des liens avec les TLET et, concluant que le demandeur n’avait pas de lien avec les TLET, elle a jugé que le gouvernement ne s’intéresserait pas à lui.

 

 

[14]           Elle a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur n’était pas exposé à des actes de persécution de la part du gouvernement du Sri Lanka, lequel ne cherchait pas à l’arrêter.

 

[15]           La SPR a considéré que le changement de situation dans le pays était un facteur déterminant justifiant le rejet de la demande d’asile.

 

Les dispositions législatives pertinentes

 

[16]           La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), prévoit notamment ce qui suit :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui,

craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette

crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa

résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans

le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires

de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that

fear, unwilling to avail themself of the protection

of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not

have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them Personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the

protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard

of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

Les questions en litige

 

[17]           Selon le demandeur, la présente espèce soulève les questions suivantes :

 

1.                  La SPR a-t-elle appliqué un mauvais critère?

 

2.                  La SPR a-t-elle commis une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de la définition de « réfugié au sens de la Convention » énoncée à l’article 96 de la LIPR?

 

3.                  La SPR a-t-elle mal apprécié la crédibilité du demandeur?

 

[18]           La question fondamentale, à mon avis, est celle de savoir si la SPR a commis une erreur en n’appliquant pas la bonne norme de preuve à l’analyse de la crainte fondée de persécution.

 

La norme de contrôle

 

[19]           Dans Mugadza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 122 (Mugadza), j’ai décrit ainsi la norme de contrôle applicable à cette question :

10.       Afin de prouver qu’il est un réfugié au sens de la Convention, un demandeur doit montrer qu’il craint avec raison d’être persécuté. La norme de preuve à laquelle un demandeur d’asile doit répondre pour établir un fondement objectif à l’égard de sa crainte d’être persécuté est une question de droit, car elle découle de l’interprétation donnée à de [sic] l’article 96 de la LIPR en regard des obligations en droit international du Canada relatives aux réfugiés (voir l’alinéa 3(2)b) de la LIPR). La norme de contrôle de cette question de droit est la décision correcte.

 

[Citations omises]

 

 

Analyse

 

[20]           Le demandeur soutient que la SPR n’a pas appliqué le bon critère pour déterminer si une personne a qualité de réfugié au sens de la Convention. Selon lui, elle devait se demander s’il existe une possibilité raisonnable ou sérieuse que le demandeur d’asile soit persécuté s’il retournait dans son pays - l’expression « possibilité sérieuse » étant la formule à privilégier – ce qui est une norme moins exigeante que la prépondérance des probabilités mais plus exigeante que celle de la simple possibilité.

 

[21]           Il affirme que la SPR a erronément fait passer la norme de preuve de la possibilité sérieuse à la prépondérance des probabilités, justifiant ainsi l’intervention de la Cour.

 

[22]           Le défendeur a décrit ainsi les critères à appliquer sous le régime des articles 96 et 97. Pour se faire reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention aux termes de l’article 96 de la LIPR, le demandeur d’asile doit établir qu’il existe davantage qu’une simple possibilité ou qu’une possibilité raisonnable ou sérieuse de persécution. L’article 96 exige une crainte fondée d’être persécuté pour l’un des cinq motifs qui y sont énumérés. Pour avoir qualité de personne à protéger aux termes de l’article 97, le demandeur d’asile doit démontrer selon la prépondérance des probabilités l’existence d’un risque de torture, d’une menace à sa vie ou d’un risque de traitements ou peines cruels et inusités.

 

[23]           Selon le défendeur, il ressort de l’examen des motifs dans leur ensemble que la SPR a compris le critère à appliquer.

 

[24]           J’estime que SPR n’a pas énoncé et appliqué clairement le critère juridique devant présider à l’examen de la demande d’asile fondée sur l’article 96 soumise par le demandeur. Dans Mugadza, j’ai indiqué aux paragraphes 20 à 22 :

[20]      Dans l’arrêt Adjei, précité, la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur le critère juridique ou la norme de preuve à laquelle doit satisfaire un demandeur d’asile qui invoque la crainte d’être persécuté. Le juge MacGuigan, s’interrogeant sur l’interprétation qu’il fallait donner à « réfugié au sens de la Convention » apparaissant à l’article 2(1)a) de l’ancienne Loi sur l’immigration, la disposition qui a précédé l’alinéa 96a) de la LIPR, a déclaré ce qui suit :

 

Cependant, la question soulevée auprès de cette Cour portait plutôt sur le bien‑fondé de la crainte subjective, l’élément dit objectif, qui veut que la crainte du réfugié soit appréciée objectivement pour déterminer si elle s’appuie sur des motifs valables.

 

Il n’est pas contesté que le critère objectif ne va pas jusqu’à exiger qu’il y ait probabilité de persécution. En d’autres termes, bien que le requérant soit tenu d’établir ses prétentions selon la prépondérance des probabilités, il n’a tout de même pas à prouver qu’il serait plus probable qu’il soit persécuté que le contraire. En effet, dans l’arrêt Arduengo c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration , (1981), 40 N.R. 436 (C.A.F.), à la page 437, le juge Heald, de la Section d’appel, a dit ce qui suit :

 

Par conséquent, j’estime que la Commission a commis une erreur en exigeant que le requérant et son épouse démontrent qu’ils seraient persécutés alors que la définition légale précitée exige seulement qu’ils établissent qu’ils « craignent avec raison d’être persécutés ». Le critère imposé par la Commission est plus rigoureux que celui qu’impose la loi.

[…]

 

Nous adopterions cette formulation, qui nous semble équivalente à celle utilisée par le juge Pratte, de la Section d’appel, dans Seifu c. Commission d’appel de l’immigration (A‑277‑82, en date du 12 janvier 1983) :

 

[…] que pour appuyer la conclusion qu’un requérant est un réfugié au sens de la Convention, il n’est pas nécessaire de prouver qu’il « avait été ou serait l’objet de mesures de persécution; ce que la preuve doit indiquer est que le requérant craint avec raison d’être persécuté pour l’une des raisons énoncées dans la Loi.

 

Les expressions telles que « [craint] avec raison » et « possibilité raisonnable » signifient d’une part qu’il n’y a pas à y avoir une possibilité supérieure à 50 % (c’est‑à‑dire une probabilité), et d’autre part, qu’il doit exister davantage qu’une possibilité minime. Nous croyons qu’on pourrait aussi parler de possibilité « raisonnable » ou même de « possibilité sérieuse », par opposition à une simple possibilité.

 

[21]      Les motifs de la Commission doivent être pris dans leur ensemble. Dans la décision I.F. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1472, au paragraphe 24, le juge Lemieux, se prononçant sur la question de savoir si la Commission avait commis une erreur dans son application du critère de l’article 96 en énonçant deux critères quelque peu différents, a conclu comme suit :

 

En l’espèce, compte tenu de la décision contestée dans son ensemble, je conclus que le tribunal s’est suffisamment exprimé et que le fardeau de la preuve imposé aux demandeurs n’était pas excessif. Le tribunal exprime l’essence de la norme de preuve appropriée, à savoir une combinaison de la norme civile pour évaluer la preuve à l’appui des faits avancés et le risque de persécution, qui n’exige pas la démonstration que la persécution est probable, mais seulement qu’il existe une probabilité raisonnable, ou davantage qu’une possibilité minime, que le demandeur sera persécuté.

 

[22]      La décision Alam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 4, au paragraphe 6, le juge O’Reilly a déclaré ce qui suit :

 

La norme de preuve n’est pas facile à énoncer. La Cour fédérale a reconnu que différentes expressions de cette norme sont acceptables, pour autant qu’il appert de l’ensemble des motifs de la Commission que le fardeau de la preuve imposé au demandeur n’est pas excessif.

 

[25]           Dans Leal Alvarez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 154, le juge Rennie a indiqué, au paragraphe 5 :

Quant à la seconde erreur, la demanderesse a déclaré avoir été enlevée et battue par les FARC. La SPR a insisté sur la « preuve absolue » de cette allégation. La SPR a également rejeté la prétention de Mme Alvarez parce qu’elle croyait, « selon la prépondérance des probabilités, qu’elle n’était pas une cible des FARC ». Aucune de ces conclusions ne repose sur la norme juridique applicable. Il n’incombait pas à la demanderesse principale de produire une preuve concluante ou une preuve selon la prépondérance des probabilités. Le critère consiste à déterminer s’il existe une possibilité sérieuse de persécution ou de préjudice. Comme l’a rappelé le juge O’Reilly dans Alam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 4, lorsque la Commission a rehaussé à tort la norme de preuve, ou que la Cour ne peut déterminer la norme de preuve qui a été effectivement appliquée, la tenue d’une nouvelle audience peut être ordonnée; voir également Yip c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 1285. Il s’agit donc là aussi d’une erreur susceptible de contrôle.

 

[Je souligne.]

 

 

[26]           Le demandeur allègue quatre cas d’application de la mauvaise norme de preuve dans l’analyse relative à l’article 96 :

bien que le gouvernement du Sri Lanka se méfie toujours des Tamouls du nord et de l’Est, il est susceptible de cibler ceux qui sont soupçonnés d’avoir des liens avec les TLET.

 

Après avoir examiné toute la preuve présentée, le tribunal n’est pas convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur d’asile serait pris par les autorités sri-lankaises pour un sympathisant des TLET ou une personne ayant des liens avec eux s’il devait retourner au Sri Lanka.

 

le tribunal conclut que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur d’asile ne serait pas pris par les autorités sri-lankaises pour un sympathisant des TLET ou une personne ayant des liens avec eux s’il devait retourner au Sri Lanka.

 

Comme le beau-frère du demandeur d’asile, qui est de la même origine ethnique, du même sexe et du même lieu de résidence, soit l’Est du Sri Lanka, n’a connu aucune difficulté depuis la fin de la guerre, le tribunal estime qu’il est peu probable que le demandeur d’asile, qui se trouve dans une situation semblable, éprouve des difficultés à son retour.

 

[Le demandeur souligne.]

 

[27]           Dans le premier exemple, la SPR ne fait que se reporter au rapport d’Amnistie internationale, elle ne tire pas de conclusion relative au demandeur.

 

[28]           Les trois autres exemples indiquent clairement que la SPR a indûment utilisé la norme de preuve de preuve plus exigeante. Elle a expressément conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les autorités du Sri Lanka ne considéreraient pas le demandeur comme une personne ayant des liens avec les TLET s’il retournait dans son pays et qu’il était peu probable qu’il y éprouve des difficultés.

 

[29]           Bien que la SPR doive examiner les faits invoqués pour fonder une crainte subjective fondée de persécution, elle ne peut se mettre à la place du demandeur et appliquer la norme civile de prépondérance des probabilités pour établir si la crainte subjective est fondée ou non. En le faisant, elle a imposé à tort une norme plus exigeante.

 

[30]           La conclusion qu’elle formule au paragraphe 43 de sa décision constitue un exemple supplémentaire d’application d’une mauvaise norme de preuve :

Pour ces motifs, le tribunal conclut que, selon la prépondérance des probabilités, le gouvernement du Sri Lanka ne souhaite pas arrêter le demandeur d’asile et ne le perçoit pas comme une personne ayant des liens avec les TLET, même s’il est un jeune Tamoul des régions du nord et de l’est du Sri Lanka.

 

[Je souligne.]

 

[31]           La SPR mentionne cependant le bon critère dans deux paragraphes de sa décision :

... le tribunal conclut qu’il n’y a pas de possibilité sérieuse que le demandeur d’asile soit persécuté à son retour au Sri Lanka et que sa crainte n’est pas fondée.

 

[Dossier certifié du tribunal – décision de la SPR, para 63]

 

Comme le demandeur d’asile n’a présenté aucun autre élément de preuve, et que la documentation n’appuie pas une conclusion selon laquelle il y aurait une possibilité sérieuse qu’il soit persécuté s’il retournait au Sri Lanka ou qu’il serait persécuté ou personnellement exposé à une menace à sa vie, au risque de traitements ou peines cruels et inusités, ou au risque d’être soumis à la torture par les autorités du Sri Lanka, la demande d’asile doit être rejetée. [Dossier certifié du tribunal – décision de la SPR, para 68]

 

[32]           J’estime toutefois que ces passages ne peuvent sauver la décision, la SPR ayant, au mieux, appliqué des normes de preuve disparates dans son analyse relative à l’article 96.

 

Conclusion

 

[33]           Après examen de l’ensemble de la décision, je dois conclure que la SPR a examiné en fonction d’une norme erronée la qualité de réfugié au sens de la Convention du demandeur sous le régime de l’article 96. La formulation et l’application d’un critère juridique erroné constituent une erreur de droit.

 

[34]           Ce motif justifiant à lui seul d’accueillir la demande de contrôle judiciaire, il n’est pas nécessaire que j’examine les autres points soulevés par le demandeur.

 

[35]           Ni le demandeur ni le défendeur n’ont proposé de question de portée générale pour certification.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la SPR est annulée et l’affaire est renvoyée pour nouvel examen par un tribunal différemment constitué.

 

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-421-12

 

 

INTITULÉ :                                      PRATHEEPAN PARAMSOTHY c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 24 juillet 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE MANDAMIN

 

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 16 août 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

John Grice

 

POUR LE DEMANDEUR

Julie Waldman

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Davis et Grice

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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